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Utilisation des chélateurs du phosphore pour prévenir les complications de la maladie rénale chronique

De quoi est-il question ?

Les personnes atteintes de maladie rénale chronique (MRC) éliminent moins bien le phosphate de leur organisme, de sorte que les niveaux de phosphate dans le sang et dans les tissus corporels augmentent à mesure que la fonction rénale diminue. Les dépôts de phosphate supplémentaires dans les vaisseaux sanguins et les autres tissus endommagent les os et les muscles, aggravant l'insuffisance rénale et provoquant des problèmes cardiaques, des douleurs osseuses, des fractures, voire la décès.

Les chélateurs du phosphore sont souvent prescrits aux personnes souffrant de maladie rénale pendant les repas afin de réduire l'absorption de phosphate présent dans les aliments.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons précédemment examiné l’ensemble des recherches évaluant si les chélateurs du phosphore permettent de réduire les atteintes vasculaires, musculaires et osseuses, de ralentir la dégradation de la fonction rénale, ainsi que de diminuer les complications cardiovasculaires et circulatoires chez la patientèle atteinte d’insuffisance rénale. Dans notre revue, nous avons inclus toutes les études cliniques dans lesquelles des personnes souffrant d'affections rénales ont pris différents chélateurs du phosphate (de manière aléatoire) pendant au moins huit semaines. Nous avons également évalué le niveau de confiance que l’on peut accorder aux résultats rapportés dans les études, afin d’estimer dans quelle mesure ces données sont fiables. Cette revue a été faite pour la dernière fois en 2018. Nous avons maintenant actualisé les informations pour 2025 afin qu'elles soient mises à jour.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons identifié 134 études cliniques sur les chélateurs du phosphate, incluant 20 913 personnes souffrant d'affections rénales. Certaines études ont administré un traitement pendant huit semaines seulement, tandis que d'autres ont traité les participants durant une période pouvant aller jusqu'à trois ans. Les études incluaient des personnes ayant des niveaux de fonction rénale variés et nombre d'entre elles étaient traitées par dialyse. Certaines études présentaient des problèmes au niveau de leur réalisation, ce qui signifie que la confiance que nous pouvions accorder à leurs résultats était plus faible que nous l'aurions souhaité.

En combinant les informations de toutes les études cliniques, nous avons découvert que le sevelamer, un chélateur du phosphate, pourrait réduire le risque de décès et provoquer moins d'événements d'hypercalcémie (taux élevé de calcium dans le sang) chez la patientèle sous dialyse à qui l'on donne ce médicament à la place de comprimés de calcium, afin éliminer le phosphate présent dans les aliments. Un autre type de chélateurs du phosphate, le lanthane, pourrait également diminuer l’hypercalcémie par rapport aux comprimés de calcium.

Nous avons une faible confiance dans les données issues des essais disponibles concernant les effets indésirables potentiels des chélateurs du phosphate, ainsi que la fréquence et la gravité de ces effets. En particulier, les effets de la majorité des chélateurs du phosphate sur la mortalité cardiovasculaire, ainsi que sur divers paramètres tels que les nausées, la constipation, le taux de phosphate sanguin ou encore le score calcique coronaire, demeuraient incertains. Les études étaient trop courtes et de petite envergure pour que l'on puisse dire avec certitude si les chélateurs du phosphate réduisent les complications cardiaques ou rénales, les accidents vasculaires cérébraux, les douleurs osseuses ou les lésions des vaisseaux sanguins.

Conclusions

Dans l'ensemble, nous ne sommes pas vraiment sûrs que des chélateurs du phosphate spécifiques soient utiles aux personnes souffrant d'affections rénales.

La dernière recherche a été effectuée en décembre 2024.

Contexte

Les chélateurs du phosphate réduisent la phosphatémie chez les personnes souffrant de maladie rénale chronique (MRC). Il s'agit d'une revue mise à jour, précédemment publiée en 2011 et 2018. De nouvelles études ont été publiées et une mise à jour des données est donc nécessaire.

Objectifs

Évaluer le rapport bénéfice/risque des chélateurs du phosphate chez les personnes atteintes de MRC et déterminer si les chélateurs du phosphate ont des effets différents les uns des autres.

Stratégie de recherche documentaire

Nous avons analysé le registre des études Cochrane Kidney and Transplant (Rein et Greffe) jusqu'au 16 décembre 2024 en contactant le spécialiste documentaire, et en utilisant des termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le registre ont été identifiées en recherchant dans CENTRAL, Medline et EMBASE, la Plateforme internationale de registres d'essais cliniques (ICTRP) et ClinicalTrials.gov.

Critères de sélection

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) ou quasi-randomisés portant sur des adultes atteints de MRC (quel que soit le débit de filtration glomérulaire-DFG) comparant un chélateur du phosphate à un placebo, aux soins standards ou à un autre chélateur du phosphate, avec un suivi d'au moins huit semaines. Les principaux critères de jugement étaient la mortalité (toutes causes confondues), les décès d'origine cardiovasculaire, l'hypercalcémie, les nausées, la constipation, le phosphate sérique et les calcifications vasculaires.

Recueil et analyse des données

Deux auteurs ont indépendamment sélectionné les études à inclure et extrait les données des études. Nous avons évalué le risque de biais à l'aide de l'outil Cochrane RoB 1 et nous avons utilisé le système GRADE pour juger le niveau de confiance des données probantes. Nous avons estimé les effets du traitement à l'aide d'une méta-analyse à effets aléatoires. Les résultats ont été exprimés sous forme de rapport du risque (RR) pour les critères de jugement dichotomiques et sous forme de différences de moyennes (DM) ou de différences de moyennes standardisées (DMS) pour les critères de jugement continus, accompagnés d'intervalles de confiance (IC) à 95 %.

Résultats principaux

Cette revue comprend 134 études incluant 20 913 adultes. Trente nouvelles études ont été ajoutées à cette mise à jour. Nous avons jugé le risque de biais comme étant élevé ou incertain pour de nombreux domaines méthodologiques présents dans les études, et nous avons évalué les données probantes à un niveau de confiance faible ou très faible.

La plupart des études comparant les chélateurs du phosphate à un placebo ou aux soins standards ont été menées auprès de personnes souffrant de MRC, tandis que la plupart des études comparant deux chélateurs du phosphate différents ont été menées auprès de personnes sous dialyse. La durée médiane des études était de 5,4 mois et l'âge médian des études était de 58 ans.

Comparé à un placebo/aux soins standards, le sevelamer pourrait avoir peu ou pas d'effet sur la mortalité, quelle qu'en soit la cause (RR 0,45, IC à 95 % 0,13 à 1,53 ; 6 études, 781 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), et des effets incertains sur l'hypercalcémie et les nausées, mais pourrait augmenter le risque de constipation (RR 3,27, IC à 95 % 1,38 à 7,74 ; 5 études, 632 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) chez les personnes atteintes de MRC. Comparé à un placebo/aux soins standards, le sevelamer pourrait avoir peu ou pas d'effet sur la phosphatémie (DM -0,27 mg/L, IC à 95 % -0,71 à 0,17 ; 6 études, 671 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et sur le score calcique coronaire (DM -70,19, IC à 95 % -362,44 à 222,06 ; 2 études, 115 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les effets du sevelamer sur les décès d’origine cardiovasculaire n'ont pas pu être estimés car aucun événement n'a été rapporté dans les études incluses (3 études, 222 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Comparé à un placebo/aux soins standards, le lanthane pourrait avoir peu ou pas d'effet sur la mortalité, quelle qu'en soit la cause (RR 0,33, IC à 95 % 0,10 à 1,05 ; 7 études, 694 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et des effets incertains à la fois sur les décès d'origine cardiovasculaire (aucun événement n'a été rapporté dans aucune des études incluses) et sur l'hypercalcémie ; cependant, le lanthane pourrait augmenter le risque de nausées (RR 2,99, IC à 95 % 1,42 à 6,31 ; 5 études, 484 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et de constipation (RR 2,98, IC à 95 % 1,21 à 7,30 ; 4 études, 299 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) chez les personnes atteintes de MRC. Comparé à un placebo/aux soins standards, le lanthane pourrait réduire légèrement le taux de phosphate sérique (DM -0,31 mg/dL, IC à 95 % -0,61 à -0,01 ; 7 études, 456 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) mais aurait des effets incertains sur le score calcique coronaire.

Comparé au calcium, le sevelamer pourrait réduire la mortalité, toutes causes confondues (RR 0,54, IC à 95 % 0,32 à 0,93 ; 19 études, 4 403 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), avoir des effets incertains sur les décès d'origine cardiovasculaire, entraîner moins d'hypercalcémie (RR 0,30, IC à 95 % 0,20 à 0,43 ; 20 études, 4 124 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et pourrait avoir peu ou pas d'effet sur les nausées (RR 0,98, IC à 95 % 0,56 à 1,71 ; 4 études, 365 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et la constipation (RR 1,35, IC à 95 % 0,71 à 2,57 ; 6 études, 2 652 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) chez les personnes sous dialyse. Comparé au calcium, le sevelamer pourrait avoir peu ou pas d'effet sur le phosphate sérique (DM 0,08 mg/dL, IC à 95 % -0,09 à 0,24 mg/dL ; 26 études, 4 537 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et sur le score calcique coronaire (DM score -24,89, IC à 95 % -75,66 à 25,88 ; 4 études, 517 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Comparé au calcium, le lanthane pourrait avoir peu ou pas d'effet sur la mortalité, quelle qu'en soit la cause (RR 1,08, IC à 95 % 0,88 à 1,33 ; 9 études, 2 829 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et sur les décès d'origine cardiovasculaire (RR 1,49, IC à 95 % 1,01 à 2,21 ; 5 études, 2 672 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), il pourrait entraîner moins d'hypercalcémie (RR 0,16, IC à 95 % 0,06 à 0,43 ; 8 études, 1 347 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), mais pourrait n'avoir que peu ou pas d'effet sur les nausées (RR 1,65, IC à 95 % 0,95 à 2,89 ; 5 études, 1 191 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et sur la constipation (RR 0,79, IC à 95 % 0,50 à 1,26 ; 5 études, 1 213 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) chez les personnes sous dialyse. Comparé au calcium, le lanthane pourrait n'avoir aucun effet sur le phosphate sérique (DM -0,04 mg/dL, IC à 95 % -0,37 à 0,29 ; I 2 = 74 % ; 11 études, 497 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et des effets incertains sur le score calcique coronaire.

Les données probantes concernant les effets des comparaisons directes sur les principaux critères de jugement cliniques étaient peu nombreuses.

Conclusions des auteurs

Le sevelamer pourrait réduire la mortalité, quelle qu’en soit la cause, et entraîner moins d'hypercalcémie que les chélateurs à base de calcium chez les personnes sous dialyse. Le lanthane pourrait également entraîner moins d’hypercalcémie comparé au calcium. Le sevelamer pourrait augmenter le risque de constipation, tandis que le lanthane pourrait augmenter à la fois le risque de nausées et de constipation, mais pourrait réduire légèrement le phosphate sérique chez les personnes atteintes de maladie rénale chronique par rapport à un placebo/aux soins standards. Aucun avantage cliniquement important des chélateurs du phosphore n’a été identifié pour les décès d’origine cardiovasculaire ou pour le score calcique coronaire par rapport à un placebo/aux soins standards. Les données probantes concernant les effets des autres chélateurs du phosphore sur les principaux critères de jugement cliniques dans les comparaisons directes étaient incertaines.

Notes de traduction

Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France, avec le soutien de Léa Grégoire (bénévole chez Cochrane France), grâce au financement du Ministère de la Santé et de la Prévention. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

Citation
Natale P, Green SC, Ruospo M, Craig JC, Vecchio M, Elder GJ, Strippoli GFM. Phosphate binders for preventing and treating chronic kidney disease-mineral and bone disorder (CKD-MBD). Cochrane Database of Systematic Reviews 2025, Issue 6. Art. No.: CD006023. DOI: 10.1002/14651858.CD006023.pub4.

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