Stimulation de la moelle épinière pour les lombalgies

Contexte

La lombalgie est l'une des principales causes d'invalidité dans le monde. La stimulation de la moelle épinière, un traitement chirurgical impliquant l'implantation d'un dispositif qui applique des impulsions électriques à la moelle épinière, a été suggérée pour améliorer la douleur chez les personnes souffrant de lombalgie à long terme. Cette étude visait à examiner les données probantes concernant les bénéfices et les risques de cette procédure chez les personnes souffrant de lombalgie.

Caractéristiques des études

Nous avons recherché des études pertinentes dans les bases de données et les registres en ligne le 10 juin 2022. Nous avons trouvé 13 essais avec 699 participants. Parmi eux, 55 % étaient des femmes et l'âge moyen des participants à l'étude était compris entre 47 et 59 ans. La durée moyenne de la lombalgie chez les participants à l'étude variait de 5 à 12 ans. Dix des 13 études avaient des liens financiers avec des fabricants de systèmes de stimulation de la moelle épinière.

Principaux résultats

Aucune étude n'a vérifié si la stimulation médullaire était plus efficace que le placebo (traitement fictif) chez les personnes suivies pendant plus de 6 mois. Cela signifie que les bénéfices du traitement à long terme sont inconnus. La plupart des études disponibles n'ont mesuré les critères de jugement que moins d'un mois après le traitement, et une seule étude a mesuré les critères de jugement six mois après le traitement :

Intensité de la douleur (0 à 100, un score plus faible signifie que la douleur est moins forte)

Après 6 mois, la seule étude disponible n'a pas trouvé de bénéfice de la stimulation de la moelle épinière sur la douleur dorsale par rapport au placebo (1 essai, 50 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Après 6 mois, les participants ayant reçu un traitement placebo ont indiqué que leur douleur moyenne était de 61 points, et ceux ayant reçu une stimulation de la moelle épinière ont indiqué que leur douleur était améliorée de 4 points (8,2 points d'amélioration à 0,2 point d'aggravation).

Fonction (0 à 100, un score plus faible signifie une meilleure fonction)

Après 6 mois, une étude n'a pas trouvé de bénéfice de la stimulation de la moelle épinière sur la fonction (c'est-à-dire la fonction physique générale des personnes) par rapport au placebo (1 essai, 50 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Les participants ayant reçu un traitement placebo ont indiqué que leur fonction était améliorée de 35,4 points à 6 mois, et ceux ayant reçu une stimulation de la moelle épinière ont indiqué que leur fonction était améliorée de 1,3 point (3,9 points d'amélioration à 1,3 point d'aggravation).

Qualité de vie liée à la santé (0 à 1, un score plus élevé signifie une meilleure qualité de vie)

Après 6 mois, une étude n'a pas trouvé de bénéfice de la stimulation de la moelle épinière sur la qualité de vie liée à la santé par rapport au placebo (1 essai, 50 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Les participants ayant reçu un traitement placebo ont indiqué que leur qualité de vie liée à la santé s'était améliorée de 0,44 point à 6 mois, et ceux ayant reçu une stimulation de la moelle épinière ont indiqué que leur qualité de vie liée à la santé s'était améliorée de 0,04 point (0,16 point d'amélioration à 0,08 point d'aggravation).

Évaluation globale de l'efficacité (nombre de participants présentant une amélioration de la douleur de 50 % ou plus)

Aucune des études contrôlées par placebo n'a mesuré ce critère de jugement.

Retraits dus à des événements indésirables (c'est-à-dire un événement non désiré qui cause un préjudice)

Nous ne savons pas si la stimulation de la moelle épinière a incité des personnes à se retirer des études en raison d'événements indésirables, car les études sont peu nombreuses et les données probantes ne reposent que sur quelques cas.

