Problématique de la revue
Quels sont l'efficacité et le rapport coût-efficacité des soins palliatifs spécialisés pour les adultes atteints d'une maladie en phase terminale et leurs aidants non rémunérés ?
Pourquoi cette question est-elle importante ?
Les soins palliatifs visent à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes d'une maladie en phase terminale (maladie incurable et entraînant probablement la mort). Ils visent à aider les patients, leurs aidants non rémunérés et leurs familles à gérer les symptômes qui provoquent la détresse (par exemple, la douleur) et à répondre aux besoins des patients et des aidants non rémunérés en matière de soutien psychologique, social et spirituel. Les soins palliatifs sont connus sous le nom d'approche « holistique », car ils prennent en compte la personne « dans son ensemble » avec son réseau de soutien, et non pas seulement la maladie et ses symptômes. Ils impliquent généralement une équipe de personnes qui peut comprendre des médecins, des infirmières, des pharmaciens, d'autres professionnels de la santé, des travailleurs sociaux, des aumôniers ou des bénévoles.
Un nombre croissant d'hôpitaux mettent en place des services de soins palliatifs spécialisés. Ces services peuvent être disponibles :
- soit au sein de l'hôpital lui-même – pour les patients hospitalisés ou en consultation externe ;
- ou en tant qu’ « hospitalisation à domicile » – ce qui signifie que l'équipe de l'hôpital rend visite aux patients chez eux ;
- ou dans plusieurs environnements (par exemple, à l'hôpital et à domicile).
Pour savoir si les soins palliatifs spécialisés sont bénéfiques pour les patients et leurs aidants non rémunérés, et pour évaluer le rapport coût-efficacité, nous avons réalisé une revue systématique des données probantes issues de travaux de recherche.
Comment avons-nous identifié et évalué les données probantes ?
Tout d'abord, nous avons recherché toutes les études pertinentes dans la littérature médicale. Nous avons cherché spécifiquement :
- les études contrôlées randomisées : il s'agit d'études dans lesquelles les personnes sont réparties au hasard dans différents groupes recevant chacun un traitement différent. Ce type d'études fournit les données probantes les plus solides sur les effets d'un traitement ;
- des études qui comparent les soins palliatifs spécialisés aux soins en milieu hospitalier sans soins palliatifs spécialisés ; aux soins reçus à domicile ; ou aux soins reçus en maison de retraite en dehors de l'hôpital.
Nous avons comparé les résultats et résumé les données probantes de toutes les études. Enfin, nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes. Nous avons pris en compte des facteurs tels que la manière dont les études ont été menées, la taille des études et la cohérence des résultats d'une étude à l'autre. Sur la base de nos évaluations, nous avons classé les données probantes en fonction de leur niveau confiance (très faible, faible, modéré, élevé).
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé 42 études qui ont été menées sur un total de 6678 patients et 1101 aidants ou membres de la famille. Les patients souffraient de : cancer (21 études) ; d'une maladie avancée qui n'était pas un cancer (14 études) ; et d'une combinaison de diagnostics mixtes (cancers et autres) (7 études). Les patients de six des quatorze études sur les patients n’ayant pas de cancer présentaient une insuffisance cardiaque. Près de la moitié (19) des études ont été réalisées aux États-Unis. Treize études ont fourni des informations sur les coûts des soins palliatifs spécialisés.
Les résultats des études que nous avons trouvées suggèrent que, par rapport aux soins classiques :
- Les soins palliatifs spécialisés pourraient légèrement améliorer la qualité de vie des patients en matière de santé, la charge globale des symptômes et la satisfaction à l'égard des soins ;
- Les soins palliatifs spécialisés pourraient augmenter les chances que les personnes décèdent dans le lieux de leur choix.
Nous ne sommes pas sûrs des effets des soins palliatifs spécialisés à sur la douleur, la charge des aidants ou les événements indésirables. Cela est dû au fait que les données probantes que nous avons trouvées n'étaient pas solides (données probantes d’un niveau de confiance très faible). De même, comme les données probantes relatives aux coûts étaient d’un niveau de confiance très faible, nous ne pouvons pas évaluer le rapport coût-efficacité des soins palliatifs spécialisés.
Qu’est-ce que cela signifie?
Par rapport aux soins classiques, les soins palliatifs spécialisés pourraient légèrement améliorer la qualité de vie d'un patient, sa charge des symptômes et sa satisfaction à l'égard des soins. Ils pourraient également augmenter les probabilités que les patients décèdent à leur domicile. Toutefois, de futures études pourraient modifier ces résultats, car ceux-ci sont basés sur des données probantes d’un niveau de confiance faible. Nous avons besoin d'études supplémentaires pour évaluer les effets des soins palliatifs spécialisés concernant d’autres critères de jugement, tels que la douleur, la charge des aidants, les événements indésirables et le rapport coût-efficacité.
Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?
Les données probantes de cette revue Cochrane sont à jour jusqu'en août 2019.
Les données probantes d’un niveau de confiance très faible à faible suggèrent que, par rapport aux soins habituels, les soins palliatifs spécialisés pourraient être légèrement bénéfiques pour plusieurs critères de jugement centrés sur les patients, notamment la qualité de vie des patients, le fardeau des symptômes et la satisfaction des patients à l'égard des soins, tout en augmentant les probabilités que les patients meurent dans leur lieu de prédilection (mesurées par le décès à domicile). Bien que nous n'ayons pas trouvé de données probantes suggérant que les soins palliatifs spécialisés puissent causer de graves préjudices, les données probantes étaient insuffisantes pour tirer des conclusions solides. Bien qu'il ne s'agisse que d'effets de petite taille, ces derniers pourraient être cliniquement pertinents à un stade avancé d’une maladie avec un pronostic limité, et sont des critères de jugement importants pour de nombreux patients ainsi que leurs familles. Davantage d'études bien menées sont nécessaires pour étudier les effets sur les patients atteints de maladies non malignes et les diagnostics mixtes, les modèles de soins ambulatoires des soins palliatifs spécialisés, l'accès 24 heures sur 24 (soins en dehors des heures d'ouverture) dans le cadre des soins palliatifs spécialisés, la douleur, la mort du patient dans son lieu de prédilection, la satisfaction du patient par rapport aux soins, les paramètres liés aux aidants (satisfaction par rapport aux soins, charge émotionnelle, dépression, anxiété, deuil, qualité de vie) et le rapport coût-efficacité des soins palliatifs spécialisés. En outre, des recherches sont nécessaires pour fournir des critères de jugement validés centrés sur les patients et utilisé dans toutes les études et chez tous les groupes de patients.
Les maladies graves sont souvent caractérisées par des problèmes physiques/psychologiques, des besoins de soutien familial et un fort besoin des ressources de santé. Les soins palliatifs spécialisés se sont développés pour aider à mieux répondre aux besoins des patients et de leurs familles et à réduire potentiellement les dépenses de soins hospitaliers. Il est nécessaire de clarifier l'efficacité et les modèles optimaux des soins palliatifs spécialisés, étant donné que la plupart des gens meurent encore à l'hôpital, et aussi pour aider à allouer judicieusement ces ressources limitées.
Évaluer l'efficacité et le rapport coût-efficacité des services de soins palliatifs spécialisés par rapport aux soins classiques pour les adultes atteints d'une maladie avancée (ci-après « les patients ») et leurs aidants non rémunérés/familles.
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données CENTRAL, CDSR, DARE et HTA via la Bibliothèque Cochrane ; MEDLINE ; Embase ; CINAHL ; PsycINFO ; CareSearch ; National Health Service Economic Evaluation Database (NHS EED) et deux registres d'essais jusqu'en août 2019, ainsi que la vérification des listes de références et des revues systématiques pertinentes, la recherche de citations et le contact avec des experts pour identifier des études supplémentaires.
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) évaluant l'impact des soins palliatifs spécialisés sur des paramètres concernant les patients ou leurs aidants non rémunérés/familles, ou les deux. Les soins palliatifs spécialisés ont été définis comme des soins palliatifs spécialisés dispensés par une équipe de soins palliatifs basée dans un hôpital fournissant des soins holistiques, une coordination par une équipe multidisciplinaire et une collaboration entre les prestataires du service de soins palliatifs spécialisés et les généralistes. Les soins palliatifs spécialisés ont été administrés aux patients lors de leur admission en tant que patients hospitalisés dans des hôpitaux de soins prolongés, en tant que patients externes ou en tant que patients recevant des soins à domicile par des équipes hospitalières. Nous avons comparé les soins palliatifs spécialisés aux soins habituels qui sont définis comme étant des soins hospitaliers ou ambulatoires sans apport de soins palliatifs spécialisés lors de l’inclusion du patient dans l’étude ni de soins reçus à domicile ou en maison de retraite en dehors de l’hôpital.
Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane. Nous avons évalué le risque de biais et extrait les données. Pour tenir compte de l'utilisation d'échelles différentes selon les études, nous avons calculé des différences moyennes standardisées (DMS) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 % pour les données continues. Nous avons utilisé un modèle à variance inverse à effets aléatoires. Pour les données binaires, nous avons calculé les rapports des cotes (RC) avec des IC à 95 %. Nous avons évalué les données probantes en utilisant l’approche GRADE et avons créé un tableau récapitulatif des résultats.
Nos principaux critères de jugement étaient la qualité de vie liée à la santé des patients (QVLS) et le fardeau des symptômes (un ensemble de deux symptômes ou plus). Les critères de jugement secondaires étaient la douleur, la dépression, la satisfaction des soins, le décès dans le lieu de prédilection, la mortalité/survie, le fardeau des aidants non rémunérés et le rapport coût-efficacité. Les données qualitatives ont été analysées lorsqu'elles étaient disponibles.
Nous avons identifié 42 ECR impliquant 7779 participants (6678 patients et 1101 aidants/membres de la famille). Vingt et une études ont porté sur des patients ayant des cancers, 14 sur des patients n’ayant pas de cancer (dont six sur des patients souffrant d'insuffisance cardiaque) et sept sur des patients aux diagnostics mixtes (certains présentant des cancers, d’autres non).
Les soins palliatifs spécialisés étaient proposés de différentes manières et comprenaient les modèles suivants : en soins ambulants, en consultation interne, en consultation externe, en soins à domicile, ainsi que des soins dans plusieurs environnements à la fois, dont l'hôpital. Pour nos principales analyses, nous avons regroupé les données issues des études rapportant les valeurs finales ajustées. Quarante études présentaient un risque élevé de biais dans au moins un domaine.
Par rapport aux soins habituels, les soins palliatifs spécialisés ont amélioré la QVLS avec un léger effet de 0,26 DMS par rapport aux soins habituels (IC à 95% de 0,15 à 0,37 ; I2 = 3 %, 10 études, 1344 participants, données probantes d’un niveau de confiance faible, des scores plus élevés indiquent une meilleure QVLS des patients). Les soins palliatifs spécialisés ont également amélioré d'autres critères de jugement axés sur les patients. Ils ont réduit le fardeau des symptômes des patients avec un léger effet de -0,26 DMS par rapport aux soins habituels (IC à 95% de -0,41 à -0,12 ; I2 = 0 %, 6 études, 761 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible, des scores plus faibles indiquent un fardeau des symptômes plus faible). Les soins palliatifs spécialisés ont amélioré la satisfaction des patients à l'égard des soins avec un léger effet de 0,36 DMS par rapport aux soins habituels (IC à 95 % de 0,41 à 0,57 ; I2 = 0 %, 2 études, 337 participants, données probantes d’un niveau de confiance faible, les scores plus élevés indiquent une meilleure satisfaction des patients à l'égard des soins). En considérant les morts à domicile comme mesure de substitution concernant le choix du lieu souhaité de décès par les patients, les patients étaient plus susceptibles de mourir à leur domicile avec les soins palliatifs spécialisés par rapport aux soins habituels (RC 1,63, IC à 95% de 1,23 à 2,16 ; I2 = 0 %, 7 études, 861 participants, données probantes d’un niveau de confiance faible). Les données sur la douleur (4 études, 525 participants) n'ont pas montré d’effet entre les soins palliatifs spécialisés et les soins classiques (DMS -0,16, IC à 95% de -0,33 à 0,01 ; I2 = 0 %, données probantes d’un niveau de confiance très faible). Huit études (N = 1252 participants) ont rapporté d'événements indésirables et les données probantes d’un niveau de confiance très faible n'ont pas montré d’effet des soins palliatifs spécialisés sur d’éventuels incidents graves. Deux études (170 participants) ont présenté des données sur le fardeau des aidants mais aucune n’a montré d’effet des soins palliatifs spécialisés (données probantes d’un niveau de confiance très faible). Nous avons inclus 13 études économiques (2103 participants). Dans l'ensemble, les données probantes du rapport coût-efficacité des soins palliatifs spécialisés par rapport aux soins habituels n'étaient pas cohérentes entre les quatre études économiques complètes. D'autres études qui n'ont utilisé qu'une analyse économique partielle et celles qui ont présenté des informations plus limitées sur l'utilisation des ressources et les coûts ont également abouti des résultats incohérents (données probantes d’un niveau de confiance très faible).
Niveau de confiance des données probantes
Les niveaux de confiance des données probantes évalués à l'aide du système GRADE allaient de très faible à faible, déclassés en raison d'un risque de biais élevé, d'incohérence et d'imprécision.
Post-édition effectuée par Baptiste Arbez et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr