Anesthésiques locaux dans la chirurgie de la cataracte : les gouttes ophtalmiques fonctionnent-elles mieux avec ou sans injection d'anesthésique ?

Qu'est-ce que la cataracte ?

Une cataracte débute lorsque des zones opacifiées se développent sur le cristallin de l'œil. Le cristallin est un petit disque transparent à l'intérieur de l'œil qui focalise les rayons lumineux pour obtenir des images claires des objets vus. Au fur et à mesure que les zones opacifiées s'agrandissent, la vue devient brumeuse et floue. La cataracte est plus fréquente chez les personnes âgées et peut affecter votre capacité à effectuer des activités quotidiennes, comme la conduite automobile. Une cataracte non traitée entraîne la cécité.

Comment traite-t-on la cataracte ?

La chirurgie est le seul moyen d'améliorer votre vue si vous avez une cataracte. Lors d'une opération de la cataracte (phacoémulsification), une petite incision est pratiquée dans l'œil ; le cristallin o est enlevé et un nouveau cristallin en plastique est mis en place.

Pendant l'opération, le patient est généralement éveillé. Les médecins utilisent des gouttes oculaires contenant un anesthésique local pour empêcher les nerfs de l'œil d'envoyer des signaux douloureux au cerveau pendant l'opération. Parfois, en plus des gouttes ophtalmiques anesthésiantes, de la lidocaïne (un type d'anesthésique local) peut être injectée dans l'œil. Cela pourrait réduire la douleur pendant et après l'opération.

Pourquoi avons-nous fait cette revue ?

Dans cette revue Cochrane, nous avons voulu identifier les avantages et les inconvénients potentiels de l'injection de lidocaïne dans l'œil en plus des gouttes anesthésiantes pendant l'opération de la cataracte.

Qu'avons-nous fait ?

En février 2020, nous avons recherché des études examinant les effets de l'injection de lidocaïne associée aux gouttes ophtalmiques anesthésiantes, par rapport à l'administration de gouttes ophtalmiques anesthésiantes seules, lors d'une opération de la cataracte. Nous avons recherché des essais contrôlés randomisés, un type d'étude dans laquelle les traitements sont administrés au hasard aux personnes faisant partie de l'étude, ces études fournissant généralement les données probantes les plus fiables sur les traitements.

Date de recherche : nous avons inclus les données probantes publiées jusqu'au 4 février 2020.

Ce que nous avons trouvé

Nous avons trouvé 13 études sur 2355 adultes, âgés de 34 à 95 ans, ayant subi une opération de la cataracte d’un ou des deux yeux. Les études ont été menées dans des hôpitaux et des centres de soins ophtalmologiques aux États-Unis, au Canada, en Australie, au Royaume-Uni, en Italie, à Taïwan, à Singapour, en Inde et au Pakistan.

Quels sont les résultats de la revue ?

Par rapport à l'administration de gouttes ophtalmiques anesthésiantes seules, il est probable que l'injection de lidocaïne associée aux gouttes ophtalmiques anesthésiantes :

- réduise le niveau de douleur ressentie pendant l'opération ;

- réduise le nombre de personnes ayant déclaré avoir ressenti des douleurs lors de leur opération ;

- ne réduise pas le niveau de douleur que les gens déclarent ressentir après l'opération

- ne cause pas de lésions oculaires supplémentaires (mesurées avant l'opération et après 1 et 12 mois).

L'injection de lidocaïne associée aux gouttes anesthésiantes ophtalmiques pourrait ne faire que peu ou pas de différence concernant :

- le nombre de personnes nécessitant une anesthésie supplémentaire pendant leur opération

- la satisfaction des gens par rapport à leur opération de la cataracte (nous sommes incertains de ce résultat car il n'est basé que sur une seule étude).

Le nombre d'effets secondaires (indésirables) associés aux anesthésiques locaux était similaire entre les personnes ayant reçu des gouttes ophtalmiques seules et celles ayant reçu des gouttes ophtalmiques et une injection de lidocaïne. Mais nous sommes incertains de ce résultat car le type d'étude que nous avons examiné n'était peut-être pas le meilleur pour évaluer les effets indésirables.

Notre confiance dans les résultats

Nous sommes modérément confiants (certains) en la plupart de nos résultats. Cependant, nous n'avons examiné qu'un petit nombre d'études et, dans certaines d'entre elles, les médecins savaient quel traitement ils administraient, ce qui peut avoir affecté les résultats de l'étude. Nos résultats pourraient changer si d'autres recherches sont disponibles.

Conclusions

L'injection de lidocaïne associée au collyre anesthésiant réduisent probablement le niveau de douleur lors d'une opération de la cataracte par rapport à l'utilisation du collyre anesthésiant seul, et ont permis de diminuer le nombre de personnes signalant des douleurs pendant l'opération. Cependant, les indices de douleur pour cette opération étaient généralement faibles, avec et sans injection de lidocaïne, de sorte que cette différence pourrait ne pas avoir d’importance clinique.

L'injection de lidocaïne associée au collyre anesthésiant n'ont pas réduit le niveau de douleur que les gens disaient ressentir après leur opération. Bien que l'injection de lidocaïne n'ait pas provoqué de lésions oculaires supplémentaires, nous ne savons pas si son utilisation provoque plus d'effets indésirables que les gouttes oculaires seules.

Conclusions des auteurs: 

Il existe des données probantes de qualité modérée indiquant que la supplémentation de l'anesthésie topique par de la lidocaïne intracamérulaire 0,5 % à 1 % pour la chirurgie de la cataracte par phacoémulsification chez les adultes réduit la perception de la douleur peropératoire par les participants. La probabilité de ressentir une douleur (par opposition à l'absence de douleur) était de 60 % inférieure pour le groupe anesthésie topique plus lidocaïne intracamérulaire par rapport au groupe anesthésie topique seule. Cependant, l'amplitude numérique de l'effet pourrait ne pas être d'une grande importance clinique sur l'échelle continue de score de la douleur. En général, les scores de douleur étaient faibles de façon consistante pour les deux techniques. Nous avons trouvé des données probantes de qualité modérée indiquant qu’il n’y a pas de bénéfice supplémentaire de la lidocaïne intracamérulaire sur la douleur postopératoire. Les données probantes manquent pour déterminer l'impact sur la satisfaction des participants et la nécessité d'une anesthésie peropératoire supplémentaire en raison de la faible qualité des données probantes. Il existe des données probantes de qualité modérée indiquant que la supplémentation intracamérulaire en lidocaïne n'augmente pas les mesures de toxicité intraoculaire, en particulier la perte de cellules endothéliales cornéennes. Il existe des données probantes de faible qualité indiquant que l'incidence des événements indésirables peropératoires est inchangée avec la supplémentation intracamérulaire en lidocaïne, mais les ECR n’étant pas le moyen optimal pour examiner cette question, ce résultat doit être interprété avec prudence.

Des recherches plus approfondies portant spécifiquement sur les effets indésirables de l'anesthésie intracamérulaire pourraient aider à mieux déterminer son profil de tolérance. Les évaluations économiques seraient également utiles pour détailler les implications en termes de coûts.

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Contexte: 

La chirurgie de la cataracte par phacoémulsification est généralement pratiquée chez l'adulte sous anesthésie locale. L'anesthésie topique, consistant à instiller des gouttes d'anesthésiant à la surface de l'œil avant et pendant l'opération, est largement acceptée au niveau international. C’est une technique sure et permettant un rétablissement rapide des patients et un rétablissement visuel. Certains chirurgiens ont complété l'anesthésie topique par de la lidocaïne intracamérulaire, estimant que cela pouvait réduire encore la douleur peropératoire, en particulier lors des étapes chirurgicales impliquant la manipulation des structures intraoculaires et des changements rapides de la dynamique des fluides. Cette revue, publiée initialement en 2006 et mise à jour en 2020, explore l'efficacité et la sécurité de l'utilisation de la lidocaïne intracamérulaire supplémentaire dans la chirurgie de la cataracte par phacoémulsification.

Objectifs: 

Évaluer si le fait de compléter l'anesthésie topique par de la lidocaïne intracamérulaire pour la chirurgie de la cataracte par phacoémulsification chez les adultes réduit la douleur peropératoire et postopératoire, et évaluer les différences en termes de satisfaction des participants, de besoins en anesthésie peropératoire supplémentaire, de satisfaction du chirurgien, de mesures de la toxicité intraoculaire et d'effets indésirables attribuables au choix de l'anesthésie.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le 4 février 2020, nous avons effectué des recherches dans les registres CENTRAL, MEDLINE, Embase, LILACS BIREME iAH et dans six registres d'essai. Nous avons également consulté les listes de référence des études identifiées. Aucune restriction de langue n’a été appliquée.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus uniquement tout essai contrôlé randomisé (ECR) dans lequel les participants bénéficiaient d’une phacoémulsification pour la cataracte liée à l'âge sous anesthésie topique avec ou sans lidocaïne intracamérulaire, soit dans les deux yeux du même participant, soit chez des participants différents. Nous avons également inclus des études utilisant la sédation orale ou intraveineuse en plus de l'anesthésie locale.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont indépendamment extrait les données et évalué la qualité méthodologique des essais en utilisant les procédures standard de Cochrane.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié cinq nouveaux ECR dans cette mise jour de la revue. Nous avons inclus un total de 13 essais dans l'étude, menés au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie, en Italie, au Canada, à Taïwan, à Singapour, en Inde et au Pakistan, et comprenant 2388 yeux de 2355 participants (une étude était une étude à deux yeux, chaque participant agissant comme son propre contrôle). La tranche d'âge des participants était de 34 à 95 ans. Nous avons exclu les études n’incluant que des participants à faible risque et nous avons également exclu les cas opératoires plus difficiles, par exemple les noyaux durs des cristallins ou les petites pupilles. Nous avons exclu les études n'évaluant que les participants atteints de dystrophie endothéliale de Fuchs.

Nous avons jugé qu'une étude présentait un risque élevé de biais de sélection. Nous avons évalué cinq études comme présentant un risque de biais peu clair concernant la génération des séquences aléatoires et sept études comme présentant un risque de biais peu clair concernant l’assignation secrète. Nous avons jugé que trois études présentaient un risque élevé de biais de performance, le chirurgien n'étant pas mis en aveugle, et deux études un risque de biais peu clair dans ce domaine. Aucune étude n'a été jugée comme présentant un risque élevé de biais de détection, mais cinq études ont été jugées comme présentant un risque peu clair de biais dans ce domaine. Nous avons jugé que les 13 études incluses présentaient toutes un faible risque de biais d'attrition et un risque peu clair de biais de déclaration.

Les données de huit ECR favorisaient l'anesthésie topique plus lidocaïne intracamérulaire de 0,5 à 1 % par rapport à l'anesthésie topique seule pour réduire la douleur peropératoire lorsqu'elle est mesurée à l'aide d'une échelle visuelle analogique à 10 points, analysée comme un critère de jugement continu. Le score moyen de douleur était inférieur de 0,26 dans le groupe avec lidocaïne intracamérulaire en complément (intervalle de confiance (IC) à 95% -0,39 à -0,13, 1692 yeux, données probantes de qualité modérée). Les données de sept ECR favorisaient la lidocaïne intracamérulaire en complément pour réduire la douleur peropératoire lorsqu'elle était mesurée comme un critère de jugement dichotomique. Le rapport des cotes de ressenti d’une douleur quelconque était de 0,40 par rapport au groupe avec anesthésie topique seule (IC à 95 % 0,29 à 0,57, 1 268 yeux, données probantes de qualité modérée). Les données de quatre ECR n'ont pas montré de bénéfice supplémentaire sur la douleur postopératoire lorsqu'elle était mesurée à l'aide d'une échelle visuelle analogique de 10 points (différence moyenne de 0,12 point, IC à 95 % -0,29 à 0,05, 751 yeux, données probantes de qualité modérée).

L'impact sur la satisfaction des participants était incertain, car seule une petite étude s'est intéressé à ce critère de jugement. L'étude ne suggérait aucune différence entre les groupes (différence moyenne de 0,1 point, IC à 95% -0,47 à 0,27, 60 yeux, données probantes de faible qualité).

Les données de sept ECR n'ont pas montré de différence entre les groupes en ce qui concerne la nécessité d'une anesthésie peropératoire supplémentaire (rapport des cotes 0,88, IC à 95 % 0,56 à 1,39, 1194 yeux de 1161 participants ; données probantes de faible qualité), bien que ce résultat soit incertain.

Diverses mesures ont été rapportées concernant une éventuelle toxicité intraoculaire. Les données de quatre ECR n'ont pas montré de différence entre les groupes en ce qui concerne le pourcentage moyen de variation du nombre de cellules endothéliales de la cornée entre le stade préopératoire et le stade postopératoire (différence moyenne 0,89 %, IC à 95 % - 1,12 % à 2,9 %, 254 yeux de 221 participants, données probantes de qualité modérée).

La synthèse des données probantes issues de huit ECR n'a révélé aucune différence dans les événements indésirables peropératoires entre les groupes (rapport des cotes 1,00, IC à 95 % 0,32 à 3,16, 1726 yeux, données probantes de faible qualité). Ce résultat doit être interprété avec prudence, principalement en raison de l'absence de définitions claires des événements indésirables, du faible nombre d'événements, de l'hétérogénéité des études et des grands intervalles de confiance. Des études observationnelles à grande échelle auraient peut-être été plus appropriées pour examiner ce critère de jugement.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.