Chirurgie cardiaque pour le remplacement de la valve aortique par une petite incision par rapport à l'incision complète standard pratiquée sur l'avant du thorax

À quelle question essayions-nous de répondre ?

Nous avons examiné les données probantes sur l'effet d'une petite incision de type « trou de serrure » (au lieu de l’incision complète habituelle du sternum) dans le cadre de la chirurgie de remplacement de la valve aortique chez les adultes. Nous souhaitions déterminer si les deux interventions étaient aussi sûres et efficaces l'une que l'autre.

Importance

La valve aortique empêche le sang de refluer depuis le corps vers le cœur. La valvulopathie aortique est une affection courante dont le meilleur traitement est la chirurgie cardiaque. L’intervention habituelle consiste à inciser le sternum dans le sens de la longueur pour accéder au cœur, mais cette opération est considérée comme douloureuse et perturbante. Depuis près de 20 ans, certains chirurgiens pratiquent l'opération par un trou plus petit, en incisant une partie du sternum au lieu de toute la longueur. Ainsi, la cicatrice est plus petite mais l'opération peut aussi être plus compliquée car il est plus difficile de voir et d'atteindre le cœur. Cela pourrait rendre l'opération plus longue et moins sûre, même si elle semble moins importante vue de l'extérieur.

Quelles études ont été incluses dans cette analyse ?

Nous avons consulté des bases de données scientifiques pour trouver des études publiées et non publiées qui comparent l'ouverture complète du sternum (appelée « sternotomie médiane ») pour le remplacement de la valve aortique, à l'ouverture d'une partie seulement du sternum (appelée sternotomie "mini-invasive" ou "partielle") pour cette même opération. Nous avons effectué des recherches dans tous les dossiers jusqu'en juillet 2016 et avons trouvé sept études qui ont répondu à cette question. Les études comptaient 511 participants.

Conception des études

Les études provenaient de pays d'Europe et d'Afrique du Nord. Elles comptaient 511 participants qui présentaient différentes affections nécessitant un remplacement de la valve aortique. La plupart de ces personnes étaient âgées de 60 à 70 ans. Environ la moitié des participants étaient des hommes. Les participants de chaque groupe étaient similaires. L'une des études a été financée par une entreprise qui fabrique des équipements utilisés en chirurgie mini-invasive.

Qu'ont démontré les études ?

Il n'y avait pas de différence entre les groupes quant au nombre de personnes décédées à la suite d'une chirurgie. 23 personnes sur 1000 dont le sternum avait subi une incision complète sont décédées après l'opération, contre environ 24 personnes sur 1000 (entre 8 et 66) à la suite d’une opération mini-invasive. Comme cette fourchette représente un nombre trois fois moins élevé à trois fois plus, il est difficile de déterminer si l'opération est manifestement meilleure ou pire.

Le temps d’utilisation d’un cœur-poumon artificiel par les chirurgiens pour soutenir le cœur pendant l'opération n'était pas différent entre les deux types d’intervention. Le temps d’arrêt complet du cœur pour effectuer l'opération n'a pas non plus différé.

Il y avait peu de différence dans le temps passé par les participants sous respirateur ou à l'hôpital, bien que le temps passé à l'unité de soins intensifs ait été inférieur d'environ une demi-journée dans le groupe de patients opérés avec une petite incision. Aucun des problèmes importants survenant après une chirurgie cardiaque n'était plus fréquent dans un des deux groupes (infections autour du cœur, rythme cardiaque irrégulier ou nécessité d'une réopération urgente en raison d'un saignement). Les participants saignaient légèrement moins après avoir subi une chirurgie mini-invasive. Dans le cas de l'opération pratiquant la plus petite incision, la perte moyenne de sang était moindre de 158 ml.

Qualité des preuves

La qualité des données probantes variait de très faible à modérée. L'un des principaux problèmes des études était leur petite taille et le fait qu'elles n'avaient donc peut-être pas permis de déceler des différences subtiles entre les groupes. Comme les problèmes après une chirurgie cardiaque sont rares, il est nécessaire d’évaluer un grand nombre de personnes subissant une intervention chirurgicale afin de déceler les petits changements. Un autre problème réside dans le fait que les chirurgiens ont tendance à pratiquer les opérations en utilisant de nombreuses méthodes légèrement différentes. Il y avait également des différences dans la pratique. En effet, les mesures n'avaient peut-être pas été prises au même moment et en utilisant les mêmes méthodes. Nous devons être prudents avant de tirer des conclusions sur les différences dans les groupes de cette revue qui sont dues à la méthode utilisant la plus petite incision et celles dues à d'autres facteurs.

Conclusions des auteurs: 

La qualité des données probantes de cette revue a été jugée généralement faible à modérée. Les échantillons de l'étude étaient de petite taille et manquaient de puissance pour démontrer les différences dans les critères de jugement avec de faibles taux d'événements. L'hétérogénéité clinique au sein des études et entre elles est une caractéristique relativement fixe des essais chirurgicaux, ce qui a également contribué à la nécessité d'interpréter les résultats avec prudence.

Compte tenu de ces limites, il y avait une incertitude quant à l'effet sur la mortalité ou les temps d’assistance extracorporelle avec hémi-sternotomie supérieure pour le remplacement de la valve aortique comparativement à la sternotomie médiane complète. Les données probantes corroborant une réduction de la durée totale du séjour à l'hôpital ou du séjour aux soins intensifs étaient de faible qualité. Des incertitudes subsistaient quant à toute différence dans les taux d'autres mesures de critère de jugement secondaires ou d'événements indésirables avec des approches de sternotomie minimalement invasives limitées pour le remplacement de la valve aortique.

Il semble y avoir une incertitude entre le remplacement de la valve aortique mini-invasive par hémi-sternotomie supérieure et le remplacement de la valve aortique classique par sternotomie médiane complète. Avant de pouvoir recommander l'adoption à grande échelle de la procédure mini-invasive, il est nécessaire de mener un essai contrôlé randomisé comparatif prospectif bien conçu et suffisamment puissant. Une telle étude gagnerait à inclure une analyse des coûts approfondie. La préférence croissante des patients pour les techniques mini-invasives mérite l’inclusion d’analyses approfondies sur la qualité de vie comme critère d'évaluation, ainsi que des mesures quantitatives de la réserve physiologique.

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Contexte: 

La valvulopathie aortique est une affection courante qui se traite facilement par la chirurgie cardiaque. Pour ce faire, le sternum est traditionnellement incisé au centre dans le sens de la longueur (« sternotomie médiane ») et la valve est remplacée sous circulation extra-corporelle. La sternotomie médiane est généralement bien tolérée, mais comme des options moins invasives sont désormais possibles, l'efficacité des incisions limitées a été remise en question. En particulier, les effets de la réduction de la visibilité et de l'accès chirurgical ont soulevé des préoccupations en matière de sécurité en ce qui concerne l'emplacement des canules, la ventilation du cœur, le placement du fil épicardique et le retrait de l’air présent dans le cœur à la fin de la procédure. Ces difficultés peuvent augmenter les temps d'opération et affecter les résultats. Les avantages supposés des petites incisions comprennent une diminution de la douleur, une amélioration de la mécanique respiratoire, une réduction des infections des plaies, des saignements et du besoin de transfusion, un séjour en soins intensifs plus court, de meilleurs résultats esthétiques et un retour plus rapide à une activité normale.

Objectifs: 

Évaluer les effets d'un remplacement de la valve aortique par mini-sternotomie par rapport à un remplacement de la valve aortique conventionnel par sternotomie médiane chez les personnes atteintes d'une valvulopathie aortique nécessitant un remplacement chirurgical.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE, Embase, les registres d'essais cliniques et les sites Web des fabricants depuis leur date de création jusqu’en juillet 2016, sans restriction linguistique. Nous avons examiné les références des documents identifiés afin de trouver d'autres études pertinentes.

Critères de sélection: 

Essais contrôlés randomisés comparant le remplacement de la valve aortique par sternotomie médiane et par mini-sternotomie. Nous avons exclu les essais qui évaluaient d'autres incisions peu invasives telles que minithoracotomies, la chirurgie par trocart, la méthode transapicale et transfémorale, ou les procédures assistées par robots. Bien qu'il existe des études cas-témoins prospectives et rétrospectives et des études de cohorte bien réalisées, elles n'ont pas été incluses dans la présente revue.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont évalué de façon indépendante des articles d'essai afin d'en extraire les données, d'en évaluer la qualité et d'identifier les risques de biais. Un troisième auteur de revue a effectué un arbitrage lorsque cela était nécessaire. La qualité des données probantes a été déterminée à l'aide de la méthodologie GRADE et les résultats des critères de jugement pertinents pour le patient ont été résumés dans un tableau intitulé « Résumé des résultats ».

Résultats principaux: 

La revue comprend sept essais auxquels ont participé 511 personnes. Il s'agissait d'adultes provenant de centres en Autriche, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en France et en Égypte. Nous avons effectué 12 comparaisons portant sur les effets d'une hémi-sternotomie limitée mini-invasive de l'hémisphère supérieur dans le remplacement de la valve aortique, comparativement à une chirurgie effectuée par sternotomie médiane complète.

Nous n’avons pas trouvé de preuves d’un effet sur la mortalité lors de la comparaison de l'hémi-sternotomie supérieure par rapport à la sternotomie médiane complète (risque relatif (RR) de 1,01, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,36 à 2,82 ; 511 participants ; 7 études ; qualité moyenne). Nous n’avons pas observé de signe d'augmentation du temps de circulation extra-corporelle lors du remplacement de la valve aortique par hémi-sternotomie supérieure (différence moyenne (DM) de 3,02 minutes, IC à 95 % de -4,10 à 10,14 ; 311 participants ; 5 études ; faible qualité). Il n'y avait pas de preuve d'augmentation du temps de clampage de l’aorte (DM de 0,95 minute, IC à 95 % de -3,45 à 5,35 ; 391 participants ; 6 études ; faible qualité). Aucune des études incluses n'a rapporté d'événements cardiaques et vasculaires cérébraux indésirables majeurs comme critère d'évaluation composite.

Il n’y avait pas de preuves d’un effet sur la durée du séjour à l'hôpital à la suite d'une hémi-sternotomie limitée (DM de -1,31 jour, IC à 95 % de -2,63 à 0,01 ; 297 participants ; 5 études ; I2 = 89 % ; très faible qualité). La perte de sang postopératoire était plus faible dans le groupe des patients opérés par hémi-sternotomie supérieure (DM de -158,00 mL, IC à 95 % de -303,24 à -12,76 ; 297 participants ; 5 études ; qualité moyenne). Les données probantes n'appuyaient pas une réduction des infections des plaies sternales profondes (RR de 0,71, IC à 95 % de 0,22 à 2,30 ; 511 participants ; 7 études ; qualité modérée) ou des ré-explorations (RR de 1,01, IC à 95 % de 0,48 à 2,13 ; 511 participants ; 7 études ; qualité moyenne). Il n'y avait pas de changement dans les scores de douleur chez le groupe opéré par hémi-sternotomie (différence moyenne standardisée (DMS) de -0,33, IC à 95 % de -0,85 à 0,20 ; 197 participants ; 3 études ; I2 = 70% ; très faible qualité), mais il y avait une légère augmentation des explorations fonctionnelles respiratoires postopératoires avec sternotomie limitée mini-invasive (MD de 1,98 % du VEMS prédit, IC à 95 % de 0,62 à 3,33 ; 257 participants ; 4 études ; I2 = 28 % ; qualité faible). Nous avons observé une légère réduction de la durée des séjours à l'unité de soins intensifs à la suite de l'hémi-sternotomie mini-invasive (DM de -0,57 jours, IC 95 % de -0,93 à -0,20 ; 297 participants ; 5 études ; qualité faible). La fibrillation auriculaire postopératoire n'a pas été réduite par le remplacement peu invasif de la valve aortique par sternotomie limitée comparativement à une sternotomie complète (RR de 0,60, IC à 95 % de 0,07 à 4,89 ; 240 participants ; 3 études ; qualité moyenne). Il en va de même pour les temps de ventilation postopératoire (MD de -1,12 heure, IC à 95 % de -3,43 à 1,19 ; 297 participants ; 5 études ; qualité faible). Aucune des études incluses n'a rapporté d’analyses des coûts.

Notes de traduction: 

Post-édition : Antoine Halté - Révision : Sydney Foggo (M2 ILTS, Université Paris Diderot)

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.