Le blocage neuromusculaire profond pendant la chirurgie laparoscopique améliore-t-il les critères de jugement ?

Principaux messages

- Le blocage neuromusculaire profond pendant la chirurgie laparoscopique pourrait ne pas affecter la mortalité et la morbidité, mais les résultats sont très incertains.

- Le blocage neuromusculaire profond ne fait probablement que peu ou pas de différence en termes de qualité de vie liée à la santé jusqu'à quatre jours après l'intervention chirurgicale.

Qu'est-ce que le blocage neuromusculaire profond en chirurgie laparoscopique ?

La chirurgie de l'abdomen est de plus en plus souvent réalisée par laparoscopie. La laparoscopie est une opération utilisant une caméra introduite par une ou plusieurs petites ouvertures (incisions) (généralement de 0,5 cm à 1,5 cm) dans la peau, par exemple près du nombril. Afin d'améliorer les conditions de travail du chirurgien, l'effet bénéfique potentiel du blocage neuromusculaire profond pour prévenir les mouvements et les contractions abdominales des patients a suscité un intérêt croissant. Il existe des données probantes suggérant que les chirurgiens jugent les conditions de travail plus favorables lorsqu'ils utilisent un blocage neuromusculaire profond. Cela pourrait se traduire par une amélioration des critères de jugement des patients, comme une réduction de la mortalité, une diminution des complications ou une réduction des événements injustifiés. Cette revue compare le blocage neuromusculaire profond à différents niveaux de blocage neuromusculaire peu profond ou l’absence de blocage neuromusculaire.

Que voulions-nous découvrir ?

Le blocage neuromusculaire profond pendant la chirurgie laparoscopique améliore-t-il les critères de jugement des patients ?

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études comparant le blocage neuromusculaire profond à l'un des niveaux suivants de bloc neuromusculaire moins profonds :

- absence de bloc neuromusculaire ;

- bloc neuromusculaire léger ;

- bloc neuromusculaire modéré.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé 42 études portant sur 3898 personnes ayant subi un type quelconque de chirurgie laparoscopique dans l'abdomen. Dans la plupart des cas, il s'agissait de chirurgies de l'intestin ou de l'estomac (20 études). Les études ont été menées dans le monde entier. La plupart des études ont comparé le blocage neuromusculaire profond au blocage neuromusculaire modéré (38 études). Le suivi des complications et de la mortalité s'est étalé de trois jours à 60 jours après l'opération. Des sociétés pharmaceutiques ou des organisations à but lucratif ont financé 22 des études.

Résultats principaux

La mortalité et les effets indésirables graves n'ont pratiquement pas été observés dans la comparaison entre le blocage neuromusculaire profond et le blocage neuromusculaire modéré. Il n'est donc pas possible de conclure que le blocage neuromusculaire profond réduit l'un ou l'autre de ces critères de jugement. Il n'y a probablement pas de différences en ce qui concerne la qualité de vie liée à la santé peu après l'opération et la durée de l'opération. Il n'est pas certain que le blocage neuromusculaire profond modifie les scores de douleur après l'opération, la durée du séjour à l'hôpital ou le nombre de réadmissions.

Nous avons trouvé trop peu d'études pour comparer le blocage neuromusculaire profond au blocage neuromusculaire léger et à l'absence de bloc neuromusculaire pour pouvoir tirer des conclusions.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Pour la plupart des critères de jugement, notre confiance dans les données probantes est limitée. Cela s'explique par le faible nombre d'effets indésirables signalés et par des inquiétudes quant à la manière dont certaines études ont été menées.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Les données probantes sont à jour jusqu'au 31 juillet 2023.

Conclusions des auteurs: 

Les données probantes étaient insuffisantes pour tirer des conclusions sur les effets du blocage neuromusculaire (BNM) profond par rapport au BNM modéré sur la mortalité toutes causes confondues et les événements indésirables graves. Le BNM profond entraîne probablement peu ou pas de différence en termes de qualité de vie liée à la santé et de durée opératoire par rapport au BNM modéré, et il pourrait avoir aucun effet sur la durée du séjour à l'hôpital. En raison des données probantes d’un niveau de confiance très faible, nous ne savons pas quel est l'effet indésirable du BNM profond sur les événements indésirables non graves, les scores de douleur ou les taux de réadmission. Des essais cliniques randomisés avec une déclaration adéquate de tous les événements indésirables réduiraient les incertitudes actuelles.

En raison du faible nombre d'essais identifiés et du niveau de confiance très faible des données probantes, nous ne savons pas quel est l'effet du BNM profond sur les événements indésirables graves par rapport au BNM léger et à l'absence de BNM. Nous n'avons trouvé aucun essai évaluant la mortalité et la qualité de vie liée à la santé.

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Contexte: 

La chirurgie laparoscopique est la technique de choix pour de nombreuses interventions. Pour réaliser correctement une chirurgie laparoscopique, il est essentiel d'éviter les mouvements brusques et les contractions abdominales chez les patients, car ils limitent la visiblité du chirurgien. L'effet bénéfique potentiel du blocage neuromusculaire (BNM) profond dans la chirurgie laparoscopique suscite un intérêt croissant. Le BNM profond améliore les conditions chirurgicales en empêchant les contractions abdominales, et diminue la douleur postopératoire. Cependant, il n'est pas certain que le BNM profond améliore la sécurité peropératoire et, par conséquent, les critères de jugement cliniques.

Objectifs: 

Évaluer les bénéfices et les risques d'un blocage neuromusculaire profond par rapport à l’absence de BNM, BNM léger ou BNM modéré lors d'interventions laparoscopiques intra- ou transpéritonéales chez l'adulte.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons utilisé la stratégie de recherche standard et exhaustive de Cochrane. La dernière date de recherche était le 31 juillet 2023.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais cliniques randomisés (indépendamment de la langue, de la mise en aveugle ou du statut de publication) chez des adultes subissant des interventions laparoscopiques intra- ou transpéritonéales comparant le BNM profond au BNM modéré, léger ou à l'absence de BNM. Nous avons exclu les essais qui ne rapportaient aucun des critères de jugement principaux ou secondaires de notre revue.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les méthodes standards de Cochrane. Nos critères de jugement principaux étaient 1. la mortalité toutes causes confondues, 2. la qualité de vie liée à la santé, et 3. la proportion de participants présentant des événements indésirables graves. Nos critères de jugement secondaires étaient les suivants : 4. proportion de participants présentant des événements indésirables non graves, 5. réadmissions dans les trois mois, 6. scores de douleur à court terme, 7. Paramètres de la surveillance postopératoire et 8. temps opératoire. Nous avons utilisé l’outil GRADE pour évaluer le niveau de confiance des données probantes pour chaque critère de jugement.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 42 essais cliniques randomisés avec 3898 participants. La plupart des essais ont inclus des participants subissant une chirurgie de résection oncologique intrapéritonéale. Nous présentons le modèle à effet fixe de Peto pour la plupart des critères de jugement dichotomiques, car seuls quelques événements ont été rapportés.

Comparaison 1 : BNM profond contre BNM modéré

Trente-huit essais ont comparé le BNM profond au BNM modéré. Le BNM profond pourrait n'avoir aucun effet sur la mortalité, mais les données probantes sont très incertaines (rapport des cotes (RC) 7,22, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,45 à 115,43 ; 12 essais, 1390 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Il est probable que le BNM profond entraîne peu ou pas de différence en termes de qualité de vie liée à la santé jusqu'à quatre jours après l'opération (différence moyenne (DM) de 4,53 en faveur du BNM profond sur le score Quality of Recovery-40, IC à 95 % de 0,96 à 8,09 ; 5 essais, 440 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré ; différence de moyennes inférieure à la différence moyenne cliniquement significative de 10 points). Les données probantes sont très incertaines en ce qui concerne l'effet du BNM profond sur les événements indésirables graves peropératoires (BNM profond 38/1150 versus BNM modéré 38/1076 ; Peto RC 0.95, IC à 95 % 0.59 à 1.52 ; 21 essais, 2231 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), les événements indésirables graves à court terme (jusqu'à 60 jours) (BNM profond 37/912 versus BNM modéré 42/852 ; Peto RC 0.90, IC à 95 % 0,56 à 1,42 ; 16 essais, 1764 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), et les événements indésirables non graves à court terme (RC Peto 0,94, IC à 95 % 0,65 à 1,35 ; 11 essais, 1232 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Le BNM profond ne modifie probablement pas la durée de l'intervention chirurgicale (DM -0,51 minute, IC à 95 % -3,35 à 2,32 ; 34 essais, 3143 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Les données probantes sont incertaines quant à savoir si le BNM profond modifie la durée du séjour hospitalier (DM -0,22 jour, IC à 95 % -0,49 à 0,06 ; 19 essais, 2084 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ou les scores de douleur une heure après l'opération (DM -0,31 point sur l'échelle d'évaluation numérique, IC à 95 % -0,59 à -0.03 ; 22 essais, 1823 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible ; différence moyenne cliniquement importante : 1 point) et 24 heures après l'intervention (DM -0,60 point sur l'échelle d'évaluation numérique, IC à 95 % -1,05 à -0,15 ; 16 essais, 1404 participants ; différence moyenne cliniquement importante : 1 point).

Comparaison 2 : BNM profond versus BNM léger

Trois essais ont comparé le BNM profond au BNM léger. Les essais n'ont pas rapporté la mortalité et la qualité de vie liée à la santé. Les données probantes sont très incertaines quant à l'effet du BNM profond par rapport au BNM léger sur la proportion d'événements indésirables graves (RR 1,66, IC à 95 % 0,50 à 5,57 ; 2 essais, 158 participants ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Comparaison 3 : BNM profond versus l’absence de BNM

Un essai a comparé l'utilisation de BNM en profondeur par rapport à l'absence de BNM. Il n'y a pas eu de mortalité dans cet essai, et la qualité de vie liée à la santé n'a pas été rapportée. La proportion d'événements indésirables graves était de 0/25 dans le groupe BNM profond et de 1/25 dans le groupe sans BNM.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Racha Lazreg. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.