Principaux messages
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Un diagnostic et un traitement rapides sont très importants en cas de suspicion de kératite bactérienne (infection bactérienne de la cornée, la partie avant transparente de l'œil).
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Les kératites bactériennes traitées par l'association vancomycine + ceftazidime, la moxifloxacine seule et l'association céfazoline + tobramycine peuvent avoir le délai de guérison le plus court, tandis que la ciprofloxacine seule peut avoir le délai de guérison le plus long. Les trois traitements les moins susceptibles d'entraîner d’événements indésirables, tels qu'une irritation ou une perforation de la cornée (trou dans la cornée), étaient l'association vancomycine + ceftazidime, l'association céfazoline + gentamicine et l'association chlorhexidine + céfazoline.
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Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour améliorer notre confiance dans les données probantes.
Qu'est-ce que la kératite bactérienne ?
La cornée est la fenêtre frontale transparente de l'œil, nécessaire à la vision et à la défense de l'œil. La kératite bactérienne est une infection de la cornée causée par des bactéries. Elle peut provoquer des douleurs, des rougeurs, une vision floue et, si elle n'est pas traitée rapidement, peut causer des dommages à la vision, une cécité, voire la perte de l'œil. Le traitement consiste généralement en l'administration de gouttes ophtalmiques antibiotiques pour combattre l'infection. Dans certains cas, une intervention chirurgicale, telle qu'une greffe de cornée, est nécessaire pour sauver la vue ou les yeux.
Que voulions‐nous savoir ?
Nous voulions trouver la meilleure thérapie antibiotique topique pour traiter la kératite bactérienne. Nous avons défini la « meilleure » thérapie comme celle qui pouvait aboutir à une guérison complète de la cornée en un minimum de temps ; nous avons également pris en compte la réduction de la taille de l'ulcère cornéen (plaie ouverte dans la partie externe de la cornée), la vision après le traitement et le risque d'effets indésirables.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études comparant différents types de collyres antibiotiques ou un placebo (traitement factice, tel qu'un collyre contenant un mélange de sel et d'eau). Nous avons voulu savoir quels collyres antibiotiques sont les plus efficaces pour guérir l'infection et ont le moins d'effets indésirables. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué la fiabilité des données probantes en fonction de facteurs tels que les méthodes d'étude et les tailles des échantillons.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons inclus 23 études portant sur un total de 2 692 personnes. Les études varient considérablement en ce qui concerne le type d'antibiotiques utilisés et les critères de jugement mesurés. Nous avons regroupé les antibiotiques par classe de médicaments et par combinaison pour former 10 grands groupes. La thérapie combinée vancomycine + ceftazidime, la thérapie moxifloxacine seule et la thérapie combinée céfazoline + tobramycine ont montré le temps de guérison le plus court. Le traitement à la ciprofloxacine seule a montré le temps de guérison le plus long. L'association vancomycine + ceftazidime, l'association céfazoline + gentamicine et l'association chlorhexidine + céfazoline étaient les moins susceptibles d'entraîner des événements indésirables.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Dans l'ensemble, nous avons peu confiance dans les données probantes. Bien que les traitements étudiés et les populations incluses étaient variés, cela reflétaient surtout la pratique clinique et l'incertitude actuelle quant au meilleur traitement. Il existe également de nombreuses différences entre les études en ce qui concerne les plans d'étude, la gravité de l'infection et les méthodes de mesure des critères de jugement. Les effets démontrés dans notre revue sont susceptibles de changer avec l'apport de nouvelles données probantes.
Dans quelle mesure ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont valables jusqu'en août 2024.
Lire le résumé complet
La kératite infectieuse, communément appelée infection de la cornée, est une cause majeure d'aveuglement, affectant environ six millions de personnes dans le monde et entraînant environ deux millions de cas de cécité monoculaire par an. L'incidence varie considérablement dans le monde, avec des taux plus élevés dans les pays à revenu faible et intermédiaire en raison de divers facteurs de risque, notamment les blessures agricoles et autres traumatismes accidentels, l'accès limité aux soins de santé, et le faible niveau de connaissances en matière de santé. La kératite bactérienne (KB) est la forme la plus répandue dans les régions à revenu élevé, contribuant à une morbidité et à une charge de soins de santé significatives. Si elle n'est pas diagnostiquée et traitée rapidement, la KB peut endommager la cornée et entraîner une cicatrice cornéenne, une déficience visuelle et/ou la cécité. Les antibiotiques topiques à large spectre restent le traitement principal, les profils microbiologiques régionaux et les schémas de résistance aux antimicrobiens influençant les choix thérapeutiques. Toutefois, compte tenu de l'hétérogénéité substantielle de la pratique clinique, le choix optimal des antibiotiques topiques pour le BK reste incertain. Aborder cette question non résolue pourrait contribuer à éclairer la pratique actuelle et à améliorer les résultats cliniques du KB.
Objectifs
Comparer les bénéfices et les risques des antibiotiques topiques dans le traitement de la KB et classer les interventions en effectuant une revue systématique et une méta-analyse en réseau (MAR).
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, Medline, Embase, deux autres bases de données et deux registres d'essais, en vérifiant les références et en contactant les auteurs des études (si nécessaire). La dernière date de recherche était le 8 août 2024. Aucune restriction n'a été imposée quant à la langue ou à l'année de publication.
Critères de sélection
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) dans lesquels différents types d'antibiotiques topiques (par exemple, la ciprofloxacine, la moxifloxacine, la vancomycine, etc.) et/ou un placebo ont été comparés chez des participants atteints de BK (diagnostiqué cliniquement ou microbiologiquement, ou les deux).
Recueil et analyse des données
Nous avons utilisé la méthodologie standard de la collaboration Cochrane. Nos critères de jugement étaient le nombre moyen de jours avant la guérison, la taille moyenne du défaut épithélial, la taille moyenne de l'infiltrat, l'acuité visuelle moyenne corrigée et non corrigée à distance, et les effets indésirables. Nous avons évalué le risque de biais à l'aide de l'outil RoB 2 et le niveau de confiance de données probantes à l'aide du cadre CINeMA pour les résultats principaux MAR de notre critère de jugement critique.
Résultats principaux
Nous avons inclus 23 ECR à groupes parallèles qui ont inclus 2 692 participants diagnostiqués avec le BK. Les études ont été menées en Australie, au Canada, en Inde, en Iran, en Israël, au Japon, aux Philippines, en Serbie, en Thaïlande, au Royaume-Uni et aux États-Unis. La majorité des participants étaient en âge de travailler, avec une moyenne d'âge allant de 26 à 66 ans, et 58 % étaient des hommes. Nous avons classé six types d'interventions : monothérapie par fluoroquinolone, monothérapie par céphalosporine, monothérapie par pénicilline, bithérapie, trithérapie et autre monothérapie (povidone-iode, miel, placebo), ce qui a donné lieu à 10 comparaisons par paires. Nous avons jugé que 12 études (54,5 %) présentaient un risque de biais élevé et que 10 études (45,5 %) soulevaient quelques inquiétudes quant au risque de biais.
Sur la base du critère de jugement critique (nombre moyen de jours avant guérison) analysé par la surface sous la courbe des probabilités de rang cumulées probabilités de rang cumulées (SUCRA), la vancomycine + ceftazidime (SUCRA) de 83,8), la moxifloxacine (SUCRA de 83,1) et la céfazoline + tobramycine (SUCRA de 71,3) se sont révélées être les traitements les plus efficaces pour le KB. Par rapport à la ciprofloxacine en monothérapie (groupe témoin), les médicaments suivants ont montré des signes de guérison plus rapide (de plus de deux à sept jours) : moxifloxacine (différence de moyennes [DM] -6,81, intervalle de confiance [IC] à 95 % -13,83 à 0,20 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), vancomycine + ceftazidime (DM -6,18, IC à 95 % -10,24 à -2.12 ; données probantes d’un niveau de confiance faible), céfazoline + tobramycine (DM -5,57, IC à 95 % -12,87 à 1,74 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), gatifloxacine (DM -3,84, IC à 95 % -9,12 à 1.43 ; données probantes d’un niveau de confiance faible), céfazoline + gentamicine (DM -2,58, IC à 95 % -6,45 à 1,30 ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et miel (DM -2,44, IC à 95 % -4,42 à -0,46 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). À l'inverse, la loméfloxacine (DM -0,94, IC à 95 % -3,88 à 2,00 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) et l'ofloxacine (DM -0,70, IC à 95 % -0,90 à -0,50 ; données probantes d’un niveau de confiance élevé) ont montré un temps de guérison similaire à celui de la ciprofloxacine, avec une différence de moins d'un jour. Comparativement à la vancomycine + ceftazidime, l'ofloxacine (DM 5,48, IC à 95 % 1,41 à 9,55 ; données probantes d’un niveau de confiance faible), la loméfloxacine (DM 5,24, IC à 95 % 1,50 à 8,98 ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et la céfazoline + gentamicine (DM 3,60, IC à 95 % 2,38 à 4,82 ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ont montré des signes de temps de guérison plus long (de trois à six jours).
Parmi les critères de jugement importants, y compris la taille moyenne du défaut épithélial, la taille moyenne de l'infiltrat, l'acuité visuelle moyenne corrigée et non corrigée à distance, et les effets indésirables, seules les probabilités d’événements indésirables non graves/non sévères (allant de la gêne oculaire, l'hyperémie, la toxicité, la conjonctivite et la kératite ponctuée superficielle jusqu’à la nécessité d'une kératoplastie thérapeutique) disposaient de suffisamment de données pour être analysées. Les trois interventions les moins susceptibles d'entraîner d’événements indésirables sont la vancomycine + ceftazidime (SUCRA de 93,1), la céfazoline + gentamicine (SUCRA de 82,5) et la chlorhexidine + céfazoline (SUCRA de 77,0). Concernant la probabilité de survenue d’un événement indésirable non grave ou non sévère, la vancomycine + ceftazidime a été associée à moins d’événements indésirables que la ciprofloxacine (rapport des cotes [RC] 0,07, IC à 95 % 0,01 à 0,92), la gatifloxacine (RC 0,05, IC à 95 % 0,00 à 0,90) et la céfazoline + tobramycine (RC 0,05, IC à 95 % 0,00 à 0,75), tandis que la céfuroxime + gentamicine a causé plus d’événements indésirables que l'ofloxacine (RC 16,13, IC à 95 % 1,88 à 138,47), la moxifloxacine (OR 20,31, IC à 95 % 1,15 à 358,25), la céfazoline + gentamicine (OR 96,41, IC à 95 % 2,52 à 3692,25), et la céfazoline + chlorhexidine (OR 0,01, IC à 95 % 0,00 à 0,71). Nous n'avons pas évalué le niveau de confiance de données probantes concernant les événements indésirables.
Conclusions des auteurs
Dans notre méta-analyse en réseau, la majorité des données probantes, allant d’un niveau de confiance modéré à très faible, suggèrent que l'association vancomycine + ceftazidime, la monothérapie par moxifloxacine et l'association céfazoline + tobramycine pourraient être les traitements les plus efficaces pour la kératite bactérienne en termes de temps de cicatrisation de la cornée, tandis que la ciprofloxacine serait la moins efficace. Étant donné que la majorité des données probantes n'étaient pas d'un niveau de confiance élevé, les résultats de cette méta-analyse en réseau doivent être interprétés avec prudence, et des recherches futures pourraient potentiellement modifier ces conclusions.
Financement
RQ bénéficie d'une subvention du National Eye Institute (Institut national de l’Œil) (UG1EY020522). DSJT remercie le soutien du Medical Research Council/Fight for Sight Clinical Research Fellowship (MR/T001674/1) ainsi que celui de la Birmingham Health Partners Fellowship. CH bénéficie d'une subvention de Glaucoma UK (183772), National Institute for Health Research Clinical Lectureship (CL-2020-18-009). Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du NIHR, du NHS ou du ministère britannique de la santé et des soins sociaux.
Enregistrement
Protocole disponible via doi : 10.1002/14651858.CD015350
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Manar Moussaide (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr