Le soulagement de la douleur et les effets secondaires d'une nouvelle technique d'anesthésie locorégionale (ESPB)

Principaux messages

Le bloc des muscles érecteurs du rachis (erector spinae plane block, ESPB) n'améliore probablement pas l'intensité de la douleur postopératoire 24 heures après l'opération, mais il pourrait être réalisé sans événements indésirables graves et pourrait réduire les besoins en analgésiques oraux ainsi que les effets secondaires associés aux analgésiques oraux.

Qu'est-ce que l'anesthésie locorégionale ?

La douleur postopératoire aiguë est généralement traitée par une combinaison de médicaments tels que les opioïdes et l'anesthésie locorégionale. L'anesthésie locorégionale est un moyen d'engourdir spécifiquement les nerfs qui transmettent les signaux de la douleur dans la zone où l'opération a lieu. L'ESPB est une nouvelle technique, décrite pour la première fois en 2016, qui pourrait réduire l'utilisation d'opioïdes dans la période postopératoire ainsi que les effets indésirables associés aux opioïdes. Lors de l'application de l'ESPB, des anesthésiques locaux sont injectés dans le plan fascial sous le muscle érecteur du rachis, et ce à différents niveaux de la colonne vertébrale. Les muscles érecteurs du rachis sont un groupe de muscles qui courent le long du dos de chaque côté de la colonne vertébrale.

Que voulions-nous découvrir ?

Nous avons étudié l'efficacité du soulagement de la douleur ainsi que les effets secondaires et les risques potentiels de l'ESPB par rapport à l'absence de bloc, au bloc placebo (les patients ont reçu une injection de solution saline au lieu de médicaments actifs) et à d'autres anesthésies locorégionales chez des adultes subissant une intervention chirurgicale sous anesthésie générale.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons inclus 64 études qui ont réparti les patients de manière aléatoire dans l'un des groupes de traitement (essais contrôlés randomisés) avec 3973 patients au total. Dans ces études, tous les patients ont reçu des soins standard de type opioïde ainsi que les différentes anesthésies locorégionales en fonction de leur répartition dans le groupe.

Qu’avons-nous trouvé ?

La douleur postopératoire au repos 24 heures après l'opération n'a pas montré de différence cliniquement pertinente, sans bénéfice supplémentaire sur l'intensité de la douleur postopératoire.

Les événements indésirables liés au bloc ont été très rares et nous n'avons pas observé de différence significative entre les groupes.

La consommation d'opioïdes par voie orale ainsi que les effets secondaires liés aux opioïdes (tels que les nausées et les démangeaisons) ont diminué dans les groupes de patients recevant le traitement ESPB.

Limites des données probantes

Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes pour les critères de jugement principaux à l'aide du score GRADE (Grades of Recommendation, Assessment, Development and Evaluation). Le niveau de confiance des données probantes a été jugé majoritairement faible, allant de modéré à très faible. Cela s'explique en partie par le grand nombre d'études de petite taille présentant des critères de jugement très divers.

Conclusion

Les données probantes actuelles suggèrent que l'ESPB n'améliore probablement pas l'intensité de la douleur postopératoire un jour après l'opération, au-delà des médicaments standards réduisant la douleur. Toutefois, l'ESPB ne présente pas nécessairement un risque élevé d'événements indésirables graves liés au bloc. En outre, l'ESPB pourrait contribuer à réduire le besoin de médicaments opioïdes et, par conséquent, les effets secondaires liés aux opioïdes. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux définir le rôle de l'ESPB dans le traitement de la douleur postopératoire.

Dans quelle mesure ces données probantes sont-elles à jour ?

Les données probantes sont à jour jusqu'au 4 janvier 2021.

Conclusions des auteurs: 

Le bloc des muscles érecteurs du rachis (erector spinae plane block, ESPB), en plus des standards de soins, n'améliore probablement pas l'intensité de la douleur postopératoire 24 heures après l'opération par rapport à l'absence de bloc. Le nombre d'événements indésirables liés au bloc après l'ESPB était faible. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour étudier la possibilité de prolonger la durée de l'analgésie.

Nous avons identifié 37 nouvelles études lors de la recherche actualisée et trois études sont en cours, ce qui suggère des modifications possibles des estimations de l'effet et du niveau de confiance des données probantes à l'avenir.

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Contexte: 

La douleur postopératoire aiguë et chronique est un problème de santé important qui peut être traité par une combinaison d'opioïdes et d'anesthésie locorégionale. Le bloc des muscles érecteurs du rachis (erector spinae plane block, ESPB) est une nouvelle technique d'anesthésie locorégionale qui pourrait permettre de réduire la consommation d'opioïdes et les effets secondaires associés.

Objectifs: 

Comparer les effets analgésiques et les effets secondaires de l'ESPB par rapport à l'absence de bloc, au bloc placebo ou à d'autres techniques d'anesthésie locorégionale.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE, Embase et Web of Science le 4 janvier 2021 et mis à jour la recherche le 3 janvier 2022.

Critères de sélection: 

Les essais contrôlés randomisés (ECR) portant sur des adultes ayant une intervention chirurgicale sous anesthésie générale ont été inclus. Nous avons évalué l'ESPB en comparaison avec l'absence de bloc, les blocs placebo ou d'autres techniques d'anesthésie locorégionale, indépendamment de la langue, de l'année de publication, du statut de la publication ou de la technique d'anesthésie locorégionale utilisée (ultrasons, points de repère anatomiques ou stimulateur nerveux périphérique).

Les quasi ECR, les ECR en grappes, les essais croisés et les études portant sur des interventions conjointes dans l'un ou l'autre bras ont été exclus.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont évalué indépendamment tous les essais en fonction des critères d'inclusion et d'exclusion et du risque de biais, et ont extrait les données.

Nous avons évalué le risque de biais à l'aide de l'outil Cochrane RoB 2 et nous avons utilisé le système GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour les critères de jugement principaux.

Les critères de jugement principaux étaient la douleur postopératoire au repos à 24 heures et les événements indésirables liés au bloc. Les critères de jugement secondaires étaient la douleur postopératoire au repos (à 2 et 48 heures) et pendant l'activité (2, 24 et 48 heures après l'opération), la douleur chronique à trois et six mois, ainsi que les besoins cumulés en morphine orale à 2, 24 et 48 heures après l'opération ainsi que les taux d'effets secondaires liés aux opioïdes.

Résultats principaux: 

La première recherche a permis d'identifier 69 ECR et de les inclure dans la revue systématique. Nous avons inclus 64 ECR (3973 participants) dans la méta-analyse. Le critère de jugement douleur postopératoire a été rapporté dans 38 études sur 64 ; les événements indésirables liés au bloc ont été rapportés dans 40 études sur 64. Nous avons évalué le risque de biais comme étant faible dans 44 (56 %), présentant quelques préoccupations dans 24 (31 %) et élevé dans 10 (13 %) des résultats de l'étude. Dans l'ensemble, 57 études ont rapporté au moins un des deux critères de jugement principaux. Une seule étude a rapporté des résultats sur la douleur chronique après l'opération.

Lors de la recherche documentaire actualisée le 3 janvier 2022, nous avons trouvé 37 nouvelles études et les avons classées en attente de classification.

L’ESPB comparé à l'absence de bloc

Il y a probablement une réduction légère mais non cliniquement pertinente de l'intensité de la douleur au repos 24 heures après la chirurgie chez les patients traités par ESPB par rapport à l'absence de bloc (échelle visuelle analogique (EVA), 0 à 10 points) (différence de moyennes (DM) -0,77 points, intervalle de confiance (IC) à 95 % -1,08 à -0,46 ; 17 essais, 958 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Il est possible qu'il n'y ait pas de différence en termes d'événements indésirables liés au bloc entre les groupes traités par ESPB et ceux ne recevant pas de bloc (aucun événement dans 18 essais rapportés, 1045 participants, données probantes d’un niveau de confiance faible).

L’ESPB comparé au bloc placebo

L'ESPB n'a probablement pas d'effet sur l'intensité de la douleur postopératoire au repos 24 heures après l'intervention chirurgicale par rapport au bloc placebo (DM -0,14 point, IC à 95 % -0,29 à 0,00 ; 8 essais, 499 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Il pourrait ne pas y avoir de différence dans les événements indésirables liés aux blocs entre le bloc ESPB et le bloc placebo (aucun événement dans 10 essais rapportés ; 592 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Comparaison de l'ESPB avec d'autres techniques d'anesthésie locorégionale

Bloc paravertébral (BPV)

L'ESPB pourrait ne pas avoir d'effet supplémentaire sur l'intensité de la douleur postopératoire au repos 24 heures après la chirurgie par rapport au BPV (DM 0,23 point, IC à 95 % -0,06 à 0,52 ; 7 essais, 478 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible). Il n'y a probablement pas de différence dans les événements indésirables liés aux blocs (risque relatif (RR) 0,27, IC à 95 % 0,08 à 0,95 ; 7 essais, 522 participants ; données probantes d'un niveau de confiance modéré).

Bloc du plan du muscle transverse (TAPB)

L'ESPB pourrait ne pas avoir d'effet supplémentaire sur l'intensité de la douleur postopératoire au repos 24 heures après la chirurgie par rapport à l'ESPB (DM -0,16 point, IC à 95 % -0,46 à 0,14 ; 3 essais, 160 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible). Il est possible qu'il n'y ait pas de différence dans les événements indésirables liés aux blocs (RR 1,00, IC à 95 % 0,21 à 4,83 ; 4 essais, 202 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible).

Bloc autour du muscle serratus antérieur (SAPB)

L'effet sur la douleur postopératoire n'a pas pu être évalué car aucune étude n'a rapporté ce critère de jugement. Il pourrait ne pas y avoir de différence dans les événements indésirables liés aux blocs (RR 1,00, IC à 95 % 0,06 à 15,59 ; 2 essais, 110 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible).

Bloc des muscles pectoraux (PECSB)

L'ESPB pourrait ne pas avoir d'effet supplémentaire sur l'intensité de la douleur postopératoire au repos 24 heures après la chirurgie par rapport au PECSB (DM 0,24 points, IC à 95 % -0,11 à 0,58 ; 2 essais, 98 participants ; données probantes d'un niveau de confiance faible). L'effet indésirable sur les événements indésirables liés aux blocs n'a pas pu être évalué.

Bloc du carré des lombes (QLB)

Une seule étude a rapporté chacun des critères de jugement principaux.

Bloc nerveux intercostal (ICNB)

L'ESPB pourrait ne pas avoir d'effet supplémentaire sur l'intensité de la douleur postopératoire au repos 24 heures après la chirurgie par rapport à l'ICNB, mais cela est incertain (DM -0,33 points, IC à 95 % -3,02 à 2,35 ; 2 essais, 131 participants ; données probantes d'un niveau de confiance très faible). Il est possible qu'il n'y ait pas de différence dans les événements indésirables liés aux blocs, mais cela est incertain (RR 0,09, IC à 95 % 0,04 à 2,28 ; 3 essais, 181 participants ; données probantes d'un niveau de confiance très faible).

Analgésie épidurale (EA)

Nous ne sommes pas certains que l'ESPB ait un effet sur l'intensité de la douleur postopératoire au repos 24 heures après la chirurgie par rapport à l'EA (DM 1,20 points, IC à 95 % -2,52 à 4,93 ; 2 essais, 81 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Il n'a pas été possible d'estimer le risque relatif aux événements indésirables liés aux blocs, car une seule étude a rapporté ce critère de jugement.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Julien Fessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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