Adalimumab pour le maintien de la rémission dans la maladie de Crohn

Qu'est-ce que la maladie de Crohn ?

La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire qui peut affecter tout le tractus gastro-intestinal, de la bouche à l'anus. Les participants peuvent ressentir un large éventail de symptômes liés à leur maladie, notamment des douleurs abdominales, de la diarrhée, une perte de poids et de la fièvre. Les participants ont généralement des périodes où leur maladie est plus active (en d'autres termes, ils ressentent des symptômes), alternant avec des périodes où leur maladie est inactive (aucun symptôme de MC). Lorsque la MC est inactive, on dit qu'elle est en rémission. Grâce au traitement, les médicaments peuvent contrôler l'inflammation dans le tractus gastro-intestinal, pour un contrôle à long terme de l'activité de la maladie.

Qu'est-ce que l'adalimumab ?

L'adalimumab est un médicament biologique qui bloque le développement de l'inflammation dans le tractus gastro-intestinal. Il appartient à une classe de médicaments connus sous le nom d'antagonistes du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α). Ce médicament est utilisé chez les personnes atteintes de la MC, pour réduire le niveau d'inflammation dans le tractus gastro-intestinal ou pour empêcher l'inflammation de se développer.

Quel est l'objectif de cette revue ?

Le but de revue étude était de déterminer si l'adalimumab est un médicament efficace pour maintenir la rémission chez les personnes atteintes de MC inactive, et s'il est associé à des effets nocifs ou secondaires.

Comment cette revue a-t-elle été réalisée ?

Nous avons effectué une revue systématique de la littérature actuelle, afin de déterminer si le traitement par l'adalimumab est efficace pour maintenir la rémission dans la MC. Nous avons effectué des recherches électroniques dans plusieurs bases de données le 15 avril 2019 et sélectionné les études qui répondaient à nos critères d'inclusion pour une évaluation plus approfondie. Nous avons effectué des analyses statistiques pour déterminer si l'adalimumab apporte un bénéfice global pour le maintien de la rémission dans la MC.

Quels étaient les résultats ?

Nous avons inclus six études (1158 participants). Tous les participants avaient une MC modérée à sévère en rémission clinique. Quatre études (1012 participants) ont comparé l'adalimumab au placebo (un médicament fictif). Deux études (70 participants) ont comparé l'adalimumab à un médicament actif (azathioprine ou mésalamine et 6-mercaptopurine) chez des participants qui avaient subi une intervention chirurgicale pour leur MC avant leur participation à l'étude.

Les participants ayant reçu de l'adalimumab étaient plus susceptibles de maintenir une rémission clinique (aucun symptôme de MC) et une rémission endoscopique (aucune inflammation du tractus gastro-intestinal) que ceux ayant reçu un placebo (le médicament fictif). Cela était également vrai pour les participants qui avaient déjà été traités avec d'autres médicaments anti-TNF-α (par exemple, l'infliximab). Le niveau de confiance global des données probantes de ces critères de jugement allait de modéré à élevé. Nous n'avons pas constaté d'augmentation du taux d'effets secondaires chez les participants qui ont reçu de l'adalimumab par rapport à ceux qui ont reçu un placebo. Les effets secondaires les plus fréquents étaient les maux de tête, la fatigue et les infections, qu'il s'agisse d'infections urinaires ou d'infections des voies respiratoires supérieures.

Deux petites études ont porté sur des groupes de patients qui avaient récemment dû subir une ablation chirurgicale d'une zone rétrécie de leur intestin. Ces participants ont reçu de l'adalimumab ou de l'azathioprine (un médicament immunosuppresseur), de la mésalamine (un médicament anti-inflammatoire) ou de la 6-mercaptopurine (un médicament immunosuppresseur) dans les 45 jours suivant l'opération, pour voir si ces médicaments contribuaient à prolonger la rémission après l'opération. Dans l'ensemble, l'adalimumab semble avoir plus de chances de maintenir la rémission que l'azathioprine, la mésalamine ou la 6-mercaptopurine. Cependant, il s'agissait de petites études avec des données probantes de faible niveau de confiance. Ces deux études n'ont pas rapporté d'effets secondaires.

Quelles sont les conclusions de cette revue ?

L'adalimumab est une thérapie efficace pour maintenir la rémission clinique chez les personnes atteintes de maladie de Crohn inactive. L'adalimumab est également efficace chez ceux qui ont déjà été traités avec d'autres médicaments anti-TNF-α. L'effet de l'adalimumab dans le contexte post-opératoire est incertain. Il est nécessaire de mener davantage de recherches sur les patients ayant subi une opération de l'intestin pour une maladie de Crohn afin de mieux déterminer les plans de traitement après leur opération. Les recherches futures devraient continuer à explorer les facteurs qui influencent le choix de l’agent biologique initial et ultérieur chez les participants atteints de maladie de Crohn modérée à sévère. Des études comparant l'adalimumab à d'autres médicaments actifs sont nécessaires pour aider à décider de la meilleure thérapie de maintien pour la maladie de Crohn.

Conclusions des auteurs: 

L'adalimumab est un traitement efficace pour le maintien de la rémission clinique chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn quiescente. L'adalimumab est également efficace chez ceux qui ont déjà été traités avec des antagonistes du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α). L'effet de l'adalimumab dans le contexte post-opératoire est incertain. Des recherches plus approfondies sont nécessaires chez les personnes ayant subi récemment une chirurgie intestinale pour la maladie de Crohn, afin de mieux déterminer les plans de traitement après l'opération. Les recherches futures devraient continuer à explorer les facteurs qui influencent la sélection de l’agent biologique initial et ultérieur, pour les personnes atteintes de maladie de Crohn modérée à sévère. Des études comparant l'adalimumab à d'autres médicaments actifs sont nécessaires pour aider à déterminer le traitement d'entretien optimal pour la maladie de Crohn.

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Contexte: 

Les médicaments conventionnels pour la maladie de Crohn (MC) comprennent les anti-inflammatoires, les immunosuppresseurs et les corticostéroïdes. Si un individu ne répond pas ou perd la réponse aux traitements de première ligne, alors les agents biologiques tels que les antagonistes du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α) comme l'adalimumab sont envisagées pour traiter la MC. Le maintien de la rémission de la MC est un objectif cliniquement important, car une rechute de la maladie peut avoir un effet négatif sur la qualité de vie.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité et la tolérance de l'adalimumab pour le maintien de la rémission chez les personnes atteintes de la MC quiescente.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur le syndrome inflammatoire de l'intestin, CENTRAL, MEDLINE, Embase et clinicaltrials.gov depuis sa création jusqu'en avril 2019.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant l'adalimumab à un placebo ou à un comparateur actif.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons analysé les données en intention de traiter. Nous avons calculé les risques relatifs (RR) et les intervalles de confiance (IC) à 95 % correspondants, pour les résultats dichotomiques. Le critère de jugement primaire était l’échec à maintenir la rémission clinique. Nous définissons la rémission clinique comme un Indice d'Activité de la Maladie de Crohn (en anglais : Crohn's disease activity index, CDAI) de < 150. Les critères de jugement secondaires étaient l’échec à maintenir la réponse clinique, la rémission endoscopique, la réponse endoscopique, la rémission histologique et les effets indésirables (EI). Nous avons évalué les biais en utilisant l'outil Cochrane « Risque de biais ». Nous avons utilisé l’outil GRADE pour évaluer le niveau de confiance global des données probantes supportant le critère de jugement primaire.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus six ECR (1158 participants). Nous avons évalué quatre essais comme présentant un faible risque de biais et deux essais comme présentant un risque de biais peu clair. Tous les participants avaient une MC modérée à sévère en rémission clinique. Quatre études étaient contrôlées par placebo (1012 participants). Deux études (70 participants) ont comparé l'adalimumab à un médicament actif (azathioprine, mésalamine ou 6-mercaptopurine) chez des participants ayant subi une résection iléocolique avant leur participation à l'étude.

Adalimumab par rapport au placebo
59 % (252/430) des participants traités avec l'adalimumab n'ont pas réussi à maintenir une rémission clinique entre 52 et 56 semaines, contre 86 % (217/253) des participants recevant un placebo (RR 0,70, 95 % IC 0,64 à 0,77 ; 3 études, 683 participants ; données probantes de niveau de confiance élevé). Parmi ceux qui ont déjà reçu un traitement par antagoniste du TNF-α, 69 % (129/186) des participants recevant l'adalimumab n'ont pas réussi à maintenir une réponse clinique ou endoscopique entre 52 et 56 semaines, contre 93 % (108/116) des participants qui ont reçu un placebo (RR 0,76, 95 % IC 0,68 à 0,85 ; 2 études, 302 participants ; donnnées probantes de niveau de confiance modéré). 51 % (192/374) des participants qui ont reçu de l'adalimumab n'ont pas réussi à maintenir une rémission clinique entre 24 et 26 semaines, contre 79 % (149/188) de ceux qui ont reçu un placebo (RR 0,66, 95 % IC 0,52 à 0,83 ; 2 études, 554 participants ; données probantes de niveau de confiance modéré). 87 % (561/643) des participants qui ont reçu de l'adalimumab ont signalé un EI, contre 85 % (315/369) des participants qui ont reçu un placebo (RR 1,01, 95 % IC 0,94 à 1,09 ; 4 études, 1012 participants ; données probantes de niveau de confiance élevé). Des effets indésirables graves ont été observés chez 8 % (52/643) des participants ayant reçu l'adalimumab et 14 % (53/369) des participants ayant reçu le placebo (RR 0,56, IC à 95 % 0,39 à 0.80 ; 4 études, 1012 participants ; données probantes de niveau de confiance modéré) et un retrait de l’étude dû à des effets indésirables a été signalé chez 7 % (45/643) des participants ayant reçu l'adalimumab contre 13 % (48/369) des participants ayant reçu le placebo (RR 0,59, 95 % IC 0,38 à 0,91 ; 4 études, 1012 participants ; données probantes de niveau de confiance modéré). Les EI les plus fréquemment signalés sont l'aggravation de la MC, l'arthralgie, la rhinopharyngite, les infections urinaires, les maux de tête, les nausées, la fatigue et les douleurs abdominales.

Adalimumab par rapport aux comparateurs actifs

Aucune étude n'a rapporté un échec à maintenir une rémission clinique. Une étude a rapporté l'incapacité à maintenir la réponse clinique et la rémission endoscopique à 104 semaines chez des participants ayant eu une résection iléocolique et qui ont reçu, soit de l'adalimumab, soit de l'azathioprine ou de la mésalamine comme traitement d'entretien postopératoire. 13 % (2/16) des participants recevant l'adalimumab n'ont pas réussi à maintenir une réponse clinique, contre 54 % (19/35) des participants recevant l'azathioprine ou à la mésalamine (RR 0,23, 95 % IC 0,06 à 0,87 ; 51 participants). 6 % (1/16) des participants ayant reçu de l'adalimumab n'ont pas réussi à maintenir une rémission endoscopique, contre 57 % (20/35) des participants ayant reçu de l'azathioprine ou de la mésalamine (RR 0,11, 95 % IC 0,02 à 0,75 ; 51 participants ; données probantes de faible niveau de confiance). Une étude a rapporté l'échec du maintien de la réponse endoscopique à 24 semaines chez des participants ayant eu une résection iléocolique, et qui ont reçu soit de l'adalimumab, soit de la 6-mercaptopurine (6-MP) comme traitement d'entretien postopératoire. 9 % (1/11) des participants recevant l’adalimumab n'ont pas réussi à maintenir une rémission endoscopique, contre 50 % (4/8) des participants la 6-MP (RR 0,18, 95 % IC 0,02 à 1,33 ; 19 participants).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Pierre-Alexis Gontier et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.