Principaux messages
1. Comparé à un traitement anticancéreux intraveineux (directement dans une veine (IV)) administré dans les centres hospitaliers ambulatoires, nous ne savons pas si le fait de recevoir le même traitement à domicile a une incidence sur : la prise en charge des effets indésirables, l'admission à l'hôpital ou les visites aux urgences après le traitement et les complications liées aux dispositifs IV.
2. Les personnes recevant un traitement à domicile pourraient être plus susceptibles de préférer des futurs traitements à domicile par rapport à la préférence des patients ayant reçu un traitement dans des centres hospitaliers ambulatoires.
3. L'administration d'un traitement anticancéreux IV à domicile, par rapport à celle en centres hospitaliers ambulatoires, pourrait ne faire que peu ou pas de différence sur le coût du traitement du point de vue du prestataires de soins de santé.
Qu'est-ce qu'une thérapie anticancéreuse et comment est-elle administrée ?
La thérapie anticancéreuse est un traitement médical visant à stopper ou à ralentir la propagation du cancer ou à traiter la douleur et les symptômes du cancer et à améliorer la qualité de vie. La chimiothérapie et l'immunothérapie sont des traitements anticancéreux fréquents pour les adultes atteints de cancer. Elles peuvent être administrées par voie orale, sous la peau (sous-cutanée), ou par voie intraveineuse (IV), directement dans la veine à l'aide d'une aiguille ou d'un cathéter. La thérapie anticancéreuse IV est généralement administrée toutes les une à quatre semaines pendant 4 à 24 mois. Les séances de traitement durent entre 20 minutes et plusieurs heures. Elles sont généralement dispensés dans les services ambulatoires des hôpitaux. Suivre plusieurs cycles de traitement IV est éprouvant pour les personnes atteintes de cancer
Que voulions‐nous savoir ?
Nous voulions savoir si l'administration d'un traitement anticancéreux IV à domicile ou dans des centres hospitaliers ambulatoires plutôt qu'à l'hôpital rendait plus difficile la prise en charge des effets indésirables (tels que les réactions allergiques), entraînait une augmentation du nombre de personnes admises à l'hôpital ou se rendant aux urgences dans les 48 heures suivant le traitement, et s'il y avait davantage de problèmes liés à la « ligne intraveineuse » ou le cathéter utilisé pour administrer le médicament, tels que des infections. Nous nous sommes également intéressés à l’endroit que préfèrent les patients, les soignants et les cliniciens pour le traitement, et nous avons voulu savoir s'il était plus coûteux d'administrer le même traitement à domicile plutôt qu'à l'hôpital.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études comparant l'administration d'un même traitement anticancéreux IV à domicile, dans un centre hospitalier ambulatoire ou dans un centre de soins primaires. Les études n’étaient pas tenues de fournir d'information sur les coûts du traitement. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué notre confiance dans les données probantes, sur la base de facteurs tels que les méthodes d'étude et les tailles de l'effet.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 7 études portant sur 401 participants atteints de divers types de cancer et âgés de 60 à 70 ans. Les 7 études ont comparé le traitement à domicile avec le traitement dans un centre hospitalier ambulatoire, et 1 essai a également inclus le traitement dans un centre de soins primaires.
Principaux Résultats
Comparativement à l'administration d'un traitement anticancéreux IV dans les centres hospitaliers ambulatoires, nous ne savons rien sur les effets indésirables, les admissions à l'hôpital et les visites aux urgences dans les 48 heures suivant le traitement, ainsi que sur les problèmes liés à la ligne intraveineuse par rapport à l'administration du même traitement à domicile.
Les personnes qui ont été traitées à domicile pourraient plutôt préférer le domicile pour les futurs traitements que celles qui ont été traitées à l'hôpital. Sur 100 participants traités à l'hôpital, 57 ont préféré des futurs traitements à l'hôpital, tandis que 92 personnes sur 100 traitées à domicile ont préféré des futurs traitements à domicile (sur la base des données d'une étude).
Le traitement à domicile par rapport au traitement à l’hôpital pourrait ne faire que peu ou pas de différence en termes de coûts pour les prestataires de soins de santé. Les études ont rapporté les coûts dans leur monnaie locale, que nous avons convertis en dollars australiens de 2022 (AUD) pour les comparer. Le coût moyen par traitement hospitalier était de 3419 AUD ; le même traitement à domicile coûtait 126 AUD de moins (données issues de 2 études portant sur 80 personnes).
Une étude s'est également intéressée au traitement dans un centre de soins primaires. Nous ne savons pas si le traitement à domicile comparé au traitement dans un centre de soins primaires a une incidence sur la prise en charge des effets indésirables et sur la visite aux urgences dans les 48 heures suivant le traitement. La poursuite du traitement à domicile pourrait ou non être préférée par les personnes traitées pour la première fois à domicile, alors que la poursuite du traitement dans un centre de soins primaires est préférée par les personnes traitées pour la première fois dans ce centre. Le traitement à domicile par rapport à un centre de soins primaires local peut ne faire que peu ou pas de différence sur le coût du traitement. Cette étude n'a pas fourni de données sur l'admission à l'hôpital ou sur les problèmes liés à la ligne intraveineuse.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Nous avons peu confiance dans les données probantes car les études que nous avons trouvées datent de plus de 10 ans et peuvent ne pas être pertinentes pour la pratique actuelle. Les participants des études savaient quel traitement ils recevaient et toutes les personnes qui ont commencé un traitement n'ont pas terminé l'essai. Tous les essais n'ont pas fourni de données sur tous les aspects qui nous intéressaient et, parfois, les données probantes disponibles n'étaient pas directement pertinentes. Dans l'ensemble, les données probantes reposent sur quelques essais de taille relativement modeste.
Ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'au 16 octobre 2024.
Lire le résumé complet
La chimiothérapie et l'immunothérapie intraveineuses (IV) sont administrées aux adultes atteints de cancer, à intervalles fréquents et réguliers (toutes les unes à quatre semaines) pendant 4 à 24 mois, avec séances de traitement qui durent de 20 minutes à plusieurs heures. Ces traitements sont généralement administrés dans des unités de chimiothérapie des hôpitaux de jour. Toutefois, des traitements anticancéreux moins complexes peuvent être administrés au domicile du patient.
Objectifs
Evaluer la sécurité, la préférence de la patientèle et le coût de l’administration à domicile des traitements anticancéreux IV (y compris sous-cutané) comme alternative a l’administration du même traitement en milieu hospitalier ou communautaire chez des adultes atteints de cancer.
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, la Cochrane Database of Systematic Reviews (Base de Revues Systématiques Cochrane) , MEDLINE, Embase, CINAHL, NHS Economic Evaluation Database (NHSEED, en français base d'évaluation économique du NHS) et les registres d'essais (ClinicalTrials.gov et WHO-ICTRP) jusqu'au 16 octobre 2024. Nous avons également effectué des recherches dans PDQ Evidence et Epistemonikos pour identifier des revues systématiques. Nous avons vérifié les références des études incluses et des revues systématiques pertinentes.
Critères de sélection
Nous avons inclus des essais randomisés en parallèle et croisés, menés chez des adultes (âgés de 18 ans et plus) diagnostiqués avec n'importe quel type et stade de cancer nécessitant une chimiothérapie ou une immunothérapie anticancéreuse IV. Les études éligibles ont comparé l'administration d'un traitement anticancéreux IV à domicile avec l'administration du même traitement en milieu hospitalier (patient hospitalisé ou ambulatoire) ou en milieu communautaire (centre de soins primaires ou une clinique communautaire). Nous avons inclus les études d'évaluation économique (i.e. les analyses : coût-efficacité, coût-utilité et coût-bénéfice) menées parallèlement aux études d'efficacité éligibles. Les critères de jugement principaux étaient les événements indésirables, l'hospitalisation et les consultations hospitalières supplémentaires (par exemple, visite aux urgences) dans les 48 heures suivant l'administration du traitement anticancéreux, les complications liées aux cathéters intraveineux, la préférence de la patientèle et le coût de l'administration du traitement anticancéreux IV du point de vue du prestataires de soins de santé.
Recueil et analyse des données
Deux auteurs de la revue ont sélectionné les études à inclure, extrait les caractéristiques des essais et les données numériques, évalué le risque de biais et estimé le niveau de confiance des données probantes à l'aide de l'approche GRADE. La principale comparaison était l'administration d'un traitement anticancéreux IV à domicile par rapport à un centre hospitalier ambulatoire. Les principaux points de mesure pour les critères de jugement d’intérêt liés aux événements indésirables graves, aux complications et aux coûts étaient collectés dans le suivi le plus long après l'intervention. Pour les critères de jugement tels que la préférence de la patientèle, la qualité de vie de la patientèle, la satisfaction de la patientèle et des soignants, et la non observance au traitement, les données étaient collectées aux points de mesure les plus précoces après l'intervention.
Résultats principaux
Nous avons identifié sept essais éligibles (trois ECR parallèles, quatre ECR croisés ; 401 participants randomisés, dont 272 inclus dans les analyses finales) et cinq essais en cours. Cinq essais inclus ont été réalisés avant les années 2000 et deux entre 2007 et 2011. L'âge moyen des participants aux essais variait de 60 à 70 ans. Quatre essais ont recruté de la patientèle atteinte des différents types de cancer incluant le cancer du sein, du côlon, du rectum, du pancréas, du poumon, de la tête et du cou, pancréatico-biliaire et le lymphome non hodgkinien. Trois essais ont porté sur des cancers spécifiques (cancer colorectal, cancer du sein, cancer du côlon). Sept essais ont comparé l'administration d'un traitement anticancéreux IV à domicile par rapport au centre hospitalier ambulatoire. Un essai a comparé l'administration d'un traitement anticancéreux IV au domicile, dans un centre hospitalier ambulatoire et dans un centre de soins primaires. Tous les patients ont été évalués par un médecin ou une infirmière spécialisée en chimiothérapie avant de recevoir chaque cycle de traitement; et des infirmières spécialisées en chimiothérapie ont administré le traitement, conformément à la pratique clinique standard, dans tous les contextes de tous les essais. Nous avons estimé que trois essais présentaient un risque global de biais faible. Dans quatre essais, le risque global de biais n'était pas clair en raison de descriptions succinctes des méthodes, de l'absence d’information sur les points de données évalués et de protocoles d'étude inaccessibles.
En raison du très faible niveau de confiance dans les données probantes, nous sommes incertains sur l’effet de l’administration des traitements anticancéreux IV à domicile par rapport au milieu hospitalier sur la prise en charge des événements indésirables, les hospitalisations, les visites supplémentaires à l’hôpital dans les 48 heures suivant l'administration ou sur les complications liées aux cathéters intraveineux (y compris l'infection et la thrombose) associées à l'administration d'un traitement anticancéreux IV à domicile ou en centre hospitalier ambulatoire. Sur la base de données probantes d’un niveau de confiance faible, les patients recevant une thérapie à domicile pourraient être plus susceptibles de préférer les futurs traitements à domicile, après avoir reçu un traitement dans ce cadre (35 de plus pour 100, 10 à 70 de plus ; données provenant d'un ECR avec 65 participants). Sur la base de données probantes d’un niveau de confiance faible, l'administration d'un traitement anticancéreux IV à domicile pourrait ne faire que peu ou pas de différence sur le coût du traitement du point de vue du prestataires de soins de santé, par rapport à l'administration du traitement dans un centre hospitalier ambulatoire le coût moyen en 2022 en dollars australiens (AUD) par traitement à domicile : 126 AUD en moins (de 1 798 AUD en moins à 1546 AUD de plus) ; données issues de 2 ECR avec 80 participants).
Nous ne sommes pas certains de l'effet de l'administration de traitements anticancéreux IV à domicile, par rapport à un centre de soins primaires, sur les effets indésirables et leur prise en charge. Aucune étude ne fait état d'une hospitalisation. Les données probantes concernant les hospitalisations ou visites supplémentaires à l’hôpital dans les 48 heures suivant l'administration d'un traitement anticancéreux sont d'un niveau de confiance très faible. Des données probantes d’un niveau de confiance faible suggèrent que, par rapport à un traitement administré dans un centre de soins primaires, des patients pourraient être plus ou moins susceptibles de préférer recevoir leurs futurs traitements à domicile et que l'administration d'un traitement anticancéreux à domicile pourrait ne faire que peu ou pas de différence par rapport au coût du traitement.
Conclusions des auteurs
Les données probantes sur la sécurité et le rapport coût-efficacité des traitements anticancéreux IV à domicile sont rares et obsolètes. Les traitements anticancéreux IV ont évolué ; les résultats d'études réalisées il y a plus de dix ans pourraient manquer de pertinence par rapport à la pratique actuelle. Toutefois, les principaux éléments à prendre en compte pour déterminer si un traitement à domicile est envisageable restent inchangés : la sécurité, la durée du traitement et la zone géographique desservie par l’hôpital. La conclusion selon laquelle les patients pourraient préférer les futurs traitements à domicile après avoir reçu un traitement dans ce cadre, bien que basée sur des données probantes à faible degré de confiance, est en accord avec la pratique actuelle répandue d'administrer des traitements anticancéreux IV, y compris des immunothérapies, à domicile lorsqu'ils sont jugés sûrs et préférés par le patient. Une sélection appropriée des patients et des schémas thérapeutiques est essentielle pour garantir la sécurité de l'administration d'un traitement anticancéreux IV à domicile.
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de André Morvan (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr