Orthophonie pour la toux chronique

Contexte

Normalement, les gens toussent pour protéger et dégager les voies respiratoires. Par exemple, lorsque nous avons une infection pulmonaire, nous toussons pour éjecter les bactéries. Ou quand on respire la poussière, on tousse pour l'éjecter. Certaines personnes ont une toux chronique ou à long terme due à une maladie comme l'asthme, une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou un reflux gastro-oesophagien. Cependant, certaines personnes ont une toux chronique sans raison apparente. C'est ce qu'on appelle la toux chronique inexpliquée (idiopathique/réfractaire) (TCI). La toux durant pendant des mois et des années est désagréable, entraînant une diminution de la qualité de vie.

Les lignes directrices actuelles recommandent l'utilisation de la gabapentine (un médicament habituellement utilisé pour contrôler les convulsions et réduire la douleur névralgique) pour tenter d'empêcher les personnes atteintes de TCI de tousser. Toutefois, ce médicament a des effets secondaires, y compris la somnolence.

L'orthophonie a été suggérée comme une option non médicamenteuse pour la prise en charge de la TCI. L'orthophonie permettrait d'éviter les risques et les effets secondaires des médicaments.

L'orthophonie vise à apprendre aux personnes à maîtriser leur toux. On enseigne à la personne des méthodes pour l'aider à supprimer l'envie de tousser. L'éducation thérapeutique est donnée dans le but d'aider les personnes à comprendre comment la technique fonctionne et, espérons-le, de les amener à s'y tenir. Les personnes reçoivent également des informations sur l'hygiène vocale. L'hygiène vocale implique des techniques pour réduire le déclencheur de la toux. Par exemple, cela peut consister à aider quelqu'un à respirer par le nez plutôt que par la bouche et conseiller d’éviter de boire de l'alcool et de la caféine, qui peuvent aggraver la toux. Ils peuvent aussi recevoir des conseils psychoéducatifs pour les aider à apprendre qu'ils ont des moyens de contrôler leur toux.

Cette revue a permis d'évaluer les données probantes les plus récentes concernant l'efficacité de l'orthophonie dans la prise en charge de la TCI.

Caractéristiques des études

Nous avons trouvé deux études pertinentes à inclure dans la revue. Les deux études étaient des essais contrôlés randomisés (un type d'étude dans lequel les participants sont assignés à l'un des deux groupes de traitement ou plus de manière aléatoire) dans lesquels les participants avaient reçu un diagnostic de TCI. Les participants ont reçu soit une intervention comprenant des techniques orthophoniques, soit des " conseils pour un mode de vie sain " en tant que groupe contrôle. Nous avons choisi d'utiliser la qualité de vie liée à la santé et les effets indésirables graves pour juger si l'orthophonie est une intervention utile.

Résultats principaux

Une seule des études comparant l'orthophonie aux soins habituels a fourni des données sur la qualité de vie (à l'aide d'un questionnaire). Après quatre semaines, les participants à l'étude qui recevaient un traitement orthophonique (intervention kinésithérapeutique et orthophonique -PSALTI ), avaient en moyenne une amélioration de leur qualité de vie comparativement aux personnes du groupe contrôle. Cependant, cet avantage par rapport au groupe contrôle a été de courte durée et a disparu après quatre semaines. Cela signifie que même si le traitement semble fonctionner à court terme, il peut ne pas améliorer la qualité de vie à long terme comparativement aux soins habituels.

Nous avons également cherché de l'information sur les effets secondaires ou indésirables du traitement. La même étude a signalé qu'aucune personne n'avait subi d'effets secondaires ou indésirables graves au cours de l'étude.

D'autres moyens de mesurer l'impact de l'orthophonie ont également été examinés et, dans chaque cas, les données pertinentes n'ont été fournies que par une seule étude. Une amélioration du nombre objectif de cas de toux (à l'aide d'un moniteur de toux), des symptômes (à l'aide des scores de symptômes) et de l'amélioration sur le plan clinique a été observée pour le groupe avec l’intervention orthophonique par rapport au groupe contrôle. Les essais inclus n'ont fait état d'aucune différence pour d'autres résultats secondaires tels que des mesures subjectives de la toux ou de la sensibilité au réflexe de la toux (mesurée en laboratoire à l'aide d'irritants des voies respiratoires).

Qualité des données probantes

Le petit nombre d'études pertinentes et de haute qualité que l'on trouve dans cette revue signifie que nous ne pouvons pas être sûrs des bénéfices globaux de l'orthophonie dans la gestion de la TCI. L'amélioration de la qualité de vie liée à la santé a été associée à l’intervention PSALTI sur une courte période dans une étude, mais d'autres recherches sont nécessaires pour reproduire ce résultat. Dans l'ensemble, davantage d'essais contrôlés sont nécessaires pour examiner pleinement le potentiel d’une intervention orthophonique pour la gestion de la TCI.

Conclusions des auteurs: 

La rareté des données de cette revue souligne la nécessité de disposer de plus de données d'essai contrôlé pour examiner l'efficacité des interventions orthophoniques dans la prise en charge de la TCI. Bien qu'un grand nombre d'études aient été trouvées lors de la recherche initiale conformément au protocole, nous n'avons pu inclure que deux études dans la revue. De plus, cette revue souligne que les critères d’évaluation varient d'une étude à l'autre.

L'amélioration de la QVLS (Leicester Cough Questionnaire) et la réduction de la fréquence de la toux sur 24 heures observées avec le PSALTI étaient statistiquement significatives mais de courte durée, la différence entre les groupes ne durant que jusqu'à quatre semaines. D'autres études sont nécessaires pour reproduire ces résultats et pour étudier les effets des interventions orthophoniques dans le temps. Il est clair que les interventions orthophoniques varient d'une étude à l'autre. D'autres recherches sont nécessaires pour comprendre quels aspects des interventions orthophoniques sont les plus efficaces pour réduire la toux (fréquence objective de la toux et mesures subjectives de la toux) et améliorer la QVLS. Nous considérons que ces critères d'évaluation sont importants sur le plan clinique. Il est également important que les études futures fournissent des renseignements sur les effets indésirables.

