Thérapies pour le traitement de l'anémie ferriprive dans la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique

Quel est l’objectif de cette revue ?

Le but de cette revue Cochrane était de découvrir si l’administration de traitements aux personnes atteintes de la maladie de Crohn et de rectocolite hémorragique pouvaient améliorer l'anémie ferriprive.

Pour répondre à cette question, nous avons analysé les données issues de 11 études.

Principaux messages

Le fer sous forme de carboxymaltose ferrique administré par voie intraveineuse donne probablement de meilleurs résultats que le saccharose ferrique administré par voie intraveineuse pour améliorer l'anémie ferriprive, bien qu’une amélioration ait été notée pour chacun des traitements.

Le fer oral sous forme de maltol ferrique pourrait donner de meilleurs résultats que le placebo (traitement factice).

Il n'est pas certain que les autres traitements envisagés soient meilleurs les uns par rapport aux autres, mais les données probantes sont limitées en raison du faible nombre d'études et des problèmes liés à la mauvaise qualité des rapports des études de recherche.

Qu'étudie cette revue ?

Les personnes atteintes de rectocolite hémorragique ou d’une maladie de Crohn souffrent généralement d'un faible taux de fer qui, à son tour, fait baisser leur taux d'hémoglobine (sang) : c'est ce qu'on appelle l'anémie. Cela peut entraîner un certain nombre de symptômes, dont la fatigue et la douleur.

Il existe plusieurs traitements pour traiter l'anémie ferriprive, qui consistent à administrer un supplément de fer par voie orale ou intraveineuse (par une veine). Un traitement supplémentaire, l'érythropoïétine, a également été étudié, qui stimule l'organisme à produire lui-même plus de sang.

Actuellement, aucun consensus n'a été atteint parmi les médecins quant au meilleur traitement pour l’anémie ferriprive.

Quels sont les principaux résultats de cette revue ?

Nous avons recherché des essais contrôlés randomisés (ECR ; études cliniques où les personnes sont placées au hasard dans l'un des deux groupes de traitement ou plus) comparant un traitement quelconque à un autre ou à un traitement factice. Nous avons trouvé 11 ECR portant sur 1670 participants. Les essais ont porté sur des participants adultes, aucun ne considérant les enfants.

1) Le fer intraveineux administré sous forme de carboxymaltose ferrique entraîne probablement une amélioration de l'anémie ferriprive chez un plus grand nombre de personnes que le saccharose ferrique intraveineux (une personne supplémentaire s'améliorerait pour 9 personnes traitées et cinq personnes sur 10 s'amélioreraient avec l'une ou l'autre thérapie).

2) Le fer administré par voie orale sous forme de maltol ferrique pourrait permettre d’améliorer la carence en fer d’un plus grand nombre d’individus que par un traitement factice.

3) Il est difficile de déterminer s’il existe une différence entre les autres traitements étudiés pour traiter l'anémie ferriprive.

4) Il est difficile de déterminer si l’une ou l’autre thérapie crée une différence dans les événements indésirables (mineurs ou graves) par rapport à toute autre thérapie.

Conclusion

Le fer administré par voie intraveineuse sous forme de carboxymaltose ferrique améliore probablement l'anémie chez un plus grand nombre de personnes que le saccharose ferrique administré par voie intraveineuse, bien que les deux groupes d’individus aient connu une amélioration. Le fer oral sous forme de maltol ferrique pourrait conduire à une amélioration chez un plus grand nombre de patients que le traitement factice. Nous ne pouvons pas tirer de conclusions sur les autres traitements en raison du manque de données probantes et des problèmes de qualité des études qui ont été trouvées. Des recherches supplémentaires sont nécessaires, notamment pour déterminer si le fer administré par voie intraveineuse est meilleur que le fer administré par voie orale et dans quelle mesure le traitement de l'anémie chez les personnes atteintes de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin fait une différence en termes de symptômes ressentis.

Cette revue est-elle à jour ?

Cette revue a été mise à jour en novembre 2019.

