Décompression chirurgicale chez les personnes souffrant d'un grave gonflement du cerveau après un accident vasculaire cérébral

Problématique de la revue

Quel est l'effet de la décompression chirurgicale sur le décès ou l'incapacité chez les personnes ayant développé un œdème cérébral après un accident vasculaire cérébral ?

Contexte

La plupart des accidents vasculaires cérébraux sont dus à l'obstruction d'un vaisseau sanguin dans le cerveau (accident ischémique cérébral), ce qui constitue une cause majeure de décès et d'invalidité dans le monde. Cette obstruction empêche le sang porteur d'oxygène d'alimenter le cerveau, et la partie du cerveau alimentée par ce vaisseau commence à mourir (infarctus). Dans les 24 à 48 heures qui suivent, le cerveau endommagé commence à gonfler. Parfois, le gonflement peut être très important et provoquer une augmentation de la pression à l'intérieur du crâne, ce qui peut entraîner une atteinte du cerveau environnant et une évolution rapide vers la mort.

La décompression chirurgicale peut aider à soulager la pression en créant un trou suffisamment grand dans le crâne et les couches de tissu autour du cerveau affecté (craniectomie décompressive). Des études récentes suggèrent que l'utilisation précoce de ce traitement après un gros accident vasculaire cérébral peut prévenir le décès ou l'incapacité chez les survivants. Les premières données probantes n'ont étudié que l'utilisation de cette technique chez les jeunes patients ; cependant, des études plus récentes ont commencé à aborder son utilisation chez les patients plus âgés. Nous voulions savoir si le recours à la décompression chirurgicale est meilleur ou pire que la prise en charge médicale standard seule chez les personnes ayant subi un gros accident vasculaire cérébral.

Caractéristiques des études

En juillet 2022, nous avons recherché dans la littérature les essais contrôlés randomisés (un type d'étude où les participants sont assignés de manière aléatoire à l'un de deux groupes de traitement ou plus) qui comparaient les critères de jugement des patients victimes d'un AVC traités par décompression chirurgicale précoce à ceux des patients traités sans chirurgie. Nous avons trouvé neuf essais avec un total de 526 participants, dont 13 n'ont pas été inclus dans l'analyse finale car ils ont été perdus de vue ou n'ont pas suivi les instructions de l'essai. Nous avons donc considéré 248 participants ayant bénéficié d'une décompression chirurgicale précoce et 265 participants ayant reçu un traitement médical seul après leur accident vasculaire cérébral. Les essais ont généralement sélectionné des personnes souffrant d'accidents vasculaires cérébraux graves avec des déficiences importantes et ne présentant pas de maladies ou d'incapacités graves antérieures. Deux essais ont recruté des patients jusqu'à 80 ans, et un essai n'a inclus que des patients de plus de 60 ans. Six essais ont traité les patients dans les 48 heures suivant la constatation de l'AVC.

Principaux résultats

La décompression chirurgicale a amélioré les résultats chez les personnes souffrant d'accidents vasculaires cérébraux de grande ampleur par rapport au traitement médical seul. Le groupe ayant subi une décompression chirurgicale présentait un risque de décès significativement réduit et un taux de décès ou d'invalidité grave significativement réduit par rapport au groupe ayant reçu un traitement médical seul. En utilisant le terme plus englobant de "l'incapacité modérée", nous avons constaté que le taux de décès ou d'incapacité modérée était également réduit dans le groupe chirurgical par rapport au groupe recevant un traitement médical seul. Il n'y avait pas de différence entre les groupes en ce qui concerne la proportion de survivants souffrant d'une incapacité sévère ; toutefois, ce résultat était entouré d'un certain degré d'incertitude.

Les effets néfastes de la chirurgie, ou de toute autre intervention, y compris la prise en charge médicale, n'ont pas été rapportés de manière cohérente dans les essais inclus, et nous n'avons donc pas pu tirer de conclusions significatives sur les effets néfastes potentiels. Lorsque les participants ont été classés en fonction de leur âge (moins ou plus de 60 ans), les résultats ont montré que les patients plus âgés ont en général un pronostic plus sombre que les plus jeunes, bien que les participants âgés de plus de 60 ans aient également bénéficié d'une chirurgie décompressive.

Qualité des données probantes

La qualité globale des données probantes dans cette revue était élevée, donc nous avons un niveau de confiance élevé dans les principaux résultats de cette revue.

Conclusions des auteurs: 

La décompression chirurgicale améliore les résultats de la prise en charge de l'œdème malin après un accident vasculaire cérébral ischémique aigu, notamment une réduction considérable du nombre de décès ou d'incapacités sévère (modified Rankin Scale, mRS > 4) et une réduction du nombre de décès ou d'incapacités modérées (mRS > 3). Bien qu’il existe de données probantes suggérant que cet effet positif du traitement est présent chez les patients de plus de 60 ans, il est important de tenir compte du fait que ces patients ont de moins bonnes perspectives de survie fonctionnelle, indépendamment de cet effet du traitement. Lors de l'interprétation de ces résultats, il faut également tenir compte du fait que les données démontrant un bénéfice proviennent d'un sous-ensemble unique de patients présentant un déficit neurologique profond, un niveau de conscience réduit et aucune incapacité pré-morbide ou comorbidité grave.

