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Quels sont les médicaments qui permettent de réduire la douleur chez les nouveau-nés lors de l'aspiration pulmonaire ?

Principaux messages :

Nous n'avons pas trouvé suffisamment de données probantes de bonne qualité sur les meilleurs médicaments pour traiter la douleur pendant l'aspiration endotrachéale.

Dans l'ensemble, on ne sait pas si les médicaments étudiés dans cette revue réduisent les effets négatifs (risques) tels que les modifications de la pression artérielle et du rythme cardiaque, les hémorragies cérébrales graves ou la durée de la ventilation mécanique des bébés.

Des études plus vastes et bien planifiées sont nécessaires pour mieux évaluer les bénéfices et risques potentiels des différents médicaments utilisés pour traiter la douleur pendant l'aspiration endotrachéale.

Qu'est-ce que l'aspiration endotrachéale ?

De nombreux nouveau-nés ont des difficultés à respirer. Pour les aider, l’on utilise un ventilateur mécanique (appareil respiratoire). Le ventilateur fonctionne en insérant un tube flexible par la bouche ou le nez du bébé jusqu’à la trachée La mise en place du tube est connue sous le nom de procédure endotrachéale (ce qui signifie que l'accès est obtenu par la trachée). Lorsque le bébé est relié au respirateur, le tube doit rester propre et dégagé. Ce processus est appelé aspiration endotrachéale.

Que voulions‐nous savoir ?

Nous voulions savoir comment réduire la douleur des nouveau-nés lors de l'aspiration endotrachéale en utilisant des médicaments analgésiques ou relaxants.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché dans les bases de données médicales des études comparant deux types de médicaments pour réduire la douleur des nouveau-nés lors de l'aspiration endotrachéale. Les médicaments comprenaient des analgésiques opioïdes tels que la morphine et l'alfentanil, des sédatifs (médicaments relaxants) tels que le midazolam et des anesthésiques (médicaments qui ralentissent les réactions du cerveau et du système nerveux à la douleur) tels que la kétamine.

Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé sept études portant sur 1 242 nouveau-nés. Toutes les études ont été réalisées dans des pays à revenu élevé. L'étude la plus importante portait sur 898 bébés, la plus petite sur 10 bébés, une étude sur 150 bébés et les quatre autres sur moins de 100 bébés. Aucune étude n'a bénéficié d'un soutien financier de la part d'entreprises pharmaceutiques.

Résultats principaux :

Événements observés lors de l’aspiration endotrachéale

Opioïdes comparés à un placebo (substance sans effet thérapeutique)

On ne sait pas si la morphine réduit la douleur ou la durée de la ventilation mécanique chez les bébés.

On ne sait pas si l'alfentanil réduit la douleur ou le rythme cardiaque.

La mépéridine pourrait réduire les signes comportementaux liés à la douleur, tels que les pleurs.

La morphine pourrait ne pas provoquer d'hypotension.

La morphine réduit probablement légèrement la survenue d’hémorragie cérébrale sévère.

Opioïdes comparés aux sédatifs (midazolam)

On ne sait pas si la morphine réduit la douleur.

La morphine pourrait réduire considérablement la durée de la ventilation mécanique chez les bébés.

La morphine pourrait ne pas réduire la fréquence des hémorragies cérébrales graves (saignements dans le cerveau).

Aucune étude n’a rapporté de modifications de la pression artérielle ou du rythme cardiaque, ni de signes comportementaux de douleur (tels que des pleurs).

Sédatifs comparés à un placebo

Le midazolam pourrait réduire la douleur.

On ne sait pas si la kétamine réduit la douleur ou affecte le rythme cardiaque ou la pression artérielle.

On ne sait pas si le midazolam réduit la durée de la ventilation mécanique des bébés et diminue la fréquence des hémorragies cérébrales graves.

Aucune des études n’a rapporté de signes comportementaux de douleur.

Quelles sont les limites des données probantes ?

La confiance dans nos résultats pour nos critères de jugement critiques est faible à très faible parce que la plupart des études étaient de petite taille et qu'il y avait trop peu d'études pour être certain des résultats.

Opioïdes vs placebo :

Nous ne sommes pas certains que les opioïdes (morphine, alfentanil) réduisent la douleur ou modifient le rythme cardiaque.

Nous avons peu confiance dans le fait que les opioïdes (mépéridine) réduisent les signes comportementaux liés à la douleur.

Opioïdes contre sédatifs :

Nous ne sommes pas certains que les opioïdes (morphine) réduisent la douleur.

Sédatifs contre placebo :

Nous ne sommes pas certains que la kétamine réduise la douleur ou affecte le rythme cardiaque ; les signes comportementaux de la douleur n'ont pas été mesurés.

Nous avons peu confiance dans le fait que le midazolam réduit la douleur.

Dans quelle mesure ces données probantes sont-elles à jour ?

Les données probantes sont à jour jusqu'en août 2024.

Contexte

Tous les nouveau-nés admis en unité de soins intensifs néonatals (USIN) ressentent de la douleur pendant les soins de routine et présentent à un risque accru d'effets indésirables à long terme.

L'aspiration endotrachéale (AET) est l'une des procédures les plus fréquemment pratiquées dans l'unité de soins intensifs néonatals, provoquant une douleur d’intensité modérée à sévère. Environ 50 % des nouveau-nés extrêmement prématurés nécessitent une intubation et des AET répétées.

Objectifs

Évaluer les bénéfices et risques des interventions pharmacologiques pour la prévention de la douleur pendant les AET chez les nouveau-nés sous ventilation mécanique.

Stratégie de recherche documentaire

Nous avons effectué des recherches dans ls bases de données suivantes : Cochrane CRS, MEDLINE, Embase, CINAHL et trois registres d'essais cliniques, ainsi qu'une vérification des références. La dernière date de recherche était Août 2024.

Critères de sélection

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) quasi-randomisés, en grappes, et des essais croisés portant sur des nouveau-nés (à terme et prématurés) ventilés mécaniquement par sonde endotrachéale ou par trachéotomie, et nécessitant une AET. Les interventions pharmacologiques ont été comparées à un placebo, à l'absence d'intervention ou au standard de soins, ou encore à des interventions non pharmacologiques.

Recueil et analyse des données

Les critère de jugement critiques ont été validés à l’aide de scores composites de la douleur. Les critères de jugement secondaires comprenaient des indicateurs physiologiques et comportementaux associés à la douleur.

Nous avons utilisé les méthodes standards selon Cochrane. Pour les critères de jugement continus, nous avons utilisé un modèle à effet fixe et rapporté les différences de moyennes (DM) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Pour les critères de jugement catégoriels, nous avons rapporté le rapport du risque (RR) et la différence de risques typiques, ainsi que les IC à 95 %. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes à l’aide de l’outil GRADE.

Résultats principaux

Nous avons inclus sept ECR (1 242 participants) ; six incluaient des nouveau-nés prématurés ; une incluait des nouveau-nés à terme ; quatre ont été inclus dans une méta-analyse.

Opioïdes (morphine, alfentanil, mépéridine) par rapport à un placebo (quatre études)

Les données probantes sont très incertaines pour les critères de jugement suivants (toutes d'un niveau de confiance très faible) : la morphine pourrait avoir peu ou pas d'effet sur le Profil de douleur du nourrisson prématuré (DM -0,11 ; IC à 95 % -0,28 à 0,06 ; I 2  = 93 % ; 4 études, 1 123 participants). L'utilisation de 20 µg/kg d'alfentanil pourrait réduire la valeur du score de douleur (CHEOPS) initiale (médiane = non spécifiée (NS) ; IQR = NS ; P = 0,031 ; 1 étude ; 10 participants). Les résultats après l’utilisation de 10 µg/kg d'alfentanil n'ont pas été rapportés. L'utilisation de 20 µg/kg d'alfentanil pourrait réduire la variation de la fréquence cardiaque par rapport à la valeur initial (médiane = NS ; IQR = NS ; P = 0,031 ; 1 étude ; 10 participants). Les résultats après l’utilisation de 10 µg/kg n'ont pas été précisés. La morphine pourrait avoir peu ou pas d'effet sur la durée de la ventilation mécanique (DM -4,70 ; IC à 95 % -11,07 à 1,67 ; I 2  = non applicable (NA) ; 1 étude, 45 participants).

La Mépéridine pourrait réduire le score comportemental de la douleur (DM -2,7 ; P = 0,001 ; 1 étude, 84 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible). La morphine pourrait ne pas augmenter le risque d'hypotension artérielle (RR 1,49 ; IC à 95 % 0,88 à 2,51 ; I 2  = 57 % ; 2 études, 928 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible).

La morphine ne réduit probablement pas l'incidence des hémorragies intraventriculaires graves (HIV) (RR 1,13 ; IC à 95 % 0,80 à 1,61 ; I 2  = 36 % ; 4 études, 1 065 participants ; données probantes d'un niveau de confiance modéré).

Aucune étude n’a rapporté d'effets indésirables (EI) associés à la morphine et à la mépéridine ; une rigidité musculaire sévère a été observée avec l'alfentanil.

Les opioïdes (morphine) par rapport aux sédatifs (midazolam) (une étude)

Les données probantes sont très incertaines pour les critères suivants (tous d’un niveau de confiance très faible) : la morphine pourrait avoir peu ou pas d'effet sur le Profil de Douleur du Nourrisson Prématuré (PIPP) (DM -1,00 ; IC à 95 % -2,66 à 0,66 ; I 2  = NA ; 1 étude, 46 participants) ; CHEOPS non rapporté. La morphine pourrait entraîner une forte réduction de la durée de la ventilation mécanique (DM -6,70 ; IC à 95 % -12,40 à -1,00 ; I 2 = NA ; 1 étude, 46 participants).

La morphine pourrait ne pas réduire l'incidence de l’hémorragie intraventriculaire (HIV) sévère (RR 0,08 ; IC à 95 % 0,00 à 1,43 ; 1 étude, 46 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible).

Aucune étude n’a rapporté d'indicateurs physiologiques et comportementaux ou de modifications hémodynamiques.

Aucun effet indésirable n'a été signalé.

Sédatifs (kétamine, midazolam) par rapport à un placebo (deux études)

La midazolam pourrait réduire les scores PIPP (DM -3,80 ; IC à 95 % -5,89 à -1,71 ; I 2  = NA ; 1 étude, 45 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible).

Les données probantes sont très incertaines pour les critères de jugement suivants (tous de niveau de confiance très faible). La kétamine à 0,5 mg/kg et 2 mg/kg peut avoir peu ou pas d'effet sur le changement de CHEOPS par rapport à la valeur de base (P = NS ; 1 étude, 16 participants). La kétamine à 1 mg/kg pourrait réduire le changement de CHEOPS par rapport à la valeur de base (P = 0,043 ; 1 étude, 16 participants). La kétamine à 0,5 mg/kg et 1 mg/kg peut avoir peu ou pas d'effet sur le changement de la fréquence cardiaque par rapport à la fréquence cardiaque initiale (P = NS ; 1 étude, 16 participants). La kétamine à 2 mg/kg pourrait augmenter la variation de la fréquence cardiaque par rapport à la fréquence cardiaque initiale (P = 0,029 ; 1 étude, 16 nourrissons). L'utilisation de 0,5 mg/kg, 1 mg/kg et 2 mg/kg de kétamine pourrait avoir peu ou pas d'effet sur le changement de la pression artérielle moyenne par rapport à la pression artérielle moyenne initiale (P = NS ; 1 étude, 16 participants ; données probantes d'un niveau de confiance très faible). La midazolam pourrait avoir peu ou pas d'effet sur la durée de la ventilation mécanique (DM 2,00 ; IC à 95 % -5,14 à 9,14 ; I 2  = NA ; 1 étude, 43 participants), et pourrait avoir peu ou pas d'effet sur le risque d’hémorragie intraventriculaire sévère (RR 1,59 ; IC à 95 % 0,43 à 5,84 ; I 2  = NA ; 1 étude, 43 participants).

Aucune étude n’a rapporté d'indicateurs comportementaux.

Aucun effet indésirable n'a été rapporté.

Évaluation du Risque de Biais (RoB)

Quatre études avaient un faible risque de biais ; trois avaient un risque de biais élevé : une pour le biais de notification ; deux pour le risque d’effets résiduels.

Conclusions des auteurs

La morphine pourrait avoir peu ou pas d'effet sur le score Profil de Douleur du Nourrisson Prématuré ou la durée de la ventilation (données probantes très incertaines). La morphine n'augmente pas le risque d'hypotension et ne réduit probablement pas l'incidence d’hémorragie intraventriculaire sévère. L'Alfentanil pourrait causer une diminution de la valeur du score de douleur et de la fréquence cardiaque par rapport à la fréquence initiale (données probantes très incertaines). La Mépéridine pourrait réduire la douleur évaluée par une échelle comportementale.

Comparée à la midazolam, la morphine pourrait avoir peu ou pas d'effets sur l’échelle Profil de Douleur du Nourrisson Prématuré, et pourrait entraîner une forte réduction de la durée de la ventilation (données probantes très incertaines). Aucune étude n’a rapporté d'indicateurs physiologiques et comportementaux ou de modifications hémodynamiques. La morphine pourrait ne pas réduire l'incidence d’hémorragie intraventriculaire sévère, par rapport à la midazolam (données probantes d’un niveau de confiance faible).

Comparé au placebo, la midazolam pourrait réduire les scores Profil de Douleur du Nourrisson Prématuré et n'a que peu ou pas d'effet sur la durée de la ventilation ou sur le risque d’hémorragie intraventriculaire sévère (données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; la kétamine pourrait réduire la valeur du score de douleur et n'a que peu ou pas d'effet sur les changements de la fréquence cardiaque ou sur la pression artérielle moyenne (données probantes très incertaines). Aucune étude n’a rapporté d’indicateurs comportementaux ni de résultats hémodynamiques.

Notes de traduction

Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Samuel Fodop (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

Citation
Pirlotte S, Beeckman K, Fiander M, Cracknell J, Ooms I, Cools F. Pharmacological interventions for the prevention of pain during endotracheal suctioning in ventilated neonates. Cochrane Database of Systematic Reviews 2025, Issue 6. Art. No.: CD013355. DOI: 10.1002/14651858.CD013355.pub2.

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