Antagonistes de l'aldostérone chez les personnes souffrant d'une maladie rénale chronique traité par dialyse

Quelle est la question ?

Les personnes atteintes d'une maladie rénale chronique (MRC) nécessitant une dialyse sont exposées à un risque accru de décès ou le développement d’autres comorbidités. Une des causes particulières de comorbidité est un risque accru de maladie cardiaque. Les antagonistes de l'aldostérone (par exemple la spironolactone ou l'éplérénone) sont un type de médicament utilisé dans le traitement de l'hypertension artérielle qui pourrait être une option thérapeutique prometteuse pour ces personnes, mais qui peut être associée à des effets indésirables tels qu'une concentration élevée de potassium dans le sang (également appelée hyperkaliémie). Cette forte concentration de potassium dans le sang peut être potentiellement nocive pour les personnes dialysées.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons effectué une recherche dans la littérature jusqu'au 5 août 2020 et avons identifié 16 études portant sur 1446 patients souffrant d'insuffisance rénale et traités par dialyse. Ces études ont comparé les antagonistes de l'aldostérone à un placebo (traitement inactif) ou aux soins habituels.

Qu’avons-nous trouvé ?

Sur la base de données probantes d’un niveau de confiance modéré, cette revue a montré que les personnes atteintes d’une MRC prenant des antagonistes de l'aldostérone avaient probablement un risque réduit de décès, quelle qu'en soit la cause, et avaient probablement un risque réduit de décès de maladie cardiaque spécifiquement. Les antagonistes de l'aldostérone n'ont pas semblé augmenter les concentrations de potassium dans le sang. Toutefois, il existe des données probantes d’un niveau de confiance modéré suggérant que certains hommes atteints d'une MRC traités pas dialyse pourraient présenter un développement accru du tissu mammaire (également appelé gynécomastie) à la suite de la prise d'antagonistes de l'aldostérone.

Conclusions

Nous avons conclu que les antagonistes de l'aldostérone réduisent probablement le risque de décès et de maladie cardiaque mais pourraient augmenter le risque de gynécomastie pour les personnes traitées par dialyse. D'autres études sont nécessaires pour clarifier l'efficacité et la sécurité des antagonistes de l'aldostérone chez les personnes atteintes d’une maladie rénale chronique nécessitant une dialyse.

Conclusions des auteurs: 

Sur la base de données probantes d’un niveau de confiance modéré, les antagonistes de l'aldostérone réduisent probablement le risque de décès toutes causes confondues et de décès cardiovasculaire, et réduisent probablement la morbidité due aux maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires chez les personnes atteintes d'une maladie rénale chronique nécessitant une dialyse. Pour l'effet indésirable de la gynécomastie, le risque a été augmenté par rapport au groupe témoin. Pour ce critère de jugement, le risque absolu était inférieur au risque absolu de décès. Nous espérons que les trois grandes études en cours fourniront des données probantes d’un niveau de confiance plus élevé.

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Contexte: 

Les personnes atteintes d'une maladie rénale chronique (MRC) nécessitant une dialyse sont particulièrement exposées à un risque élevé de mortalité et de morbidité cardiovasculaires. Plusieurs études cliniques ont suggéré que les antagonistes de l'aldostérone pourraient être une option de traitement prometteuse pour les personnes traitées par dialyse. Toutefois, l'efficacité clinique et les effets nocifs potentiels des antagonistes de l'aldostérone pour les personnes atteintes d'une MRC traitées par dialyse restent à déterminer.

Objectifs: 

Cette étude visait à évaluer les bénéfices et les risques des antagonistes de l'aldostérone, à la fois non sélectifs (spironolactone) et sélectifs (éplérénone), par rapport à un groupe témoin (placebo ou soins standard) chez les personnes atteintes d'une MRC nécessitant une hémodialyse (HD) ou une dialyse péritonéale (DP).

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué une recherche dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les reins et les greffes jusqu'au 5 août 2020 en utilisant des termes de recherche pertinents pour cette revue. Les études figurant dans le registre sont identifiées grâce à des recherches dans CENTRAL, MEDLINE et EMBASE, des actes des conférences, le système d’enregistrement international des essais cliniques de l’OMS (ICTRP) et le site ClinicalTrials.gov.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) parallèles, des ECR croisés et des quasi-ECR (où la répartition des groupes se fait selon une méthode qui n'est pas vraiment aléatoire, comme l'alternance, la répartition alternative des dossiers médicaux, de la date de naissance, du numéro de dossier ou d'autres méthodes de prévision) qui comparaient les antagonistes de l'aldostérone à un placebo ou à des soins standard chez les personnes atteintes d'une MRC nécessitant une dialyse.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait les données et évalué le risque de biais pour les études incluses. Nous avons utilisé un modèle de méta-analyse à effets aléatoires pour effectuer une synthèse quantitative des données. Nous avons utilisé la statistique I² pour mesurer l'hétérogénéité entre les études dans chaque analyse. Nous avons indiqué des estimations récapitulatives sous forme de risque relatif (RR) pour les critères de jugement dichotomiques, de différence moyenne (DM) pour les critères de jugement continus, ou de différences moyennes standardisées (DMS) si différentes échelles étaient utilisées, avec leur intervalle de confiance (IC) à 95 %. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement principal en utilisant l'approche GRADE (Grades of Recommendation, Assessment, Development, and Evaluation).

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 16 études (14 ECR parallèles et deux ECR croisés) pour un total de 1446 participants. Treize études ont comparé la spironolactone à un placebo ou à un soin standard et une étude a comparé l'éplérénone à un placebo. La plupart des études incluses présentaient un risque de biais incertain ou élevé. Par rapport au groupe témoin, les antagonistes de l'aldostérone ont probablement réduit le risque de décès (toutes causes confondues) des personnes atteintes d'une MRC nécessitant une dialyse (9 études, 1119 participants : RR 0,45, IC à 95 % 0,30 à 0,67 ; I²= 0% ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). L'antagoniste de l'aldostérone a probablement diminué le risque de décès cardiovasculaire (6 études, 908 participants : RR 0,37, IC à 95 % 0,22 à 0,64 ; I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) et la morbidité cardiovasculaire et cérébrovasculaire (3 études, 328 participants : RR 0,38, IC à 95 % 0,18 à 0,76 ; I² = 0% ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Alors que les antagonistes de l'aldostérone ont probablement augmenté le risque de gynécomastie par rapport au contrôle (4 études, 768 participants : RR 5,95, IC à 95 % 1,93 à 18,3 ; I² = 0 % ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), les antagonistes de l'aldostérone entraineraient peu ou pas de différence dans le risque d'hyperkaliémie (9 études, 981 participants : RR 1,41, IC à 95 % 0,72 à 2,78 ; I² = 47 % ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les antagonistes de l'aldostérone ont eu un effet marginal sur la masse ventriculaire gauche chez les participants traités par dialyse (8 études, 633 participants : DMS -0,42, IC à 95 % -0,78 à 0,05 ; I² = 77 %).

Chez les personnes atteintes d'une MRC traitées par dialyse et ayant reçu des antagonistes de l'aldostérone, par rapport au groupe témoin, on a enregistré 72 décès de moins de toutes causes pour 1000 participants (IC à 95 % : 47 à 98), avec un nombre de sujets à traiter (NST) pour un résultat bénéfique supplémentaire de 14 (IC à 95 % : 10 à 21) et, pour la gynécomastie, 26 événements pour 1000 participants (IC à 95 % : 15 à 39), avec un nombre nécessaire pour nuire de 38 (IC à 95 % : 26 à 68).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Nicolas Cornière et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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