Traitement médicamenteux des affections inflammatoires de l'œil

Quel était l’objectif de la revue ?

Dans cette revue systématique, nous avons étudié les données probantes disponibles sur l'efficacité et la sécurité de plusieurs médicaments utilisés pour traiter un sous-ensemble spécifique d'affections inflammatoires de la partie postérieure de l'œil.

Principaux messages

Nous avons constaté que le médicament méthotrexate serait légèrement plus efficace que le mycophénolate. Autrement, il n'y avait pas de données probantes solides suggérant qu'un médicament est plus efficace ou plus sûr que les autres.

Qu'avons-nous étudié dans cette revue ?

Les uvéites intermédiaires, postérieures et les panuvéites non infectieuses (non-infectious intermediate, posterior, and panuveitis, NIIPPU) rassemblent plusieurs maladies qui provoquent une inflammation locale ou incluant la partie postérieure de l'œil. Les NIIPPU ne sont pas causées par une infection. Les NIIPPU sont généralement d’abord traitées par des corticoïdes oraux qui freinent l'hyperactivité du système immunitaire. Cependant, étant donné les nombreux effets secondaires des corticoïdes lorsqu'ils sont utilisés à long terme, les personnes atteintes de NIIPPU ont souvent besoin d'autres médicaments immunosuppresseurs pour contrôler leur maladie. Plusieurs médicaments ont été mis au point, mais on ne sait pas exactement lequel est le plus efficace ou le plus sûr pour les NIIPPU. Cette revue systématique a tenté de répondre à la question de savoir dans quelle mesure les médicaments tels que le méthotrexate, le mycophénolate, l’azathioprine, le tacrolimus et la cyclosporine sont sûrs et efficaces dans les NIIPPU.

Quels étaient les principaux résultats de cette revue ?

Le principal résultat de cette revue est que le méthotrexate serait légèrement plus efficace que le mycophénolate dans le traitement des NIIPPU en termes de nombre de personnes dont la maladie a été contrôlée et pour lesquelles on a pu sevrer (arrêter) les corticoïdes. Les deux médicaments sont probablement similaires en termes de sécurité, mais les données probantes ne sont pas établies. Peu de données probantes provenant de différentes études ont pu être combinées. Globalement les données dans ce domaine manquent, et nous ne pouvons pas tirer d'autres conclusions concernant la supériorité d'un médicament par rapport aux autres en matière de sécurité ou d’efficacité.

Quelles sont les limites de cette revue ?

Cette revue n'inclut pas de thérapies biologiques qui deviennent de plus en plus la classe de médicaments privilégiée par la plupart des médecins dans le traitement des affections rhumatologiques inflammatoires telles que les NIIPPU. Cette revue est également limitée par le manque d'essais contrôlés randomisés (ECR) de grande envergure dans le domaine, par les grandes différences dans la conception des études disponibles et par l'absence d'études comparant plusieurs médicaments entre eux.

La revue est-elle à jour ?

Cette revue est à jour au 16 avril 2021.

Conclusions des auteurs: 

Il y a peu de données concernant les médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie (ARMM) les plus efficace ou les plus sûrs dans le cadre des uvéites intermédiaires, postérieures et les panuvéites non infectieuses (non-infectious intermediate, posterior, and panuveitis, NIIPPU). En général, les études étaient de petite taille, hétérogènes en termes de conception et de mesures des critères de jugement, et souvent ne comparaient pas les différentes classes d’ARMM. Le méthotrexate est probablement légèrement plus efficace que le mycophénolate pour contrôler l'inflammation, y compris dans le contrôle épargneur corticoïdes (données probantes d’un niveau de confiance modéré), bien qu'il n'y ait pas assez de données probantes pour privilégier un médicament à un autre dans le sous-groupe Vogt-Koyanagi-Harada (VKH) (données probantes d’un niveau de confiance très faible). Le méthotrexate pourrait entraîner peu ou pas de différence dans les critères de jugement de tolérance par rapport au mycophénolate.

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Contexte: 

Les uvéites intermédiaires, postérieures et les panuvéites non infectieuses (non-infectious intermediate, posterior, and panuveitis, NIIPPU) représentent un ensemble hétérogène de troubles auto-immuns et inflammatoires isolés ou localisés dans les structures postérieures de l'œil. Etant donné que les NIIPPU sont généralement des pathologies chroniques, les personnes qui en sont atteintes ont souvent besoin d'un traitement immunosuppresseur hors corticoïdes. Le méthotrexate, le mycophénolate, la ciclosporine, l'azathioprine et le tacrolimus sont des médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie (ARMM) non biologiques utilisés pour traiter les personnes atteintes de NIIPPU.

Objectifs: 

Comparer l'efficacité et la tolérance des ARMM (méthotrexate, mycophénolate mofétil, tacrolimus, cyclosporine et azathioprine) dans le traitement de NIIPPU chez l’adulte.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL (qui contient le registre d’essais du groupe Cochrane sur l’ophtalmologie), MEDLINE, Embase, la base de données des sciences de la santé d'Amérique latine et des Caraïbes, ClinicalTrials.gov et le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dont la dernière date du 16 avril 2021.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant des ARMM (méthotrexate, mycophénolate, tacrolimus, cyclosporine et azathioprine) à un placebo, à un standard de soins (corticoïdes topiques, avec ou sans corticoïdes oraux), ou les uns aux autres.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi la méthodologie standard définie par Cochrane.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus dans cette revue, 11 ECR avec un total de 601 participants.

Les ARMM par rapport au contrôle

Deux études ont comparé un ARMM expérimental (cyclosporine A ou mycophénolate sodique à enrobage entérique [EC-MPS]) associé à un corticoïde oral et à une monothérapie par corticoïde. Nous n'avons pas regroupé ces résultats dans une méta-analyse car la dose de cyclosporine utilisée était beaucoup plus élevée que celle utilisée dans la pratique clinique courante. Les données probantes sont très incertaines concernant le fait que l'EC-MPS associé à une faible dose de corticoïdes par voie orale entraîne une augmentation de la proportion de participants parvenant à contrôler l'inflammation, par rapport à la monothérapie par corticoïdes (risque relatif [RR] 2,81, intervalle de confiance [IC] à 95 % 1,10 à 7,17 ; 1 étude, 41 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). La variation de la meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) a été rapportée séparément pour l'œil droit et l'œil gauche. Les données probantes d'une amélioration (un logarithme de l'angle minimal de résolution (logMAR) plus faible indique une meilleure vue) entre les groupes sont très incertaines (différence de moyennes [DM] -0,03 et -0,10, IC à 95 % -0,96 à 0,90 et -0,27 à 0,07 pour l’œil droit et l’œil gauche, respectivement ; 1 étude, 82 yeux ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Aucune donnée n'était disponible pour les critères de jugement suivants : la proportion de participants obtenant une amélioration de 2 lignes de l'acuité visuelle, avec un œdème maculaire confirmé, ou obtenant un contrôle épargneur de corticoïdes. Les données probantes concernant la proportion de participants nécessitant l'arrêt du médicament dans le groupe ARMM, par rapport au groupe témoin, sont très incertaines (RR 2,61, IC à 95 % 0,11 à 60,51 ; 1 étude, 41 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Le méthotrexate par rapport au mycophénolate

Nous avons pu combiner deux études dans une méta-analyse comparant le méthotrexate au mycophénolate mofétil. Le méthotrexate entraîne probablement une légère augmentation de la proportion de participants parvenant à contrôler l'inflammation, y compris un contrôle épargneur de corticoïdes, à six mois, par rapport au mycophénolate (RR 1,23, IC à 95 % 1,01 à 1,50 ; 2 études, 261 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Le changement de la MAVC a été rapporté pour chaque œil et les traitements modifient probablement peu ou pas la vue (DM 0,01 logMAR plus élevé [pire] pour le méthotrexate par rapport au mycophénolate ; 2 études, 490 yeux ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Il n’y avait pas de données disponibles pour la proportion de participants ayant obtenu une amélioration de 2 lignes de leur acuité visuelle. Les données probantes sont très incertaines concernant la proportion de participants ayant un œdème maculaire confirmé, entre le méthotrexate et le mycophénolate (RR 0,49, IC à 95 % 0,19 à 1,30 ; 2 études, 35 yeux ; niveau de confiance très faible). Par rapport au mycophénolate, le méthotrexate pourrait entraîner peu ou pas de différence dans la proportion de participants nécessitant un arrêt du médicament (RR 0,99, IC à 95 % 0,43 à 2,27 ; 2 études, 296 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Les corticoïdes avec ou sans azathioprine par rapport à la cyclosporine A

Quatre études ont comparé les corticoïdes avec ou sans azathioprine (corticoïdes oraux, corticoïdes intraveineux [IV] ou azathioprine) à la cyclosporine A. Nous avons exclu deux études de la méta-analyse car les participants étaient traités avec 8 mg à 15 mg/kg/jour de cyclosporine A, une dose significativement plus élevée que celle utilisée aujourd'hui en raison de préoccupations concernant la néphrotoxicité.

Les deux autres études ont été menées dans toutes les populations atteintes de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH) et ont comparé la ciclosporine A à l'azathioprine ou à des corticoïdes IV à dose pulsée. Les données probantes sont très incertaines concernant l’effet des corticoïdes avec ou sans azathioprine par rapport à la ciclosporine A, sur la proportion de participants parvenant à contrôler l'inflammation (RR 0,84, IC à 95 % 0,70 à 1.02 ; 2 études, 112 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), à obtenir un contrôle épargneur de corticoïdes (RR 0,64, IC à 95% 0,33 à 1,25 ; 1 étude, 21 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ou nécessitant l'arrêt du médicament (RR 0,85, IC à 95 % 0,21 à 3,45 ; 2 études, 91 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Les données probantes sont incertaines sur l'amélioration de la MAVC (DM 0,04 logMAR plus faible [meilleure] avec les corticoïdes avec ou sans azathioprine par rapport à la ciclosporine A ; 2 études, 91 yeux ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Aucune donnée n'était disponible (avec la posologie actuelle de la cyclosporine A) pour la proportion de participants obtenant une amélioration de 2 lignes de l'acuité visuelle ou présentant un œdème maculaire confirmé.

Études non incluses dans la synthèse

Trois études n’ont pas été incluses dans aucune des comparaisons (en plus des études déjà citées et exclues en raison de doses historiques de cyclosporine A). L'une d'elles était une étude dose-réponse comparant la cyclosporine A à la cyclosporine G, une formulation n'ayant jamais été homologuée et pas disponible cliniquement. Nous avons exclu de la méta-analyse une autre étude car elle comparait la cyclosporine A et le tacrolimus, considérés comme appartenant à la même classe (inhibiteurs de la calcineurine). Nous n'avons pas été en mesure de combiner la troisième étude, qui a examiné le tacrolimus en monothérapie par rapport au tacrolimus associé à un corticoïde oral, avec aucun groupe.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Astrid Zessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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