Les différentes méthodes de support nutritionnel ont-elles un impact sur la récupération et la survenue de complications chez les adultes après une duodéno-pancréatectomie céphalique ?

Principaux messages

- La nutrition entérale pourrait ne pas augmenter le risque de complications mais est probablement liée à une durée d'hospitalisation écourtée par rapport à la nutrition parentérale.

- Lorsque l'on compare l'alimentation par jéjunostomie à la nutrition orale, il se peut qu'il n'y ait pas de nette différence dans la survenue de complications ou la durée du séjour hospitalier, mais les données probantes sont incertaines.

- D'autres données probantes sont nécessaires pour évaluer avec des niveaux de confiance plus élevés comment ces différents types d'alimentation affectent les patients après une duodéno-pancréatectomie céphalique.

Qu'est-ce que la duodéno-pancréatectomie céphalique ?

La duodéno-pancréatectomie céphalique, également connue sous le nom de procédure de Whipple, est une chirurgie consistant en l’ablation de la tête du pancréas. Elle est souvent réalisée en cas de cancer, mais peut également être indiquée en cas de tumeurs bénignes ou de pancréatite chronique. L'objectif est d'enlever tous les tissus cancéreux et de permettre au patient une augmentation de son espérance de vie.

Quels types de support nutritionnel sont mis en place après une duodéno-pancréatectomie céphalique ?

Après cette chirurgie, les patients ont besoin d'un support nutritionnel pour les aider à se rétablir. Cela peut se faire de trois manières :

- Alimentation orale : généralement initiée par l’introduction de liquides suivie d’un apport progressif d’aliments solides.

- Alimentation entérale (alimentation gastrique ou jéjunale) : utilisation de sondes pour acheminer la nutrition directement dans l'estomac ou l'intestin grêle.

- Nutrition parentérale : apport de nutriments par une veine centrale ou périphérique, soit sous forme de nutrition complète (nutrition parentérale totale), soit sous forme de nutrition partielle.

Que voulions-nous savoir ?

Nous voulions voir comment les différentes méthodes de soutien nutritionnel affectent la récupération et la survenue de complications chez les adultes après une duodéno-pancréatectomie céphalique.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons examiné les recherches existantes dans plusieurs bases de données médicales jusqu'en octobre 2022. Nous avons inclus les études comparant différentes voies et moments d'administration de la nutrition, en nous concentrant sur celles menées au sein d’un hôpital. Nous avons analysé 17 études portant sur 1 897 patients, dont huit études adaptées à une analyse statistique détaillée (méta-analyse).

Qu’avons-nous trouvé ?

Les études utilisaient diverses méthodes de support nutritionnel. L'alimentation entérale (par l'intestin grêle) (jéjunostomie, nasojéjunostomie ou gastrojéjunostomie) a été mise en place dans au moins 13 études. Au moins 10 études ont utilisé la nutrition parentérale. Sept études utilisaient l’apport oral.

Nous avons constaté que l'alimentation par jéjunostomie entraîne probablement une réduction de la durée d'hospitalisation par rapport à la nutrition parentérale. Il pourrait ne pas y avoir de différence dans la survenue de complications telles que les fistules pancréatiques (fuite de liquide pancréatique dans une zone à l’exclusion de l’intérieur de la paroi intestinale), les hémorragies (saignement majeur) ou le retard de la vidange gastrique (vidange lente de l'estomac).

En comparant l'alimentation naso-jéjunale avec la nutrition parentérale, nous avons constaté qu'il pourrait y avoir peu ou pas de différence dans la durée du séjour à l'hôpital ou des complications telles qu'un retard de vidange gastrique ou la survenue d’une hémorragie. Nous avons constaté que la nutrition parentérale totale pourrait légèrement améliorer les taux de fistules pancréatiques.

En comparant la nutrition orale avec la jéjunostomie, nous avons constaté qu'il pourrait y avoir peu ou pas de différence dans la durée du séjour hospitalier, le retard de la vidange gastrique ou les hémorragies.

D'autres recherches de qualité sont nécessaires.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Le niveau de confiance des données probantes variait, la majorité de nos conclusions étant fondées sur des données probantes dans lesquelles nous avons une confiance faible ou très faible. Cela s'explique en grande partie par le fait que seules quelques petites études ont été menées dans ce domaine. Il y avait également de grandes variations dans la manière dont le support nutritionnel était mis en place entre les études.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Les données probantes comprennent études et données disponibles jusqu'en octobre 2022.

Conclusions des auteurs: 

En comparaison avec la nutrition parentérale, la nutrition entérale par jéjunostomie entraîne probablement une diminution de la durée du séjour hospitalier et pourrait ne pas entraîner de différence dans l'incidence de complications postopératoires. En comparaison avec la nutrition parentérale, l'alimentation entérale par sonde naso-jéjunale pourrait n'entraîner aucune différence dans l'incidence de complications postopératoires ou la durée du séjour hospitalier. En comparaison avec la nutrition orale, la nutrition entérale par jéjunostomie pourrait n'entraîner aucune différence dans l'incidence des complications postopératoires ou la durée du séjour hospitalier, mais les données probantes sont très incertaines.

Des recherches supplémentaires de bonne qualité sont nécessaires et plusieurs études sont en cours. Compte tenu du nombre d'interventions nutritionnelles différentes disponibles dans le cadre postopératoire, une méta-analyse en réseau serait plus appropriée à l'avenir.

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Contexte: 

La résection de la tête du pancréas est le plus souvent réalisée par une duodéno-pancréatectomie céphalique, connue sous le nom de procédure de Whipple. L'indication la plus courante de la duodéno-pancréatectomie céphalique est la présence d’une tumeur maligne, mais elle peut être réalisée en présence de tumeurs bénignes et de pancréatite chronique. La résection chirurgicale complète, avec marges négatives, offre les meilleures chances de survie à long terme. La duodéno-pancréatectomie céphalique induit des altérations spécifiques du système digestif. Le maintien de l'état nutritionnel (optimisation de l’état de santé et reprise d'une alimentation normale) des patients atteints de cancer ayant subi une chirurgie majeure est un défi. La malnutrition est un facteur de risque à la suite d’une duodéno-pancréatectomie céphalique, en raison de la lourdeur de l'opération et de la fréquence des complications. En postopératoire, les patients sont nourris par voie soit orale, entérale ou parentérale. Les apports oraux peuvent débuter par des liquides, puis passer à des aliments solides, ou se faire à la demande. L'alimentation entérale peut se faire par sonde naso-jéjunale ou par une jéjunostomie, équipée d’une sonde d'alimentation. La nutrition parentérale peut être administrée par voie intraveineuse centrale ou périphérique et peut permettre une nutrition complète (TPN) ou partielle (PN).

Objectifs: 

Évaluer les effets des stratégies de support nutritionnel postopératoire sur les complications et la récupération chez les adultes ayant subi une duodéno-pancréatectomie céphalique .

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase, LILACS et CINAHL (depuis leur création jusqu'en octobre 2022), les registres d'essais en cours et d'autres bases de données en ligne. Nous avons consulté les revues systématiques précédentes, les publications pertinentes sur le même sujet et les références des études incluses.

Critères de sélection: 

Les essais contrôlés randomisés d'interventions nutritionnelles postopératoires en milieu hospitalier chez les patients subissant une duodéno-pancréatectomie céphalique. Nous avons spécifiquement recherché des études comparant la voie ou le moment d’administration plutôt que le contenu nutritionnel.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont évalué indépendamment les études à inclure, le risque de biais et les données extraites. Les études nécessitant une traduction ont été évaluées pour leur inclusion, risque de biais et extraction des données par un traducteur externe et un autre auteur. Nous avons utilisé le système GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 17 études (1 897 participants). Parmi celles-ci, huit études ont pu être incluses dans une méta-analyse.

La voie et le moment d’administration, ainsi que l'objectif du support nutritionnel variaient considérablement d'une étude à l'autre. L'alimentation entérale (jéjunostomie, nasojéjunostomie ou gastrojéjunostomie) a été mise en place dans au moins 13 études (une étude n'a pas précisé la méthode de voie entérale), la nutrition parentérale (PN) a été mise en place dans au moins 10 études (deux études faisaient mention d’un contrôle selon les « préférence du chirurgien » sans plus de précisions) et un apport oral a été mise en place dans sept études.

Dans l'ensemble, les données probantes présentées dans cette revue sont d'un niveau de confiance faible à très faible.

Quatre études comparaient l'alimentation par jéjunostomie à la nutrition parentérale totale. Après regroupement de ces quatre études, les données probantes montrent que la jéjunostomie entraîne probablement une réduction de la durée du séjour hospitalier (différence de durée moyenne de -1,61 jour, intervalle de confiance (IC) à 95 % -2,31 à -0,92 ; 3 études, 316 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Les données probantes suggèrent qu'il pourrait ne pas y avoir de différence en ce qui concerne l’apparition de fistules pancréatiques postopératoires (risque relatif (RR) 0,77, IC à 95 % 0,41 à 1,47 ; 4 études, 346 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et qu'il pourrait ne pas y avoir de différence en ce qui concerne le retard de la vidange gastrique (RR 0,38, IC à 95 % 0,04 à 3,50 ; 2 études, 270 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ou l'hémorragie post-pancréatectomie (RR 0,36, IC à 95 % 0,06 à 2,29 ; 2 études, 270 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), mais les données probantes sont incertaines. Il n'y avait pas de données sur les complications majeures et mineures définies par la classification de Clavien-Dindo.

Deux études comparaient l'alimentation naso-jéjunale à la nutrition parentérale totale. Après regroupement des deux études, les données probantes suggèrent qu'il pourrait n’y avoir que peu ou pas de différence entre l'alimentation naso-jéjunale et la NPT en ce qui concerne la durée du séjour hospitalier (différence de durée moyenne de 1,07 jours, IC à 95 % -2,64 à 4,79 ; 2 études, 242 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), le retard de la vidange gastrique (RR 1,26, IC à 95 % 0,83 à 1,91 ; 2 études, 242 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ou l'hémorragie post-pancréatectomie (RR 1,00, IC à 95 % 0,62 à 1,62 ; 2 études, 242 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). La NPT pourrait légèrement améliorer les taux de survenue de fistules pancréatiques postopératoires cliniquement pertinentes (RR 2,13, IC à 95 % 1,21 à 3,74 ; 2 études, 242 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Une étude a décrit des complications majeures (RR 1,27, IC à 95 % 0,83 à 1,94 ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et des complications mineures (RR 1,01, IC à 95 % 0,68 à 1,50 ; 204 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) définies par la classification de Clavien-Dindo et il pourrait n’y avoir que peu ou pas de différence dans l'effet, mais les données probantes sont incertaines.

Deux études comparaient l'alimentation par jéjunostomie à l’apport oral. À noter que l'une des études utilisait une méthode chirurgicale modifiée dans le cadre de l'intervention. Nous avons regroupé ces études et constaté qu'il pourrait y avoir peu ou pas de différence dans la durée du séjour à l'hôpital (différence de durée moyenne de -1,99 jour, IC à 95 % -4,90 à 0,91 ; 2 études, 301 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ou le retard de la vidange gastrique (RR 0,98, IC à 95 % 0,33 à 2,88 ; 2 études, 307 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Une étude a décrit des complications majeures (RR 1,01, IC à 95 % 0,44 à 2,34 ; 247 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et des complications mineures (RR 0,83, IC à 95 % 0,59 à 1,15 ; 247 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) définies par la classification de Clavien-Dindo, de la fistule pancréatique postopératoire (RR 0,86, IC à 95 % 0,30 à 2,50 ; 247 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et de l'hémorragie post-pancréatectomie (RR 2,02, IC à 95 % 0,52 à 7,88 ; 247 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et il pourrait y avoir peu ou pas de d’impact sur ces critères de jugement, mais les données probantes sont incertaines.

Aucune différence de mortalité n'a été détectée dans aucune des analyses (Clavien-Dindo Grade V) (données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Notes de traduction: 

Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Claire Bories (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.