Principaux messages
- En raison d'un manque d'études, nous sommes très incertains des risques et bénéfices des antiseptiques topiques dans le traitement de l'otite moyenne chronique suppurée (infection de l'oreille moyenne à long terme).
- Nous avons besoin de plus d'informations sur les éventuels risques des antiseptiques topiques, car ceux-ci n'ont pas été bien signalés dans les études.
Quel était l’objet de la revue ?
L'otite moyenne chronique suppurée (OMCS) est une affection inflammatoire et infectieuse de longue durée (chronique) de l'oreille moyenne, avec écoulement de l'oreille (otorrhée) à travers une membrane tympanique perforée. Les principaux symptômes sont les écoulements de l'oreille et la perte auditive.
Les antiseptiques topiques (antiseptiques insérés directement dans l'oreille sous forme de gouttes ou de poudre) sont parfois utilisés pour traiter les OMCS. Les antiseptiques topiques tuent ou arrêtent la croissance des micro-organismes qui pourraient être responsables de l'infection. Les antiseptiques topiques peuvent être utilisés seuls ou ajoutés à d'autres traitements pour l’OMCS, tels que les antibiotiques ou le nettoyage des oreilles (lavage du canal auditif). L'application d'antiseptiques topiques peut provoquer une irritation de la peau de l'oreille externe, ce qui peut entraîner une gêne, une douleur ou des démangeaisons. Certains antiseptiques (comme l'alcool) peuvent être toxiques pour l'oreille interne (ototoxicité), ce qui signifie qu'ils peuvent provoquer une perte irrémédiable de l'audition (neurosensorielle), des vertiges ou des bourdonnements d'oreille (acouphènes).
Quel est l’objectif de cette revue ?
L'objectif de cette revue Cochrane était de déterminer les risques et les bénéfices des antiseptiques topiques par rapport à un placebo (médicament factice) ou à l'absence de traitement pour l’OMCS. Nous voulions également savoir si un antiseptique topique était plus efficace qu'un autre. Nous avons recueilli et analysé toutes les études pertinentes pour répondre à cette question. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue publiée pour la dernière fois en 2020, à laquelle une nouvelle étude a été ajoutée.
Quels sont les principaux résultats de cette revue ?
Au total, six études ont été incluses dans la revue. Le nombre total de personnes ayant participé aux études n'était pas clair, car deux études n'indiquaient que le nombre d'oreilles traitées. Cependant, 435 participants plus 222 oreilles (entre 111 et 222 participants) qui n'ont pas pu être comptabilisés dans le nombre de participants. Quatre études ont comparé les antiseptiques topiques à l'absence de traitement ou à un placebo, et deux études ont comparé deux antiseptiques topiques différents. Différents types d'antiseptiques étaient utilisés, certains sous forme de gouttes auriculaires, d'autres sous forme de poudres. Aucune étude n'a mesuré la qualité de vie liée à la santé ou la douleur d'oreille.
Antiseptique topique contre placebo ou absence de traitement (avec un nettoyage des oreilles)
Trois études (297 participants et 174 oreilles) ont comparé les antiseptiques topiques à un placebo ou à l'absence de traitement.
Sur la base des données probantes d'une étude (nombre imprécis de participants, 174 oreilles), nous ne savons pas si une application unique d'antiseptique (povidone iodée plus hydroxypropylméthylcellulose) résout l'écoulement de l'oreille au bout d'une à deux semaines par rapport à l'absence de traitement.
Une autre étude (180 enfants) a comparé les antiseptiques topiques (acide borique dans des gouttes auriculaires à base d'alcool) à l'absence d'antiseptique topique. Tous les enfants ont également eu leurs oreilles nettoyées quotidiennement à l'aide de bâtonnets de coton (nettoyage à sec). On ne sait pas si les antiseptiques (acide borique) ont entraîné une hausse de la résolution de l'écoulement de l'oreille à quatre semaines ou à trois ou quatre mois par rapport à l'absence d'antiseptiques. La même étude (254 participants) n'a pas non plus rapporté de différence claire entre les groupes en matière d'accuité auditive ou d'ototoxicité présumée (problèmes d'audition ou d'équilibre apparaissant à la suite de la prise d'un médicament), mais les données probantes sont très incertaines.
Une troisième étude (43 enfants ; 58 oreilles) n'a pas trouvé de données probantes sur l'effet des antiseptiques sur les complications graves, mais on ne sait pas si cet effet a été évalué avant, pendant ou après le traitement.
Antiseptique topique (povidone iodée) par rapport à l'absence de traitement/placebo, lorsque les deux groupes de l'étude reçu des antibiotiques systémiques.
