Principaux messages
- Nous ne savons pas si les antibiotiques topiques réduisent l'écoulement auriculaire chez des personnes souffrant d’inflammation et d'infection de l'oreille moyenne (appelés otite moyenne chronique suppurée).
- Les antibiotiques topiques pourraient réduire l'écoulement auriculaire par rapport au placebo (une solution saline), mais nous sommes très incertains. Les antibiotiques topiques utilisés en complément d'un antibiotique administré par voie orale peuvent réduire l'écoulement auriculaire.
- Dans l'ensemble, nous ne savons pas exactement quel type d'antibiotique topique est le plus efficace.
Qu'est-ce que l'otite moyenne chronique suppurée ?
L'otite moyenne chronique suppurée, également appelée otite moyenne chronique, est une inflammation et une infection de l'oreille moyenne qui dure deux semaines ou plus. Les personnes atteintes d'une otite moyenne chronique suppurée présentent généralement un écoulement auriculaire difficile à éliminer ou qui revient sans cesse (pus qui s'écoule par un trou dans le tympan) et une perte d'audition.
Comment traiter l'otite moyenne chronique suppurée ?
Les antibiotiques topiques (administrés dans le conduit auditif sous forme de gouttes, de pommades, de sprays ou de crèmes) constituent le traitement le plus courant de l'otite moyenne chronique suppurée. Les antibiotiques topiques tuent les bactéries (germes) qui peuvent être responsables de l'infection, ou arrêtent leur croissance. Les antibiotiques topiques peuvent être utilisés seuls ou être ajoutés à d'autres traitements de l'otite moyenne chronique suppurée, tels que les antiseptiques (qui tuent également les germes), le lavage des oreilles (toilette auditive) ou les antibiotiques systémiques (antibiotiques pris soit par la bouche, soit par injection dans un muscle ou une veine).
Quel était l’objectif de cette revue ?
Nous avons voulu savoir dans quelle mesure les antibiotiques topiques sont efficaces chez les personnes souffrant d'otite moyenne suppurée chronique, et s'ils provoquent des effets indésirables. Nous avons également cherché à déterminer si certains types d’antibiotiques topiques étaient plus efficaces ou plus délétères que d’autres. Nous voulions notamment savoir si les antibiotiques topiques permettaient d'éviter les écoulements auriculaires et s'ils avaient une incidence sur la qualité de vie ou l'audition de la patientèle. Nous voulions également savoir si ces traitements provoquaient une douleur, une gêne ou une irritation de l’oreille, s’ils entraînaient des effets indésirables tels que des vertiges ou des saignements auriculaires, ou encore s’ils étaient associés à des complications graves. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué le niveau de confiance des données probantes sur la base de facteurs tels que les méthodes et la taille des études.
Quels ont été les principaux résultats de la revue ?
Nous avons trouvé une nouvelle étude (100 participants). Dans l'ensemble, nous avons trouvé 18 études portant sur au moins 1 783 personnes, mais il a été difficile de déterminer avec précision le nombre de personnes incluses, car certaines études n'indiquaient pas clairement ce nombre. Deux études incluaient « principalement des enfants », trois n'incluaient que des adultes, tandis que les autres semblaient inclure à la fois des enfants et des adultes. Aucune des études n’a rapporté l'inclusion de personnes considérées comme présentant un risque élevé de souffrir d'une otite moyenne chronique suppurée (par exemple, les personnes souffrant d'une fente palatine (lorsque la voûte du palais d'un bébé ne se joint pas pendant la grossesse) ou ayant le syndrome de Down ; ou les personnes dont le système immunitaire ne fonctionne pas suffisamment bien pour lutter contre les germes). Les études ont utilisé différents types d'antibiotiques et des combinaisons d'antibiotiques.
Comparaison entre les antibiotiques topiques et le placebo ou l'absence de traitement
Une étude (50 personnes) a comparé les antibiotiques topiques à un lavage auriculaire à la solution saline (eau salée). Les antibiotiques topiques peuvent réduire l'écoulement auriculaire davantage que le lavage auriculaire à la solution saline lors d’une évaluation une à deux semaines après le traitement, mais nous sommes très incertains. Les données probantes sont d’un niveau de confiance très faible en ce qui concerne les effets indésirables et la dégradation des mesures d'audition. L'étude n'a pas mesuré la qualité de vie et n'a rapporté aucune complication grave.
Comparaison des antibiotiques topiques en plus des antibiotiques systémiques (oraux ou injectés)
Quatre études (438 personnes) ont comparé le traitement avec des gouttes d'antibiotiques topiques (ciprofloxacine) en plus d'un antibiotique systémique (oral ou injecté), mais une étude n'a pas fourni de données. Les antibiotiques topiques associés à des antibiotiques oraux peuvent réduire davantage l'écoulement auriculaire par rapport aux antibiotiques oraux seuls après une à deux semaines et deux à quatre semaines. Une étude a indiqué qu'il n'y avait pas d'effets indésirables. Les études n'ont pas mesuré la qualité de vie et n'ont pas fait état de complications graves.
Comparaisons de différents antibiotiques topiques
Huit études (794 participants plus 40 oreilles) ont comparé un antibiotique de type aminoglycoside (gentamicine, néomycine ou tobramycine) à un antibiotique de type quinolone (ciprofloxacine ou ofloxacine). Les quinolones peuvent mieux réduire l'écoulement de l'oreille que les aminoglycosides, mais les données probantes sont d’un niveau de confiance très faible. Une étude (100 personnes) a mesuré la douleur auriculaire et n'a signalé aucune différence entre les groupes, mais les données probantes sont d’un niveau de confiance très faible. Deux études ont mesuré la perte d'audition, mais les données probantes sont d’un niveau de confiance très faible.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Les études présentent plusieurs limites. Par exemple, les résultats variaient considérablement d'une étude à l'autre, le nombre de personnes incluses était faible, les données récentes manquaient et les informations sur les groupes de personnes les plus susceptibles de souffrir d'otite moyenne chronique suppurée étaient limitées.
Cette revue est-elle à jour ?
Il s'agit de la première mise à jour d'une revue publiée en 2020. Les données probantes sont à jour jusqu'en juin 2022.
Lire le résumé complet
L'otite moyenne chronique suppurée (OMCS), parfois appelée otite moyenne chronique, est une inflammation chronique et souvent une infection polymicrobienne (impliquant plus d'un micro-organisme) de l'oreille moyenne et de la cavité mastoïdienne, caractérisée par un écoulement auriculaire (otorrhée) à travers une membrane tympanique perforée. Les symptômes prédominants sont des écoulements auriculaire et la perte d'audition. Les antibiotiques topiques, qui constituent le traitement le plus courant pour l’OMCS, visent à éviter ou à inhiber la croissance des micro-organismes susceptibles d'être à l’origine de l'infection. Les antibiotiques peuvent être utilisés seuls ou en association avec d'autres traitements pour l’OMCS, tels que les antiseptiques ou le lavage auriculaire (toilette auditive). Il s'agit d'une mise à jour d'une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2020, qui partait d'une série de sept revues évaluant les effets des interventions non chirurgicales pour l’OMCS
Objectifs
Evaluer les bénéfices et les risques des antibiotiques topiques (sans stéroïdes) pour les personnes souffrant d'otite moyenne chronique suppurée (OMCS).
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons effectué des recherches dans le registre du groupe Cochrane ENT (Otorhinolaryngologie), CENTRAL, Ovid MEDLINE, Ovid Embase et cinq autres bases de données. Nous avons effectué des recherches sur ClinicalTrials.gov et sur la Plateforme internationale de registres d'essais cliniques (ICTRP) de l'OMS.
La dernière date de recherche était le 15 juin 2022.
Critères de sélection
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés avec un suivi d'au moins une semaine impliquant des adultes et des enfants souffrant d'un écoulement chronique de l'oreille de cause inconnue ou lié à une OMCS, avec un écoulement de l'oreille qui a continué pendant plus de deux semaines.
Les interventions étaient des antibiotiques topiques simples ou combinés, de n’importe quelle classe, appliqués directement dans le conduit auditif sous forme de gouttes, de poudres ou d'irrigations, ou dans le cadre d'une procédure de toilette auditive.
Les deux comparaisons principales comparaient l'antibiotique topique à un placebo ou à l'absence d'intervention, et l'antibiotique topique à un autre antibiotique topique (par exemple, l'antibiotique topique A par rapport à l'antibiotique topique B).
Recueil et analyse des données
Nous avons utilisé la méthodologie standard de Cochrane.
Nos critères de jugement principaux étaient les suivants : disparition de l'écoulement auriculaire ou « oreille sèche » (confirmée ou non par otoscopie), mesurée entre une semaine et deux semaines, entre deux semaines et quatre semaines, et après quatre semaines ; la qualité de vie liée à la santé, évaluée à l’aide d’un instrument validé ; ainsi que la douleur auriculaire (otalgie), l’inconfort ou l’irritation locale. Les critères de jugement secondaires étaient l'audition, les complications graves et l'ototoxicité. Nous avons utilisé le cadre de référence GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.
Résultats principaux
Cette mise à jour a permis de découvrir une nouvelle étude (100 participants). Au total, nous avons inclus 18 études avec 1 783 participants (dans 16 études), plus 108 examens auriculaires qui n'ont pas pu être comptabilisées dans le nombre de participants (dans deux études).
1. Antibiotiques topiques par rapport au placebo ou à l’absence de traitement (avec toilette auditive dans les deux groupes d’intervention et pas d'autre traitement de fond)
Une étude (50 participants, données non disponibles pour 15 participants) a comparé un antibiotique topique (ciprofloxacine) à un placebo (solution saline). Tous les participants ont reçu une toilette auditive.
La ciprofloxacine topique peut améliorer la résolution de l'écoulement après une à deux semaines par rapport au placebo (84 % avec l'antibiotique par rapport à 12 % avec le placebo ; rapport du risque (RR) 6,74, intervalle de confiance (IC) à 95 % 1,82 à 24,99 ; 35 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Selon les auteurs de l’étude, « aucun effet indésirable médical ni aucune détérioration des paramètres audiologiques associés à ce traitement topique n’ont été observés. »
2. Antibiotiques topiques par rapport au placebo ou à l’absence de traitement (avec utilisation d'antibiotiques oraux dans les deux groupes d’intervention)
Quatre études (438 participants) ont comparé les antibiotiques topiques par rapport à l'absence de traitement, avec des antibiotiques oraux dans les deux groupes d’intervention). Ces études comparaient la ciprofloxacine topique à l'absence de traitement (3 études, 190 participants) ou la ceftizoxime topique à l'absence de traitement (1 étude, 248 participants). Dans chaque étude, tous les participants ont reçu le même antibiotique par voie systémique (ciprofloxacine orale ou ceftizoxime injectée). Dans au moins une étude, tous les participants ont bénéficié d'une toilette auditive. Il n'y avait pas de données utilisables comparant la céftizoxime topique à l'absence de traitement.
Les antibiotiques topiques, en plus des antibiotiques systémiques, peuvent améliorer la résolution de l'écoulement auriculaire après une à deux semaines par rapport aux antibiotiques systémiques seuls (résolution de l'écoulement dans 88 % des cas avec des antibiotiques topiques contre 60 % sans antibiotiques topiques ; RR 1,47, IC à 95 % 1,14 à 1,88 ; 1 étude, 100 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). D’après une étude (40 participants), « aucun effet secondaire n'a été enregistré chez le moindre patient » (données probantes d’un niveau de confiance faible).
3. Comparaisons de différents antibiotiques topiques
Huit études (794 participants, plus 40 examens auriculaires) ont comparé les aminoglycosides (gentamicine, néomycine ou tobramycine) aux quinolones (ciprofloxacine ou ofloxacine).
La résolution de l’écoulement après une à deux semaines pourrait être plus élevée dans le groupe des quinolones, mais les données probantes sont très incertaines (RR 1,92, IC à 95 % 1,00 à 3,67 ; 7 études, 794 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). L'hétérogénéité était considérable (I 2 = 97 %). Une étude (308 participants) a indiqué une absence de différences entre les différents groupes concernant la résolution de l'écoulement de l'oreille après quatre semaines (données probantes d’un niveau de confiance faible). Les données probantes sont d’un niveau de confiance très faible en ce qui concerne les effets des antibiotiques topiques sur les douleurs de l’oreille (1 étude n’a rapporté aucune différence entre les groupes). Les données probantes sont d’un niveau de confiance très faible en ce qui concerne les effets des antibiotiques topiques sur la perte d'audition (2 études n'ont rapporté aucune différence entre les groupes).
4. Autres comparaisons
Nous avons évalué cinq études (501 participants, plus 68 examens auriculaires) sur les trois comparaisons supplémentaires suivantes : quinolones par rapport aux aminoglycosides/polymyxine B avec/sans gramicidine, aminoglycosides par rapport à la triméthoprime-sulfacétamide-polymixine B, et rifampicine par rapport au chloramphénicol. Toutefois, ces résultats n'ont pas été inclus dans le résumé.
Conclusions des auteurs
Nous sommes très incertains quant à l'efficacité des antibiotiques topiques pour améliorer la résolution de l'écoulement de l'oreille chez les personnes atteintes d’otite moyenne chronique suppurée (OMCS), en raison du nombre limité de données probantes d’un niveau de confiance faible ou très faible disponibles. Ceci principalement en raison du risque de biais et à d'imprécision. Toutefois, parmi ces incertitudes, certaines données probantes suggèrent que l'utilisation d'antibiotiques topiques peut être efficace par rapport à un placebo ou en complément d'un antibiotique systémique. L'efficacité relative des différents types d'antibiotiques est également incertaine ; il n'est pas possible de déterminer si les quinolones sont plus ou moins efficaces que les aminoglycosides. Ces deux groupes de composés ont des profils d'effets indésirables différents, mais les études incluses dans cette revue ne fournissent pas suffisamment de données probantes pour faire des commentaires à leur sujet. De manière générale, les effets dommageables ont été peu rapportés. Les principales limites de la revue résident notamment dans l’ancienneté des données disponibles et le caractère limité des informations concernant certains groupes de population ou certaines interventions.
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien d’Antoine Astruc (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr