Principaux messages
• L'ustekinumab est plus efficace qu'un placebo (traitement factice) pour traiter la maladie de Crohn (maladie inflammatoire de l’intestin) lorsqu'il est utilisé à court terme.
• L'ustekinumab n'entraîne probablement pas d’augmentation des effets indésirables graves par rapport au placebo.
• Les données probantes ne sont pas suffisantes pour tirer des conclusions sur l’efficacité comparative de l’ustekinumab par rapport à d'autres médicaments.
Qu'est-ce que la maladie de Crohn ?
La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire de longue durée (chronique) de l'intestin qui peut affecter n'importe quelle partie du tractus gastro-intestinal (digestif), de la bouche à l'anus. Les symptômes comprennent des douleurs abdominales, une diarrhée non sanglante, de la fatigue et une perte de poids.
Qu'est-ce que l'ustekinumab et comment est-il utilisé pour traiter la maladie de Crohn ?
L'ustekinumab est un produit biologique (un médicament issu d'organismes vivants). Il peut être injecté sous la peau à l'aide d'une seringue ou infusé directement dans une veine (intraveineuse). Les thérapies biologiques suppriment le système immunitaire et réduisent l'inflammation qui se produit dans la maladie de Crohn. Lorsque les personnes atteintes de la maladie de Crohn présentent des symptômes, on dit que la maladie est « active » ; les périodes où les symptômes cessent sont appelées « rémission ».
Le briakinumab est un autre médicament qui agit de manière similaire et qui a été pris en compte dans les versions précédentes de cette revue. Cependant, le briakinumab n'est plus utilisé pour le traitement de la maladie de Crohn et le fabricant a arrêté sa production en 2011 ; il a donc été exclu de cette mise à jour de la revue.
Que voulions‐nous savoir ?
Nous voulions savoir si l'ustekinumab est plus efficace qu'un placebo (traitement factice) ou d'autres médicaments pour induire une rémission chez les personnes atteintes d'une maladie de Crohn active, et si ces médicaments entraînent des effets indésirables.
Qu'avons-nous fait ?
Nous avons recherché dans la littérature médicale des études comparant l'ustekinumab à un placebo ou à d'autres médicaments, tels que l'adalimumab ou le guselkumab. Nous avons également inclus des essais portant sur différentes doses de médicaments. Nous avons comparé et résumé les résultats des études et évalué la fiabilité des données probantes en fonction de facteurs tels que les méthodes d'étude et les tailles des échantillons.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé huit études incluant un total de 3 224 personnes. Cinq études ont comparé l'ustekinumab à un placebo ; une étude a comparé différentes doses d'ustekinumab chez les enfants ; et deux études ont comparé l'ustekinumab à d'autres médicaments biologiques. Toutes les études ont duré au moins huit semaines.
Résultats principaux
L'ustekinumab réduit le nombre de personnes qui ne parviennent pas à obtenir une rémission après huit semaines de traitement. Il s'agit d'une thérapie efficace pour améliorer les symptômes des personnes atteintes de la maladie de Crohn. Comparé au placebo, l'ustekinumab n'entraîne probablement pas d'augmentation des effets indésirables graves à huit semaines. L'aggravation de la maladie de Crohn et les infections ont été les effets indésirables les plus fréquents chez les personnes recevant l'ustekinumab.
Différentes doses d'ustekinumab ont été étudiées chez les enfants. Les données probantes concernant la meilleure dose sont très incertaines. Aucune information spécifique sur les effets indésirables graves à huit semaines chez les enfants n'était disponible.
Les données probantes concernant les effets de l'ustekinumab par rapport à d'autres médicaments biologiques sont également très incertaines. Aucune étude n'a rapporté le taux d'effets indésirables graves à huit semaines pour cette comparaison.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Nous sommes confiants dans les données probantes concernant le bénéfice de l'ustekinumab par rapport au placebo. Nous n'avons qu'une confiance modérée dans les données probantes relatives aux effets indésirables graves, en raison du faible nombre d'effets indésirables graves rapportés.
Notre confiance dans les données probantes comparant différentes doses d'ustekinumab et comparant l'ustekinumab à d'autres médicaments biologiques est très faible car, il n'y avait pas assez d'études pour être certain des résultats, et les études ne couvraient pas toutes les personnes qui nous intéressaient.
Dans quelle mesure ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu’en février 2024.
Lire le résumé complet
La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique de l'intestin qui entraîne des symptômes tels que des douleurs abdominales, des diarrhées, une perte de poids, de la fatigue et des complications telles que des sténoses et des fistules. L'ustekinumab (CNTO 1275) et le briakinumab (ABT-874) sont des anticorps monoclonaux qui ciblent la sous-unité commune p40 des cytokines interleukine-12 et interleukine-23 (IL-12/23p40), qui sont impliquées dans la pathogenèse de la MC. Le briakinumab a été retiré du marché pour le traitement de la MC, faisant de l'ustekinumab le seul anticorps disponible contre la sous-unité p40 de l'interleukine-12 et de l'interleukine-23 approuvé à cette fin.
Objectifs
Évaluer les bénéfices et les risques des anticorps anti-IL-12/23p40 pour l'induction de la rémission dans la maladie de Crohn, par rapport à l'absence de traitement, au placebo, à un autre traitement médicamenteux ou à des schémas posologiques variables.
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes : Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL), PubMed et MEDLINE (de sa création au 2 février 2024) et Embase (de sa création au 12 août 2022). Nous avons également effectué des recherches sur ClinicalTrials.gov, l'ICTRP de l'OMS, des références et des résumés de conférences afin d'identifier d'autres études.
Critères de sélection
Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) d'une durée d'au moins quatre semaines dans lesquels les anticorps monoclonaux contre l'IL-12/23p40 étaient comparés à un placebo, à l'absence de traitement ou à un autre comparateur actif chez des personnes atteintes d'une MC active. Nous avons également inclus des essais portant sur différentes doses d'anticorps contre l'IL-12/23p40.
Recueil et analyse des données
Deux auteurs de la revue ont, de façon indépendante, examiné les études à inclure et extrait les données. Nous avons évalué la qualité méthodologique des études incluses à l'aide de l'outil RoB 2 de Cochrane. Le critère de jugement principal était l’échec de l’induction d’une rémission clinique à la semaine 8, ou 6 à 12 selon les disponibilités. Les critères de jugement secondaires comprenaient l'absence d'amélioration clinique (réponse clinique), l'induction d'une rémission endoscopique, la qualité de vie, les événements indésirables, les événements indésirables graves et les abandons pour cause d'événements indésirables. Nous avons calculé le rapport de risque (RR) ou la différence de risques (RD) et les intervalles de confiance à 95 % (IC à 95 %) pour chaque critère de jugement, à moins qu'une hétérogénéité substantielle ne soit détectée. Nous avons analysé les données en intention de traiter. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes grâce à la méthode GRADE.
Résultats principaux
Huit ECR impliquant un total de 3 224 participants atteints de la MC correspondaient aux critères d’inclusion. Toutes les études ont été réalisées en double aveugle. Nous avons évalué le risque de biais pour la plupart des critères de jugement comme étant soit faible, soit présentant quelques préoccupations.
D'après une analyse groupée de trois essais, l'ustekinumab a permis de réduire le nombre de participants n'ayant pas obtenu de rémission clinique à la huitième semaine par rapport au placebo. Soixante-quatorze pour cent (693/938) des participants du groupe ustekinumab et 87 % (421/483) du groupe placebo n’ont pas atteint la rémission clinique (RR 0,85, IC à 95 % 0,81 à 0,89 ; 3 études ; 1 421 participants ; données probantes d’un niveau de confiance élevé).
Le traitement par ustekinumab n'a probablement pas entraîné davantage d'événements indésirables graves par rapport au placebo, avec 5 % (48/966) et 6 % (30/505) des participants ayant été affectés dans les groupes ustekinumab et placebo respectivement (RD -0,01, IC à 95 % -0,03 à 0,01 ; 3 études ; 1 471 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).
Une seule petite étude chez l'enfant a comparé deux doses d'induction différentes d'ustekinumab. Les données probantes relatives à ce critère de jugement sont très incertaines en raison d’un intervalle de confiance large. Quatre-vingt-un pour cent (17/21) des participants ayant reçu la dose d'induction la plus élevée (9 mg/kg ou 390 mg) n’ont pas atteint la rémission clinique à huit semaines, contre 78 % (18/23) des participants ayant reçu la dose d'induction la plus faible de 3 mg/kg ou 130 mg (RR 1,03, IC à 95 % 0,77 à 1,39 ; 1 étude ; 44 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Les données de tolérance spécifiques à la huitième semaine n’étaient pas disponibles pour cette comparaison.
Dans un essai comparant l'ustekinumab à l'adalimumab, les données probantes sont très incertaines quant au médicament le plus bénéfique. Cinquante pour cent (95/191) des participants recevant l'ustekinumab n’ont pas atteint la rémission, contre 52 % (101/195) des participants recevant l'adalimumab (RR 0,96, IC à 95 % 0,79 à 1,17 ; 1 étude ; 386 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Des résultats distincts sur les événements indésirables à huit semaines n'ont pas été rapportés pour cette comparaison.
Conclusions des auteurs
L'ustekinumab réduit le risque que les personnes atteintes de la maladie de Crohn (MC) ne parviennent pas à atteindre la rémission clinique à huit semaines. Il n'entraîne probablement pas plus d'événements indésirables graves que le placebo.
Les données étaient insuffisantes pour déterminer la dose d'induction la plus efficace de l'ustekinumab chez les enfants. Aucune étude n'a évalué les événements indésirables à huit semaines pour cette comparaison.
Il est possible qu'il y ait peu ou pas de différence entre l'ustekinumab et d'autres médicaments biologiques, tels que l'adalimumab ou le guselkumab, pour induire une rémission clinique à huit semaines, mais les données probantes sont très incertaines et les résultats concernant les événements indésirables à huit semaines n'ont pas été rapportés.
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Dassaëve Brice (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr