Principaux messages
- La prise d’ITK ciblant l’EGFR après une chirurgie du cancer du poumon pourrait aider les patients à rester sans cancer plus longtemps que la chimiothérapie ou l’absence de traitement.
- Les ITK ciblant l’EGFR permettent probablement de vivre plus longtemps par rapport à l'absence de traitement, mais ne font que peu ou pas de différence en termes de survie par rapport à la chimiothérapie.
- Les ITK ciblant l’EGFR entraînent moins d'effets secondaires graves que la chimiothérapie, mais pourraient provoquer davantage d'effets secondaires légers à modérés.
- Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre si la poursuite des ITK ciblant l’EGFR pendant une durée plus longue améliore la survie.
Qu'est-ce que le cancer du poumon et comment est-il traité ?
Le cancer du poumon est l'un des cancers les plus répandus dans le monde. Le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) est le plus fréquent. Certaines tumeurs du CPNPC présentent des mutations dans un gène appelé EGFR.
La chirurgie est le principal traitement du CPNPC à un stade débutant, mais le cancer peut réapparaître après l'opération. Pour réduire ce risque, les patients peuvent recevoir un traitement supplémentaire (traitement adjuvant), tel qu'une chimiothérapie ou un ITK ciblant l'EGFR.
Nous avons voulu savoir si la prise d’ITK ciblant l’EGFR après la chirurgie aide les patients à vivre plus longtemps et prévient la réapparition du cancer. Nous avons également examiné les effets secondaires.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études comparant les inhibiteurs de la tyrosine kinase de l'EGFR à un placebo (médicament inactif ou « factice »), aux meilleurs soins de soutien ou à la chimiothérapie chez des personnes atteintes d'un CPNPC de stade I à III ayant subi une intervention chirurgicale. Nous avons comparé et synthétisé les résultats des études, et évalué notre niveau de confiance dans les données probantes en fonction de facteurs comme les méthodes utilisées et la taille des études.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 15 études avec 2 603 participants. Neuf études ont été achevées et six sont en cours. Les études incluses ont procédé à des comparaisons :
- Des ITK ciblant l’EGFR par rapport à un placebo ou aux meilleurs soins de soutien (cinq études) ;
- Des ITK ciblant l’EGFR par rapport à la chimiothérapie (quatre études).
Principaux résultats
ITK ciblant l’EGFR par rapport au placebo/aux meilleurs soins de soutien
- Survie globale : les ITK ciblant l’EGFR aident probablement les patients à vivre plus longtemps.
- Récidive de cancer : les ITK ciblant l’EGFR peuvent aider les personnes à rester plus longtemps sans cancer, mais les données probantes sont très incertaines.
- Effets secondaires graves : ils pourraient être similaires dans les deux groupes, mais les données probantes sont très incertaines.
- Effets secondaires légers à modérés : les ITK ciblant l’EGFR pourraient entraîner des effets secondaires légers à modérés, mais les données probantes sont très incertaines.
- Les personnes prenant des ITK ciblant l’EGFR ne se sentaient généralement pas plus mal que celles qui n’en prenaient pas.
- Récidive du cancer après l'arrêt du traitement : le risque de réapparition du cancer peut être similaire entre les groupes.
ITK ciblant l’EGFR par rapport à la chimiothérapie
- Survie globale : il n’y a probablement que peu ou pas de différence de survie entre les ITK ciblant l’EGFR et la chimiothérapie.
- Récidive de cancer : les ITK ciblant l’EGFR peuvent aider les personnes à rester sans cancer plus longtemps que la chimiothérapie.
- Effets secondaires graves : les effets secondaires graves pourraient être moins fréquents avec les ITK ciblant l’EGFR qu’avec la chimiothérapie.
- Effets secondaires légers à modérés : les ITK ciblant l’EGFR pourraient provoquer des effets secondaires légers à modérés.
- La qualité de vie globale est probablement à peu près la même dans les deux groupes.
- Récidive du cancer après l'arrêt du traitement : il n'y a pas de différence nette entre les groupes.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Notre confiance dans les données probantes varie de très faible à modérée, pour plusieurs raisons. Dans certaines études, les participants savaient quel traitement ils recevaient, ce qui pourrait avoir influencé les résultats. Toutes les études n'ont pas fourni de données sur tous les aspects qui nous intéressaient, notamment la survie globale des participants. Les études ont fait état de la rechute du cancer de différentes manières.
D'autres recherches sont nécessaires pour déterminer si un traitement prolongé par ITK ciblant l’EGFR améliore la survie.
Dans quelle mesure ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont valables jusqu'au 9 décembre 2024.
Lire le résumé complet
L’osimertinib, inhibiteur du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR, pour epidermal growth factor receptor), en traitement adjuvant postopératoire, est le traitement de référence des cancers du poumon non à petites cellules (CPNPC) de stade IB à IIIB, avec délétions de l’exon 19 de l’EGFR ou mutation L858R de l’exon 21, après résection tumorale complète, avec ou sans chimiothérapie adjuvante préalable à base de sels de platine. Cependant, le rôle des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) anti-EGFR dans ce contexte fait l’objet de débats, notamment en ce qui concerne leurs effets curatifs à long terme par rapport au simple retard de la récidive. Des incertitudes persistent quant à la durée du traitement, ses risques et son efficacité en fonction du stade de la maladie, des chimiothérapies antérieures ou des types de mutations sensibles à l’EGFR.
Objectifs
Évaluer l’efficacité et les risques d’un traitement adjuvant par inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) anti-EGFR chez les personnes atteintes d’un cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) de stade I à III ayant subi une résection et présentant une mutation activatrice de l’EGFR.
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons recherché les principales bases de données (CENTRAL, MEDLINE, Embase) jusqu’au 9 décembre 2024, ainsi que les actes de conférences (depuis 2019) et les registres d’essais cliniques.
Critères de sélection
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) rapportant les bénéfices ou les risques d’un traitement adjuvant par ITK anti-EGFR chez des adultes atteints d’un CPNPC de stade I à III réséqué. Les essais ont comparé les ITK anti-EGFR à une chimiothérapie à base de platine, à un placebo/aux meilleurs soins de soutien (BSC, best supportive care), ou les ITK anti-EGFR de d euxième et/ou troisième génération aux ITK anti-EGFR de première et/ou deuxième génération. Les participants étaient des adultes atteints d’un CPNPC de stade I à III confirmé histologiquement.
Recueil et analyse des données
Trois auteurs de la revue ont évalué de manière indépendante les résultats des recherches, les désaccords étant résolus par un quatrième auteur. Les critères de jugement principaux étaient la survie globale (SG), la survie sans maladie (DFS) et les événements indésirables (EI) ; les critères de jugement secondaires comprenaient la qualité de vie liée à la santé, le risque de rechute pendant la période d’arrêt du traitement et le risque de rechute cérébrale. Nous avons réalisé des méta-analyses à l'aide de modèles à effets fixes et à effets aléatoires avec des hazard ratios (HRs) ou des rapports de risque (RRs) et des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Nous avons évalué l'hétérogénéité à l'aide de la statistique I².
Résultats principaux
Nous avons inclus neuf ECR impliquant 2 603 participants et identifié six essais en cours. Cinq essais ont comparé les ITK anti-EGFR au placebo/BSC, et quatre les ont comparés à la chimiothérapie. Nous n’avons pas trouvé d’essais comparant les ITK anti-EGFR de d euxième et/ou de troisième génération aux ITK anti-EGFR de première et/ou de deuxième génération. Six essais présentaient un faible risque de biais de sélection ; la plupart présentaient un risque incertain ou élevé de biais de détection ou de performance ; quatre présentaient un risque élevé d’autres biais. Le niveau de confiance des données probantes (selon l’approche GRADE) variait de modéré à très faible, selon le critère de jugement.
ITK anti-EGFR de première, deuxième et/ou troisième génération versus placebo/BSC
Les ITK anti-EGFR améliorent probablement la survie globale par rapport au placebo/BSC (HR 0,54, IC à 95 % 0,40 à 0,73 ; 3 études, 864 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Les ITK peuvent améliorer la survie sans maladie par rapport au placebo/BSC, mais les données probantes sont très incertaines (HR 0,34, IC à 95 % 0,28 à 0,41 ; 5 études, 1 153 participants).
Nous ne savons pas s'il existe une différence entre les groupes concernant le risque de survenue d’événements indésirables graves (≥ grade 3), car les données probantes sont très incertaines, avec de larges intervalles de confiance couvrant à la fois un risque potentiel et une absence d'effet (RR 2,52, IC à 95 % 0,44 à 14,37 ; 4 études, 1 134 participants).
Les événements indésirables légers à modérés (grades 1 et 2) pourraient être plus fréquents avec les ITK anti-EGFR qu’avec le placebo/BSC, mais les données probantes sont très incertaines (RR 1,57, IC à 95 % 1,08 à 2,29 ; 4 études, 1 134 participants).
Une étude a évalué la qualité de vie et n’a pas montré de diminution cliniquement significative par rapport au placebo/BSC (592 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).
ITK anti-EGFR de première, deuxième et/ou troisième génération versus chimiothérapie
La survie globale était similaire entre les ITK anti-EGFR et la chimiothérapie (HR 0,79, IC à 95 % 0,52 à 1,18 ; 4 études, 878 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Les ITK pourraient avoir amélioré la survie sans maladie par rapport à la chimiothérapie (HR 0,54, IC à 95 % 0,35 à 0,83 ; 4 études, 878 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
Les ITK pourraient avoir réduit le risque d’événements indésirables graves (≥ grade 3) par rapport à la chimiothérapie (RR 0,31, IC à 95 % 0,18 à 0,52 ; 4 études, 811 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
Les ITK pourraient entraîner une augmentation des événements indésirables légers à modérés (grades 1 et 2) (RR 2,13, IC à 95 % 1,20 à 3,78 ; 4 études, 811 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).
Deux études ont évalué la qualité de vie liée à la santé, et n’ont pas montré de différence claire par rapport à la chimiothérapie, en utilisant la grille d’évaluation Functional Assessment of Cancer Therapy-Lung (2 études, 399 participants) et l’échelle Lung Cancer Symptom Scale (2 études, 400 participants), toutes deux avec des données probantes d’un niveau de confiance modéré.
Conclusions des auteurs
Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) anti-récepteur du facteur de croissance épidermique (anti-EGFR) adjuvants pourraient améliorer la survie sans maladie par rapport au placebo/BSC (meilleurs soins de soutien) et à la chimiothérapie. Il existe des données probantes d’un niveau de confiance modéré selon lesquelles les ITK anti-EGFR pourraient augmenter la survie globale par rapport au placebo/BSC. Cependant, ils n'entraînent probablement que peu ou pas de différence en termes de survie globale par rapport à la chimiothérapie. Nous n’avons pas pu exclure un bénéfice potentiel en termes de survie de la chimiothérapie adjuvante chez les personnes atteintes d’un CPNPC (cancer du poumon non à petites cellules) porteuses d’une mutation de l’EGFR. Environ 50 % des participants ont connu une rechute ou sont décédés dans l’année suivant l’arrêt du traitement par ITK anti-EGFR, ce qui indique que le bénéfice en termes de survie sans maladie pourrait s’estomper après l’arrêt. Cela soulève la possibilité qu’un traitement adjuvant prolongé par ITK anti-EGFR pourrait être associé à de meilleurs critères de jugement à long terme, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour en apporter la confirmation.
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Ibtissem Larabi (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr