Principaux messages
- Il est probable qu'il y ait peu ou pas de différence en ce qui concerne les fuites survenant du pancréas (fistule pancréatique) et qu'il y ait peu ou pas de différence en ce qui concerne les décès après l'opération, que le pancréas soit fermé à l'aide d'une agrafeuse ou suturé à la main.
- Les chirurgiens peuvent choisir la méthode avec laquelle ils sont le plus à l'aise ou qui convient le mieux à la situation du patient.
- La recherche devrait se concentrer sur d'autres moyens pour prévenir les fuites après chirurgie pancréatique, car la meilleure méthode n'est pas encore connue.
Qu'est-ce que le pancréas et pourquoi est-il enlevé ?
Le pancréas est un organe situé dans le ventre qui aide à la digestion et contrôle la glycémie. Parfois, la partie terminale du pancréas (appelée « queue ») doit être enlevée, par exemple en raison d'une tumeur. Cette opération est appelée pancréatectomie distale.
Un problème fréquent après cette opération est la fistule pancréatique, qui se produit lorsque les sucs pancréatiques s'écoulent de l'extrémité coupée du pancréas dans le ventre. Cela peut provoquer des douleurs, des infections et des saignements. Il est important de fermer correctement le pancréas après la résection pour réduire ce risque.
Comment le pancréas est-il refermé après l'opération ?
Il y a deux façons principales de fermer le pancréas après l'ablation de la queue :
- suture manuelle : le chirurgien coupe le pancréas à l'aide d'un couteau et le suture à la main ;
- fermeture par agrafeuse : un dispositif est utilisé pour couper et sceller le pancréas en une seule étape.
On ne sait pas exactement quelle méthode est la plus efficace pour prévenir les problèmes après l'opération.
Que voulions‐nous savoir ?
Nous voulions savoir si la fermeture par agrafeuse ou la suture manuelle fonctionnait mieux pour :
- réduire le nombre de fuites (fistules pancréatiques) ;
- réduire le risque de décès après l'opération ;
- réduire les autres complications.
Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études comparant la fermeture par agrafeuse et la suture manuelle chez des personnes ayant subi une opération d'ablation de la queue du pancréas. Nous avons résumé les résultats et évalué le degré de confiance que nous leur accordons.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé trois études de haute qualité portant sur 515 adultes ayant subi une intervention chirurgicale pour retirer la queue du pancréas. Ces études ont eu lieu dans différents pays et ont inclus des personnes atteintes de diverses maladies du pancréas.
Il est probable qu'il n'y ait que peu ou pas de différence entre le groupe agrafeuse et le groupe suture manuelle en ce qui concerne la fréquence des fuites après l'opération et d'autres problèmes après l'opération, et qu'il n'y ait que peu ou pas de différence en ce qui concerne le nombre de personnes décédées après l'opération.
Quelles sont les limites des données probantes ?
Les études n'étaient pas très importantes en taille et quelques détails n'ont pas été rapportés clairement. Il y avait aussi des problèmes dans les méthodes d'étude qui auraient pu affecter nos conclusions. Pour cette raison, nous ne sommes pas certains des résultats. D'autres recherches devraient explorer d'autres moyens pour prévenir la fistule pancréatique.
Dans quelle mesure ces données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont valables jusqu'en octobre 2023.
Lire le résumé complet
Les résections du corps et de la queue du pancréas allant jusqu'à la gauche de la veine mésentérique supérieure sont définies comme une pancréatectomie distale. La majorité des pancréatectomies distales sont des interventions programmées pour traiter une pancréatite chronique, des lésions bénignes ou malignes et sont associées à des taux de morbidité pouvant atteindre 40 %. La fistule pancréatique est la principale source de morbidité postopératoire et est associée à de nombreuses autres complications. Les chercheurs ont proposé plusieurs techniques de résection chirurgicale et de fermeture du moignon pancréatique pour tenter de réduire ces complications. Les deux techniques les plus courantes sont la résection au scalpel suivie de la suture manuelle du moignon pancréatique, et la résection et la fermeture à l'agrafeuse.
Objectifs
Évaluer les effets de la résection et de la fermeture par agrafeuse par rapport à la résection au scalpel suivie d'une suture manuelle du moignon pancréatique chez les personnes subissant une pancréatectomie distale.
Stratégie de recherche documentaire
Nous avons effectué des recherches dans le Registre Cochrane Central des Essais Contrôlés (CENTRAL), MEDLINE et Embase depuis la création des bases de données jusqu'en octobre 2023, et dans la carte des données probantes de la chirurgie pancréatique de l'ISGPS jusqu'au 9 avril 2025.
Critères de sélection
Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) comparant la résection par agrafeuse à la résection par scalpel suivie d'une suture manuelle du moignon pancréatique lors de la pancréatectomie distale par voie ouverte (indépendamment de la langue ou du statut de la publication).
Recueil et analyse des données
Deux auteurs de la revue ont indépendamment évalué les essais en vue de leur inclusion et ont procédé à l'extraction des données. Nos critères de jugement d'intérêt étaient la mortalité et la morbidité postopératoires, en particulier la fistule pancréatique postopératoire. Compte tenu de l'hétérogénéité clinique entre les essais (par exemple, définitions différentes des critères de jugement), nous avons analysé les données à l'aide d'un modèle à effets aléatoires dans RevMan, en calculant le rapport du risque (RR) ou la différence de moyennes (DM) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Nous avons utilisé la méthode GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes.
Résultats principaux
Dans trois essais, un total de 515 participants ont subi une résection pancréatique distale et ont été randomisés entre la fermeture du moignon pancréatique par agrafeuse (n = 259) ou la résection au scalpel suivie d'une suture manuelle (n = 256). Une étude était un ECR pilote monocentrique et deux études étaient des ECR multicentriques. L'ECR pilote monocentrique a évalué 69 participants répartis en cinq groupes d'intervention (agrafeuse, suture manuelle, colle de fibrine, filet prothétique et pancréaticojéjunostomie), bien que nous n'ayons évalué que les groupes de fermeture par agrafeuse et par suture manuelle (14 et 15 participants, respectivement). Les deux ECR multicentriques comportaient deux groupes d'intervention : agrafeuse (n = 177 et 68) et suture manuelle (n = 175 et 66).
L'agrafeuse pourrait avoir des effets similaires sur la mortalité postopératoire par rapport à la résection au scalpel suivie d'une suture manuelle, bien que l'IC soit large (4 décès pour 1000 contre 8 pour 1000 ; RR 0,49, IC à 95 % 0,05 à 5,40 ; 3 ECR ; 515 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). L'agrafeuse entraîne probablement peu ou pas de différence en termes de fistule pancréatique postopératoire selon la définition de l'International Study Group of Pancreatic Surgery (ISGPS) par rapport à la résection au scalpel suivie d'une suture manuelle (26 % par rapport à 29 % ; RR 1,11, IC à 95 % 0,84 à 1,47 ; 2 ECR ; 486 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). L'agrafeuse entraîne probablement peu ou pas de différence en termes de morbidité postopératoire globale par rapport à la résection au scalpel suivie d'une suture manuelle (63 % contre 59 % ; RR 1,06, IC à 95 % 0,87 à 1,30 ; 2 ECR ; 486 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Nous avons abaissé le niveau de confiance des données probantes pour tous les critères de jugement en raison d'un biais de sélection potentiel, seul ou en combinaison avec un biais de performance et de détection, et pour la mortalité postopératoire d'un niveau supplémentaire en raison de l'imprécision.
Conclusions des auteurs
Les données probantes reposent principalement sur les résultats de deux essais contrôlés randomisés (ECR) multicentriques. Il n'y a pas d'ECR en cours sur ce sujet. Nous n'avons pas trouvé de données probantes indiquant que la résection à l'agrafeuse ou au scalpel suivie d'une suture manuelle du moignon pancréatique lors d’une pancréatectomie distale est supérieure en termes de fistule pancréatique postopératoire, de mortalité postopératoire globale ou de durée opératoire. Actuellement, le choix de la méthode de fermeture est laissé à la discrétion du chirurgien et dépend des caractéristiques anatomiques du patient. De futurs essais stratifiés en fonction de la consistance du pancréas (mou ou dur) pourraient apporter des informations précieuses pour éclairer les approches chirurgicales en fonction des différentes consistances du pancréas. Des futurs essais évaluant les nouvelles méthodes de fermeture du moignon devraient les comparer soit à la fermeture par agrafeuse, soit à la suture manuelle, en tant que groupe témoin, afin de garantir la comparabilité des résultats.
Traduction et Post-édition réalisées par Cochrane France avec le soutien de Anis Hasnaoui (bénévole chez Cochrane France) et grâce au financement du Ministère de la Santé. Une erreur de traduction ou dans le texte original ? Merci d’adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr