Les récompenses peuvent-elles aider les gens à arrêter de fumer et fonctionnent-elles sur le long terme ?

Principaux messages

• Le tabagisme est la principale cause évitable de problèmes de santé et de décès précoce dans le monde. L’arrêt du tabac est essentiel pour que les individus puissent vivre en bonne santé plus longtemps.

• Les récompenses aident les personnes à arrêter de fumer pendant au moins six mois.

• Cet effet se poursuit après la fin des récompenses, ce qui suggère des bénéfices à long terme.

• Les récompenses aident également les femmes enceintes qui fument à arrêter de fumer. Cet effet se poursuit après la naissance du bébé.

Que sont les récompenses ?

Des récompenses, telles que de l'argent, des bons d’achat ou des dépôts préalables peuvent être utilisées pour encourager les gens à arrêter de fumer et pour les récompenser s'ils restent non-fumeurs. Ce type de programme peut être mis en place sur les lieux de travail, dans les cliniques, et parfois dans le cadre de programmes communautaires.

Que voulions-nous découvrir ?

Nous voulions savoir si le fait de récompenser les fumeurs les aidait à arrêter de fumer sur le long terme.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études dans lesquelles des récompenses ont été offertes aux adultes qui fument pour les aider à arrêter de fumer. Les personnes participant aux études devaient être choisies au hasard pour bénéficier de récompenses ou d'une condition de contrôle (soins usuels ou autre intervention de sevrage tabagique). Nous avons inclus des personnes issues de populations mixtes ainsi que des femmes enceintes.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé 48 études qui testaient différents programmes de récompense pour aider les fumeurs à arrêter le tabac. Cinq des études incluaient des personnes provenant de cliniques de santé mentale, quatre des personnes provenant de cliniques de soins primaires, deux des personnes provenant de centres de traitement du cancer de la tête et du cou, trois des personnes venant d’universités, une des anciens combattants, et deux ont recruté des personnes vivant dans des villages thaïlandais. Les récompenses étaient des paiements en espèces, des bons d'achat ou le remboursement de l'argent déposé préalablement par les participants.

Études sur la grossesse : nous avons examiné séparément les études impliquant des femmes enceintes. Nous avons trouvé 14 études : 11 basées aux États-Unis, deux au Royaume-Uni et une en France. Les récompenses utilisées étaient des bons d’achat dont la valeur augmentait parfois en fonction de la durée pendant laquelle la personne parvenait à s'abstenir de fumer.

Qualité des études : certaines études n'ont pas fourni suffisamment de données pour nous permettre d'en évaluer pleinement la qualité. Le fait de retirer de l'analyse les essais de qualité inférieure n'a pas modifié les résultats.

Résultats principaux

Nous avons conclu que six mois ou plus après le début de l'étude, les personnes recevant des récompenses étaient plus susceptibles d'avoir cessé de fumer que celles des groupes témoins (39 études, 18 303 personnes). Pour 100 personnes ayant bénéficié d'incitations financières, 10 personnes étaient susceptibles de réussir à arrêter de fumer à six mois ou plus, contre 7 personnes sur 100 pour celles n'ayant pas bénéficié d'incitations financières. Les taux de réussite se sont maintenus au-delà de la fin des mesures incitatives. Le montant total des récompenses versées variait d'une étude à l'autre. Il n'y avait pas de différence notable entre les études qui payaient des montants faibles (moins de 100 dollars US) et celles qui payaient des montants élevés (plus de 700 dollars US).

Essais sur la grossesse : les femmes enceintes et recevant des récompenses étaient beaucoup plus susceptibles d'arrêter de fumer que celles des groupes témoins, aussi bien à la fin de la grossesse qu'après la naissance du bébé (13 études, 3 942 personnes). Pour 100 femmes enceintes ayant bénéficié d'incitations financières, 13 d’entre elles étaient susceptibles de réussir à arrêter de fumer à six mois ou plus, contre 6 femmes sur 100 pour celles n'ayant pas bénéficié d'incitations financières.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Les données probantes de nos résultats sont très fiables. Nous sommes très confiants dans le fait que les mesures incitatives sont plus efficaces pour aider les personnes, et les femmes enceintes, à arrêter de fumer que l'absence de mesures incitatives. Nous ne disposions pas de suffisamment de données probantes pour déterminer si le fait d'offrir des récompenses de valeurs différentes avait un impact sur l'arrêt du tabac.

Les données probantes sont-elles à jour ?

Les données probantes sont à jour jusqu’en novembre 2023.

Conclusions des auteurs: 

Dans l'ensemble, la conclusion que nous tirons de cette dernière mise à jour de la revue est qu'il existe des données probantes d’un niveau de confiance élevé qui suggèrent que les mesures incitatives améliorent les taux de sevrage tabagique lors du suivi à long terme dans les études portant sur des populations mixtes. Les données probantes démontrent que l'efficacité des mesures incitatives est maintenue même lorsque le dernier suivi a lieu après la fin des récompenses. Il existe également aujourd'hui des données probantes d’un niveau de confiance élevé qui indiquent que les programmes d'incitation mis en œuvre auprès des fumeuses enceintes améliorent les taux de sevrage tabagique, aussi bien à la fin de la grossesse qu'en post-partum. Cela représente une évolution par rapport à la mise à jour précédente dans laquelle nous avions évalué ces données probantes comme étant d’un niveau de confiance modéré. Les recherches actuelles et futures pourraient explorer plus en détail les différences entre les essais offrant des incitations financières faibles ou élevées et les auto-incitations (dépôts préalables), au sein d'une variété de populations de fumeurs, en se concentrant sur les pays à revenu faible et intermédiaire où le fardeau du tabagisme reste élevé.

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Contexte: 

Les incitations financières (argent, bons d'achat ou dépôts personnels préalables) peuvent être utilisées pour encourager le sevrage tabagique. Elles peuvent être utilisées comme récompenses ponctuelles ou dans le cadre de programmes afin de récompenser l’accomplissement des différentes étapes menant à une abstinence tabagique prolongée (stratégie connue sous le nom de gestion des contingences). Ces incitations financières ont été utilisées sur des lieux de travail, dans des cliniques, des hôpitaux et dans le milieu communautaire afin de cibler des populations spécifiques. Il s’agit de la mise à jour d’une revue. La version précédente a été publiée en 2019.

Objectifs: 

Objectif principal

Évaluer les effets à long terme des campagnes d'incitation et des programmes de gestion des contingences pour le sevrage tabagique dans les populations mixtes et chez les femmes enceintes.

Objectifs secondaires

Évaluer les effets à long terme des mesures incitatives et des programmes de gestion des contingences pour le sevrage tabagique dans les populations mixtes, en vérifiant si des récompenses ont été offertes à la dernière étape du suivi.

Évaluer la différence des résultats chez les femmes enceintes, en vérifiant si les récompenses étaient subordonnées au sevrage ou garanties.

Stratégie de recherche documentaire: 

Pour cette mise à jour, nous avons effectué des recherches sur CENTRAL, MEDLINE, Embase, PsycINFO, ainsi que dans deux registres d'essais le 2 novembre 2023 et dans le registre spécialisé sur le tabagisme du groupe Cochrane (Cochrane Tobacco Addiction Group Specialised Register ) en mars 2023. Nous avons également procédé à une vérification des références, une recherche de citations et nous avons contacté les auteurs des études pour identifier d'autres études pertinentes.

Critères de sélection: 

Nous avons pris en compte uniquement des essais contrôlés randomisés (ECR) en répartissant les individus, les lieux de travail et les groupes au sein des lieux de travail ou des communautés en fonction des programmes d'incitation au sevrage tabagique ou à des conditions de contrôle. Nous avons inclus des études menées dans des populations mixtes (p. ex. en milieu communautaire, en milieu professionnel, en clinique ou en institution), des études menées dans des populations spécifiques (p. ex. des personnes présentant des troubles de santé mentale diagnostiqués) et des études menées chez des femmes enceintes qui fument.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les méthodes standards de Cochrane. La principale mesure de critère de jugement pour les études à population mixte était l'abstinence tabagique au suivi le plus long (au moins six mois après le début de l'intervention). Dans les études sur les femmes enceintes, nous avons utilisé l'abstinence tabagique mesurée au suivi le plus long, et au moins jusqu'à la fin de la grossesse. Lorsque les données sur les critères de jugement étaient disponibles, nous les avons regroupés à l'aide d'un modèle à effets aléatoires de Mantel-Haenszel, les résultats étant ainsi présentés sous forme de risques relatifs (RR) et d'intervalles de confiance à 95 % (IC), en utilisant des estimations ajustées pour les essais randomisés en grappes. Nous avons analysé les études portant sur des populations mixtes séparément de celles portant sur des femmes enceintes.

Résultats principaux: 

Quarante-huit études à population mixte ont satisfait nos critères d'inclusion, portant sur plus de 21 924 participants. Quinze de ces études sont nouvelles dans cette version de la revue. Ces études ont été menées à divers endroits, notamment dans des milieux communautaires, des cliniques ou des centres de santé, des milieux professionnels et des cliniques ambulatoires spécialisées dans le traitement de la toxicomanie. Nous avons jugé que huit études présentaient un faible risque de biais et 16 un risque élevé de biais, les 24 autres études présentant un risque incertain. Trente-trois de ces essais ont été réalisés aux États-Unis, deux en Thaïlande, un aux Philippines, un à Hong Kong et un en Afrique du Sud. Les autres ont été réalisés en Europe. Les mesures incitatives comprenaient des paiements en espèces, des dépôts personnels préalables ou des bons d'achat pour des biens ou des produits alimentaires qui étaient distribués directement ou qui devaient être collectés et échangés sur internet. Le RR groupé pour l'abandon du tabac avec mesures incitatives sur la période de suivi la plus longue (six mois ou plus) par rapport aux groupes témoins était de 1,52 (IC à 95 % : de 1,33 à 1,74 ; I 2 = 23 % ; 39 études, 18 303 participants ; données probantes d’un niveau de confiance élevé). Les résultats n'étaient pas sensibles à l'exclusion de sept études pour lesquelles une récompense pour l’arrêt du tabac était offerte lors du suivi à long terme (les résultats excluant ces études : RR 1,46, IC à 95 % 1,23 à 1,73 ; I 2 = 26 % ; 32 études, 15 082 participants), ce qui suggère que l'impact des mesures incitatives se poursuit pendant un certain temps après l'arrêt des récompenses (au moins six mois). Pour cette mise à jour, nous avons inclus une analyse ajustée intégrant trois ECR en grappes. Le rapport des cotes combiné était de 1,57 (IC à 95 % 1,37 à 1,79 ; I 2 = 30 % ; 43 études, 23 960 participants ; données probantes d’un niveau de confiance élevé).

Bien que le montant total des incitations financières n'ait pas toujours été clairement indiqué, il varie considérablement d'un essai à l'autre, allant de zéro (dépôts préalables des participants) à une fourchette allant de 45 à 1185 dollars US. Aucune différence nette ne s’est dégagée en termes d’effets entre les essais dont les mesures incitatives étaient d'une valeur totale faible ou élevée, ni entre les essais qui encourageaient les dépôts personnels remboursables. Nous avons effectué une méta-régression exploratoire mise à jour et n'avons trouvé aucune association significative entre le critère de jugement et la valeur totale de l'incitation financière (P = 0,963). Toute comparaison indirecte de ce type est particulièrement grossière dans ce contexte, en raison des différences de signification culturelle des montants financiers (par exemple, 50 dollars US pourraient avoir une signification différente selon les contextes).

Nous avons inclus 14 études portant sur 4 314 femmes enceintes (11 menées aux États-Unis, une en France et deux au Royaume-Uni). Nous avons estimé que quatre des études présentaient un faible risque de biais, deux un risque de biais élevé et huit un risque incertain. Une fois regroupés, les 13 essais avec des données utilisables ont fourni un risque relatif sur la période de suivi la plus longue (jusqu'à 48 semaines post-partum) de 2,13 (IC à 95 % 1,58 à 2,86 ; I 2 = 31 % ; 13 études, 3 942 participantes ; données probantes d’un niveau de confiance élevé), en faveur des mesures incitatives.

Notes de traduction: 

Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France, avec le soutien de Domitille Digonnet (bénévole chez Cochrane France), grâce au financement du Ministère de la Santé et de la Prévention. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.