Effets des actions nutritionnelles visant à améliorer l'état nutritionnel des enfants vivant dans les bidonvilles urbains des pays à revenu faible ou intermédiaire

ONU-Habitat estime qu'au moins un milliard de personnes vivent dans des bidonvilles urbains, c'est-à-dire dans des villes sans accès adéquat aux soins de santé, à l'eau potable et aux installations sanitaires. Aux fins de la présente revue, nous avons défini les habitations informelles à faible revenu ou les bidonvilles comme étant dépourvus d'un ou de plusieurs indicateurs de services ou infrastructures de base. Plus de 90 % de ces bidonvilles se trouvent dans des pays à revenu faible ou moyen et leurs habitants vivent généralement dans la pauvreté, avec peu de sécurité alimentaire. L'une des conséquences d'un régime alimentaire inadéquat est le retard de croissance, c'est-à-dire une très petite taille pour l'âge. Le retard de croissance est associé à une plus grande vulnérabilité aux infections, aux problèmes cognitifs (mémoire et capacité de raisonnement) et comportementaux, ainsi qu'à une baisse de performance au travail et de revenus pour les adultes. Environ 25 % des enfants vivant en milieu urbain dans les pays à revenu faible ou intermédiaire souffrent d'un retard de croissance. Dans les bidonvilles, ce chiffre est plus élevé. Par exemple, à Dhaka, au Bangladesh, ce chiffre monte à 48 % et à Pune, en Inde, cela concerne 59 % des enfants de moins de cinq ans.

Les méthodes (interventions) nutritionnelles visant à améliorer la croissance des nourrissons et des jeunes enfants n'ont pas fait l'objet d'une étude complète ou systématique concernant les bidonvilles urbains. Nous avons inclus 15 études dans la revue, portant sur 9261 enfants de moins de cinq ans et 3664 femmes enceintes. Environ 73 % des enfants avaient moins d'un an. Les actions ont porté sur l'éducation maternelle, la supplémentation nutritionnelle des mères, des nourrissons et des enfants, l'amélioration des systèmes nutritionnels ou une combinaison de ces éléments, mais pas sur la modification des habitudes alimentaires. Dans l'ensemble, la fiabilité des études était de très faible à modérée parce qu'elles n'étaient pas conçues pour faire face aux problèmes de recherche liés aux bidonvilles urbains, tels que la forte mobilité et la perte importante de participants pour le suivi. Cela signifie que l'efficacité de l'intervention n'a pas pu être correctement évaluée par la suite.

Nous avons évalué l'effet des interventions en tenant compte de leur signification statistique et clinique. Lorsque les résultats de l'intervention étaient statistiquement insignifiants, nous concluons qu'il y a un "effet peu clair".

Le fait de donner au mères un supplément en nutriments n’a pas eu d'effet sur le poids et la taille à la naissance ; il n'y a pas eu de résultats concluants concernant le rôle de la supplémentation en nutriments chez les nourrissons et les enfants dans l'amélioration de la taille ou du retard de croissance des enfants ; il y a eu un impact positif sur le poids à la naissance des interventions éducatives des mères avec une différence positive de 478 g dans le poids des enfants exposés, et des résultats non concluants pour les systèmes sanitaires améliorant la nutrition et le statut des enfants avec un effet positif sur la taille. Aucun effet secondaire n'a été signalé à la suite de ces interventions.

La revue a montré la nécessité de mieux comprendre les bidonvilles urbains et leurs habitants, car les données probantes montrent que les interventions incluses dans cette revue ont réussi dans d'autres lieux en dehors des zones urbaines pauvres. Il faut davantage de preuves des effets des interventions multisectorielles, combinant des méthodes et des programmes spécifiques et sensibles à la nutrition, ainsi que des effets des pratiques et des politiques "en amont" des organisations gouvernementales, non gouvernementales (ONG) et du secteur privé pour améliorer le faible poids à la naissance et le retard de croissance dans les environnements urbains pauvres.

Conclusions des auteurs: 

Toutes les interventions nutritionnelles examinées avaient le potentiel de réduire le retard de croissance, d'après des données probantes provenant de l'extérieur des bidonvilles ; toutefois, il n'y avait aucune preuve d'un effet des interventions incluses dans la présente étude (données probantes très faibles à modérées sur la certitude). Les défis liés au contexte des bidonvilles urbains (forte mobilité, manque de services sociaux et forte perte de suivi) devraient être pris en compte lorsque des interventions spécifiques à la nutrition sont proposées pour lutter contre le LBW et le retard de croissance dans de tels environnements. Il faut davantage de preuves des effets des interventions multisectorielles, combinant des méthodes et des programmes spécifiques et sensibles à la nutrition, ainsi que des effets des pratiques et des politiques "en amont" des organisations gouvernementales et non gouvernementales et du secteur privé sur les résultats liés à la nutrition tels que les retards de croissance.

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Contexte: 

Les interventions nutritionnelles visant à prévenir le retard de croissance des nourrissons et des jeunes enfants sont le plus souvent appliquées dans les zones rurales des pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI). Peu d'interventions sont axées sur les bidonvilles urbains. La littérature doit faire l'objet d'une évaluation systématique, car les nourrissons et les enfants vivant dans des bidonvilles courent un risque élevé de souffrir d'un retard de croissance. Les bidonvilles urbains sont des environnements complexes en termes de variables biologiques, sociales et politiques et les résultats des interventions nutritionnelles doivent être évalués par rapport à ces variables. Aux fins de la présente revue, nous avons adopté les définitions d'ONU-Habitat de 2004 relatives aux implantations informelles de populations à faible revenu et aux bidonvilles, c’est-à-dire des endroits ne comportant pas un ou plusieurs service(s) ou infrastructure(s) de base.

Objectifs: 

Évaluer l'impact des interventions nutritionnelles pour réduire le retard de croissance chez les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans dans les bidonvilles urbains des PRFI et l'effet des interventions nutritionnelles sur d'autres résultats nutritionnels (cachexie et insuffisance pondérale) et non nutritionnels (socio-économiques, santé et développement) en plus du retard de croissance.

Stratégie de recherche documentaire: 

La revue a fait appel à une stratégie de recherche sensible de bases de données électroniques, de bibliographies d'articles, de comptes rendus de conférences, de sites Web, de littérature grise et de contacts avec des experts et des auteurs publiés depuis 1990. Nous avons effectué des recherches dans 32 bases de données, en anglais et en d'autres langues (MEDLINE, CENTRAL, Web of Science, Ovid MEDLINE, etc.). Nous avons effectué la recherche documentaire initiale de novembre 2015 à janvier 2016, et nous avons effectué des recherches complémentaires en mars 2017 et en août 2018.

Critères de sélection: 

Les méthodologies de recherche comprenaient des essais randomisés (y compris randomisés en grappes), des essais quasi randomisés, des essais contrôlés non randomisés, des essais contrôlés avant et après l’étude, avant et après l'intervention, des séries chronologiques interrompues (SCI) et des études historiques contrôlées chez les nourrissons et enfants des PRFI, de la naissance à 59 mois, vivant dans les bidonvilles urbains. Les interventions inclues portaient spécifiquement sur la nutrition ou l’éducation de la mère. Les principaux critères de jugement étaient la longueur ou la taille exprimée en centimètres, ou les scores z de longueur pour l’âge (LFA - length-for-age)/taille pour l'âge (HFA - height-for-age) et le poids à la naissance en grammes ou la présence/absence d'un faible poids à la naissance (LBW - low birth weight).

Recueil et analyse des données: 

Nous avons passé au crible et ensuite récupéré les titres et les résumés en texte intégral s'ils étaient potentiellement éligibles pour être inclus. Travaillant de façon indépendante, un des auteurs a passé au crible tous les titres et résumés et extrait des données sur la population sélectionnée, l'intervention, la comparaison et les paramètres de résultats, et deux autres auteurs en ont évalué la moitié chacun. Nous avons calculé la différence de sélection moyenne (DM) et les intervalles de confiance (IC) à 95 %. Nous avons effectué des méta-analyses au niveau de l'intervention pour estimer les mesures globales des effets, ou une synthèse narrative lorsque les méta-analyses n'étaient pas possibles. Nous avons utilisé une valeur p inférieure à 0,05 pour évaluer la signification statistique et les résultats des interventions ont également été pris en compte pour leur importance biologique et sanitaire. Lorsque l'ampleur de l'effet était faible et statistiquement insignifiante, nous avons conclu qu'il y avait un "effet incertain".

Résultats principaux: 

La revue systématique comprenait 15 études, dont 14 étaient des essais comparatifs randomisés (ECR). Les interventions ont eu lieu dans des bidonvilles reconnus ou dans des zones urbaines ou périurbaines pauvres. Les lieux d'étude étaient principalement le Bangladesh, l'Inde et le Pérou. Les participants comprenaient 9261 nourrissons et enfants et 3664 femmes enceintes. Aucune étude d'intervention alimentaire n'a été effectuée. Toutes les études recensées portaient sur la supplémentation en nutriments et les interventions éducatives. Les interventions comprenaient la supplémentation en zinc chez les femmes enceintes (trois études), la supplémentation en micronutriments ou en macronutriments chez les enfants (huit études), l'éducation nutritionnelle des femmes enceintes (deux études) et le renforcement des systèmes nutritionnels ciblant les enfants (deux études). Six interventions ont été adaptées au contexte urbain et sept ont ciblé les ménages, la communauté ou la "prestation de services" par le renforcement des systèmes. Les principaux critères de jugement de la revue étaient disponibles dans le cadre de sept études portant sur les LFA/HFA, de quatre études portant sur le LBW et de neuf études portant sur la taille.

Les études présentaient dans l'ensemble un risque élevé de biais pour 11 études et seulement quatre ECR présentaient un risque modéré de biais. Dans l'ensemble, les données probantes étaient complexes à rapporter, et un large éventail de mesures des résultats ont été rapportées. Par conséquent, seuls huit résultats d'étude ont été rapportés dans des méta-analyses et sept sous forme narrative. Dans l'ensemble, la certitude des preuves était de très faible à modérée. Aucune des études n'a fait état d'impacts différentiels des interventions pertinentes pour les questions d'équité.

Supplémentation en zinc des femmes enceintes sur le LBW ou la taille (par opposition à la supplémentation sans zinc ni placebo) (trois ECR)

Il n'y avait pas de preuve d'un effet sur le LBW (DM –36,13 g, IC à 95 % –83,61 à 11,35), avec des preuves de certitude modérée, ou pas de preuve d'un effet ou un effet peu clair sur la taille avec des preuves de certitude faible à modérée.

Supplémentation en micronutriments ou en macronutriments chez les enfants (par opposition à l'absence d'intervention ou de placebo) (huit ECR)

Il n'y avait pas de preuve d'un effet ou un effet incertain de la supplémentation en éléments nutritifs des enfants sur l’HFA dans les études de la méta-analyse avec preuve de faible certitude (DM –0,02, IC à 95 % –0,06 à 0,02) et un effet non concluant sur la longueur pour les études rapportées sous forme narrative avec une preuve de certitude très faible à modérée.

Éducation nutritionnelle pour les femmes enceintes (par opposition aux soins standard ou à l'absence d'intervention) (deux ECR)

Il y a eu un impact positif sur le LBW des interventions éducatives chez les femmes enceintes, avec des données probantes de faible certitude (DM 478,44 g, IC à 95 % : 423,55 à 533,32).

Renforcement des systèmes de nutrition par des interventions ciblant les enfants (par rapport à l'absence d'intervention, soins standard) (un ECR et un essai contrôlé avant et après l'étude)

Les résultats n'ont pas été concluants en ce qui a trait à l'HFA, avec des preuves de très faible à faible certitude, et une influence positive sur la taille à 18 mois, avec des preuves de faible certitude.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Laurence Pagacz et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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