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Contexte: 

Les accidents ischémiques étendus de l'artère cérébrale moyenne (ACM) représentent environ 10% de tous les accidents ischémiques cérébraux et ont un pronostic particulièrement sombre lorsqu'ils sont associés à un œdème malin. L'œdème cérébral progressif commence à se développer dans les 24 à 48 heures suivant l'apparition de l'accident vasculaire cérébral, avec une augmentation associée de la pression intracrânienne. L'augmentation de la pression intracrânienne pourrait finir par dépasser les mécanismes compensatoires, entraînant une cascade de lésions secondaires du parenchyme environnant non affecté. Cette spirale descendante peut rapidement aboutir à la mort ou à une incapacité neurologique grave. Une craniectomie décompressive précoce pour soulager la pression intracrânienne et le déplacement des tissus associés peut contribuer à atténuer ces dommages secondaires et à améliorer les résultats. Les données probantes des bénéfices d'une décompression chirurgicale précoce chez les patients victimes d'un AVC s'accumulent. Les études antérieures ont exclu les personnes âgées de plus de 60 ans en raison des mauvais résultats associés ; toutefois, des essais plus récents ont inclus ce sous-groupe de patients. Cette revue fait suite à une revue Cochrane publiée en 2012.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité de la décompression chirurgicale chez les personnes souffrant d'œdème malin après un accident vasculaire cérébral ischémique en ce qui concerne la réduction de la mortalité et l'amélioration du critère de jugement fonctionnel. Nous avons également voulu examiner les effets indésirables de la décompression chirurgicale dans cette cohorte de patients.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre d’essais du groupe Cochrane sur les accidents vasculaires cérébraux, le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL ; 2022, numéro 7 sur 12), MEDLINE Ovid, Embase Ovid, Web of Science Core Collection, les bases de données Scopus, ClinicalTrials.gov et l'ICTRP de l'OMS jusqu'en juillet 2022. Nous avons également examiné les références bibliographiques des articles pertinents.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés (ECR) comparant la craniectomie décompressive avec une prise en charge médicale à la meilleure prise en charge médicale seule pour les personnes souffrant d'un œdème cérébral malin après un AVC ischémique de l’ACM.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont indépendamment examiné les résultats de la recherche, évalué l'éligibilité des études, procédé à l'évaluation du risque de biais et extrait les données. Les critères de jugement principaux étaient le décès ou l'incapacité sévère (échelle de Rankin modifiée (modified Rankin Scale, mRS) > 4) après 6 à 12 mois de suivi. Les autres critères de jugement comprenaient le décès ou une incapacité modéré (mRS > 3), une incapacité sévère (mRS = 5) et des événements indésirables. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes à l'aide de l'approche GRADE, en le classant comme élevé, modéré, faible ou très faible.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus neuf ECR avec un total de 513 participants inclus dans l'analyse finale. Trois études ont inclus des patients de moins de 60 ans ; deux essais ont accepté des patients jusqu'à 80 ans ; et un essai n'a inclus que des patients de 60 ans ou plus. Dans la majorité des essais inclus (six), le délai entre l'apparition de l'AVC et le traitement était de < 48 heures, tandis que dans deux d'entre eux, il était de < 96 heures.

La décompression chirurgicale a été associée à une réduction du nombre de décès (rapport des cotes (RC) 0,18, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,12 à 0,27, 9 essais, 513 participants, P < 0,001 ; données probantes d’un niveau de confiance élevé); du nombre de décès ou d'l'incapacité sévère (mRS > 4, RC 0.22, IC à 95 % 0,15 à 0,32, 9 essais, 513 participants, P < 0,001 ; niveau de confiance élevé) ; et décès ou l'incapacité modérée (mRS > 3, RC 0,34, IC à 95 % 0,22 à 0,52, 9 essais, 513 participants, P < 0,001 ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). L'analyse en sous-groupes n'a pas révélé d'effet significatif sur les résultats du traitement lors de l'analyse de l'âge (< 60 ans contre ≥ 60 ans), du délai entre l'ictus de l'AVC et l'intervention (< 48 heures contre ≥ 48 heures) ou de la dysphasie. Il y avait un effet de sous-groupe significatif de la durée du suivi (6 contre 12 mois, P = 0,02) sur le décès ainsi que sur le décès ou l'incapacité sévère (mRS > 4) ; cependant, la validité de cette constatation a été affectée par le nombre plus faible de participants dans le sous-groupe du suivi de six mois. Les taux d'événements indésirables par participant n'ont été rapportés de manière cohérente dans aucune des études incluses, ce qui a empêché une analyse plus approfondie.

Notes de traduction: 

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