Conclusions des auteurs: 

Le carboxymaltose ferrique intraveineux permet probablement à un plus grand nombre de personnes de ne plus souffrir d’anémie ferriprive que le saccharose ferrique intraveineux. Le maltol ferrique oral pourrait conduire à une résolution de l'anémie ferriprive supérieure au placebo.

Nous ne sommes pas en mesure de tirer des conclusions sur le traitement le plus efficace contre l’anémie ferriprive dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin en raison du faible nombre d'études dans chaque domaine de comparaison et de l'hétérogénéité clinique au sein des études. Par conséquent, il n'y a pas d'autres conclusions atteignables concernant les traitements et le niveau de confiance de tous les résultats est faible ou très faible. Dans l'ensemble, l'administration de fer par voie intraveineuse entraîne probablement une réponse plus importante chez les patients que l'administration de fer par voie orale, avec un nombre de sujets à traiter de 11.

Bien qu'aucun événement indésirable grave n'ait été spécifiquement provoqué par l'un des traitements étudiés, le nombre d'événements signalés était faible et le niveau de confiance de ces résultats était très faible pour toutes les comparaisons, de sorte qu'aucune conclusion ne peut être tirée. Il pourrait y avoir plus de retraits dus à de tels événements lorsque l'administration orale est comparée à l'administration intraveineuse de fer.

D'autres critères de jugement ont été mal signalés et, une fois de plus, aucune conclusion ne peut être tirée quant à l'impact de l'anémie ferriprive sur l'un de ces critères de jugement.

Étant donné l'utilisation répandue de bon nombre de ces traitements dans la pratique et la seule recommandation qui existe préconisant l'utilisation du fer par voie intraveineuse en faveur du fer par voie orale, il est évident que des recherches sont nécessaires pour étudier cette question clé. En ce qui concerne les essais en cours actuellement qui ont été identifiés dans cette revue, ceux-ci sont davantage axés sur l'impact sur des groupes de patients spécifiques (jeunes) ou sur d'autres symptômes (comme la fatigue). Il est donc nécessaire de réaliser des études pour combler ce manque de données probantes.

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Contexte: 

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) touchent environ sept millions de personnes dans le monde. L'anémie ferriprive en est une manifestation systémique courante, avec une prévalence pouvant atteindre 90 %. Elle peut affecter considérablement la qualité de vie, que ce soit pendant les périodes de maladie active ou en rémission. Il est important que l'anémie ferriprive soit traitée efficacement et qu'elle ne soit pas considérée comme une conséquence normale d'une maladie inflammatoire de l'intestin. Les diverses voies d'administration, doses et préparations de fer présentent des bénéfices et des risques variables, et une proportion importante de personnes ressentent des effets indésirables avec les thérapies actuelles. Actuellement, aucun consensus n'a été atteint parmi les médecins quant à la voie de traitement la plus bénéfique.

Objectifs: 

L'objectif principal était d'évaluer l'efficacité et la tolérance des interventions pour le traitement de l'anémie ferriprive chez les personnes atteintes de maladies inflammatoires de l'intestin.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le 21 novembre 2019, nous avons effectué une recherche dans les bases de données CENTRAL, MEDLINE, Embase et deux autres. Nous avons également contacté des experts dans ce domaine et recherché des références bibliographiques d'essais pour tout essai supplémentaire.

Critères de sélection: 

Essais contrôlés randomisés examinant l'efficacité et la tolérance des interventions d'administration de fer par rapport à d'autres interventions d'administration de fer ou à un placebo dans le traitement de l'anémie ferriprive dans les maladies inflammatoires de l'intestin. Nous avons inclus à la fois des adultes et des enfants, les études rapportant de résultats de rémission clinique, endoscopique, histologique ou chirurgicale tels que définis par les auteurs de l'étude.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont procédé d’une manière indépendante à l'extraction des données et à l'évaluation du « risque de biais » des études incluses. Nous avons exprimé les critères de jugement dichotomiques et continus sous forme de risque relatif et de différences moyennes avec des intervalles de confiance à 95 %. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes en utilisant la méthodologie GRADE.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 11 études (1670 participants randomisés) qui répondaient aux critères d'inclusion. Les études ont comparé le saccharose ferrique intraveineux au sulfate de fer oral (2 études) ; le sulfate de fer oral au complexe polymaltose d'hydroxyde de fer oral (1 étude) ; le fumarate de fer oral au saccharose ferrique intraveineux (1 étude) ; le carboxymaltose ferrique intraveineux au saccharose ferrique intraveineux (1 étude) ; l'injection d'érythropoïétine + saccharose ferrique intraveineux au saccharose ferrique intraveineux + injection de placebo (1 étude) ; le maltol ferrique oral au placebo oral (1 étude) ; le maltol ferrique oral au carboxymaltose ferrique intraveineux (1 étude) ; le carboxymaltose ferrique intraveineux au sulfate de fer oral (1 étude) ; l’isomaltoside de fer intraveineux contre au sulfate de fer oral (1 étude) ; l’érythropoïétine injectée au placebo oral (1 étude).

Toutes les études ont comparé à la fois les participants atteints d’une maladie de Crohn et ceux atteints d’une rectocolite hémorragique, tout en tenant compte d'une palette d'états d'activité de la maladie. Le principal critère de jugement d’un certain nombre de répondeurs, lorsqu'il était défini, correspondait à une augmentation de l'hémoglobine de 20 g/L dans toutes les études sauf deux dans lesquelles une augmentation de 10g/L a été utilisée.

Dans une étude comparant le carboxymaltose ferrique intraveineux et le saccharose de fer intraveineux, des données probantes d’un niveau de confiance modéré ont été trouvées indiquant que le carboxymaltose ferrique intraveineux était probablement supérieur au saccharose de fer intraveineux, bien qu'il y ait eu des répondeurs dans les deux groupes (150/244 contre 118/239, RR 1,25, IC à 95 % 1,06 à 1,46, nombre de sujets à traiter (NST) pour un résultat bénéfique supplémentaire = 9.

Dans une étude comparant le maltol ferrique oral à un placebo, il y avait des données probantes d’un niveau de confiance faible indiquant la supériorité du fer (36/64 contre 0/64, RR 73,00, IC à 95 % 4,58 à 1164,36).

Il n’y avait pas d’autres comparaisons directes permettant de constater une différence dans les critères de jugement primaires, bien que le niveau de confiance soit faible et très faible pour tous les critères de jugement, en raison de l'imprécision provenant des données éparses et du risque de biais variant entre un risque modéré et élevé.

Les rapports des critères de jugement secondaires n'étaient pas cohérents. Les plus fréquents sont les événements indésirables graves ou ceux qui nécessitent l'arrêt du traitement. Aucune comparaison n'a permis de constater une différence entre les agents d'intervention étudiés, bien que le niveau de confiance soit très faible pour toutes les comparaisons effectuées, en raison du risque de biais et d'une imprécision importante due au faible nombre d'événements.

Le délai avant rémission, les critères de jugement histologiques et biochimiques ont été peu mentionnés dans les études. Aucun des autres critères de jugement secondaires n'a été signalé dans les études.

Une analyse de toutes les préparations à base de fer administrées par voie intraveineuse par rapport à toutes les préparations à base de fer administrées par voie orale a montré que l'administration intraveineuse pourrait entraîner un plus grand nombre de répondeurs (368/554 contre 205/373, RR 1,17, IC à 95 % 1,05 à 1,31, NST pour un résultat bénéfique supplémentaire = 11, niveau de confiance faible en raison du risque de biais et d'incohérence). Les retraits dus à des événements indésirables pourraient être plus importants dans les préparations orales à base de fer que dans les préparations intraveineuses (15/554 contre 31/373, RR 0,39, IC à 95 % 0,20 à 0,74, niveau de confiance faible en raison du risque de biais, d'incohérence et d'imprécision).

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Claire Bories et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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