Chirurgie de l'épilepsie

Contexte

Les crises d’épilepsie partielles sont causées par des décharges électriques anormales dans des zones spécifiques (localisées) du cerveau. Dans 30 % des cas, ces crises ne sont pas contrôlées par des médicaments. Si le site d'origine de ces signaux (la zone épileptogène) peut être localisé à partir de la description des crises ou des résultats de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) (une imagerie médicale qui utilise des champs magnétiques puissants et des ondes radio pour produire des images détaillées de l'intérieur du corps) et de l'électroencéphalographie (EEG) (enregistrement des activités électriques sur le cuir chevelu), le malade devrait avoir la possibilité de faire retirer le foyer épileptogène. Nous avons étudié les caractéristiques des patients opérés et les détails concernant le type de chirurgie qui pourrait offrir les meilleures chances de guérir des crises d'épilepsie.

Caractéristiques des études

Nous avons examiné des données provenant de 182 études menées chez 16 855 personnes de tous âges. Les données sont à jour jusqu'en mars 2019.

Résultats principaux

Au total, 10 696 personnes (64 % de l'ensemble des personnes ayant été opérées dans toutes les études) ont obtenu de bons résultats, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas eu de crises d'épilepsie.

Deux essais cliniques comparatifs et randomisés (ECR) ont confirmé la supériorité de la chirurgie par rapport à l'utilisation de différents médicaments antiépileptiques. Sept ECR ont comparé différents types d’interventions chirurgicales. Trois essais n'ont révélé aucune différence en ce qui concerne les crises : dans un essai, une opération chirurgicale a été réalisée pour retirer 2,5 cm ou 3,5 cm du lobe temporal antérieur (LTA - la partie du cerveau dans laquelle se trouve souvent la zone épileptogène) ou la totalité du LTA avec ou sans intervention supplémentaire visant à sectionner les nerfs reliant les deux hémisphères cérébraux. Le troisième essai a montré que l'ablation complète de l'hippocampe (la partie du cerveau dans laquelle se trouve souvent la zone épileptogène) donnait de meilleurs résultats que son ablation partielle. Deux essais n'ont montré aucune différence entre les différents types d'interventions chirurgicales pour enlever le LTA ou l'hippocampe et l'essai final a montré que pour le syndrome de Lennox-Gastaut, les résultats ne montrent aucune différence significative sur la survenue de crises entre ceux bénéficiant d’une résection de la zone épileptogène et ceux bénéficiant d’une résection avec callosotomie.

Nous avons identifié certains facteurs associés à un meilleur résultat de la chirurgie, notamment une anomalie bien définie à l'IRM correspondant à ce qui était attendu de la description des crises et des résultats de l'EEG, l'ablation chirurgicale complète de la lésion et des antécédents de convulsions fébriles (crises associées à la fièvre chez un jeune enfant) souvent associées à une sclérose temporale mésiale (cicatrices dans la partie interne du lobe temporal du cerveau).

Des anomalies cérébrales plus étendues qui pourraient être liées à une lésion cérébrale ou à une anomalie du développement du cerveau n'ont pas été associées à un bon résultat. La présence de telles anomalies est souvent associée à la nécessité d'entreprendre des investigations préopératoires plus détaillées, notamment des électroencéphalographies intracrâniennes (à l'intérieur du crâne). Nous aurions aimé examiner l'effet collectif de ces facteurs (c.-à-d. l'effet sur les résultats si une personne a des antécédents de convulsions fébriles, de lésions cérébrales et d'anomalies à l'IRM) ; toutefois, les études n'ont pas fourni suffisamment de renseignements pour permettre une telle analyse.

Valeur probante des données

La plupart des études incluses dans cette revue étaient de faible qualité et rétrospectives (études selon lesquelles les personnes sont recrutées après que les résultats de l'intervention chirurgicale ont été consignés, ce qui permet d'examiner la présence de facteurs liés aux résultats de l'intervention). Les chercheurs ont utilisé des approches chirurgicales variables pour différents sites du cerveau, différents processus de sélection des candidats à la chirurgie et différentes définitions de l'absence de crises après la chirurgie, et ont mesuré ces résultats à différents moments. Moins de la moitié des études ont donné des détails sur les complications et les décès associés à la chirurgie.

Conclusions

Nous encourageons les chercheurs à concevoir les études futures de façon prospective (études dans lesquelles les personnes sont recrutées avant d’être opérées, ce qui permet d'identifier les facteurs d'intérêt avant la chirurgie et de faire un suivi auprès des personnes après la chirurgie pour consigner les résultats). Les études devraient utiliser des méthodes statistiques appropriées pour examiner l'effet collectif des facteurs pouvant prédire les résultats de la chirurgie. Les auteurs de l'étude devraient clairement consigner les décès survenus pendant ou après la chirurgie, ainsi que les complications et les effets secondaires de la chirurgie.

Conclusions des auteurs: 

Les problèmes de conception et le peu d’information présentée dans les études incluses indiquent que nos résultats fournissent peu de données probantes pour aider à la sélection des patients pour la chirurgie et à la prédiction des résultats probables de la chirurgie. Les études futures devraient être prospectives et de bonne qualité, avoir suffisamment de puissance statistique et se concentrer sur des questions spécifiques liées aux outils de diagnostic, à l’approche chirurgicale spécifique à la zone cérébrale atteinte et sur d'autres problématiques telles que l'étendue de la résection. Les chercheurs devraient étudier les facteurs pronostiques liés aux résultats de la chirurgie au moyen d'un modèle de régression statistique à variables multiples, où les variables sont sélectionnées pour la modélisation en fonction de leur pertinence clinique, et où tous les résultats numériques des modèles pronostiques sont présentés intégralement. Les rédacteurs en chef ne devraient pas accepter les articles dans lesquels les auteurs de l'étude n'ont pas consigné les effets indésirables d'une intervention médicale. Au cours des trois ou quatre dernières décennies, les chercheurs ont permis d’améliorer les traitements du cancer en apportant des réponses à des problématiques bien définies grâce à des ECR ciblés et menés par étapes. La même approche pour la chirurgie de l'épilepsie est nécessaire.

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Contexte: 

Cette revue est une mise à jour de la revue Cochrane originale publiée en 2015.

Les épilepsies focales sont causées par un dysfonctionnement des cellules nerveuses localisées dans une partie d'un hémisphère cérébral. Selon les estimations fournies dans les études, le nombre de personnes atteintes d'épilepsie focale n’ayant plus de crises malgré une pharmacothérapie optimale varie entre 20 % et 70 %. Si la zone épileptogène peut être localisée, la résection chirurgicale offre la possibilité d'une guérison avec une augmentation de la qualité de vie.

Objectifs: 

L'objectif principal est d'évaluer le résultat global de la chirurgie de l'épilepsie en fonction des données probantes issues d'essais contrôlés randomisés.

Les objectifs secondaires sont d'évaluer le résultat global de la chirurgie de l'épilepsie en fonction de données issues de travaux non randomisés et d'identifier les facteurs qui sont en corrélation avec la rémission des crises postopératoires.

Stratégie de recherche documentaire: 

Pour cette dernière mise à jour, nous avons consulté les bases de données suivantes le 11 mars 2019 : le Registre d’études Cochrane (CRS Web), qui comprend le Registre spécialisé du groupe de travail Cochrane sur l’épilepsie et le Registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE (Ovid, 1946 au 8 Mars 2019), ClinicalTrials.gov, et le système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'Organisation mondiale de la santé.

Critères de sélection: 

Les études éligibles étaient des essais cliniques comparatifs et randomisés (ECR) comprenant au moins 30 participants dans une population bien définie (âge, sexe, type/fréquence des crises, durée de l'épilepsie, étiologie, diagnostic par imagerie par résonance magnétique (IRM), résultats chirurgicaux), avec une IRM effectuée dans au moins 90 % des cas, une durée prévue du suivi d'au moins un an, et dans lesquelles étaient consignés les résultats relatifs au contrôle postopératoire des crises. Des études de cohortes ou de série de cas ont été incluses dans la version précédente de cette revue.

Recueil et analyse des données: 

Trois groupes de deux auteurs de cette revue ont examiné indépendamment toutes les références pour déterminer leur éligibilité, évalué la qualité des études et les risques de biais, et extrait des données. Les critères de jugement étaient les proportions de participants ayant obtenu de bons résultats selon la présence ou l'absence de chaque facteur pronostique d'intérêt. Nous avions l'intention de combiner les données sous forme de risques relatifs (RR) avec des intervalles de confiance à 95 % (IC à 95 %).

Résultats principaux: 

Nous avons recensé 182 études auprès d'un total de 16 855 participants, dont certaines ont étudié les résultats de la chirurgie pour l'épilepsie. Neuf études étaient des ECR (dans deux d’entre eux, les participants ont été randomisés entre une chirurgie et un traitement médical (99 participants inclus dans les deux essais ont reçu un traitement médical)). Le risque de biais dans ces ECR n'était pas clair ou était élevé. La plupart des 173 études non randomisées restantes étaient rétrospectives. Nous avons évalué la qualité des études à l'aide de l'outil EPHPP (Effective Public Health Practice Project) et déterminé que la plupart des études fournissaient des résultats de fiabilité modérée ou faible. Pour 29 études faisant état d'analyses multivariées, nous avons utilisé l'outil QUIPS (Quality in Prognostic Studies) et déterminé que très peu d'études présentaient un faible risque de biais dans l’ensemble des domaines.

En ce qui concerne l'absence de crises convulsives, deux ECR ont conclu que la chirurgie (n = 97) était supérieure au traitement médical (n = 99) ; quatre n'ont trouvé aucune différence statistiquement significative entre la lobectomie temporale antérieure (LTA) avec ou sans callosotomie (n = 60), entre une amygdalo-hippocampectomie sélective (AHS) par voie sous-temporale ou transsylvienne (n = 47) ; entre la LTA, l’AHS et une parahippocampectomie (n = 43) ou entre une LTA de 2,5 cm et de 3,5 cm (n = 207). Un ECR a conclu que l'hippocampectomie totale était supérieure à l'hippocampectomie partielle (n = 70) et un autre a conclu que la LTA était supérieure à la radiochirurgie stéréotaxique (n = 58) ; un autre a fourni des données montrant que pour le syndrome de Lennox-Gastaut, aucune différence significative de l’incidence des crises épileptiques n’a été démontrée de manière évidente entre ceux traités par résection de la zone épileptogène et ceux ayant subi une résection de la zone épileptogène avec callosotomie (n = 43). Nous avons jugé que les données issues des neuf ECR avaient une valeur probante variant de moyenne à très faible en raison du manque d'information concernant le plan des essais randomisés et les effectifs restreints des populations étudiées.

Des 16 756 participants inclus dans cette revue ayant subi une intervention chirurgicale, 10 696 (64 %) ont obtenu de bons résultats. Cette observation varie d’une étude à une autre entre 13,5 % et 92,5 %. Dans l'ensemble, nous avons constaté que la valeur probante des données relatives aux effets indésirables rapportés était très faible.

Au total, 120 études ont examiné entre un et huit facteurs pronostiques dans l'analyse univariée. Nous avons constaté que les facteurs pronostiques suivants étaient associés à un meilleur résultat post-opératoire : IRM préopératoire anormale, absence de surveillance intracrânienne, résection chirurgicale complète, présence de sclérose temporale mésiale, concordance entre l'IRM préopératoire et l'électroencéphalographie, antécédents de convulsions fébriles, absence de dysplasie corticale focale/malformation du développement cortical, présence de tumeur, résection du côté droit et présence sur l’EEG de pointes interictales unilatérales. Nous n'avons trouvé aucune donnée probante indiquant que les antécédents de traumatisme crânien, la présence d'encéphalomalacie, la présence de malformations vasculaires et la présence de décharges postopératoires constituaient des facteurs pronostiques de résultat efficace. 29 études ont rapporté des modèles à variables multiples des facteurs pronostiques et ont montré que l'orientation des associations des facteurs aux résultats était généralement la même que dans les analyses univariées.

Nous avons observé une variabilité dans plusieurs de nos analyses, probablement en raison de la petite taille des études, de la taille inégale des groupes et de la variation de la définition des résultats des crises, de la définition des facteurs pronostiques et de la nature de la zone cérébrale concernée par l'intervention.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Thomas CLAVIER et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.