Continuer ou cesser de prendre des antiplaquettaires pendant quelques jours avant une chirurgie non cardiaque chez l'adulte

Problématique

Nous avons cherché à déterminer si le fait de continuer à prendre des antiplaquettaires avant une chirurgie non cardiaque nécessitant une anesthésie générale, spinale ou régionale augmente le risque de saignement grave, d'accident ischémique ou de décès chez les adultes, par rapport à l'arrêt du traitement pendant au moins cinq jours avant une chirurgie non cardiaque.

Contexte

Les antiplaquettaires comme l'aspirine ou le clopidogrel réduisent le risque de caillots sanguins et sont couramment prescrits aux personnes qui ont reçu des endoprothèses coronariennes. Ils sont également recommandés pour les personnes souffrant d'angine de poitrine instable ou d'une maladie cardiaque, ou pour les personnes qui ont subi une crise cardiaque, une chirurgie cardiaque ou un AVC. La prise d'un traitement antiplaquettaire augmente le risque de saignement, ce qui pourrait entraîner des problèmes si une personne doit subir une chirurgie non cardiaque. Arrêter le traitement antiplaquettaire habituel quelques jours avant l'intervention chirurgicale pourrait réduire le risque de saignement grave pendant l'intervention. Le fait de ne pas prendre ces antiplaquettaires pourrait toutefois augmenter le risque de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral ou de décès.

Caractéristiques de l’étude

Les données probantes provenant d'essais contrôlés randomisés sont à jour jusqu'en janvier 2018. Nous avons inclus cinq essais avec 666 adultes dans la revue. Trois études sont en cours. Tous les participants prenaient un traitement antiplaquettaire (aspirine ou clopidogrel) au début de l'étude. Deux études ont arrêté le traitement antiplaquettaire pendant au moins cinq jours avant l'intervention chirurgicale, et trois études ont donné aux participants un placebo au lieu d'un traitement antiplaquettaire durant cette période.

Résultats clés

Nous avons trouvé des preuves de faible certitude qui indiquent que la poursuite ou l'arrêt du traitement antiplaquettaire peut avoir peu ou pas d'effet sur le nombre de personnes décédées jusqu'à 30 jours ou six mois après la chirurgie (cinq études, 659 participants). Nous avons trouvé des preuves de certitude modérée qui indiquent que la poursuite ou l'arrêt du traitement antiplaquettaire n'a probablement que peu ou pas d'effet sur les saignements suffisamment graves pour nécessiter une transfusion sanguine pendant ou immédiatement après la chirurgie (quatre études, 368 participants). Nous avons trouvé des preuves de faible certitude qui indiquent que la poursuite ou l'arrêt du traitement antiplaquettaire peut n'avoir que peu ou pas d'effet sur des saignements suffisamment graves pour nécessiter une nouvelle intervention chirurgicale (quatre études, 368 participants), et peut avoir peu ou pas d'effet sur le nombre d'événements ischémiques tels qu’un AVC ou une crise cardiaque (quatre études, 616 participants).

Qualité des données probantes

Certaines études présentaient un faible risque de biais car elles avaient clairement indiqué leurs méthodes de répartition aléatoire des patients dans chaque groupe, et trois études ont utilisé un placebo de sorte que les patients ne savaient pas s'ils poursuivaient ou non leur traitement antiplaquettaire habituel. Cependant, nous n’avons trouvé que quelques études, avec peu d'événements et de grandes variations dans les résultats. Le fait de continuer ou d'arrêter de prendre des antiplaquettaires pendant quelques jours avant une intervention chirurgicale non cardiaque pourrait n'avoir que peu ou pas d'effets sur le nombre de personnes qui sont décédées, qui ont eu des saignements nécessitant une nouvelle intervention chirurgicale ou qui ont subi des événements ischémiques, et cela n'a probablement que peu ou pas d'effets sur un saignement nécessitant une transfusion sanguine. Nous avons relevé trois études en cours qui permettront d'accroître la certitude quant à l'effet dans les futures mises à jour de la revue.

Conclusions des auteurs: 

Nous avons trouvé des preuves de faible certitude que la poursuite ou l'interruption du traitement antiplaquettaire avant une chirurgie non cardiaque peut n'avoir que peu ou pas d'effets sur la mortalité, les saignements nécessitant une intervention chirurgicale ou les événements ischémiques. Nous avons trouvé des preuves de certitude modérée que la poursuite ou l'interruption du traitement antiplaquettaire avant une chirurgie non cardiaque n'a probablement que peu ou pas d'effets sur les saignements nécessitant une transfusion. Les données probantes se limitaient à quelques études avec peu de participants et peu d'événements. Les trois études en cours peuvent modifier les conclusions de la revue une fois publiées et évaluées.

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Contexte: 

Les antiplaquettaires sont recommandés chez les personnes victimes d'infarctus du myocarde, de syndromes coronariens aigus, d'attaque ischémique transitoire ou d'accident vasculaire cérébral, et chez celles qui ont reçu un stent coronarien. Les personnes qui prennent des antiplaquettaires courent un risque accru de souffrir d'effets indésirables lorsqu'elles subissent une chirurgie non cardiaque en raison de ces indications. Cependant, la prise d'un traitement antiplaquettaire présente également un risque pour la personne qui subit une intervention chirurgicale, car le risque de saignement est accru. L'interruption du traitement antiplaquettaire avant l'intervention chirurgicale pourrait réduire ce risque, mais pourrait, par la suite, favoriser l’apparition de problèmes thrombotiques tels que l'infarctus du myocarde.

Objectifs: 

Comparer les effets de la poursuite et de l'interruption du traitement antiplaquettaire pendant au moins cinq jours sur l'apparition de saignements et d'événements ischémiques chez les adultes subissant une chirurgie non cardiaque sous anesthésie générale, spinale ou régionale.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons fait des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL ; 2018, numéro 1), MEDLINE (1946 à janvier 2018) et Embase (1974 à janvier 2018). Nous avons fait des recherches dans les registres d'essais cliniques pour les études en cours et nous avons effectué des recherches par citation en amont et en aval des articles pertinents.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés menés auprès d'adultes qui suivaient un traitement antiplaquettaire simple ou double pendant au moins deux semaines, et qui devaient subir une chirurgie non cardiaque élective. Les participants inclus présentaient au moins un facteur de risque cardiaque. Nous avions prévu d'inclure des études quasi-randomisés.

Nous avons exclu les personnes qui devaient subir une intervention chirurgicale mineure sous anesthésie locale ou sédation et pour lesquelles des saignements nécessitant une transfusion ou une chirurgie supplémentaire étaient peu probables. Nous avons inclus les études qui comparaient la poursuite péri-opératoire du traitement antiplaquettaire et l'interruption du traitement antiplaquettaire ou le remplacement du traitement antiplaquettaire par un placebo pendant au moins cinq jours avant la chirurgie.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de revue ont évalué de façon indépendante les études en vue de leur inclusion, ont extrait des données, ont évalué le risque de biais et ont synthétisé les résultats. Nos principaux critères de jugement étaient les suivants : la mortalité toutes causes confondues au suivi le plus long (jusqu'à six mois) ; la mortalité toutes causes confondues (jusqu'à 30 jours). Les critères de jugement secondaires comprenaient : la perte de sang nécessitant une transfusion de produits sanguins ; la perte de sang nécessitant une intervention chirurgicale supplémentaire ; le risque d'événements ischémiques. Nous avons utilisé GRADE pour évaluer la qualité des données probantes pour chaque critère de jugement

Résultats principaux: 

Nous avons inclus cinq ECR avec 666 adultes randomisés. Nous avons identifié trois études en cours.

Tous les participants à l'étude devaient subir une chirurgie générale élective (dont une chirurgie abdominale, urologique, orthopédique et gynécologique) sous anesthésie générale, spinale ou régionale. Les études ont comparé la poursuite d'un traitement antiplaquettaire simple ou double (aspirine ou clopidogrel) et l'interruption du traitement pendant au moins cinq jours avant la chirurgie.

Trois études ont fait état de méthodes adéquates de randomisation et deux ont fait état de méthodes de dissimulation de la répartition. Trois études étaient des essais contrôlés par placebo et présentaient un faible risque de biais de performance, et trois études ont fait état de méthodes adéquates pour aveugler les évaluateurs de critères de jugement à la répartition par groupe. L'attrition était limitée dans quatre études et deux études avaient signalé une inscription prospective aux registres d'essais cliniques et présentaient un faible risque de biais de déclaration sélective des critères de jugement.

Nous avons rapporté la mortalité à deux moments : au plus long suivi rapporté par les auteurs de l'étude jusqu'à six mois et au moment rapporté par les auteurs de l'étude jusqu'à 30 jours. Cinq études ont fait état d'un taux de mortalité sur six mois (dont quatre études ont fait l'objet d'un suivi le plus long à 30 jours et une étude à 90 jours) et nous avons constaté que la poursuite ou l'interruption du traitement antiplaquettaire peut faire peu ou pas de différence sur le taux de mortalité jusqu'à six mois (risque relatif (RR) 1,21, intervalle de confiance à 95 % (IC) de 0,34 à 4,27 ; 659 participants ; données de faible certitude) ; l'effet absolu est de trois décès supplémentaires pour 1 000 avec maintien des antiplaquettaires (allant de 8 de moins à 40 supplémentaires). La même estimation de l’effet a été obtenue en combinant les quatre études avec le plus long suivi à 30 jours ; nous avons constaté que la poursuite ou l'interruption du traitement antiplaquettaire peut n'avoir que peu ou pas d'effets sur la mortalité 30 jours après l'intervention chirurgicale (RR 1,21, IC à 95 % de 0,34 à 4,27 ; 616 participants ; faible certitude) ; l'effet absolu est de trois décès supplémentaires pour 1 000 avec poursuite des antiplaquettaires (allant de neuf de moins à 42 supplémentaires).

Nous avons constaté que la poursuite ou l'interruption du traitement antiplaquettaire n'entraîne probablement que peu ou pas de différence dans la fréquence des pertes sanguines nécessitant une transfusion (RR 1,37, IC à 95 % : 0,83 à 2,26 ; 368 participants ; effet absolu de 42 participants de plus par 1 000 nécessitant une transfusion dans le groupe de la poursuite, allant de 19 de moins à 119 de plus ; quatre études ; preuves modérées) et peut faire peu ou pas de différence dans les cas où une chirurgie supplémentaire est nécessaire (RR 1,54 ; IC à 95 % : 0,31 à 7,58 ; 368 participants ; effet absolu de six participants supplémentaires pour 1 000 nécessitant une intervention chirurgicale additionnelle dans le groupe de la poursuite, allant de 7 de moins à 71 de plus ; quatre études ; preuves de faible certitude). Nous avons constaté que la poursuite ou l'interruption du traitement antiplaquettaire peut faire peu ou pas de différence dans l'incidence des événements ischémiques (y compris l'ischémie périphérique, l'infarctus cérébral et l'infarctus du myocarde) dans les 30 jours suivant la chirurgie (RR à 0,67, IC à 95 % de 0,25 à 1,77 ; 616 participants ; effet absolu de 17 participants de moins pour 1 000 avec un événement ischémique dans le groupe de la poursuite, allant de 39 de moins à 40 de plus ; quatre études, preuves de faible certitude).

Nous avons utilisé l'approche GRADE pour déclasser les données probantes pour tous les critères de jugement en raison du peu de données probantes provenant de quelques études. Nous avons constaté des intervalle de confiance larges dans les estimations des effets pour la mortalité à la fin du suivi et à 30 jours, et pour les pertes sanguines nécessitant une transfusion, ce qui laisse supposer une imprécision. Nous avons noté des différences visuelles dans les résultats de l'étude pour les événements ischémiques, ce qui laisse supposer une incohérence.

Notes de traduction: 

Post-édition : Lou Rey - Révision : Julie Bossée (M2 ILTS, Université Paris Diderot)

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.