Traitement par hormone de de croissance pour les personnes atteintes de thalassémie


Problématique de la revue

Nous avons passé en revue les données probantes de l'effet du traitement des personnes atteintes de thalassémie par des hormones de croissance.

Contexte

La thalassémie est un trouble sanguin héréditaire qui entraîne une anémie de sévérité variable. Chez les personnes présentant les formes les plus sévères, des transfusions sanguines régulières sont nécessaires dès le plus jeune âge, ce qui entraîne une accumulation excessive de fer dans des organes vitaux tels que le cœur, le foie et les glandes sécrétant des hormones (glandes endocrines). L'une des glandes à risque est l'hypophyse, qui sécrète l'hormone de croissance, laquelle régule à son tour la croissance et les fonctions du corps humain. Si la production de l'hormone de croissance est perturbée par l’excès de fer, la croissance des enfants concernés est susceptible d’être entravée.

Cette complication est très courante chez les personnes atteintes de thalassémie. Elle peut être causée par divers facteurs, notamment par des problèmes liés à l'hormone de croissance ou à d'autres hormones, des transfusions sanguines insuffisantes ou une mauvaise alimentation. L'hormone de croissance synthétique permet de traiter la petite taille chez les personnes atteintes de thalassémie, en particulier chez les enfants qui présentent une carence en hormone de croissance. Ce traitement consiste généralement en une injection d'hormone de croissance sous la peau (par voie sous-cutanée) plusieurs jours par semaine pendant une période donnée. Cependant, il n'est pas certain que l'utilisation de l'hormone de croissance synthétique apporte des bénéfices substantiels ou manifestes aux personnes atteintes de thalassémie.

Période de la recherche

Dans cette mise à jour, nous avons inclus les données probantes jusqu'au 14 novembre 2019.

Caractéristiques des études

Nous n'avons trouvé qu'un seul petit essai pour notre revue. Cet essai portait sur 20 enfants atteints de bêta-thalassémie, dont la taille était largement en-dessous des courbes de croissance. Dix d’entre eux ont été choisis au hasard pour recevoir un traitement hormonal de croissance quotidien en plus de leur traitement habituel (standard), et les 10 autres enfants ont simplement suivi leur traitement habituel. Les chercheurs ont enregistré la taille des enfants et effectué des tests sanguins tous les trois mois. L'essai a été mené sur une période d'un an.

Principaux résultats

La vitesse de croissance désigne la vitesse à laquelle un enfant grandit. Elle est calculée en mesurant la différence de taille sur une période donnée (généralement mesurée en cm par an). Dans cette revue, la vitesse de croissance était plus élevée chez les enfants ayant reçu de l'hormone de croissance pendant un an que chez les autres (2,28 cm de plus par an en moyenne). En d'autres termes, les enfants qui ont reçu de l'hormone de croissance ont grandi un peu plus vite que ceux qui n'en ont pas reçu. La taille d'un enfant peut également être évaluée sur la base de graphiques standard de la population (score d’écart type de la taille). Selon cette mesure, les scores des enfants traités par l'hormone de croissance étaient similaires à ceux des enfants non traités par l'hormone de croissance au bout d'un an. Aucun des 20 enfants n'a souffert d'effets secondaires. Alors qu'il n’y a pas eu de différence nette entre les deux groupes lors du test de tolérance au glucose oral au bout d’un an, la glycémie à jeun était plus élevée chez les enfants traités par l'hormone de croissance que chez les autres, même si les résultats étaient quand même compris dans la fourchette normale. L'essai n'a pas fourni de données au-delà de la période d'un an, et nous ne savons donc pas si la taille adulte des enfants participant à l'essai a été affectée d'une quelconque manière par le traitement à l'hormone de croissance.

Aucun essai n'a été mené chez des personnes atteintes de thalassémie pour examiner les effets du traitement par l'hormone de croissance sur une période plus longue, à différents dosages ou au sein de groupes d'âge différents ; aucun essai n'a non plus étudié l'effet du traitement hormonal de croissance sur la taille adulte ou le bien-être général (qualité de vie).

Niveau de confiance des données probantes

Dans l'ensemble, nous avons considéré que le niveau de confiance des données probantes pour les critères de jugement mentionnés ci-dessus (croissance à court terme et effets secondaires) était modéré. Notre plus grande réserve résidait dans le très faible nombre de participants à l’essai.

Conclusions

Sur la base de données probantes d’un niveau de confiance modéré provenant d'un essai de petite taille, l'utilisation de l'hormone de croissance peut potentiellement améliorer modérément certaines mesures de la croissance. Cependant, l’essai ne fournissait aucune donnée sur la taille finale ou la qualité de vie des participants. D'autres essais sont nécessaires avant de pouvoir tirer des conclusions claires sur les bénéfices et les risques globaux de l'utilisation de l'hormone de croissance chez les personnes atteintes de thalassémie.

