Quels sont les bénéfices et les risques du rituximab (un médicament qui réduit l'inflammation) dans le traitement de l'ophtalmopathie thyroïdienne (une maladie affectant les tissus entourant les yeux) ?

Principaux messages
- Nous n'avons pas trouvé suffisamment de données probantes montrant une différence de résultats en termes de symptômes, dans le traitement par rituximab par rapport à un corticoïde ou un placebo (traitement factice), chez les personnes atteintes d'une ophtalmopathie thyroïdienne modérée à sévère.

- Le rituximab pourrait entraîner davantage d'effets indésirables (non désirés) par rapport aux stéroïdes ou un placebo, mais nous n'en sommes pas certains.

- D'autres études sont nécessaires pour renforcer le corpus de données probantes et déterminer si le rituximab doit être utilisé comme traitement de l'ophtalmopathie thyroïdienne.

Qu'est-ce que l'ophtalmopathie thyroïdienne ?
L'ophtalmopathie thyroïdienne est une maladie oculaire qui touche la moitié des personnes atteintes de la maladie de Basedow, une affection dans laquelle le système immunitaire de l'organisme attaque la glande thyroïde et la rend hyperactive. Dans l'ophtalmopathie thyroïdienne, le système immunitaire de l'organisme attaque également les tissus entourant les yeux. Les symptômes comprennent des douleurs oculaires, des rougeurs, des gonflements, une protrusion de l'œil (exophtalmie ou proptose), une vision double et, dans les cas graves, une baisse de la vue.

Comment traiter l'ophtalmopathie thyroïdienne ?
Les alternatives thérapeutiques de l'ophtalmopathie thyroïdienne sévère comprennent des médicaments anti-inflammatoires appelés corticoïdes et la radiothérapie. Cependant, les récidives sont fréquentes. La chirurgie visant à soulager la pression augmentant derrière l'œil (décompression orbitaire) est généralement réservée aux cas où la vue est menacée.

Un traitement alternatif possible est le rituximab, un médicament administré en perfusion intraveineuse (injection dans une veine), qui vise à empêcher le système de défense de l'organisme (le système immunitaire) d'attaquer par erreur les tissus sains et de provoquer une inflammation.

Que voulions-nous découvrir ?
Nous avons voulu comparer les bénéfices et les risques du rituximab par rapport à d'autres traitements de l'ophtalmopathie thyroïdienne.

Comment avons-nous procédé ?
Nous avons recherché des études qui comparaient le rituximab à un traitement placebo (factice) ou à un traitement par stéroïdes pour l'ophtalmopathie thyroïdienne. Nous avons comparé et résumé les résultats de ces études et évalué le niveau de confiance des données probantes en fonction de facteurs tels que les méthodes d'étude et la taille des groupes de participants.

Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons trouvé deux études menées en Italie et aux États-Unis, portant sur un total de 56 personnes atteintes d'ophtalmopathie thyroïdienne. Tous les participants étaient âgés de 18 à 80 ans (âge moyen de 55 ans) et 77 % étaient des femmes. Une étude (31 personnes) a comparé le rituximab intraveineux (2 perfusions de 1000 mg à 2 semaines d'intervalle ou une perfusion unique de 500 mg) à la méthylprednisolone (corticoïde) intraveineuse. L'autre étude (25 personnes) a comparé le rituximab intraveineux (2 perfusions de 1000 mg à 2 semaines d'intervalle) à des perfusions intraveineuses de placebo (factice). Comme les études comparaient le rituximab à différents traitements, il n'a pas été possible de combiner les résultats des études pour les analyser ensemble.

Quels ont été les principaux résultats de notre revue ?
Les données probantes suggèrent que, par rapport à la méthylprednisolone intraveineuse, le rituximab améliorerait le degré d'activité de l'ophtalmopathie thyroïdienne à 24 semaines après le traitement, mesuré à l'aide d'une échelle particulière. Toutefois, l’existence d’une vraie différence est incertaine. En outre, il y avait peu ou pas de différence lorsque l'activité de l'ophtalmopathie thyroïdienne était mesurée par une échelle différente. Il n'y avait pas de données probantes montrant une différence dans les critères de jugement suivants, mesurés à 24 semaines après le traitement :

- la réduction d’une protrusion des yeux

- la réduction d’un écartement des paupières

- l’amélioration des mouvements oculaires et de la vision double

- l'amélioration de la qualité de vie

Les données probantes suggèrent que le rituximab, comparé au placebo, entraîne peu ou pas d’effet sur les critères de jugement décrits ci-dessus, mesurés à 24 semaines après le traitement.

Le nombre d'effets indésirables était plus élevé avec le rituximab qu’avec la méthylprednisolone intraveineuse et le placebo, mais les données probantes permettant de déterminer s'il s'agissait d'une véritable différence étaient incertaines.

Quelles sont les limites des données probantes ?
Les données probantes ne reposent que sur deux études comptant peu de participants, et ces dernières ont été interrompues plus tôt que prévu, ce qui limite notre confiance dans les résultats.

Les données probantes sont-elles à jour ?
Les données probantes sont à jour jusqu'en février 2022.

Conclusions des auteurs: 

Les données probantes sont actuellement insuffisantes pour préconiser l'utilisation du rituximab (RTX) chez les personnes atteintes d’une ophtalmopathie thyroïdienne. Les études dans le futur portant sur le RTX chez les personnes atteintes d’ophtalmopathie thyroïdienne (OT) active devront être multicentriques nouvelle : recruter suffisamment de participants permettra de conclure correctement sur l'efficacité et la tolérance de cette nouvelle thérapie.

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Contexte: 

L'ophtalmopathie thyroïdienne (OT) est la manifestation extra-thyroïdienne la plus fréquente de la maladie de Basedow, touchant jusqu'à 50 % des patients. Elle a un impact important sur la qualité de vie. Le rituximab (RTX) est un anticorps monoclonal chimérique humain/murin qui cible le récepteur CD20 sur les lymphocytes B. Des travaux préliminaires ont montré que le blocage de ce récepteur CD20 par le RTX pourrait affecter l'évolution clinique de l’OT en réduisant l'inflammation et la sévérité de l’exophtalmie.

Objectifs: 

Cette mise à jour de la revue, initialement publiée en 2013, évalue l'efficacité et la tolérance de l'utilisation du RTX dans le traitement de l’OT.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL ; 2022, numéro 2), qui contient le registre des essais du groupe Cochrane sur l’ophtalmologie; Ovid MEDLINE ; Ovid Embase ; la base de données Latin American and Caribbean Health Science Information (Informations d’Amérique latine et des Caraïbes sur les sciences de la santé, LILACS) ; le registre ISRCTN ; ClinicalTrials.gov et le système d’enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS. Aucune restriction sur la langue n'a été appliquée aux recherches électroniques d'essais. Nous avons effectué la dernière recherche dans les bases de données électroniques le 22 février 2022.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) portant sur le RTX administré par perfusion intraveineuse, quel que soit le schéma posologique, pour le traitement de l’OT active chez l'adulte, comparé à un placebo ou un traitement par glucocorticoïdes.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi la méthodologie standard définie par Cochrane. Deux auteurs de la revue ont indépendamment analysé les titres et résumés, ainsi que les rapports complets des études potentiellement pertinentes. Les critères de jugement d'intérêt de cette revue étaient : le score d'activité clinique (SAC), l'échelle de sévérité NOSPECS, l’exophtalmie (mm), l'ouverture palpébrale (mm), la motilité extra-oculaire (degrés ou échelle d'évaluation de la diplopie), la qualité de vie et les effets indésirables.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié deux études qui répondaient aux critères d'inclusion de la mise à jour de cette revue. Dans les deux études, l'âge moyen des participants était de 55 ans et 77 % étaient des femmes.

Le RTX par rapport à la méthylprednisolone intraveineuse (MPIV)

Une étude menée en Italie a comparé le RTX (n = 15 après le retrait d'un participant) à la MPIV (n = 16) pour l’OT active (SAC ≥ 3 sur 7 ou 4 sur 10). Nous avons jugé que cette étude présentait un faible risque de biais dans la plupart des domaines, mais elle a été interrompue prématurément en raison de la réactivation de la maladie dans le groupe de comparaison (5/16 participants). Cette étude a apporté des données probantes d’un niveau de confiance faible suggérant que le RTX améliorerait le SAC à 24 semaines par rapport à la MPIV (15/15 contre 12/16 améliorés de ≥ 2 points ; risque relatif (RR) 1,32, intervalle de confiance (IC) à 95 % entre 0,98 et 1,78). Seules des données probantes d’un niveau de confiance très faible étaient disponibles pour les autres critères de jugement : amélioration du NOSPECS de 2 classes ou plus (3/15 contre 3/16 ; RR 1,07, IC à 95 % entre 0,25 et 4,49) ; amélioration de l’exophtalmie de 2 mm ou plus (0/15 contre 1/16 ; RR 0,35, IC à 95 % entre 0,02 et 8,08) ; amélioration de l'ouverture palpébrale de 3 mm ou plus (2/15 contre 0/16 ; RR 5,31, IC à 95 % entre 0,28 et 102.38) ; amélioration de la motilité de 1 classe ou plus (3/15 contre 3/16 ; RR 1,07, IC à 95 % entre 0,25 et 4,49) ; et amélioration sur l'échelle de qualité de vie de l'ophtalmopathie basedowienne d'au moins 6 points pour le « fonctionnement » (5/14 contre 8/13 ; RR 0,58, IC à 95 % entre 0,25 et 1,32) et l' « apparence » (9/14 contre 6/13 ; RR 1,39, IC à 95 % entre 0,69 et 2,82). Les effets indésirables étaient plus fréquents dans le groupe RTX (RR 1,39, IC à 95 % entre 0,90 et 2,13 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Des effets indésirables mineurs (réactions légères à la perfusion) ont été observés chez la plupart des personnes recevant du RTX lors de la première perfusion. Deux participants ont présenté une réaction sévère à la perfusion, probablement un syndrome de libération de cytokines.

Le RTX par rapport à un placebo

Une étude menée aux États-Unis comprenait 25 participants présentant une OT active (SAC ≥ 4 sur 7) et comparant le RTX (13 participants) à un placebo. Nous avons déterminé que cette étude présentait un faible risque de biais dans la plupart des domaines, mais elle a été arrêtée prématurément en raison de problèmes de recrutement. Elle a apporté des données probantes d’un niveau de confiance très faible sur les critères de jugement suivants à 24 semaines : amélioration de la SAC de 2 points ou plus (4/13 RTX contre 3/12 placebo ; RR 1,23, IC à 95 % entre 0,34 et 4,40) ; amélioration du NOSPECS de 2 classes ou plus (2/13 contre 2/12 ; RR 0,92, IC à 95 % entre 0,15 et 5,56) ; amélioration de l’exophtalmie de 2 mm ou plus (2/13 contre 4/12 ; RR 0,46, IC à 95 % entre 0,10 et 2.08) ; modification de la médiane de l'ouverture palpébrale (0 mm dans le groupe RTX, pour les deux yeux séparément, contre -0,5 mm et 0,5 mm dans le groupe placebo pour l'œil droit et l'œil gauche, respectivement) ; score médian de diplopie pour la motilité (3 contre 2,5) ; score médian de la composante physique du SF-12 (45,9 contre 40,3) et score médian de la composante mentale (52,8 contre 46,1). Un plus grand nombre de participants dans le groupe RTX ont eu des effets indésirables (8/13 contre 3/12 ; RR 2,46, IC à 95 % entre 0,84 et 7,18).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Astrid Zessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.