Les antibiotiques céphalosporines comme traitement de la fièvre entérique (fièvre typhoïde)

Principaux messages

- L’efficacité de la ceftriaxone (un type de céphalosporine) ne serait pas différente de celle de l'azithromycine, des fluoroquinolones ou du chloramphénicol (autres médicaments antimicrobiens) dans le traitement de la fièvre entérique (fièvre typhoïde chez l’adulte et l’enfant).

- Le céfixime (un autre type de céphalosporine) peut également être utilisé pour le traitement de la fièvre entérique chez les adultes et les enfants, mais il ne serait pas aussi efficace que les fluoroquinolones.

- Les décideurs politiques et les cliniciens doivent tenir compte des schémas locaux de résistance aux antibiotiques lorsqu'ils envisagent les options thérapeutiques de la fièvre entérique.

Qu'est-ce que la fièvre entérique ?

La fièvre entérique est un terme commun pour deux maladies similaires connues individuellement sous le nom de fièvre typhoïde et de fièvre paratyphoïde. Ces maladies ne surviennent que chez les humains et sont causées par des bactéries connues sous le nom de Salmonella typhi et Salmonella paratyphi A, B ou C. Ces maladies sont plus fréquentes dans les pays à revenu faible et intermédiaire où l'eau et l'assainissement pourraient être insuffisants. La fièvre entérique provoque généralement de la fièvre et des maux de tête accompagnés de diarrhée, constipation, douleurs abdominales, nausées et vomissements, ou perte d'appétit. En l'absence de traitement, certaines personnes peuvent développer des complications graves et décéder.

Que sont les céphalosporines et comment fonctionnent-elles ?

Les céphalosporines constituent une grande famille de médicaments antimicrobiens, couramment utilisés pour traiter diverses maladies infectieuses. Les céphalosporines (telles que le céfixime et la ceftriaxone) varient en fonction des bactéries spécifiques qu'elles peuvent traiter, de la manière dont elles sont administrées - par la bouche (oralement) ou par injection (par voie intraveineuse) - et de la date de leur mise au point. Certaines céphalosporines peuvent traiter Salmonella typhi et Salmonella paratyphi A, B ou C, les bactéries responsables de la fièvre entérique (typhoïde).

Dans le passé, la fièvre entérique répondait extrêmement bien à d'autres types de médicaments antimicrobiens, comme le chloramphénicol. Cependant, la résistance bactérienne à de multiples médicaments antimicrobiens est devenue un problème majeur de santé publique dans de nombreuses régions, notamment en Asie et en Afrique. Les céphalosporines spécifiques sont désormais souvent utilisées pour traiter la fièvre entérique en raison de l'évolution de la résistance aux autres antimicrobiens.

Que voulions-nous découvrir ?

Nous voulions déterminer si les céphalosporines sont plus ou moins efficaces dans le traitement de la fièvre entérique des adultes et des enfants par rapport à d'autres antimicrobiens couramment administrés tels que les fluoroquinolones et l'azithromycine. Pour le découvrir, nous voulions savoir si le traitement par céphalosporines entraînerait la persistance des symptômes de la maladie (échec clinique), la persistance des bactéries Salmonella typhi et Salmonella paratyphi A , B ou C dans le sang (échec microbiologique), ou le retour des symptômes ou des bactéries Salmonella typhi et Salmonella paratyphi A, B ou C dans le sang (rechute).

Nous voulions également déterminer le temps nécessaire aux céphalosporines pour faire baisser la fièvre, savoir si elles réduisent la durée d'hospitalisation, si les selles des patients sont toujours porteuses de la bactérie et restent donc infectieuses, et si elles provoquent des effets indésirables.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études qui comparaient un traitement antimicrobien de type céphalosporine à un autre type d'antimicrobien, ou qui comparaient le traitement antimicrobien de type céphalosporine à un autre antimicrobien de type céphalosporine différent, chez des adultes ou des enfants ayant une fièvre entérique diagnostiquée par un test de laboratoire telle qu’une hémoculture.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons identifié 27 études portant sur 2231 adultes et enfants provenant d'Afrique, d'Asie, d'Europe, du Moyen-Orient et des Caraïbes qui comparaient le traitement antimicrobien par céphalosporine de la fièvre entérique avec d'autres antimicrobiens.

La ceftriaxone s'est avérée être un traitement efficace de la fièvre entérique, avec peu d'effets indésirables, et similaire à l'azithromycine, aux fluoroquinolones et au chloramphénicol dans sa capacité à traiter la fièvre entérique.

Le céfixime peut également être utilisé pour traiter la fièvre entérique, mais il ne serait pas aussi efficace que les antimicrobiens de type fluoroquinolone.

Ces résultats s'appliquent uniquement lorsque la bactérie à l'origine de l'infection par la fièvre entérique est vulnérable à l'antimicrobien administré pour traiter l'infection, c'est-à-dire que la bactérie n'est pas résistante à l'antimicrobien.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Le niveau de confiance est faible dans nos estimations de ces résultats, en raison du faible nombre de patients des études incluses. En outre, dans la plupart des études incluses, les patients et les médecins savaient quel antimicrobien le patient recevait, ce pourrait avoir biaisé les résultats.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Ces résultats sont à jour jusqu'au 24 novembre 2021.

Conclusions des auteurs: 

D’après des données probantes d’un niveau de confiance très faible à faible, la ceftriaxone est un traitement efficace de la fièvre entérique chez l’adulte et l’enfant et entraîne peu d'effets indésirables. Les essais suggèrent qu'il n'y a pas de différence de performance entre la ceftriaxone et l'azithromycine, les fluoroquinolones ou le chloramphénicol. Le céfixime peut également être utilisé comme traitement de la fièvre entérique mais n'est pas aussi efficace que les fluoroquinolones.

Nous ne sommes pas en mesure de conclure définitivement sur l'efficacité comparative contemporaine étant donné que la plupart des essais étaient de petite taille et menés il y a plus de 20 ans. Les cliniciens doivent tenir compte des schémas de résistance actuels et locaux ainsi que de la voie d'administration lorsqu'ils choisissent un antimicrobien.

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Contexte: 

La typhoïde et la paratyphoïde (fièvre entérique) sont des maladies bactériennes fébriles courantes dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire. L'organisation mondiale de la santé (OMS) recommande actuellement un traitement par azithromycine, ciprofloxacine ou ceftriaxone en raison de la résistance généralisée aux antibiotiques anciens de première ligne. Les schémas de résistance varient selon les endroits et évoluent avec le temps. La résistance aux fluoroquinolones en Asie du Sud exclut souvent l'utilisation de la ciprofloxacine. Des souches de fièvre entérique extrêmement résistantes aux antibiotiques sont apparues au Pakistan. Dans certaines régions du monde, une sensibilité aux antimicrobiens de première ligne comme le chloramphénicol, est réapparue. Une revue Cochrane sur l'utilisation des fluoroquinolones et de l'azithromycine dans le traitement de la fièvre entérique a déjà été réalisée mais l'utilisation des céphalosporines n'a pas été systématiquement étudiée et le choix du meilleur médicament et la durée optimale de traitement sont incertains.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité des céphalosporines dans le traitement de la fièvre entérique chez les enfants et les adultes par rapport aux autres antimicrobiens.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies infectieuses, CENTRAL, MEDLINE, Embase, LILACS, l'ICTRP de l'OMS et ClinicalTrials.gov jusqu'au 24 novembre 2021. Nous avons également consulté les références bibliographiques des essais inclus, contacté les chercheurs travaillant dans le domaine et les organisations concernées.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) chez les adultes et les enfants atteints de fièvre entérique qui comparaient une céphalosporine à un autre antimicrobien, une céphalosporine différente ou une durée de traitement différente de la céphalosporine d'intervention. La fièvre entérique a été diagnostiquée par hémoculture, par culture de moelle osseuse ou par des tests moléculaires.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les méthodes standard de Cochrane. Nos critères de jugement principaux étaient l'échec clinique, l'échec microbiologique et la rechute. Nos critères de jugement secondaires étaient le délai jusqu'à la défervescence, la durée de l'hospitalisation, portage fécal dans la période de convalescence et les effets indésirables. Nous avons utilisé l'approche GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 27 ECR avec 2231 participants au total, publiés entre 1986 et 2016 à travers l'Afrique, l'Asie, l'Europe, le Moyen-Orient et les Caraïbes, avec des comparaisons entre les céphalosporines et d'autres antimicrobiens utilisés comme traitement de la fièvre entérique chez l’enfant et l’adulte. Les principales comparaisons concernent les antimicrobiens les plus couramment utilisés en clinique, à savoir les céphalosporines par rapport à une fluoroquinolone et les céphalosporines par rapport à l'azithromycine.

La céphalosporine (céfixime) par rapport aux fluoroquinolones

L'échec clinique, l'échec microbiologique et la rechute pourraient être majorés chez les patients traités par céfixime par rapport aux fluoroquinolones, dans trois petits essais publiés il y a plus de 14 ans : échec clinique (risque relatif (RR) 13,39, intervalle de confiance (IC) à 95 % 3,24 à 55.39 ; 2 essais, 240 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; échec microbiologique (RR 4,07, IC à 95 % 0,46 à 36,41 ; 2 essais, 240 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; rechute (RR 4,45, IC à 95 % 1,11 à 17,84 ; 2 essais, 220 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Le délai jusqu'à la défervescence chez les participants traités par céfixime serait plus long que chez les participants traités par fluoroquinolones (différence de moyennes (DM) 1,74 jours, IC à 95 % 0,50 à 2,98, 3 essais, 425 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Céphalosporine (ceftriaxone) par rapport à l’azithromycine

La ceftriaxone réduirait les échecs cliniques par rapport à l'azithromycine, et il n'est pas clair si la ceftriaxone a un effet sur les échecs microbiologiques par rapport à l'azithromycine dans deux petits essais publiés il y a plus de 18 ans et dans un essai plus récent, tous menés chez des participants de moins de 18 ans : échec clinique (RR 0,42, IC à 95 % 0,11 à 1,57 ; 3 essais, 196 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; échec microbiologique (RR 1,95, IC à 95 % 0,36 à 10,64, 3 essais, 196 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Il n'est pas clair si la ceftriaxone augmente ou diminue les rechutes par rapport à l'azithromycine (RR 10,05, IC à 95 % 1,93 à 52,38 ; 3 essais, 185 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Le délai jusqu'à la défervescence chez les participants traités par ceftriaxone serait plus court que chez les participants traités par azithromycine (différences de moyennes de -0,52 jours, IC à 95 % -0,91 à -0,12 ; 3 essais, 196 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

La céphalosporine (ceftriaxone) par rapport aux fluoroquinolones

On ne sait pas si la ceftriaxone a un effet sur l'échec clinique, l'échec microbiologique, la rechute et le délai jusqu'à la défervescence par rapport aux fluoroquinolones dans trois essais publiés il y a plus de 28 ans et dans deux essais plus récents : l’échec clinique (RR 3,77, IC à 95 % de 0,72 à 19,81 ; 4 essais, 359 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; l’échec microbiologique (RR 1,65, IC à 95 % 0,40 à 6,83 ; 3 essais, 316 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; les rechutes (RR 0,95, IC à 95 % 0,31 à 2,92 ; 3 essais, 297 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et le délai jusqu'à la défervescence (DM 2,73 jours, IC à 95 % -0,37 à 5,84 ; 3 essais, 285 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Il n'est pas clair si la ceftriaxone diminue le portage fécal dans la période de convalescence par rapport à la fluoroquinolone gatifloxacine (RR 0,18, IC à 95 % 0,01 à 3,72 ; 1 essai, 73 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et la durée de l'hospitalisation serait plus longue chez les participants traités par ceftriaxone que chez les participants traités par la fluoroquinolone ofloxacine (moyenne de 12 jours (intervalle de 7 à 23 jours) dans le groupe ceftriaxone contre une moyenne de 9 jours (intervalle de 6 à 13 jours) dans le groupe ofloxacine ; 1 essai, 47 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Astrid Zessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.