Cellules souches dans la maladie de Crohn résistante au traitement

Problématique

Les cellules souches sont-elles une stratégie efficace et sûre chez les patients atteints de la maladie de Crohn (MC) ne répondant pas au traitement médical standard ?

Principaux messages

Lorsqu'elles sont combinées à un traitement médical standard, les cellules souches pourraient être plus efficaces que le traitement médical seul ou qu'un placebo (un traitement factice) dans la guérison des ouvertures/passages entre la région anale et les intestins (fistules périanales) causées par la MC.

Les cellules souches associées à un traitement médical standard pourraient être sûres par rapport au traitement médical seul ou à un placebo dans le traitement de l'inflammation intestinale liée à la maladie de Crohn (événements indésirables graves et globaux).

Que sont les cellules souches ? Les cellules souches sont les cellules responsables de la formation de nouvelles cellules et du renouvellement des tissus environnants. Elles sont également responsables de la modification du système immunitaire. Il existe différents types de cellules souches, les cellules souches autologues extraites du corps du patient et les cellules souches non autologues extraites d'autres individus (allogènes). Elles sont présentes dans la moelle osseuse, le tissu adipeux, le placenta, la veine ombilicale, etc.

Qu'est-ce que la maladie de Crohn ? Il s'agit d'une maladie auto-immune (qui attaque le propre corps du patient) provoquant une inflammation et une sténose de l'intestin, ou provoquant une nouveau passage de l'intestin dans la peau (fistule). La MC suit généralement un schéma schéma « rémission et rechute », elle affecte également la mortalité, la morbidité et la qualité de vie des patients. Le traitement standard de la MC comprend des médicaments qui suppriment l'immunité du patient, notamment des anti-inflammatoires, des immunosuppresseurs et des médicaments biologiques. Cependant, un tiers des patients ne répondent pas au traitement médical ou chirurgical.

Pourquoi cette revue Cochrane a-t-elle été menée ? Pour évaluer si les cellules souches sont efficaces et sûres pour les patients atteints de la MC résistante au traitement médical (c'est-à-dire la MC réfractaire).

Comment avons-nous procédé ? Nous avons évalué les essais contrôlés randomisés sur ce sujet.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Ces données probantes sont à jour jusqu'en mars 2021.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé sept essais portant sur 442 patients (234 dans le groupe des cellules souches et 208 dans le groupe placebo ou témoin). La durée du suivi des études variait entre un et quatre ans. Nous avons inclus sept ECR avec un total de 442 participants pour la méta-analyse. Le groupe d'intervention comprenait 234 patients, et le groupe de contrôle 208 patients. Nous avons évalué l'effet de l'administration systémique et locale de cellules souches. Le groupe d'intervention comprenait 127 hommes (55,95 %) et 100 femmes (44,05 %), tandis que le groupe de contrôle/placebo comprenait 114 hommes (56,44 %) et 88 femmes (43,56 %). Les études étaient menées au Royaume-Uni, en Chine, en Espagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis.

Nous avons trouvé des données sur la rémission clinique dans trois études, sur l’obtention d’un score d'activité de la maladie de Crohn (Crohn’s Disease Activity Index, CDAI) <150 après 24 semaines dans trois études, sur la fermeture de la fistule à court et long terme dans quatre études, sur le nombre total d'effets indésirables dans quatre études, sur les effets indésirables graves dans sept études et sur le taux de retraits en raison d'effets indésirables dans trois études.

Quels sont les principaux résultats ?

Chez les patients n’ayant pas répondu au traitement médical standard de la MC, nous avons constaté que : l’effet de l'utilisation de cellules souches associées au traitement médical n’est pas clair concernant l’amélioration de la rémission clinique ou l’obtention d’un score clinique CDAI à <150 après 24 semaines, par rapport au traitement médical seul ou au placebo, Les cellules souches combinées à un traitement médical pourraient améliorer le taux de fermeture des fistules à court et à long terme, par rapport au traitement médical standard. Les cellules souches combinées à un traitement médical sont moins susceptibles de modifier le nombre total d'effets indésirables par rapport au traitement médical standard. Les cellules souches combinées à un traitement médical auraient tendance à augmenter le taux d'effets indésirables graves, mais elles sont moins susceptibles de diminuer le taux de retraits en raison d'effets indésirables, par rapport au traitement médical standard.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Trois essais inclus étaient financés par des sociétés pharmaceutiques.

Peu d'études ont abordé le sujet et ont inclus un faible nombre de patients. De plus, la majorité de la population étudiée (> 60 %) se trouvait dans ces trois études financées, avec une étude comprenant plus de 50 % de la population étudiée.

Conclusions des auteurs: 

L’effet de la thérapie par cellules souches sur la rémission clinique est incertain (données probantes d’un niveau de confiance faible). L’effet de la thérapie par cellules souches sur l’obtention d’un score d'activité de la maladie de Crohn (Crohn’s Disease Activity Index, CDAI) <150 après 24 semaines de traitement est incertain (données probantes d’un niveau de confiance très faible). La thérapie par cellules souches ont des effets bénéfiques sur la fermeture des fistules pendant le suivi à court et à long terme (données probantes d’un niveau de confiance faible pour les deux critères de jugement). Il n'y a pas eu de différences dans le nombre total d'effets indésirables entre la thérapie par cellules souches et le contrôle (données probantes d’un niveau de confiance très faible). Bien qu'il y ait eu une augmentation modérée du nombre d'effets indésirables graves dans le groupe avec thérapie par cellules souches, par rapport au contrôle (données probantes d’un niveau de confiance faible), Le taux de retraits en raison d'effets indésirables était légèrement plus élevé dans le groupe témoin (données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Tous les participants étaient réfractaires au traitement médical standard mais le nombre de participants était faible, ce qui pourrait limiter la généralisation des résultats. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires. Des critères de jugement plus objectifs sont nécessaires pour évaluer l'efficacité des cellules souches dans le traitement de la maladie de Crohn, en particulier le sous-type maladie de Crohn intestinal ; avec une standardisation des doses, des méthodes de préparation des cellules souches, des voies d'administration et des critères d'inclusion des études afin d’obtenir des résultats clairs.

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Contexte: 

La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire de l'intestin qui provoque une inflammation et un rétrécissement de n'importe quelle partie de la muqueuse et de la paroi intestinale. Elle forme des lésions discontinues, épargnant les zones situées entre les parties affectées du tube digestif. La maladie de Crohn peut entraîner l'une des trois complications suivantes : une fistule, une obstruction intestinale due à une sténose, ou une inflammation gastro-intestinale se manifestant par une diarrhée sévère.

La thérapie par cellules souches est un traitement innovant qui a été récemment utilisé dans la MC. Le rôle exact de la thérapie par cellules souches dans la MC demeure incertain. Les cellules souches modifient l'immunité des patients ou agissent comme un « outil de réinitialisation » du système immunitaire, comme c’est le cas des cellules souches injectées par voie systémique, ou bien régénèrent la zone affectée par les tissus nécrotiques et inflammatoires comme dans le cas d'une injection locale dans la lésion. Les cellules souches consistent d’une grande variété de cellules qui comprennent des cellules souches pluripotentes ou des cellules souches différenciées. Les risques vont du rejet aux manifestations symptomatiques comme la fièvre ou la majoration de l'infection.

Objectifs: 

L'objectif de cette revue systématique Cochrane est d'évaluer les effets de la transplantation de cellules souches sur les critères de jugement d'efficacité et de tolérance chez les patients atteints de MC réfractaire, par rapport au traitement standard seul ou à un placebo.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans MEDLINE, Embase, le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) et dans les registres d'essais cliniques (Clinicaltrials.gov, le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l’OMS) jusqu’au 19 mars 2021, sans restriction de langue, d'année de publication ou de statut de publication. Par ailleurs, nous avons recherché les références des études incluses et des articles de revue pour trouver d'autres références. Une mise à jour des études publiées a été effectuée au cours de la rédaction de la revue.

Critères de sélection: 

Nous avons uniquement inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) ayant évalué l'efficacité et la tolérance de la thérapie par cellules souches dans la MC réfractaire, par rapport aux soins standard seuls (contrôle) ou à un placebo.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue (SEN et SFA) ont indépendamment examiné les études extraites de la recherche en vue de leur inclusion et ont extrait les données ainsi qu’évalué le risque de biais. Tout désaccord a été résolu par un consensus entre les auteurs. Nous avons suivi la méthodologie standard définie par Cochrane.

Résultats principaux: 

Nous avons effectué la recherche le 19 mars 2021 et nous avons identifié 639 articles. Nous avons ajouté deux articles après une recherche manuelle des revues publiées sur le sujet, ramenant le total à 641 articles. Le programme Covidence a supprimé 125 doublons laissant un ensemble de 516 articles. Deux auteurs de la revue (SEN et SFA) ont examiné les titres et les résumés puis ont exclu 451 articles. Les 65 articles restants ont été évalués dans leur intégralité par les deux auteurs ; seules 18 études ont été retenues.

Nous avons inclus sept ECR avec un total de 442 participants pour la méta-analyse. Le groupe d'intervention comprenait 234 patients, et le groupe de contrôle 208 patients. Neuf essais sont en cours et deux résumés sont en attente de classification.

Tous les patients des groupes de contrôle et d'intervention ont reçu le traitement standard pour la MC. Seules trois études ont utilisé des méthodes de mise en aveugle pour le groupe témoin sous la forme d'un placebo, une étude sur les trois a déclaré que la mise en aveugle était inefficace. Les patients et le personnel étaient au courant de l'intervention dans les quatre études restantes, car il s'agissait d'essais ouverts. Cependant, l'effet de la levée de la mise en aveugle a été compensé par le faible risque de biais de détection dans cinq des études incluses.

Les données probantes sont incertaines concernant l'effet de la thérapie par cellules souches sur la rémission clinique par rapport au contrôle/placebo (risque relatif (RR) 1,88, intervalle de confiance (IC) à 95 % entre 0,80 et 4,41 ; 3 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Les données probantes sont très incertaines quant à l'effet de la thérapie par cellules souches sur l'obtention d'un score d'activité de la maladie de Crohn (Crohn’s Disease Activity Index, CDAI) <150 à 24 semaines, par rapport au contrôle (RR1,02 IC à 95 % entre 0,67 et 1,56 ; 4 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).

La thérapie par cellules souches sont susceptibles d’encourager la fermeture des fistules par rapport au contrôle/placebo, à la fois à court terme (RR 1,48, IC à 95 % entre 1,12 et 1.96) ; données probantes d’un niveau de confiance faible) et à long terme (RR 1,42, IC à 95 % entre 1,09 et 1,87 ; 4 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Les données probantes sont très incertaines concernant l’absence d’effet de la thérapie par cellules souches sur le taux d’effets indésirables par rapport au contrôle/placebo (RR 0,99, IC à 95 % entre 0,88 et 1,13 ; 4 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Cependant, la thérapie par cellules souches sont susceptibles d'augmenter le nombre d'effets indésirables graves par rapport au contrôle/placebo (RR 1,22, IC à 95 % entre 0,88 et 1,67 ; 7 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible).

Les données probantes sont très incertaines quant à l'effet de la thérapie par cellules souches sur la diminution des retraits en raison d’effets indésirables par rapport au contrôle/placebo (RR 0,78, IC à 95 % entre 0,32 et 1,89 ; 3 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible).

Un financement par des industries pharmaceutiques a été trouvé dans trois études dont une incluant plus de 50 % de notre population étudiée.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Astrid Zessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.