Les bêta-bloquants et les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone dans l’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection préservée

Problématique de la revue

Nous avons étudié les effets des bêtabloquants (BB), des antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes (ARM), des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC), des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA) et des inhibiteurs de la néprilysine/antagonistes de l'angiotensine (INAA) sur la survie, les admissions à l'hôpital pour insuffisance cardiaque, la qualité de vie et les niveaux de potassium chez les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée (ICFEP).

Contexte

L'insuffisance cardiaque est une affection fréquente qui survient lorsque la fonction du muscle cardiaque est altérée. Elle est associée à des symptômes d'essoufflement et de fatigue, ainsi qu'à une réduction de la survie. Dans environ la moitié des cas d'insuffisance cardiaque, lorsque la fraction d'éjection du ventricule gauche est réduite à moins de 40 % (ce qui traduit une altération significative de la fonction contractile), plusieurs traitements médicamenteux sont connus pour leur efficacité à améliorer la survie et à réduire les hospitalisations. Dans les autres cas, où la fraction d'éjection est normale ou seulement légèrement réduite (ICFEP), il n'est pas certain que les mêmes traitements médicamenteux soient efficaces pour améliorer ces critères de jugement.

Critères de sélection

Nous avons cherché à savoir si les traitements de l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite sont également efficaces dans l'ICFEP. Nous avons effectué une recherche exhaustive de tous les essais portant sur les BB, les ARM, les IEC, les ARA ou les INAA (données probantes à jour jusqu'au 14 mai 2020).

Résultats et conclusions

Nous avons inclus 10 études avec 3087 participants randomisés pour les BB, 13 études avec 4459 participants randomisés pour les ARM, huit études avec 2061 participants randomisés pour les IEC, huit études avec 8755 participants randomisés pour les ARA et trois études avec 7702 participants randomisés pour les INAA. Nous avons combiné les données probantes dans une analyse groupée pour chaque classe de médicaments et chaque critère de jugement évalué. Les études incluses ne font pas toutes parties de chaque analyse.

Nous avons constaté que les BB pourraient améliorer la mortalité cardiovasculaire. Toutefois, le niveau de confiance des données probantes était faible en raison de la petite taille des essais et de l'incertitude quant aux méthodes utilisées. Pour les ARM, les résultats suggèrent une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque mais peu ou pas d'effet sur la mortalité cardiovasculaire et la mortalité toutes causes confondues ; cependant, le niveau de confiance des données probantes n'était que modéré. En ce qui concerne les IEC, le traitement a probablement peu ou pas d'effet sur les critères de jugements de la mortalité cardiovasculaire, la mortalité toutes causes confondues et l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque ; toutefois, le niveau de confiance des données probantes n'était que modéré. Nous avons trouvé des données probantes d’un niveau de confiance élevé pour le traitement par ARA, les résultats suggérant un effet faible ou nul. Nous avons constaté que le traitement par INAA ne montre que peu ou pas d'effet sur la mortalité cardiovasculaire (données probantes d’un niveau de confiance modéré), la mortalité toutes causes confondues (données probantes d’un niveau de confiance élevé) ou sur la qualité de vie (données probantes d’un niveau de confiance élevé). Le traitement par ARA pourrait réduire légèrement les hospitalisations liées à l'insuffisance cardiaque (données probantes d’un niveau de confiance modéré). Les traitements par ARM et ARA ont montré une augmentation du risque de taux élevé de potassium dans le sang.

En conclusion, on a observé avec le traitement par ARM, et éventuellement avec celui par INAA, une légère réduction du risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Certaines données probantes montrent un possible effet bénéfique du BB sur la mortalité due aux maladies cardiovasculaires. Le traitement par IEC n'a probablement pas d'effet bénéfique chez les personnes atteintes d'ICFEP, mais cela reste incertain en raison du manque de données probantes issues d'essais cliniques. Pour les ARA, les données probantes suggèrent que le traitement est peu ou pas bénéfique chez les personnes atteintes d'ICFEP.

Niveau de confiance des données probantes

Le niveau de confiance des données probantes varie d’élevé à faible pour les critères de jugement et les classes de médicaments étudiés. À l'exception des ARA et des INAA, il y avait un manque d'essais à grande échelle concernant l’ICFEP pour les interventions et les critères de jugement testés.

Conclusions des auteurs: 

Certaines données probantes ont montré que le traitement par antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes (ARM) et inhibiteurs de la néprilysine/Antagonistes de l’angiotensine (INAA) dans l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée (ICFEP) réduit probablement l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque mais a probablement peu ou pas d'effet sur la mortalité cardiovasculaire et la qualité de vie. Le traitement par Bêta-bloquants (BB) pourrait réduire le risque de mortalité cardiovasculaire, mais d'autres essais sont nécessaires. Les données probantes actuelles concernant les BB, les Inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC) et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA) sont limitées et ne soutiennent pas leur utilisation dans l'ICFEP en l'absence d'une autre indication. Bien que les ARM et les INAA soient probablement efficaces pour réduire le risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque, la taille de l'effet des traitements est modeste. Il est nécessaire d'améliorer les démarches de stratification des patients afin d'identifier le sous-groupe de patients qui est le plus susceptible de bénéficier des ARM et des INAA ; l’amélioration de la compréhension de la biologie de la maladie ainsi que de nouvelles approches thérapeutiques sont également nécessaires.

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Contexte: 

Les bêta-bloquants et les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone améliorent la survie et réduisent la morbidité chez les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) réduite ; une revue des données probantes est nécessaire pour déterminer si ces traitements sont bénéfiques pour les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée (ICFEP).

Objectifs: 

Évaluer les effets des bêta-bloquants, des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine, des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine, des inhibiteurs de la néprilysine/antagonistes de l'angiotensine et des antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes chez les personnes atteintes d'ICFEP.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons actualisé les recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase et un registre d'essais cliniques le 14 mai 2020 pour identifier les études éligibles, sans restriction de langue ou de date. Nous avons vérifié les références des rapports des essais et des articles de revue pour trouver des études supplémentaires.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés avec un plan d’étude en groupes parallèles, recrutant des adultes atteints d'ICFEP, définie par une FEVG supérieure à 40 %.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 41 essais contrôlés randomisés (231 rapports), avec un total de 23 492 participants dans toutes les comparaisons. Le risque de biais n’était souvent pas clair et seules cinq études présentaient un faible risque de biais dans tous les domaines.

Bêta-bloquants (BB)

Nous avons inclus 10 études (3087 participants) portant sur les BB. Cinq études ont utilisé un placebo en tant que comparateur et dans cinq autres, le comparateur était les soins habituels. L'âge moyen des participants variait de 30 à 81 ans.

Une réduction possible de la mortalité cardiovasculaire a été observée (risque relatif (RR) de 0,78, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,62 à 0,99 ; nombre de sujets à traiter (NST) pour un résultat bénéfique supplémentaire = 25 ; 1046 participants ; trois études), cependant, le niveau de confiance des données probantes était faible. Il se pourrait qu'il n’y ait que peu ou pas d'effet sur la mortalité toutes causes confondues (RR de 0,82, IC à 95 % de 0,67 à 1,00 ; 1105 participants ; quatre études ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les effets sur l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque, l'hyperkaliémie et la qualité de vie restent incertains.

Antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes (ARM)

Nous avons inclus 13 études (4459 participants) portant sur les ARM. Huit études ont utilisé un placebo en tant que comparateur et dans cinq autres, le comparateur était les soins habituels. L'âge moyen des participants variait de 54,5 à 80 ans.

L'analyse groupée a indiqué que le traitement par ARM réduit probablement l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque (RR de 0,82, IC à 95 % de 0,69 à 0,98 ; NST pour un résultat bénéfique supplémentaire = 41 ; 3714 participants ; trois études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Cependant, le traitement par ARM a probablement peu ou pas d'effet sur la mortalité toutes causes confondues (RR de 0,91, IC à 95 % de 0,78 à 1,06 ; 4 207 participants ; cinq études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) et la mortalité cardiovasculaire (RR de 0,90, IC à 95 % de 0,74 à 1,11 ; 4 070 participants ; trois études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Le traitement par ARM pourrait n’avoir que peu ou pas d'effet sur les mesures de la qualité de vie (différence moyenne (DM) de 0,84, IC à 95 % de -2,30 à 3,98 ; 511 participants ; trois études ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Le traitement par ARM était associé à un risque plus élevé d'hyperkaliémie (RR de 2,11, IC à 95 % de 1,77 à 2,51 ; nombre nécessaire de personnes à traiter pour nuire (NNN) = 11 ; 4291 participants ; six études ; données probantes d’un niveau de confiance élevé).

Inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC)

Nous avons inclus huit études (2061 participants) portant sur les IEC. Trois études ont utilisé un placebo comme comparateur et dans cinq autres, le comparateur était les soins habituels. L'âge moyen des participants était compris entre 70 et 82 ans.

Des analyses groupées avec des données probantes d’un niveau de confiance modéré suggèrent que le traitement par IEC a probablement peu ou pas d'effet sur la mortalité cardiovasculaire (RR de 0,93, IC à 95% de 0,61 à 1,42 ; 945 participants ; deux études), la mortalité toutes causes confondues (RR de 1,04, IC à 95 % de 0,75 à 1.45 ; 1 187 participants ; cinq études) et l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque (RR de 0,86, IC à 95 % de 0,64 à 1,15 ; 1019 participants ; trois études), et pourrait n'avoir que peu ou pas d'effet sur la qualité de vie (DM de -0,09, IC à 95 % de -3,66 à 3,48 ; 154 participants ; deux études ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les effets sur l'hyperkaliémie restent incertains.

Antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA)

Huit études (8755 participants) portant sur les ARA ont été incluses. Cinq études ont utilisé un placebo en tant que comparateur et dans trois autres, le comparateur était les soins habituels. L'âge moyen des participants était compris entre 61 et 75 ans.

Les analyses groupées avec des données probantes d’un niveau de confiance élevé suggèrent que le traitement par ARA a peu ou pas d'effet sur la mortalité cardiovasculaire (RR de 1,02, IC à 95 % de 0,90 à 1,14 ; 7254 participants ; trois études), la mortalité toutes causes confondues (RR de 1,01, IC à 95 % de 0.92 à 1,11 ; 7964 participants ; quatre études), l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque (RR de 0,92, IC à 95 % de 0,83 à 1,02 ; 7254 participants ; trois études) et la qualité de vie (DM de 0,41, IC à 95 % de -0,86 à 1,67 ; 3117 participants ; trois études). L'ARA était associé à un risque plus élevé d'hyperkaliémie (RR de 1,88, IC à 95 % de 1,07 à 3,33 ; 7148 participants ; deux études ; données probantes d’un niveau de confiance élevé).

Inhibiteurs de la néprilysine/Antagonistes de l’angiotensine (INAA)

Trois études (7702 participants) portant sur les INAA ont été incluses. Deux études ont utilisé les ARA comme comparateur et une a utilisé le traitement médical standard, basé sur les traitements des participants au moment de l'inscription. L'âge moyen des participants était compris entre 71 et 73 ans.

Les résultats suggèrent que les INAA pourraient n’avoir que peu ou pas d'effet sur la mortalité cardiovasculaire (RR de 0,96, IC à 95 % de 0,79 à 1,15 ; 4796 participants ; une étude ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), la mortalité toutes causes confondues (RR de 0,97, IC à 95 % de 0,84 à 1,11 ; 7663 participants ; trois études ; données probantes d’un niveau de confiance élevé) ou la qualité de vie (données probantes d’un niveau de confiance élevé). Cependant, le traitement par INAA pourrait entraîner une légère réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, par rapport aux soins habituels (RR de 0,89, IC à 95 % de 0,80 à 1,00 ; 7362 participants ; deux études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Le traitement par INAA était associé à un risque réduit d'hyperkaliémie par rapport au valsartan (RR de 0,88, IC à 95 % de 0,77 à 1,01 ; 5054 participants ; deux études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Mélaine Lim et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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