Evénements indésirables (par exemple, augmentation de la douleur)

Une étude qui a suivi des personnes pendant 12 mois a révélé que 9 participants (18 %) ont subi des effets événements indésirables tels que des infections, des lésions de la colonne vertébrale ou des nerfs, des problèmes de vessie et le déplacement de très petites parties des dispositifs qui délivrent les impulsions électriques à la moelle épinière (connu sous le nom de « migration des électrodes »).

Événements indésirables graves (par exemple, une infection nécessitant une hospitalisation)

Certaines études ont rapporté des événements indésirables graves chez des personnes recevant une stimulation de la moelle épinière, qui ont nécessité une nouvelle intervention chirurgicale. La seule étude contrôlée par placebo qui a suivi des personnes pendant 12 mois a révélé que 4 participants (8 %) ont dû subir une nouvelle intervention chirurgicale. Dans les cinq autres études portant sur des personnes ayant reçu un nouvel implant de stimulation de la moelle épinière, le nombre de personnes ayant dû subir une nouvelle intervention chirurgicale, en raison d'événements indésirables tels qu'une infection ou des problèmes liés au dispositif, allait de 4,1 % à 8 semaines à 30,9 % à 24 mois. Cependant, il n'a pas été possible d'estimer la fréquence de ces événements par rapport au placebo ou à l'absence de traitement, car les informations disponibles étaient limitées.

Limites des données probantes

Chez les personnes souffrant de lombalgie, nous avons un niveau de confiance modéré dans le fait qu'à 6 mois, la stimulation de la moelle épinière n'entraîne probablement pas une diminution de la douleur, une amélioration de la fonction ou une amélioration de la qualité de vie par rapport au placebo. Nous ne savons pas si la stimulation de la moelle épinière peut améliorer les critères de jugement à court terme par rapport au placebo. Peu ou pas d'informations sont disponibles concernant l'efficacité à long terme ou le risque d'effets secondaires et de complications.

Conclusions des auteurs: 

Les données de cette revue ne soutiennent pas l'utilisation de la stimulation de la moelle épinière (SME) pour gérer la lombalgie en dehors d'un essai clinique. Les données probantes actuelles suggèrent que la SME ne présente probablement pas de bénéfices cliniques durables qui compenseraient les coûts et les risques de cette intervention chirurgicale.

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Contexte: 

La stimulation de la moelle épinière (SME) est une intervention chirurgicale utilisée pour traiter les douleurs lombaires persistantes. La SME est censée moduler la douleur en envoyant des signaux électriques par le biais d'électrodes implantées dans la moelle épinière. Les bénéfices et les risques à long terme de la SME chez les personnes souffrant de lombalgie sont incertains.

Objectifs: 

Évaluer les effets, y compris les bénéfices et les risques, de la SME chez les personnes souffrant de lombalgie.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le 10 juin 2022, nous avons recherché les essais publiés dans CENTRAL, MEDLINE, Embase et une autre base de données. Nous avons également recherché les essais clinique en cours dans trois registres d'essais cliniques.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisés et les essais croisés comparant la SME au placebo ou à l'absence de traitement de la lombalgie. La comparaison primaire était la SME par rapport au placebo, au plus long moment mesuré dans les essais. Les principaux critères de jugement étaient l'intensité moyenne de la lombalgie, la fonction, la qualité de vie liée à la santé, l'évaluation globale de l'efficacité, les abandons pour cause d'événements indésirables, les événements indésirables et les événements indésirables graves. Notre principal critère d'évaluation était le suivi à long terme (≥ 12 mois).

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard prévues par Cochrane.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 13 études avec 699 participants : 55 % des participants étaient des femmes ; l'âge moyen était compris entre 47 et 59 ans ; tous les participants souffraient de lombalgie chronique, la durée moyenne des symptômes étant comprise entre 5 et 12 ans. Dix essais croisés ont comparé la SME au placebo. Trois essais en groupes parallèles ont évalué l'ajout de la SME à la prise en charge médicale.

La plupart des études présentaient un risque de biais de performance et de détection en raison d'une mise en aveugle inadéquate et d'un biais par présentation sélective des résultats. Les essais contrôlés par placebo présentaient d'autres biais importants, notamment l'absence de prise en compte des effets période et de rémanence (carryover effect). Deux des trois essais parallèles évaluant la SME en complément d'une prise en charge médicale présentaient un risque de biais d'attrition, et les trois essais ont donné lieu à des croisements importants avec le groupe SME pour les périodes au-delà de six mois. Dans les essais en groupes parallèles, nous avons considéré que l'absence de contrôle par placebo était une source importante de biais.

Aucune de nos études incluses n'a évalué l'impact de la SME sur l'intensité moyenne de la lombalgie à long terme (≥ 12 mois). Les études ont le plus souvent évalué les critères de jugement à court terme (moins d'un mois). Après six mois, les seules données probantes disponibles proviennent d'un seul essai croisé (50 participants). Il existe des données probantes d’un niveau de confiance modéré suggérant que la SME n'améliore probablement pas la douleur du dos ou des jambes, la fonction ou la qualité de vie par rapport au placebo. La douleur était de 61 points (sur une échelle de 0 à 100 points, 0 = pas de douleur) à six mois avec le placebo, et de 4 points de mieux (8,2 points de mieux à 0,2 point de moins) avec la SME. La fonction était de 35,4 points (sur une échelle de 0 à 100 points, 0 = pas de handicap ou meilleure fonction) à six mois avec le placebo, et de 1,3 point de mieux (3,9 points de mieux à 1,3 point de moins) avec la SME. La qualité de vie liée à la santé était de 0,44 point sur 1 (indice de 0 à 1, 0 = pire qualité de vie) à six mois avec le placebo, et de 0,04 point de mieux (0,16 point de mieux à 0,08 point de moins) avec la SME. Dans cette même étude, neuf participants (18 %) ont présenté des événements indésirables et quatre (8 %) ont dû subir une reprise chirurgicale. Les événements indésirables graves liés au SME comprenaient des infections, des lésions neurologiques et la migration des électrodes nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale. Nous n'avons pas pu fournir d'estimations de l'effet des risques relatifs car les événements n'ont pas été rapportés pour la période placebo.

Dans les essais parallèles évaluant la SME en complément d'une prise en charge médicale, il n'est pas certain qu'à moyen ou long terme, la SME puisse réduire la lombalgie, la douleur dans les jambes ou la qualité de vie liée à la santé, ni qu'elle augmente le nombre de personnes rapportant une amélioration de 50 % ou plus, car le niveau de confiance des données probantes était très faible. Des données probantes d’un niveau de confiance faible suggèrent que l'ajout de la SME à la prise en charge médicale pourrait améliorer légèrement la fonction et réduire légèrement l'utilisation d'opioïdes. À moyen terme, la fonction moyenne (échelle de 0 à 100 points ; plus elle est basse, mieux c'est) s'est améliorée de 16,2 points avec l'ajout du SME à la prise en charge médicale par rapport à la prise en charge médicale seule (intervalle de confiance (IC) à 95 % 19,4 points de mieux à 13,0 points de mieux ; I2 = 95 % ; 3 études, 430 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Le nombre de participants rapportant avoir eu recours à des médicaments opioïdes a diminué de 15 % lorsque la SME a été ajoutée à la prise en charge médicale (IC à 95 % de 27 % à 0 % ; I2 = 0 % ; 2 études, 290 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les événements indésirables liés à la SME ont été peu rapportés, mais comprennent des infections et la migration des électrodes. Une étude a trouvé qu'après 24 mois, 13 des 42 personnes (31 %) ayant reçu une SME ont dû subir une nouvelle intervention chirurgicale. On ne sait pas dans quelle mesure l'ajout du SME à la prise en charge médicale augmente le risque d'abandons pour cause d'événements indésirables, d'événements indésirables ou d'événements indésirables graves, car le niveau de confiance des données probantes est très faible.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Pauline Coutault et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.