Conclusions des auteurs: 

Un essai de petite taille a apporté des données probantes d’un niveau de confiance modéré qui indiquent que l'utilisation de l’hormone de croissance pendant un an pourrait augmenter la vitesse de croissance des enfants atteints de thalassémie, même si le score de l’écart type de la taille dans le groupe de traitement était similaire à celui du groupe témoin. Il n'existe pas d'essais contrôlés randomisés chez les adultes ni d'essais portant sur l'utilisation d'un traitement hormonal de croissance sur une plus longue période et qui évaluent son effet sur la taille finale et la qualité de vie. La posologie optimale de l'hormone de croissance et le moment idéal pour commencer ce traitement restent incertains. Des essais contrôlés randomisés de grande échelle et bien conçus, sur une période plus longue et avec une durée de suivi suffisante, sont nécessaires.

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Contexte: 

La thalassémie est un trouble sanguin héréditaire récessif qui entraîne une anémie de sévérité variable. Chez les personnes présentant les formes les plus sévères, des transfusions sanguines régulières sont nécessaires, et peuvent conduire à une surcharge ferrique. Le fer accumulé lors des transfusions sanguines peut se déposer dans les organes vitaux, notamment le cœur, le foie, et les organes du système endocrinien tels que l'hypophyse, ce qui peut affecter la production de l'hormone de croissance. La carence en hormone de croissance est l'un des facteurs pouvant entraîner une petite taille, une complication courante chez les personnes atteintes de thalassémie. Le traitement substitutif de l’hormone de croissance a été utilisé chez des enfants thalassémiques de petite taille et présentant une carence en hormone de croissance. Cette revue sur le rôle de l'hormone de croissance a été publiée à l’origine en septembre 2017 et mise à jour en avril 2020.

Objectifs: 

Évaluer les bénéfices et la tolérance du traitement hormonal de croissance chez les personnes atteintes de thalassémie.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais du groupe Cochrane sur les hémoglobinopathies, élaboré à partir de recherches dans des bases de données électroniques et de recherches manuelles effectuées dans des journaux et actes de conférence. Date des dernières recherches : 14 novembre 2019.

Nous avons également consulté les références bibliographiques d'articles et de revues pertinentes ainsi que des registres d'essais cliniques. Date des dernières recherches : 6 janvier 2020.

Critères de sélection: 

Essais contrôlés randomisés et quasi randomisés comparant l'utilisation d'un traitement hormonal de croissance à un placebo ou à des soins standard chez des personnes atteintes de thalassémie, quel que soit le type ou la sévérité.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont sélectionné de manière indépendante les essais à inclure. Deux auteurs ont extrait des données et évalué les risques de biais de façon indépendante. Le niveau de confiance des données probantes a été évalué au moyen de la méthode GRADE.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus un essai en parallèle mené en Turquie. L'essai a recruté 20 enfants de petite taille atteints de bêta-thalassémie homozygote ; un traitement hormonal de croissance a été administré quotidiennement par voie sous-cutanée à une dose de 0,7 UI/kg par semaine à 10 d’entre eux, et un traitement standard a été administré aux 10 autres enfants. Le risque global de biais dans cet essai était faible, sauf pour les critères de sélection et le biais d'attrition pour lesquels le risque était imprécis. Le niveau de confiance des données probantes pour tous les principaux critères de jugement était modéré, et la principale préoccupation était l'imprécision des estimations à cause de la petite taille de l’échantillon qui entraîne de larges intervalles de confiance. La taille finale (cm) (le critère de jugement principal pré-spécifié de la revue) et le changement de taille n'ont pas été évalués dans l'essai inclus. L'essai n’a pas rapporté de différence nette entre les groupes en ce qui concerne le score de l'écart-type (ET) de la taille après un an : différence moyenne (DM) -0,09 (intervalle de confiance (IC) à 95 % entre -0,33 et 0,15 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Cependant, des améliorations modestes semblent avoir été observées dans les critères de jugement principaux suivants chez les enfants recevant un traitement hormonal de croissance par rapport au groupe témoin (données probantes d’un niveau de confiance modéré) : changement du score de l’écart-type de la taille entre l’inclusion et la visite finale, DM 0,26 (IC à 95 % entre 0,13 et 0,39) ; vitesse de croissance, DM 2,28 cm/an (IC à 95 % entre 1,76 et 2,80) ; score de l’écart-type de la vitesse de croissance, DM 3,31 (IC à 95 % entre 2,43 et 4,19) ; et changement du score de l’écart-type de la vitesse de croissance entre l’inclusion et la dernière visite, DM 3,41 (IC à 95 % entre 2,45 et 4,37). Aucun effet indésirable du traitement n'a été signalé dans l'un ou l'autre des groupes ; cependant, alors qu'il n’y a pas eu de différence nette entre les groupes lors du test de tolérance au glucose oral au bout d’un an, la glycémie à jeun était significativement plus élevée dans le groupe traité par l'hormone de croissance que dans le groupe témoin, même si les deux résultats étaient compris dans la fourchette normale, DM 6,67 mg/dl (IC à 95 % entre 2,66 et 10,68). Il n'y avait pas de données au-delà de la période d'essai d'un an.

Notes de traduction: 

Post-édition : Laureline CARBAJO & Elorri LABORDE (M2 ESIT, Université Sorbonne Nouvelle)

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.