Principaux messages
- Les antibiotiques du type quinolones topiques (administrés directement dans l'oreille) peuvent être légèrement plus efficaces que les antibiotiques systémiques (administrés à l'ensemble du corps) pour résoudre les problèmes d'écoulement de l'oreille.
- Nous ne savons pas si les antibiotiques topiques ou systémiques sont plus efficaces pour améliorer les troubles de l'audition.
Qu'est-ce que l'otite moyenne chronique suppurée ?
L'otite moyenne chronique suppurée, également appelée otite moyenne chronique, est une affection inflammatoire et infectieuse de l'oreille moyenne qui dure deux semaines ou plus. Les personnes atteintes d'otite moyenne chronique suppurée présentent généralement un écoulement récurrent ou persistant (liquide s'écoulant d'un trou ou d'une déchirure du tympan) et une perte auditive.
Les antibiotiques (médicaments qui combattent les infections bactériennes) constituent le traitement le plus courant de l'otite moyenne chronique suppurée. Les antibiotiques peuvent :
- être appliqués sur une partie du corps (localement) sous forme de gouttes, de sprays, de pommades ou de crèmes (antibiotiques topiques) ; ou
- traitent l'ensemble du corps (antibiotiques systémiques) lorsqu'ils sont injectés ou pris par voie orale (par la bouche).
Quel était l’objectif de cette revue ?
Nous avons cherché à déterminer l'efficacité des formes topiques et systémiques d'un même antibiotique, ou d'un antibiotique topique par rapport à un antibiotique systémique différent, chez les personnes souffrant d'otite moyenne chronique suppurée, et à savoir si elles entraînent des effets indésirables. En particulier, nous voulions savoir si les antibiotiques topiques ou systémiques permettaient d'arrêter l'écoulement de l'oreille et s'ils avaient une incidence sur la qualité de vie liée à la santé (une mesure de la satisfaction d'une personne à l'égard de sa vie liée à sa santé), ou sur l'audition. Nous voulions également savoir s'ils provoquaient une douleur, un gêne ou une irritation de l'oreille, des effets indésirables tels que des vertiges, des saignements de l'oreille, ou toute autre complication grave. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué le niveau de confiance des données probantes sur la base de facteurs tels que les méthodes et la taille des études.
Quels sont les principaux résultats de cette revue ?
Il s'agit de la première mise à jour d'une revue publiée en 2021. La mise à jour n'a pas trouvé de nouvelles études. Dans l'ensemble, nous avons trouvé six études portant sur 445 personnes.
Quinolone en gouttes pour l'oreille par rapport aux comprimés de quinolone par voie orale
Quatre études (325 personnes) ont évalué cette comparaison. Par rapport à la quinolone orale, les gouttes auriculaires peuvent augmenter légèrement les chances de résolution de l'écoulement auriculaire après une à deux semaines (2 études, 210 personnes). Trois études (265 personnes) ont indiqué qu'elles ne soupçonnaient pas d'ototoxicité (lorsqu'une personne développe des problèmes d'audition ou d'équilibre à cause d'un médicament) chez qui que ce soit, mais la façon dont ce phénomène a été mesuré n'était pas claire, de sorte que les données probantes sont très incertaines. Aucune étude n'a fait état de douleurs d'oreille, de complications graves ou a évalué la qualité de vie liée à la santé. Les études n’ont pas rapporté les résultats pour les troubles de l'audition, bien que ceux-ci ont étés mesurés dans trois études.
Quinolones en gouttes auriculaires par rapport aux aminoglycosides injectés
Une étude (60 personnes) a évalué cette comparaison. La résolution des décharges de l'oreille n'ont pas étés mesurées à une ou deux semaines. L'étude ne fait état d'aucun « effet secondaire », ce qui, nous le supposons, signifie qu'il n'y a pas eu de douleur à l'oreille, d'ototoxicité ou de complications graves, mais les données probantes sont très incertaines. Les données probantes étaient très incertaines pour les troubles de l'audition.
Nous ne savons pas si les gouttes auriculaires à base de quinolones sont meilleures ou moins bonnes que les aminoglycosides injectés pour traiter l'otite moyenne chronique suppurée. Une seule étude s'est penchée sur cette question et n'a pas fourni de données probantes suffisantes.
Quinolones en gouttes auriculaires par rapport à la pénicilline orale avec acide clavulanique (un inhibiteur de la bêta-lactamase)
Nous ne savons pas si les gouttes auriculaires d'ofloxacine sont meilleures ou moins bonnes que l'amoxicilline-acide clavulanique par voie orale pour le traitement de l'otite moyenne chronique suppurée. Une seule étude s'est penchée sur cette question et n'a pas fourni de données probantes suffisantes. Les études n’ont pas fourni d'informations sur les effets des différents traitements sur l'écoulement de l'oreille après quatre semaines ou sur la qualité de vie liée à la santé.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Nous avons besoin de plus d'informations sur les différents types d'antibiotiques topiques. Nous avons besoin de plus de données probantes provenant d'études bien planifiées pour pouvoir comparer les effets des antibiotiques topiques et systémiques sur des aspects tels que la qualité de vie liée à la santé ou les douleurs auriculaires. Nous avons également besoin de plus d'informations sur les risques. Les données récentes sont insuffisantes et les informations sur les groupes de personnes plus susceptibles de souffrir d'une otite moyenne chronique suppurée ou d'avoir recours à différents antibiotiques sont limitées.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'en juin 2022.
Lire le résumé complet
L'otite moyenne chronique suppurée (OMCS) est une affection chronique de l'oreille moyenne et de la cavité mastoïdienne d'origine inflammatoire et infectieuse, souvent polymicrobienne, caractérisée par un écoulement de sécrétions par l'oreille (otorrhée) à travers une membrane tympanique perforée. Les symptômes prédominants des OMCS sont les écoulements de l'oreille et la perte d'audition.
Les antibiotiques constituent le traitement le plus courant des OMCS et visent à tuer ou à inhiber la croissance des micro-organismes susceptibles d'être à l'origine de l'infection. Les antibiotiques peuvent être administrés par voie topique ou systémique, et peuvent être utilisés seuls ou en complément d'autres traitements de l'OMCS, tels que le nettoyage des oreilles (toilette auditive).
Il s'agit de la première mise à jour d'une revue publiée en 2021. La mise à jour n'a pas trouvé de nouvelles études. Elle fait partie d'une série de sept revues conçues par Cochrane, et évaluant les effets des interventions non chirurgicales pour l’OMCS.
Objectifs
Évaluer les risques et bénéfices des antibiotiques topiques par rapport aux antibiotiques systémiques pour les personnes souffrant d’OMCS.
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons effectué des recherches dans le registre du groupe Cochrane ENT (Otorhinolaryngologie), CENTRAL, Ovid MEDLINE, Ovid Embase et sur cinq autres bases de données. Nous avons également effectué des recherches sur ClinicalTrials.gov et sur la plateforme d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'Organisation Mondiale de la Santé. La dernière date de recherche était le 15 juin 2022.
Critères de sélection
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) avec un suivi d'au moins une semaine impliquant des adultes et des enfants souffrant d'un écoulement chronique de l'oreille (pendant plus de deux semaines) de cause inconnue ou causée par une OMCS.
Les études ont comparé les antibiotiques topiques aux antibiotiques systémiques (par voie orale ou par injection). Les deux comparaisons principales portaient sur le même type d'antibiotique dans les deux groupes de traitement et sur différents types d'antibiotiques dans chaque groupe témoin. Pour chaque comparaison, nous avons séparé les études en 1. celles dans lesquelles les deux groupes de participants avaient reçu un lavage du conduit auditif en plus des antibiotiques, et celles dont aucun groupe n'avait pas reçu de lavage, et 2. études dans lesquelles les deux groupes avaient reçu un autre traitement concomitant (tel que des antiseptiques topiques) et celles dans lesquelles aucun traitement concomitant n'avait été administré.
Recueil et analyse des données
Nous avons utilisé les méthodologies standards de Cochrane.
Nos critères de jugement principaux étaient les suivants : disparition de l'écoulement de l'oreille (confirmée ou non par otoscopie, mesurée entre une semaine et deux semaines, entre deux semaines et quatre semaines, et après quatre semaines), une mesure de qualité de vie liée à la santé obtenue à l'aide d'un instrument validé, et douleur d'oreille (otalgie), gêne ou irritation locale. Les critères de jugement secondaires étaient acuité auditive, les complications graves et l'ototoxicité. Nous avons utilisé le cadre de référence GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.
Résultats principaux
Cette mise à jour n'a pas permis de trouver de nouvelles études. Nous avons inclus six études (445 participants), qui présentaient toutes un risque de biais élevé. Trois études ont inclus des participants avec une OMCS confirmée, où la perforation du tympan était clairement documentée. Les études n’ont pas rapporté des résultats concernant la résolution des écoulements de l'oreille après quatre semaines ou la qualité de vie liée à la santé.
1. Antibiotiques de type quinolone par voie topique par rapport à la quinolone systémique
Quatre études (325 participants) ont comparé l'administration topique et systémique (orale) de la ciprofloxacine. L'administration topique peut légèrement augmenter la résolution de l'écoulement de l'oreille entre une et moins de deux semaines (rapport du risque (RR) 1,50, intervalle de confiance (IC) à 95 % 1,22 à 1,84 ; 2 études, 210 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Ces études ne mentionnaient pas le lavage du conduit auditif ou le limitaient seulement à la première visite. Trois études (265 participants) ont indiqué qu'elles ne suspectaient pas d'ototoxicité chez les participants, mais on ne sait pas comment cela a été mesuré (données probantes d’un niveau de confiance très faible). Aucune étude n'a rapporté les critères de jugement concernant la résolution après quatre semaines, ni sur la qualité de vie liée à la santé, la douleur à l'oreille ou les complications graves. Les études n’ont pas rapporté les résultats pour les troubles de l'audition, bien que ceux-ci ont étés mesurés dans trois études.
2. Antibiotiques du type quinolone par voie topique comparées aux aminoglycosides systémiques
Une étude (60 participants) a comparé la ciprofloxacine topique à la gentamicine injectée par voie intramusculaire. Les lavages du conduit auditif n'ont pas été rapportés. La résolution des décharges de l'oreille n'ont pas étés mesurées à une ou deux semaines. L'étude ne faisait état d'aucun « effet secondaire », ce qui nous a permis de supposer qu'il n'y avait pas eu de douleur à l'oreille, d'ototoxicité présumée ou de complications graves (données probantes d’un niveau de confiance très faible). L'étude précise qu' « aucune aggravation de la fonction audiométrique liée au traitement local ou parentéral (injecté) n'a été observée ».
3 . Antibiotique de type quinolone topique par rapport à une pénicilline plus un inhibiteur de bêta-lactamase systémique
Une étude (60 participants) a comparé l'ofloxacine topique à l'amoxicilline-acide clavulanique par voie orale, tous les participants ayant bénéficié d'un nettoyage du canal auditif par aspiration lors de la première visite. L'amoxicilline-acide clavulanique par voie orale peut augmenter la résolution de l'écoulement de l'oreille affectée d'une à moins de deux semaines par rapport à l'ofloxacine topique, mais les données probantes sont très incertaines. Les données probantes sont également très incertaines en ce qui concerne les effets de l'ofloxacine topique par rapport à l'amoxicilline-acide clavulanique par voie orale sur la douleur à l'oreille, les troubles de l'audition ou l'ototoxicité présumée (données probantes d’un niveau de confiance très faible). Aucune étude n'a rapporté les critères de jugement concernant la résolution après quatre semaines, la qualité de vie liée à la santé et les complications graves.
Conclusions des auteurs
Il existe un nombre limité de données probantes de faible ou de très faible qualité, issues d'études réalisées il y a plus de 15 ans, pour déterminer si les antibiotiques topiques ou systémiques sont plus efficaces pour obtenir la résolution de l'écoulement de l'oreille chez les personnes souffrant d’otite moyenne chronique suppurée. Cela est principalement dû au risque de biais élevé dans les études et à leurs imprécisions. Toutefois, malgré cette incertitude, certaines données probantes suggèrent que l'administration topique d'antibiotiques de la famille des quinolones pourrait être légèrement plus efficace que l'administration systémique d'antibiotiques pour obtenir une résolution de l'écoulement de l'oreille. Les données probantes concernant les différents types d'antibiotiques topiques sont limitées. Il n'est pas possible de déterminer avec certitude si les quinolones topiques sont meilleures ou moins bonnes que les aminoglycosides systémiques. Ces deux groupes de composés ont des profils d'effets indésirables différents, mais les études incluses dans cette revue ne fournissent pas suffisamment de données probantes pour faire des commentaires à leur sujet. De manière générale, les risques ont été peu rapportés. Les limites notables de cette revue sont le manque de données récentes et les informations limitées sur certaines populations ou certaines interventions.
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Tiago Siquiera (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr