Problématique de la revue
La desmopressine est-elle un traitement efficace de l'énurésie nocturne chez les enfants ?
Principaux messages :
La desmopressine peut améliorer l'énurésie nocturne.
Une seule étude a évalué la qualité de vie.
D'autres études portant sur un grand nombre de patients sont nécessaires.
Qu'est-ce que l'énurésie ? Que fait la desmopressine ?
L'énurésie ou pipi au lit sont des mictions involontaires pendant le sommeil à un âge où l'enfant devrait être propre, généralement vers les cinq ans. Les taux de prévalence (c'est-à-dire la proportion d'une population qui fait pipi au lit au cours d'une période donnée) sont de 15 à 20 % chez les enfants de cinq ans, de 7 % chez les enfants de sept ans, de 5 % chez les enfants de dix ans et de 2 à 3 % chez les adolescents.
Divers traitements ont été utilisés pour traiter l'énurésie nocturne. La desmopressine est une forme artificielle de vasopressine, une substance chimique libérée par le cerveau qui aide à contrôler la quantité d'urine produite par les reins. La desmopressine est utilisée pour contrôler l'énurésie nocturne et réduit le nombre d'épisodes d'énurésie.
Pourquoi était-il important de procéder à cette revue ?
Bien que l'énurésie nocturne ne soit pas une affection dangereuse et qu'elle disparaisse spontanément avec le temps, elle est source de stigmatisation et peut avoir un impact sur la qualité de vie et le bien-être émotionnel et psychologique de l'enfant. C'est une maladie qui perturbe toute la famille et les enfants qui en sont atteints peuvent souffrir du mécontentement de leurs parents, de moqueries et risquent de subir des violences physiques ou psychologiques. Les traitements efficaces qui réduisent l'énurésie nocturne améliorent l'estime de soi de l'enfant. Il est donc important de vérifier si la desmopressine est aussi efficace que les autres traitements connus.
Comment la maladie est-elle traitée ?
- Traitement à la desmopressine
- Thérapie d'alarme
- Médicaments anticholinergiques
- Traitement combiné, par exemple traitement par desmopressine et alarme comparé au traitement par desmopressine.
Il existe plusieurs autres thérapies, telles que les thérapies comportementales et la thérapie au laser, mais nous nous sommes concentrés sur les principales thérapies utilisées.
Que voulions‐nous savoir ?
Nous voulions voir si la desmopressine :
- était efficace pour réduire les épisodes de nuits mouillées chez les enfants ;
- était aussi efficace que d'autres traitements tels que la thérapie par l'alarme pour traiter l'énurésie ;
- fonctionnait en combinaison avec d'autres traitements ;
- était associé aux effets indésirables.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études dans lesquelles les personnes étaient placées de manière aléatoire dans les différents groupes de traitement.
Nous avons recherché et inclus des études qui comparaient :
- la desmopressine avec absence de traitement ou placebo ;
- la desmopressine et la thérapie d'alarme ;
- les traitements combinés de desmopressine et d'alarme.
Nous avons comparé et analysé nos résultats, puis évalué notre certitude dans les données probantes sur la base de facteurs tels que les méthodes d'étude et la taille des études.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 98 études avec 8 699 participants, dont 5 616 ont reçu de la desmopressine.
Principaux résultats
- Nous avons constaté que l'utilisation de la desmopressine par rapport au placebo peut donner une nuit sèche supplémentaire par semaine pendant le traitement. Environ 28 % des enfants traités deviennent secs, contre 1 % dans le groupe placebo ou sans traitement.
- Plus d'enfants traités par desmopressine ont probablement atteint 14 nuits sèches consécutives à la fin du traitement par rapport au placebo.
- Nous avons constaté que, lorsque la desmopressine était comparée au traitement par alarme, il y avait peu ou pas de différence dans le nombre d'enfants atteignant 14 nuits sèches d'affilée. Les données probantes ne permettent pas non plus de savoir si la desmopressine par rapport au traitement d'alarme réduit le nombre de nuits mouillées par semaine.
- Nous avons constaté que l'association de la desmopressine à un traitement d'alarme peut augmenter le nombre d'enfants atteignant 14 nuits sèches consécutives à la fin du traitement par rapport à la desmopressine seule.
- Nous avons constaté les effets indésirables étaient couramment rapportés pour la desmopressine. Notamment de vertiges, de maux de tête, de changements d'humeur, de gêne abdominale, de gêne nasale, d'hyponatrémie (faible taux de sodium) et d'un cas de crise d'épilepsie. Trente-deux études n'ont signalé aucun effet indésirable et 25 études ont omis de signaler ou de mentionner des effets indésirables.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Notre confiance dans les résultats est faible, car dans plusieurs études les participants savaient le traitement qu'ils recevaient, et plusieurs études étaient de très petite taille.
Cette revue est-elle à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'en janvier 2023.
Lire le résumé complet
L'énurésie (mictions involontaires pendant le sommeil) touche jusqu'à 20 % des enfants de cinq ans et 2 % des adultes. Bien qu'une rémission spontanée puisse survenir, les répercussions sociales, émotionnelles et psychologiques peuvent être importantes. La desmopressine est utilisée pour traiter l'énurésie nocturne depuis les années 1970.
Cette revue est une mise à jour d'une revue Cochrane initialement publiée en 2000 et mise à jour pour la dernière fois en 2006.
Objectifs
Évaluer les effets de la desmopressine dans le traitement de l'énurésie nocturne chez les enfants.
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons consulté le registre spécialisé Cochrane Incontinence, lequel inclut des recherches de Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL), MEDLINE, MEDLINE In-Process, MEDLINE Epub Ahead of Print, CINAHL, ClinicalTrials.gov, WHO ICTRP, ainsi que des recherches manuelles dans des revues et des comptes rendus de conférences (recherches effectuées en janvier 2023) et des listes bibliographiques des articles pertinents.
Critères de sélection
Nous avons inclus des essais randomisés ou quasi-randomisés portant sur la desmopressine ou la desmopressine associée à une autre intervention pour le traitement de l'énurésie nocturne chez les enfants âgés de 5 à 16 ans.
Recueil et analyse des données
Trois auteurs de la revue ont extrait les données et évalué le risque de biais des essais éligibles de manière indépendante. Nous avons suivi les procédures méthodologiques standards attendues par Cochrane.
Résultats principaux
Nous avons identifié 50 nouvelles études pour cette revue, qui comprend désormais 95 études (8 473 participants, dont 5 434 ont reçu de la desmopressine). Nous avons poursuivi l'évaluation de l'effet du traitement combiné impliquant la desmopressine. La majorité des essais ont porté sur des enfants âgés de 5 à 16 ans, dans un cadre ambulatoire. La qualité des données probantes a été jugée faible ou très faible.
La première comparaison portait sur la desmopressine par rapport au placebo. La desmopressine peut réduire le nombre moyen de nuits mouillées par semaine par rapport au placebo (DM -1,81, IC à 95 % -2,24 à -1,39 ; participants = 1 267 ; études = 16 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). La desmopressine permet probablement à un plus grand nombre d'enfants d'obtenir 14 nuits sèches consécutives à la fin du traitement par rapport au placebo (RR 3,18, IC à 95 % 1,75 à 5,80 ; participants = 922 : études = 11 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre la desmopressine et le placebo en ce qui concerne les effets indésirables chez les enfants (RR 1,11, IC à 95 % 0,81 à 1,52 ; participants = 269 ; études = 3 ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
La desmopressine par rapport au traitement par alarme : il n'est pas certain qu'il y ait une différence entre la desmopressine et le traitement par alarme pour réduire le nombre de nuits mouillées par semaine (DM 0,63, IC à 95 % -0,49 à 1,75 ; participants = 285 ; études = 4 ; I 2 = 82 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre la desmopressine et le traitement par alarme en ce qui concerne le nombre d'enfants parvenant à 14 nuits sèches consécutives (RR 0,98, IC à 95 % 0,88 à 1,09 ; participants = 1 530 ; études = 15 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre le traitement par desmopressine et le traitement par alarme en ce qui concerne les effets secondaires chez les enfants (RR 1,50, IC à 95 % 0,33 à 6,78 ; participants = 461, études = 4 ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
Nous avons comparé la desmopressine à d'autres médicaments, notamment les tricycliques et les anticholinergiques. Il n'est pas certain qu'il y ait une différence entre la desmopressine et les tricycliques en ce qui concerne la réduction du nombre moyen de nuits mouillées par semaine (DM 0,23, IC à 95 % - 0,88 à 1,33 ; participants = 331 ; études = 4 ; I 2 = 79 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ou le nombre d'enfants ayant obtenu 14 nuits sèches consécutives à la fin du traitement (RR 0,94, IC à 95 % 0,63 à 1,38 ; participants = 371 ; études = 7 ; I 2 = 71 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Il n'est pas certain que les enfants ressentent plus d'effets secondaires avec la desmopressine qu'avec les tricycliques (RR 0,29, IC à 95 % 0,06 à 1,39 ; participants = 351 ; études = 4, données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Cette revue a inclus des études portant sur des thérapies combinées. Il n'est pas certain que la desmopressine associée à un traitement par alarme réduise le nombre moyen de nuits mouillées à la fin du traitement par rapport à la monothérapie par alarme (DM -0,80, IC à 95 % -1,34 à -0,25 ; participants = 528 ; études = 6 ; I 2 = 84 % ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; ou qu'elle augmente le nombre d'enfants atteignant 14 nuits sèches consécutives (RR 1,25, IC à 95 % 0,96 à 1,63 ; participants = 822 ; études = 10 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). L'association de la desmopressine à un traitement par alarme pourrait ne faire que peu ou pas de différence chez les enfants souffrant d'effets secondaires par rapport au traitement par alarme seul (RR 1,05 IC à 95 % 0,07 à 16,56 ; participants = 207 ; études = 1 ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
L'association de la desmopressine à un traitement d'alarme réduit probablement le nombre de nuits mouillées à la fin du traitement (DM -0,88 ; IC à 95 % -1,38 à -0,38 ; participants = 156 ; études = 2 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) et peut augmenter le nombre d'enfants atteignant 14 nuits sèches consécutives à la fin du traitement par rapport à la desmopressine en monothérapie (RR 1,26 ; IC à 95 % 1,06 à 1,51 ; participants = 370 ; études = 5 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Il n'est pas certain que l'association de la desmopressine à un anticholinergique par rapport à la desmopressine en monothérapie réduise le nombre moyen de nuits mouillées à la fin du traitement (DM -0,50 ; IC à 95 % -1,05 à 0,06 ; participants = 188 ; études = 3 ; I 2 = 66 % ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; ou qu'elle augmente le nombre d'enfants atteignant 14 nuits sèches consécutives à la fin du traitement (RR 1,53 ; IC à 95 % 1,10 à 2,11 ; participants = 611 ; études = 8 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre la desmopressine associée à des anticholinergiques et la desmopressine en monothérapie en termes d'effets indésirables (RR 1,51, IC à 95 % 0,73 à 3,09, participants = 187 ; études = 2 ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
Des effets indésirables mineurs ont été fréquemment observés avec la desmopressine, notamment des vertiges, des céphalées, des changements d'humeur, une gêne gastro-intestinale, une gêne nasale, une hyponatrémie et un cas de convulsion.
Conclusions des auteurs
La desmopressine comparée au placebo pourrait augmenter le nombre de nuits sèches par semaine à la fin du traitement chez les enfants. Le traitement par desmopressine peut être aussi efficace que le traitement par alarme à la fin du traitement. Toutefois, la qualité des données probantes a été jugée faible ou très faible. La thérapie par alarme, comparée à la desmopressine, pourrait améliorer le nombre d'enfants qui sont secs lors du suivi (données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Merveille Ongolo (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr