Quels sont les bénéfices et les risques des corticoïdes chez les adultes subissant une chirurgie cardiaque ?

Principaux messages

– Les médicaments anti-inflammatoires tels que les corticostéroïdes font peu ou pas de différence en termes de survie après une chirurgie cardiaque, et pourraient avoir à la fois des bénéfices importants (sur le fonctionnement des poumons) et des effets indésirables (en endommageant le cœur).

– Il n’y a pas suffisamment d’études de grande envergure et bien menées pour être certain des effets des corticoïdes, en particulier dans les groupes à haut risque. Les futures études devraient explorer le rôle de ces médicaments chez les personnes vulnérables.

Quelles sont les préoccupations concernant les personnes qui subissent une opération du cœur ?

Les personnes qui subissent une chirurgie cardiaque pourraient présenter une forte réaction aux différents types de stress liés à l’opération. Cette réaction, l’inflammation, est considérée comme responsable de nombreuses complications courantes, et elle pourrait être accrue par l’utilisation de la machine à cœur-poumon artificiel, un appareil qui prend temporairement en charge le travail du cœur et des poumons pendant l’intervention chirurgicale.

Quel est le rôle des corticoïdes en chirurgie cardiaque ?

Les corticoïdes sont des médicaments bien connus et largement disponibles qui sont souvent utilisés comme traitement de l’inflammation excessive. Les études visant à évaluer leur utilisation après une chirurgie cardiaque donnent des résultats mitigés, car les corticoïdes ont également des effets secondaires importants (infection, hémorragie et lésions cardiaques) qui pourraient contrebalancer les bénéfices potentiels (récupération plus rapide et amélioration de la fonction pulmonaire).

Que voulions-nous savoir ?

Nous voulions savoir quels sont les bénéfices et les risques d’un traitement aux corticoïdes sur les risques de complications majeures (décès ; lésions du cœur et des poumons) après une chirurgie cardiaque.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché dans les principales bases de données de la littérature médicale les rapports d’études qui avaient répartis au hasard des adultes subissant une chirurgie cardiaque pour qu’ils reçoivent soit des corticoïdes, soit aucun traitement, soit un placebo (pilule factice). Nous avons ensuite analysé leurs résultats combinés.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé un total de 72 études portant sur 17 282 personnes sur une période d’environ 50 ans. Les personnes incluses dans ces études avaient une moyenne d’âge d’environ 60 ans. L’intervention chirurgicale la plus fréquente dans les études était le pontage aorto-coronarien, une opération courante visant à rétablir la circulation sanguine dans le muscle cardiaque.

Lorsque nous avons regroupé les études, nous avons montré que, par rapport à l’absence de traitement ou au placebo, les corticoïdes avaient peu ou pas d’effet sur le risque de décès à l’hôpital, augmentaient le risque de complications cardiaques et réduisaient le risque de complications pulmonaires.

Si des corticoïdes étaient administrés à 1000 personnes subissant une chirurgie cardiaque :

– entre 25 et 36 personnes mourraient après l’opération, contre 33 chez ceux qui n’auraient pas reçu ces médicaments ;

– entre 68 et 86 personnes souffriraient d’une crise cardiaque, contre 66 chez ceux n’ayant pas reçu de corticoïdes ; et

– entre 61 et 77 personnes auraient des problèmes pulmonaires, contre 78 chez ceux n’ayant pas reçu de corticoïdes.

Nous avons également montré que les corticoïdes réduisaient le risque de troubles du rythme cardiaque (fibrillation auriculaire) et d’infections, mais qu’ils augmentaient le risque de subir une seconde opération pour cause d’hémorragie.

Quelles sont les limites des données probantes ?

La plupart des études présentaient d’importantes lacunes qui nous amènent à nous interroger sur le niveau de confiance de leurs résultats groupés. Par exemple, ils ont défini les événements, tels qu’une crise cardiaque, de différentes manières ; ils n’ont pas adopté de mesures adéquates pour s’assurer que les patients et les investigateurs ne connaissaient pas certaines informations susceptibles d’influencer leur participation à l’étude ; certaines études étaient de très petite taille.

Les études ont porté sur différents types de personnes, et la pratique de la chirurgie cardiaque a beaucoup évolué au fil des décennies. De plus, les études ont utilisé différentes méthodes d’administration des corticoïdes. Ces facteurs pourraient empêcher de comprendre si les résultats de ces études sont les mêmes que ceux qui seraient obtenus dans la population générale.

En outre, les résultats des deux études les plus importantes que nous avons incluses pourraient influer sur les conclusions générales de notre revue.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Cette revue est une mise à jour de notre précédente revue datant de 2011. Les données probantes sont à jour jusqu’en octobre 2022.

Conclusions des auteurs: 

Une revue systématique des essais évaluant les effets protecteurs des corticoïdes sur les organes dans le cadre de la chirurgie cardiaque a montré que le traitement avait peu ou pas d’effet sur la mortalité, les saignements gastro-intestinaux et l’insuffisance rénale. Les effets du traitement sur les complications cardiaques et pulmonaires étaient opposés, avec des données probantes indiquant que les corticoïdes semblent augmenter les complications cardiaques mais réduire les complications pulmonaires ; toutefois, le niveau de confiance de ces estimations était faible. La corticothérapie a apporté des bénéfices mineurs pour les complications infectieuses, mais les données probantes sur la durée du séjour à l’hôpital sont très incertaines. L’inconsistance des effets du traitement sur les différents critères de jugement et le peu de données sur les groupes à haut risque réduisent l’applicabilité des résultats. Des recherches supplémentaires devraient explorer le rôle de ces médicaments dans des cohortes spécifiques et vulnérables.

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Contexte: 

La chirurgie cardiaque déclenche une forte réaction inflammatoire, ce qui a des conséquences cliniques significatives. Les corticoïdes ont été proposés comme stratégie périopératoire pour réduire l’inflammation et aider à prévenir les complications postopératoires. Cependant, la tolérance et l’efficacité de l’utilisation périopératoire de corticoïdes en chirurgie cardiaque chez l’adulte sont incertaines. Il s’agit d'une mise à jour de la revue de 2011 à laquelle 18 études ont été ajoutées.

Objectifs: 

Objectif primaire : estimer les effets de l’utilisation prophylactique de corticoïdes chez les adultes subissant une chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle sur :
- les critères de jugement coprimaires : mortalité, complications myocardiques et complications pulmonaires ; et
- des critères de jugement secondaires incluant la fibrillation auriculaire, les infections, les lésions d’organes, les complications connues de la corticothérapie, une prolongation de la ventilation mécanique, une prolongation du séjour postopératoire et le rapport coût-efficacité.

Objectif secondaire : explorer le rôle des caractéristiques de la cohorte de l’étude et des caractéristiques spécifiques de l’intervention dans la détermination des effets du traitement via une série d'analyses en sous-groupes préspécifiés.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons utilisé les stratégies de recherche standard et étendues de Cochrane pour identifier les études randomisées évaluant l’effet des corticoïdes en chirurgie cardiaque chez l’adulte. Les dernières recherches ont été effectuées le 14 octobre 2022.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés chez des adultes (âgés de plus de 18 ans, ayant reçu un diagnostic de coronaropathie ou de valvulopathie cardiaque, ou candidats à une chirurgie cardiaque avec utilisation d’une circulation extracorporelle), comparant les corticoïdes à l’absence de traitement. Aucune restriction n’a été appliquée en matière de durée de la période de suivi. Toutes les études sélectionnées permettaient la combinaison des résultats pour un ou plusieurs des critères d’évaluation.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les méthodes standards de Cochrane. Nos critères de jugement principaux étaient la mortalité toutes causes confondues et les complications cardiaques et pulmonaires. Les critères de jugement secondaires étaient les complications infectieuses, les saignements gastro-intestinaux, l’apparition d’une fibrillation auriculaire postopératoire de novo, la re-thoracotomie pour saignement, les complications neurologiques, l’insuffisance rénale, l’assistance inotrope, les saignements postopératoires, la durée de la ventilation mécanique, la durée des séjours en unité de soins intensifs (USI) et à l’hôpital, la qualité de vie des patients, et le rapport coût-efficacité. Nous avons utilisé l’outil GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.

Résultats principaux: 

Cette revue actualisée comprend 72 essais randomisés avec 17 282 participants (l’ensemble des 72 essais avec 16 962 participants ont été inclus dans la synthèse des données). Quatre essais (6 %) ont été considérés comme présentant un faible risque de biais dans tous les domaines. L’âge médian des participants inclus dans les études était de 62,9 ans. Les populations étudiées se composaient principalement (à 89 %) de patients à faible risque, ayant subi pour la première fois un pontage aorto-coronarien (PAC) ou une chirurgie valvulaire.

L’utilisation de corticoïdes périopératoires semble entraîner peu ou pas de différence en termes de mortalité toutes causes confondues (risque avec les corticoïdes : 25 à 36 pour 1000 par rapport à 33 pour 1000 avec le placebo ou l’absence de traitement ; risque relatif (RR) 0,90, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,75 à 1,07 ; 25 études, 14 940 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les corticoïdes semblent augmenter le risque de complications myocardiques (68 à 86 pour 1000) par rapport au placebo ou à l’absence de traitement (66 pour 1000 ; RR 1,16, IC à 95 % 1,04 à 1,31 ; 25 études, 14 766 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible), et pourraient réduire le risque de complications pulmonaires (risque avec les corticoïdes : 61 à 77 pour 1000 contre 78 pour 1000 avec le placebo ou l’absence de traitement ; RR 0,88, 0,78 à 0,99 ; 18 études, 13 549 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Les analyses des critères d’évaluation secondaires ont montré que les corticoïdes pourraient réduire l’incidence des complications infectieuses (risque avec les corticoïdes : 94 à 113 pour 1000 contre 123 pour 1000 avec le placebo ou l’absence de traitement ; RR 0,84, IC à 95 % 0,76 à 0,92 ; 28 études, 14 771 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les corticoïdes semblent entraîner peu ou pas de différence dans l’incidence des hémorragies gastro-intestinales (risque avec les corticostéroïdes : 9 à 17 pour 1000 contre 10 pour 1000 avec le placebo ou l’absence de traitement ; RR 1,21, IC à 95 % 0,87 à 1,67 ; 6 études, 12 533 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et l’insuffisance rénale (risque avec les corticoïdes : 23 à 35 pour 1000 contre 34 pour 1000 avec le placebo ou l’absence de traitement ; RR 0,84, IC à 95 % 0,69 à 1,02 ; 13 études, 12 799 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les corticoïdes semblent réduire la durée du séjour à l'hôpital, mais les données probantes sont très incertaines (− 0,5 jour, 0,97 à 0,04 jour de moins de durée de séjour à l’hôpital par rapport au placebo ou à l’absence de traitement ; 25 études, 1841 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Les résultats des deux essais les plus importants inclus dans la revue peuvent fausser les conclusions générales de la méta-analyse.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Valentin Ruggeri et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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