En raison du manque des données, nous ne pouvons tirer aucune conclusion solide quant à l'efficacité des interventions orthophoniques pour améliorer les résultats dans la toux chronique inexpliquée. Notre revue fait ressortir la nécessité d'effectuer d'autres recherches de grande qualité et d'établir des critères d'évaluation comparables pour tirer des conclusions robustes.

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Contexte: 

La toux protège et dégage les voies respiratoires. La toux a trois phases : inspiration, fermeture de la glotte et effort expiratoire forcé. La toux chronique a un impact négatif considérable sur la qualité de vie. Peu de traitements médicaux efficaces pour les personnes présentant une toux chronique inexpliquée (idiopathique ou réfractaire) (TCI) sont connus. Pour ces personnes, les lignes directrices actuelles préconisent l'utilisation de la gabapentine. L'orthophonie a été considérée comme une option non pharmacologique pour la prise en charge de la TCI sans les risques et les effets secondaires associés aux agents pharmacologiques. La présente revue tient compte des données probantes d'essais contrôlés randomisés (ECR) évaluant l'efficacité de l'orthophonie dans ce contexte.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité de l'orthophonie dans le traitement de la toux chronique inexpliquée (idiopathique / réfractaire).

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons fait des recherches dans Cochrane Airways Trials Register, CENTRAL, MEDLINE, Embase, CINAHL, les registres des essais et les bibliographies des études incluses. Notre recherche la plus récente a eu lieu le 8 février 2019.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les ECR dans lesquels les participants avaient reçu un diagnostic de TCI incluant un bilan diagnostique complet pour exclure une cause sous-jacente, conformément aux lignes directrices publiées ou aux protocoles locaux, et où l'intervention comprenait des techniques orthophoniques pour la TCI.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont examiné indépendamment les titres et les résumés de 94 rapports. Deux essais cliniques, représentés dans 10 rapports d'étude, répondaient à nos critères d'inclusion prédéfinis. Deux auteurs de la revue ont évalué de façon indépendante le risque de biais pour chaque étude et ont extrait les données concernant les résultats. Nous avons analysé des données dichotomiques sous forme de odds ratio (OR) et des données continues sous forme de différences moyennes (DM) ou de différences géométriques moyennes. Nous avons utilisé les méthodes standard recommandées par Cochrane. Nos principaux résultats étaient la qualité de vie liée à la santé (QVLS) et les effets indésirables graves (EIG).

Résultats principaux: 

Nous avons trouvé deux études portant sur 162 adultes qui répondaient aux critères d'inclusion. Aucune des deux études ne portait sur des enfants. La durée du traitement et la durée des séances variaient d'une étude à l'autre, allant de quatre séances hebdomadaires à quatre séances sur deux mois. De même, la durée des séances variait légèrement d'une séance de 60 minutes et de trois séances de 45 minutes à quatre séances de 30 minutes. Dans les deux études, les interventions de contrôle ont consisté en des conseils sur un mode de vie sain.

Une étude a fourni des données sur la QVLS à l'aide du Leicester Cough Questionnaire (LCQ), et nous avons jugé la qualité des données probantes comme étant faible selon l'approche GRADE. Les données ont été rapportées sous forme de différence entre les groupes de la base de référence (baseline) à 4 semaines de traitement (DM 1,53, intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,21 à 2,85 ; participants = 71), révélant un avantage statistiquement significatif pour les personnes recevant une intervention kinésithérapeutique et orthophonique (PSALTI) par rapport au groupe contrôle. Cependant, la différence entre le groupe PSALTI et le groupe contrôle n'a pas été observée entre la quatrième et la troisième semaine. La même étude a fourni des informations sur les événements indésirables graves, et il n'y avait pas d’événements indésirables gravesni dans le groupe PSALTI ni dans le groupe contrôle. En utilisant l'approche GRADE, nous avons jugé que la qualité des données probantes pour ce critère de jugement était faible.

Des données étaient également disponibles pour nos critères de jugement secondaires préétablis. Dans chaque cas, les données ont été fournies par une seule étude ; il n'y avait donc aucune possibilité d'agrégation des données ; nous avons jugé que la qualité de ces données probantes était faible pour chaque résultat. Une différence significative en faveur du traitement a été démontrée en ce qui concerne : le nombre objectif de cas de toux (le rapport de la toux moyenne par heure sous traitement était de 59 % (IC 95 %, 37 % à 95 %) par rapport au groupe contrôle ; participants = 71) ; le score des symptômes (DM 9,80, IC 95 %, 4,50 à 15,10 ; participants = 87) ; et les améliorations sur le plan clinique selon la définition des analystes (OR 48,13 ; IC 95 %, 13,53 à 171,25 ; participants = 87). Il n'y avait pas de différence significative entre le traitement et le soins habituels en ce qui concerne les mesures subjectives de la toux (DM sur l'échelle analogue visuelle de la gravité de la toux : -9,72, IC à 95 % -20,80 à 1,36 ; participants = 71) et la sensibilité réflexe de la toux (concentration de capsaicine pour provoquer cinq quintes : 1.11 (IC à 95 % : 0,80 à 1,54 ; participants = 49) fois plus élevé chez les sujets traités que chez les témoins). Une étude a rapporté des données sur les effets indésirables, et aucun effet indésirable n'a été signalé, ni dans le groupe intervention ni dans le groupe contrôle de l'étude.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Julie Cattini et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.