Interventions psychologiques chez les personnes atteintes d'hémophilie


Problématique de la revue

Les interventions psychologiques améliorent-elles la qualité de vie des personnes atteintes d'hémophilie ?

Contexte

L'hémophilie est un trouble héréditaire de la coagulation. Les personnes touchées saignent dans leurs articulations et, si elles ne sont pas traitées, développent des lésions articulaires invalidantes dues à des saignements articulaires récurrents. Selon la disponibilité des traitements, les personnes atteintes d'hémophilie pourraient ou non mener une vie « normale » ou épanouie, et présentent souvent des limitations en matière d'activité physique, de participation sportive, de planification de la vie familiale et d'accès à l'éducation et au travail. Il est souvent prétendu que les interventions psychologiques sont importantes pour minimiser l'impact de l'hémophilie et ses répercussions sur la qualité de vie des personnes atteintes de cette maladie.

Date de la recherche

Les données probantes sont à jour jusqu'au 13 juin 2019.

Caractéristiques des études

Nous avons inclus des essais comparant des personnes atteintes d'hémophilie recevant une intervention psychologique quelconque à d'autres personnes recevant une intervention différente ou aucune intervention.

Nous avons trouvé sept essais avec 362 personnes hémophiles âgées de 6 à 65 ans. Les essais ont comparé soit un DVD accompagné d'un livret d'information, soit un apprentissage informatisé ou des techniques d'auto-hypnose ou de relaxation à l'absence de traitement et les personnes ont été sélectionnées pour l'un ou l'autre traitement aléatoirement. Les études ont duré de un à six mois.

Principaux résultats

Tous les traitements étaient sûrs, aucun effet secondaire majeur n'a été signalé. Les interventions psycho-éducatives chez les enfants et les adolescents semblent promouvoir un sentiment d'efficacité personnelle et de meilleures capacités de gestion de soi, mais la qualité des données probantes suggère qu'une conception expérimentale plus rigoureuse est nécessaire. Un essai sur des adultes n'a montré aucun effet. Les techniques d'auto-hypnose et de relaxation n'ont pas été testées pour le critère de jugement principal mais ont été utiles pour diminuer le nombre et la gravité des saignements articulaires lorsque le traitement médicamenteux n'était pas disponible. Les effets de ces interventions sur la qualité de vie sont variables. Le problème majeur que nous avons rencontré dans cette revue est la différence de conception des essais, des interventions et des mesures utilisées pour les critères de jugement d'un essai à l'autre. Nous suggérons vivement aux chercheurs dans ce domaine d'envisager l'élaboration d'un ensemble de critères de jugement essentiels pour rationaliser les recherches futures. La randomisation s'est avérée sûre et acceptable dans ce domaine de recherche, et la mise en aveugle des évaluateurs de critères de jugement devrait être envisagé en présence des critères de jugement rapportés par les patients.

Qualité des données probantes

La qualité globale des données probantes était faible à très faible.

Conclusions des auteurs: 

Les sept essais inclus n'ont pas tous analysé les effets des interventions sur nos critères de jugement principaux (humeur et bien-être personnel, stratégies d'adaptation et qualité de vie).

Trois essais ont été menés dans les années 1970 et 1980 à l'aide de techniques d'auto-hypnose ou de relaxation et, en fonction des besoins et des possibilités thérapeutiques de l'époque, ils se sont concentrés sur les critères de jugement secondaires, par exemple la fréquence des saignements (santé physique) et l'adhésion à l'intervention.

Les quatre essais les plus récents ont évalué des interventions psycho-éducatives toutes médiatisées par l'utilisation de technologies (DVD ou ordinateur) et souvent créées en fonction des besoins du groupe cible en termes d'âge. Dans ces cas, l'attention a été déplacée vers nos critères de jugement principaux prédéfinis.

Cet revue a mis en évidence des données probantes d’un niveau de confiance faible et très faible, ce qui incite à la prudence dans son interprétation. Le problème majeur que nous avons rencontré était l'hétérogénéité des modèles d'essai, des interventions et des mesures des critères de jugement utilisées dans les différents essais. Nous suggérons vivement aux chercheurs d'envisager de développer un ensemble de critères de jugement essentiels pour rationaliser les recherches futures ; la randomisation s'est avérée sûre et acceptable, et la mise en aveugle devrait être envisagé pour ceux qui évaluent les critères de jugement rapportés par les patients.

Lire le résumé complet...
Contexte: 

La gestion de l'hémophilie est un défi à la fois en termes de traitement médical et de son large impact sur de nombreux aspects de la vie de l'individu, y compris la perception de soi. Plusieurs enjeux psychosociaux sont potentiellement pertinents dans la gestion clinique de l'hémophilie, notamment le fait qu'il s'agisse d'une maladie chronique et incurable ; par exemple, les personnes atteintes d'hémophilie doivent s'adapter pour interagir de manière optimale avec leurs pairs et pour pratiquer des sports - même le choix d'un sport représente un problème pour la perception des limites, des attentes et des influences culturelles sur l'individu et sa famille. Les personnes atteintes d'hémophilie peuvent réagir en niant leur état et ses manifestations et en n'adhérant pas au traitement. En raison de la complexité des relations entourant les maladies génétiques, les parents et les proches pourraient avoir leurs propres problèmes qui contribuent à rendre la vie plus facile ou plus difficile pour la personne atteinte d'hémophilie. L'anxiété, la tristesse et la dépression entraînant des troubles de santé mentale sont signalées dans cette population et pourraient influencer la qualité de vie (QoL) en fonction du contexte culturel, des croyances religieuses, du soutien familial et d'autres variables.

Objectifs: 

Principalement, d’évaluer l'efficacité des thérapies psychologiques dans l’amélioration de la capacité des personnes atteintes d'hémophilie à faire face à leur condition chronique.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons cherché à identifier des essais dans le registre d'essais cliniques de coagulopathie du groupe Cochrane sur la mucoviscidose et les autres maladies génétiques, Embase et PsycINFO, CINAHL, MEDLINE et les registres d'essais. Nous avons recherché les listes de référence des publications incluses.

Date de la recherche la plus récente effectuée dans le registre du groupe : 13 juin 2019.

Critères de sélection: 

Essais contrôlés randomisés (ECR) et quasi-ECR chez des personnes atteintes d'hémophilie de tout âge ou sexe, de type A ou B, de toute gravité, avec ou sans inhibiteurs, avec ou sans le virus du VIH ou de l'hépatite C. Toutes les interventions psychologiques visant à promouvoir le bien-être émotionnel, intellectuel et spirituel. Les interventions de thérapie individuelle, de groupe ou de groupe familial étaient admissibles.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons examiné les essais de manière indépendante, extrait les données et évalué le risque de biais et évalué la qualité des données probantes à l'aide de GRADE.

Résultats principaux: 

Sept essais ont été inclus (362 participants randomisés, données de 264 participants disponibles pour analyse) ; six en groupes parallèles et un de type cross-over partiel. Un essai multicentrique a été mené au Canada ; les six autres étaient mono-centriques et réalisés au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Iran et aux Pays-Bas.

Tous les essais présentaient un risque élevé de biais concernant la mise en aveugle des participants et le recours aux critères de jugement rapportés par les patients.

Des données probantes ont été recueillies pour quatre interventions : psycho-éducation (DVD accompagné d’un livret d'information par rapport à un livret d'information seul ; apprentissage informatisé par rapport à l’absence d'intervention) ; thérapie cognitive (auto-hypnose par rapport au groupe témoin) ; et thérapie comportementale (relaxation (progressive ou contrôle de soi) par rapport à l’absence de traitement). Nous avons également cherché à évaluer la thérapie psychodynamique et la thérapie systémique, mais aucun essai n'a été identifié.

L'hétérogénéité des mesures des critères de jugement a empêché la réalisation de méta-analyses. Aucun essai n'a rapporté le coût de l'intervention psychologique et de l'adaptation de la famille.

DVD accompagné d’un livret d'information par rapport à un livret d'information seul

Un essai (108 participants) a montré que les stratégies d'adaptation pourraient faire baisser les scores pré-contemplation et les pensées négatives, différence moyenne (DM) -0,24 (IC à 95% -0,48 - 0,00, données probantes d’un niveau de confiance faible), cependant, d'autres mesures des stratégies d'adaptation dans le même essai suggèrent peu ou pas de différence entre les groupes, par exemple la contemplation, DM (-0,09, IC à 95% -0,32 - 0,14, données probantes d’un niveau de confiance faible). Le même essai a mesuré la qualité de vie et a montré peu ou pas de différence entre les groupes de traitement pour le domaine physique, DM 0,59 (IC à 95% -3,66 à 4,84, données probantes d’un niveau de confiance faible), mais pourrait améliorer les scores dans le domaine de la santé mentale pour ceux qui reçoivent le livret accompagné d’un DVD par rapport au livret seul, DM (4,70, IC à 95% 0,33 à 9,07, données probantes d’un niveau de confiance faible). L'humeur ou le bien-être personnel n'ont pas été rapportés.

L'apprentissage informatisé par rapport à l'absence d'intervention

Deux essais (57 participants) ont rapporté des interventions destinées aux enfants et aux adolescents et de leur impact sur la promotion d'un sentiment d'auto-efficacité (critère de jugement principal « humeur et bien-être personnel »), mais un seul a montré une augmentation, 7,46 DM (IC à 95% 3,21 à 11,71, 17 participants, données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; le second n'a pas rapporté de données sur le groupe témoin. Un essai (30 participants) a montré que l'intervention n'améliorait pas l'auto-efficacité chez les adultes, mais les données appropriées n'ont pas pu être extraites. Deux essais (47 participants) ont fait état de stratégies d'adaptation ; l'un n'a rapporté que de différences intra-groupe par rapport au début du traitement, le second a montré une augmentation par rapport au début du traitement des stratégies d'adaptation dans le groupe du programme Internet par rapport au groupe sans intervention (connaissance spécifique de la maladie, DM 2,45 (IC à 95% 0,89 à 4,01) ; capacité d'autogestion et préparation à la transition, DM 19,90 (IC à 95% 3,61 à 36,19 ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Un essai a rapporté la qualité de vie mais avec des informations insuffisantes pour calculer les changements par rapport au début du traitement ; aucune différence de score après traitement n'a été constatée entre les groupes, DM -8,65, IC à 95% -18,30 à 1,00, données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Auto-hypnose par rapport au groupe témoin

Deux essais plus anciens ont rapporté cette intervention (50 participants) en se concentrant principalement sur le critère de jugement secondaire « santé physique » ; seul un essai a rapporté le critère de jugement principal « humeur et bien-être personnel » (uniquement les différences intra-groupe dans le groupe de traitement). Les stratégies d'adaptation et la qualité de vie n'ont pas été évaluées dans les essais.

Relaxation (progressive ou contrôle de soi) par rapport à l'absence de traitement

Un seul essai (sept participants) de 1985 a été inclus, qui portait sur la « santé physique » et ne rapportait aucun de nos critères de jugement principaux.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Robin Guelimi et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

Tools
Information

Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.