Une étude (32 participants) a comparé un antiseptique (povidone iodée) à un placebo (solution saline). Tous les participants ont également reçu des antibiotiques oraux (amoxicilline) et un nettoyage des oreilles. Cette étude a montré que l'administration de povidone iodée topique, en complément d'antibiotiques et d'un nettoyage des oreilles, peut augmenter le nombre de personnes dont l'écoulement auriculaire a disparu au bout d'une à deux semaines, par rapport à l'administration d'un placebo, d'antibiotiques et d'un nettoyage des oreilles. Nous ne savons pas si la povidone iodée augmente l'ototoxicité présumée. Dans leur rapport, les auteurs de l'étude précisent qu'il n'y a pas eu d'ototoxicité chez les participants du groupe ayant reçu l'antiseptique topique, mais que cela n'était pas clair pour le groupe ayant reçu le placebo. Il n'y avait pas d'information sur la résolution de l'écoulement de l'oreille après quatre semaines, sur les troubles de l'audition ou sur les complications graves.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Il existe peu d'informations sur certaines populations ou sur certains traitements. De plus, les données probantes de cette revue proviennent d'études qui ne sont pas récentes.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'en juin 2022.
Lire le résumé complet
L'otite moyenne chronique suppurée (OMCS) est une affection chronique de l'oreille moyenne et de la cavité mastoïdienne d'origine inflammatoire et infectieuse, souvent polymicrobienne, caractérisée par un écoulement de sécrétions par l'oreille (otorrhée) à travers une membrane tympanique perforée. Les symptômes prédominants des OMCS sont les écoulements de l'oreille et la perte auditive.
Un des traitements possibles pour l’OMCS sont les antiseptiques topiques qui inhibent les micro-organismes qui peuvent être responsables de l'infection. Les antiseptiques peuvent être utilisés seuls ou en complément d'autres traitements pour l’OMCS, comme les antibiotiques ou le nettoyage des oreilles (lavage du conduit auditif). Cependant, les effets des antiseptiques topiques sur l’OMCS ne sont toujours pas clairs.
Il s'agit d'une mise à jour d'une revue publiée pour la dernière fois en 2020, à laquelle une nouvelle étude a été ajoutée. Elle fait partie d'une série de sept revues Cochrane évaluant les effets des interventions non chirurgicales pour l’OMCS.
Objectifs
Évaluer les effets des antiseptiques topiques pour les personnes souffrant d’OMCS.
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons effectué des recherches dans le registre du groupe Cochrane ENT (Otorhinolaryngologie), CENTRAL, Ovid MEDLINE, Ovid Embase et cinq autres bases de données. Nous avons également cherché sur ClinicalTrials.gov et sur la Plateforme internationale de registres d'essais cliniques (ICTRP) de l'OMS. La date de la dernière recherche fut le 15 juin 2022.
Critères de sélection
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) avec un suivi d'au moins une semaine impliquant des adultes et des enfants souffrant d'un écoulement chronique de l'oreille (pendant plus de deux semaines) de cause inconnue ou causée par l'OMCS.
Les interventions consistaient en l'application d'un seul ou d'une combinaison d'agents antiseptiques topiques de toute classe, directement dans le conduit auditif sous forme de gouttes, de poudres ou d'irrigations, ou dans le cadre d'une procédure de lavage du canal auditif.
Les deux comparaisons principales portaient sur 1. des antiseptiques topiques comparés à un placebo ou à l'absence d'intervention, et 2. des antiseptiques topiques comparés à un autre antiseptique topique (par exemple, l'antiseptique topique A par rapport à l'antiseptique topique B).
Pour chaque comparaison, nous avons séparé les études en 1. celles dans lesquelles les deux groupes de participants avaient reçu un lavage du canal auditif en plus des antiseptiques topiques, et celles dont aucun groupe n'avait reçu de lavage, et 2. les études dans lesquelles les deux groupes avaient reçu un autre traitement concomitant (tel que des antibiotiques) et celles dans lesquelles aucun traitement concomitant n'avait été administré.
Recueil et analyse des données
Nous avons utilisé les méthodologies standards de Cochrane. Nos critères de jugement principaux étaient la disparition de l'écoulement de l'oreille (confirmée ou non par otoscopie), mesurée entre une semaine et deux semaines, entre deux semaines et quatre semaines, et après quatre semaines ; la qualité de vie liée à la santé, mesurée à l'aide d'un instrument validé ; la douleur d'oreille (otalgie), la gêne ou l'irritation locale. Les critères de jugement secondaires étaient l'acuité auditive, les complications graves et l'ototoxicité. Nous avons utilisé le cadre de référence GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.
Résultats principaux
Nous avons trouvé une nouvelle étude (32 participants) dans cette mise à jour, pour un total de six études incluses avec 435 participants (sur un total de quatre études), plus 222 oreilles qui n'ont pas pu être comptabilisées dans le nombre de participants (dans deux études). Quatre études ont comparé les antiseptiques topiques à un placebo ou à l'absence de traitement, et deux études ont comparé deux antiseptiques topiques différents (acide borique par rapport à l'acide acétique, et acide borique par rapport au peroxyde d'hydrogène). Les deux comparaisons principales qui nous intéressent sont présentées ci-dessous ; les autres comparaisons sont décrites dans la section « Résultats » de la revue. Aucune étude n'a mesuré la qualité de vie liée à la santé ou la douleur d'oreille.
1. Antiseptique topique par rapport à un placebo ou à l'absence de traitement
Trois études (297 participants et 174 oreilles) ont comparé les antiseptiques topiques à l'absence de traitement.
Les données probantes d'une étude (nombre imprécis de participants, 174 oreilles) sont très incertaines quant à l'effet d'une application unique de povidone iodée dans de l'hydroxypropylméthylcellulose (HPMC) sur la résolution de l'écoulement de l'oreille après une semaine par rapport à l'HPMC seul ; toutefois, ces résultats n'ont été fournis que par oreille (plutôt que par participant) et n'ont donc pas pu être utilisés quantitativement (données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Une étude (254 enfants ; ECR par grappes) a montré que l'acide borique dans des gouttes auriculaires à base d'alcool, associé à un nettoyage à sec, peut aider à la résolution de l'écoulement de l'oreille après quatre semaines par rapport à un nettoyage à sec seul, mais les preuves sont très incertaines (rapport du risque (RR) 1,73, intervalle de confiance (IC) à 95 % 1,21 à 2,47 ; 180 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Nous avons ajusté les données pour tenir compte de la corrélation intra-classe. Cette étude ne décrit narrativement aucune différence claire dans l'ototoxicité présumée ou l'acuité auditive entre les bras de l'étude, mais les données probantes sont très incertaines (données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Les données probantes d'une étude (43 enfants ; 58 oreilles) sont très incertaines quant à l'effet des antiseptiques sur les complications graves. L'étude a fait état d'un cas de mastoïdite et d'un cas de méningite avec encéphalite focale ; toutefois, il n'est pas précisé si ces cas ont été détectés avant la randomisation ou pendant/après le traitement.
2. Antiseptiques topiques par rapport à l'absence de traitement/placebo, lorsque les deux groupes de l'étude ont reçu des antibiotiques systémiques
Une étude (32 participants) a comparé la povidone iodée topique à un placebo (solution saline) en association avec l'amoxicilline orale et le nettoyage à sec. La povidone iodée topique, l'amoxicilline orale et le nettoyage à sec peuvent améliorer la résolution de l'écoulement de l'oreille après une à deux semaines (RR 3,25, IC à 95 % 1,35 à 7,84 ; 32 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). L'étude a rapporté narrativement l'absence d'ototoxicité dans le bras antiseptique topique ; cependant, cela n'était pas clair pour le groupe placebo, de sorte que nous ne savons pas si la povidone iodée augmente l'ototoxicité présumée (données probantes d’un niveau de confiance faible). L'étude n'a pas évalué la résolution de l'écoulement de l'oreille après quatre semaines, les troubles de l'audition ou les complications graves.
Conclusions des auteurs
Nous sommes très incertains quant à l'effet des antiseptiques topiques sur la résolution de l'écoulement de l'oreille chez les personnes atteintes de l’otite moyenne chronique suppurée, étant donné le niveau de confiance très faible des données probantes, qui était principalement dû au risque de biais et à l'imprécision des études. Toutefois, certaines données probantes suggèrent que l'acide borique dans des gouttes auriculaires à base d'alcool, associé à un nettoyage à sec, peut aider à la résolution des écoulements auriculaires par rapport à un nettoyage à sec seul, et que la povidone iodée topique peut être plus efficace qu'un placebo (lorsque les deux groupes ont utilisé des antibiotiques bêtalactamines par voie systémique et un nettoyage à sec). Les données probantes sont insuffisantes pour tirer des conclusions sur les risques. Les limites notables de cette revue systématique sont le manque de données récentes et les informations limitées sur certaines populations ou certaines interventions.
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Tiago Siquiera (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr