Principaux messages
• Les personnes ont obtenu des résultats similaires concernant les symptômes et les complications chirurgicales, que le nerf ait été simplement libéré (décompression simple) ou libéré et déplacé vers une nouvelle position sous la peau ou le muscle (transposition sous-cutanée ou sous-musculaire). Nous n’avons pas non plus trouvé de différences majeures en ce qui concerne les scores de symptômes et les complications chirurgicales entre la chirurgie réalisée avec une incision plus large (décompression ouverte) et celle réalisée à l’aide d’une petite caméra (décompression endoscopique).
• Il n’est pas clair si le fait de donner uniquement des instructions écrites aide à améliorer les symptômes de la neuropathie ulnaire au coude (NUC), comparé à la décompression chirurgicale.
• Les informations écrites seules ont amélioré les activités professionnelles des personnes et réduit les douleurs nocturnes autant que lorsque les personnes utilisaient aussi des attelles ou faisaient des exercices.
• Aucune donnée probante n’a montré que les injections de corticostéroïdes amélioraient les symptômes de la NUC, tandis que les injections de dextrose semblaient réduire la douleur lorsqu’elle était mesurée quatre ou douze mois plus tard.
Qu'est-ce que la neuropathie ulnaire ?
La NUC (lorsque le nerf ulnaire est comprimé au niveau du coude) est la deuxième affection la plus fréquente causée par la pression exercée sur un nerf (syndrome de compression nerveuse) par les structures anatomiques voisines, après le syndrome du canal carpien. Le nerf ulnaire descend le long du coude et joue un rôle important dans les mouvements de la main et la sensation du toucher. Les symptômes de la NUC sont des picotements dans le quatrième et le cinquième doigt la nuit, des douleurs au niveau du coude et une modification de la sensation du toucher si le coude reste plié trop longtemps. Lorsque la NUC est sévère, certains muscles de la main peuvent devenir plus faibles, plus petits ou plus fins. Le traitement de la NUC peut être chirurgical ou non chirurgical (par exemple, attelles, physiothérapie et rééducation).
Que voulions‐nous savoir ?
Les médecins ne savent pas quelle est la meilleure façon de traiter la NUC. Nous voulions savoir quels traitements aident à améliorer les symptômes, le fonctionnement du nerf, la qualité de vie ou s’ils entraînent des effets indésirables. Nous voulions aussi savoir si un type de traitement est meilleur qu’un autre.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études portant sur les traitements de la NUC.
Nous avons comparé et synthétisé les résultats des études, et évalué notre niveau de confiance dans les données probantes en fonction de facteurs comme les méthodes utilisées et la taille des études.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons inclus 15 études portant sur 970 personnes. Six d’entre elles sont nouvelles pour cette mise à jour.
Huit études ont comparé différents types de chirurgie pour la compression du nerf ulnaire au niveau du coude : la libération simple du nerf (décompression), le déplacement du nerf vers une nouvelle position sous le muscle ou sous la peau (appelé transposition sous-musculaire ou sous-cutanée), l’ablation d’une partie de l’os interne du coude (épicondylectomie médiale), et le déplacement du nerf vers l’avant du coude (transposition antérieure). La chirurgie ouverte traditionnelle a également été comparée avec une méthode plus récente utilisant une petite caméra (décompression endoscopique). Une étude a comparé la chirurgie (décompression) avec l’absence de chirurgie (traitement conservateur). Une autre étude a testé une chirurgie comprenant la décompression du nerf ainsi que son déplacement sous une couche de tissu (transposition sous-fasciale), avec ou sans connexion nerveuse supplémentaire pour soutenir les muscles de la main (une technique spéciale de transfert nerveux utilisée dans les cas sévères). Une petite étude a examiné si la stimulation électrique après une chirurgie pouvait aider les petits muscles de la main à se rétablir.
Quatre études ont évalué des traitements non chirurgicaux. Une étude a comparé trois approches chez des personnes présentant des symptômes légers à modérés : des conseils seuls, des conseils accompagnés du port d’une attelle nocturne, et des conseils associés à des exercices de glissement nerveux.
D’autres études ont comparé différents types d’injections : corticostéroïdes contre une fausse injection (placebo), corticostéroïdes contre dextrose, et dextrose contre placebo.
Résultats principaux
Nous avons combiné les résultats de trois études qui comparaient deux techniques chirurgicales : la décompression simple et la transposition du nerf ulnaire (sous-cutanée ou sous-musculaire). Nous avons constaté qu’il y avait probablement peu ou pas de différence entre les techniques en ce qui concerne les scores de symptômes et les complications chirurgicales. En combinant deux essais comparant la décompression endoscopique et la décompression ouverte, nous avons constaté qu’il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre les deux techniques en termes d’amélioration de la fonction clinique et de complications chirurgicales. Les chercheurs n’ont trouvé aucune différence clinique entre les techniques chirurgicales dans les autres essais chirurgicaux.
Dans les cas de NUC cliniquement légers ou modérés, les informations écrites seules pourraient être aussi efficaces pour améliorer les activités professionnelles et réduire la douleur nocturne que lorsque les participants utilisaient aussi des attelles ou faisaient des exercices. L’injection de dextrose pourrait réduire la douleur lorsqu’elle est mesurée quatre ou douze mois plus tard. Les chercheurs n’ont trouvé aucune preuve que l’injection de corticostéroïdes améliore les symptômes de la NUC.
Quelles sont les limites des données probantes ?
De manière générale, notre confiance dans les données probantes était limitée en raison de problèmes liés à la manière dont les études ont été réalisées et au fait qu’elles comprenaient peu de participants. Nous avons une confiance modérée dans les données concernant la comparaison entre la chirurgie ouverte et la chirurgie endoscopique, tandis que nous avons peu de confiance dans la comparaison entre la décompression simple et la transposition.
À quelle date remontent ces données probantes ?
Cette revue met à jour notre revue précédente. Les données probantes sont à jour au 18 juillet 2022.
Des données probantes d’un niveau de confiance faible à modéré indiquent qu’il y a peu ou pas de différence, en termes d’amélioration de la fonction ou de complications chirurgicales, entre la décompression simple et la décompression avec transposition sous-cutanée ou sous-musculaire dans les cas de neuropathie ulnaire au coude (NUC) idiopathique, y compris lorsque l’atteinte nerveuse est sévère. Des données probantes d’un niveau de confiance modéré indiquent qu’il y a peu ou pas de différence entre la décompression endoscopique et la décompression ouverte pour l’amélioration de la fonction clinique et en ce qui concerne les complications liées à l’intervention. Des données probantes d’un niveau de confiance très faible indiquent qu’il n’est pas clair si les injections de stéroïdes ont un effet sur l’amélioration clinique par rapport au placebo, ni si des instructions écrites ont un effet sur l’amélioration clinique par rapport à la décompression chirurgicale.
Les résultats d’un petit essai clinique randomisé sur le traitement conservateur ont montré que, dans les cas légers, des informations sur les mouvements ou les positions à éviter peuvent réduire l’inconfort ressenti. Un essai clinique randomisé a montré que l’injection de dextrose pourrait réduire la douleur à court terme (quatre mois) ou à long terme (douze mois), par rapport au placebo. Un autre essai clinique randomisé n’a pas montré de différence en termes d’amélioration cliniquement pertinente entre l’injection de dextrose et l’injection de corticostéroïdes. Dans les cas de neuropathie ulnaire au niveau du coude cliniquement sévères, les résultats d’un petit essai clinique randomisé ont montré que la stimulation électrique après chirurgie améliore la réinnervation des muscles intrinsèques et la force musculaire après 12 mois de suivi.
La neuropathie ulnaire au niveau du coude (NUC) est la deuxième forme de compression nerveuse la plus fréquente, après le syndrome du canal carpien. Le traitement peut être conservateur ou chirurgical ; toutefois, la meilleure prise en charge reste débattue. Il s’agit d’une mise à jour d’une revue publiée pour la première fois en 2011 et mise à jour auparavant en 2012 et 2016.
Déterminer l’efficacité et la sécurité des traitements conservateurs et chirurgicaux de la neuropathie ulnaire au coude (NUC). Nous voulions vérifier si :
– le traitement chirurgical est efficace pour réduire les symptômes et les signes, et pour améliorer la fonction nerveuse ;
– le traitement conservateur est efficace pour réduire les symptômes et les signes, et pour améliorer la fonction nerveuse ;
– il est possible d’identifier le meilleur traitement sur la base d’une évaluation clinique, neurophysiologique ou par imagerie nerveuse.
Nous avons effectué des recherches jusqu’en juillet 2022 dans le registre spécialisé Cochrane des troubles neuromusculaires, le Registre Central Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), MEDLINE, Embase, quatre autres bases de données, ClinicalTrials.gov et la Plateforme internationale de registres d’essais cliniques de l’Organisation mondiale de la Santé.
La revue a inclus uniquement des essais cliniques contrôlés randomisés (ECR) ou quasi-randomisés évaluant des personnes présentant des symptômes cliniques suggérant la présence d’une neuropathie ulnaire au coude (NUC). Nous avons inclus des essais évaluant toutes les formes de traitements chirurgicaux et conservateurs. Nous avons pris en compte les études portant sur la thérapie de la NUC avec ou sans données probantes neurophysiologiques confirmant une compression.
Deux auteurs de la revue ont examiné de manière indépendante les titres et résumés des références trouvées lors des recherches et ont sélectionné toutes les études potentiellement pertinentes. Les auteurs de la revue ont extrait de manière indépendante les données des essais inclus et ont évalué le risque de biais. Nous avons contacté les investigateurs des essais pour obtenir toute information manquante.
Le critère de jugement principal était l’amélioration cliniquement pertinente de la fonction par rapport à la situation initiale. Les critères de jugement secondaires d’intérêt comprenaient : la modification de l’atteinte neurologique, la variation par rapport à la valeur initiale de la vitesse de conduction du nerf moteur au niveau du coude, la variation par rapport à la valeur initiale du diamètre ou de la surface du nerf au niveau du coude (évaluée par échographie ou IRM), la modification de la qualité de vie et les événements indésirables.
Nous avons utilisé la méthodologie GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes.
Nous avons inclus 15 essais cliniques randomisés (970 participants), dont six nouvelles études pour cette mise à jour. La génération de séquences était inadéquate dans une étude et non décrite dans six études ; les autres études présentaient un faible risque de biais de sélection. Nous avons évalué les critères de jugement cliniques (3 essais, 261 participants) et les critère de jugement neurophysiologiques (2 essais, 101 participants) dans la décompression simple par rapport à la décompression avec transposition sous-musculaire ou sous-cutanée. De plus, nous avons évalué les critères de jugement cliniques dans la chirurgie de décompression endoscopique par rapport à la chirurgie de décompression ouverte (2 essais, 99 participants).
Nous avons constaté qu’il y avait probablement peu ou pas de différence dans l’amélioration clinique de la fonction entre la décompression simple et la transposition sous-cutanée (rapport de risque (RR) 0,92, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,74 à 1,14 ; 1 étude, 147 participants), ainsi qu’entre la décompression simple et la transposition sous-musculaire (RR 0,95, IC à 95 % de 0,77 à 1,17 ; 2 études, 114 participants). Par rapport à la décompression simple, nous avons trouvé peu ou pas de différence concernant les infections de plaie pour la transposition sous-cutanée (RR 0,29, IC à 95 % de 0,06 à 1,35 ; 1 étude, 147 participants) et la transposition sous-musculaire (RR 0,35, IC à 95 % de 0,10 à 1,21 ; 2 études, 114 participants).
Nous n’avons trouvé aucune différence entre la décompression endoscopique et la décompression ouverte en termes d’amélioration clinique postopératoire mesurée par le score de Bishop (RR 0,98, IC à 95 % de 0,84 à 1,14 ; 2 études, 99 participants).
Parmi les traitements chirurgicaux, d’autres essais uniques ont étudié la stimulation électrique après une décompression ouverte, ainsi que la décompression nerveuse et la transposition associées à un transfert nerveux « superchargé » en bout-à-côté du nerf interosseux antérieur vers le nerf moteur ulnaire. Parmi les traitements conservateurs pour les formes légères ou modérées de la NUC, des essais uniques ont exploré l’efficacité de l’éducation des participants, du port d’une attelle nocturne, des exercices de glissement nerveux, ainsi que des injections périneurales de corticostéroïdes et de dextrose.
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Madison Beltran (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr