La défécographie est-elle toujours l’examen de référence pour le diagnostic des troubles du plancher pelvien postérieur chez les femmes atteintes du syndrome de la défécation obstruée ?

Problématique

Le syndrome de défécation obstruée se traduit par une sensation d'obstruction lors des tentatives de vidange de l'intestin, une sensation de vidange incomplète de l'intestin ou la nécessité d'utiliser un doigt pour faire pression sur le périnée/vagin ou de l'insérer dans le rectum pour retirer les selles. Cela peut être source d'embarras et de frustration, ce qui a un effet négatif sur la qualité de vie. Il existe différentes techniques d'imagerie pour examiner les femmes présentant ces symptômes. La technique la plus couramment utilisée actuellement est appelée défécographie. Ce test peut être embarrassant, car il exige que la femme reçoive une grande quantité d'une substance de consistance pâteuse introduite par le rectum, puis qu'elle s'assoie sur un siège d’aisance et défèque pendant que le radiologue prend des radiographies.

Pourquoi cette revue est-elle importante ?

Il existe d'autres techniques d'imagerie pour examiner les femmes présentant ces symptômes, et la plupart d'entre elles sont moins gênantes. Cependant, l'efficacité de ces techniques d'imagerie pour diagnostiquer les affections à l'origine de ces symptômes reste incertaine. Pour être en mesure de fournir des données probantes sur l'utilisation potentielle de ces techniques d'imagerie moins gênantes, il faut analyser les données existantes provenant d'études publiées antérieurement qui rapportent la précision (la capacité de détecter et d'exclure un trouble spécifique) de ces techniques d'imagerie.

Comment cette revue a-t-elle été menée ?

Nous avons effectué une recherche dans la littérature disponible le 18 décembre 2019. Nous avons sélectionné les études qui ont évalué les performances de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) ou de l'échographie du plancher pelvien, ou des deux, et de la défécographie chez les femmes présentant des symptômes de défécation obstruée. Nous avons évalué la qualité des études incluses, ainsi que les sources possibles qui pourraient influencer la performance des techniques d'imagerie. Nous avons effectué une analyse statistique en évaluant toutes les techniques d'imagerie disponibles de manière égale, en l'absence d'un test de référence, afin de calculer la précision du test de toutes les techniques d'imagerie évaluées.

Quels sont les résultats ?

Nous avons inclus 39 études couvrant 2 483 femmes dans la méta-analyse. La défécographie s'est avérée avoir la plus grande capacité à détecter correctement la plupart des conditions provoquant des symptômes de défécation obstruée ; aucun des autres tests de diagnostic ne remplissait les critères pour remplacer la défécographie. L'IRM et l'échographie transpérinéale répondaient aux critères d'un test de triage. Ils ont une plus grande capacité à identifier correctement les patients en bonne santé que la défécographie. Cela signifie qu'un résultat positif suggère la présence de la maladie, car le test donne rarement des résultats positifs chez les femmes en bonne santé, et permet d'éviter des tests supplémentaires. La qualité des données probantes des résultats des autres techniques d'échographie était trop faible pour tirer des conclusions.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Dans une population de femmes cherchant de l'aide pour leurs symptômes de défécation obstruée, la défécographie reste le test de choix. L'IRM et l’échographie transpérinéale peuvent être utilisés pour l'évaluation initiale des femmes présentant une défécation obstruée, en tant que test de dépistage. L’échographie transpérinéale ou l'IRM pourraient donc potentiellement réduire le nombre de femmes devant subir une défécographie.

Conclusions des auteurs: 

Dans une population de femmes présentant des symptômes du syndrome de la défécation obstruée, aucune des techniques d'imagerie ne remplissait les critères pour remplacer la défécographie. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’échographie transpérinéale répondaient aux critères d'un test de triage, car un test positif confirme le diagnostic de rectocèle, d'entérocèle et d'intussusception, et un test négatif exclut le diagnostic d'anisme. Une phase d'évacuation a augmenté la sensibilité de l'IRM. Le contraste rectal n'a pas augmenté la sensibilité de l’échographie transpérinéale. La qualité des données probantes concernant l'échographie endovaginale, l'endosonographie anale dynamique et l'échodéfécographie était trop faible pour tirer des conclusions. D'autres études bien conçues sont nécessaires pour définir leur rôle dans la voie diagnostique du syndrome de la défécation obstruée.

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Contexte: 

Le syndrome de la défécation obstruée (SDO) est une difficulté à évacuer les selles, nécessitant des efforts pour déféquer, une sensation d'évacuation incomplète ou la nécessité d'assister manuellement à la défécation. Cela est dû à un blocage physique du flux fécal lors des tentatives de défécation, causé par une rectocèle, une entérocèle, une intussusception, un anisme ou une descente du plancher pelvien. La défécographie est la technique d'imagerie la plus courante pour le diagnostic des troubles du plancher pelvien postérieur. Elle a été considérée comme le test de référence en raison de sa grande expérience, bien qu'il ait été prouvé qu'elle n'avait pas une précision parfaite. De plus, la défécographie est invasive, embarrassante et utilise des radiations ionisantes. Des techniques d'imagerie alternatives répondant à ces problèmes ont été développées et évaluées quant à leur précision. En raison de la diversité des résultats, qui conduit à l'absence de consensus, une revue systématique et une méta-analyse de la littérature sont nécessaires.

Objectifs: 

Déterminer la précision des tests diagnostiques de défécographie, d’imagerie par résonance magnétique (IRM) dynamique et d'échographie du plancher pelvien pour la détection des troubles du plancher pelvien postérieur chez les femmes souffrant de SDO, en utilisant une analyse à classe latente en l'absence d'un test de référence, et évaluer si l'IRM ou l'échographie pourrait remplacer la défécographie. L'objectif secondaire était d'étudier les différences dans la précision du test de diagnostic en fonction de l'utilisation du contraste rectal, de la phase d'évacuation, de la position du patient et des valeurs seuils, qui pourraient influencer le résultat du test.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué une recherche électronique le 18 décembre 2019 dans la Bibliothèque Cochrane, MEDLINE, Embase, SCI, CINAHL et CPCI. Les références bibliographiques et Google scholar. Nous avons également recherché les articles admissibles dans ICTRP de l'OMS et dans clinicaltrials.gov. Deux auteurs de la revue ont procédé à l'examen des titres et des résumés et à l'évaluation du texte intégral, en résolvant les désaccords avec un troisième auteur.

Critères de sélection: 

Les études sur la précision des tests diagnostiques et les études de cohorte étaient admissibles à l'inclusion si elles évaluaient la précision des tests de défécographie, et d'IRM ou d'échographie du plancher pelvien, ou des deux, pour la détection des troubles du plancher pelvien postérieur chez les femmes atteintes de SDO. Nous avons exclu les études cas-témoins. Si les études répondaient partiellement aux critères d'inclusion, nous avons contacté les auteurs pour obtenir des informations supplémentaires.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont procédé à l'extraction des données, y compris les caractéristiques des études, l'évaluation du « risque de biais », les sources d'hétérogénéité et les résultats de la précision des tests. Nous avons exclu les études pour lesquelles les données sur la précision des tests n'ont pu être retrouvées malgré tous les efforts déployés. Nous avons effectué une méta-analyse en utilisant une analyse bayésienne hiérarchique à classe latente. Pour que le test index puisse être considéré comme un test de remplacement de la défécographie, la sensibilité et la spécificité doivent être similaires ou supérieures à la norme de référence historique (défécographie), et pour un test de triage, la spécificité ou la sensibilité doivent être similaires ou supérieures. Nous avons effectué une analyse d'hétérogénéité évaluant l'effet des différentes conditions de test sur la précision du test. Nous avons effectué des analyses de sensibilité en excluant les études présentant un risque élevé de biais, des problèmes d'applicabilité ou celles publiées avant 2010. Nous avons évalué la qualité globale des données probantes selon la méthode GRADE.

Résultats principaux: 

Trente-neuf études couvrant 2 483 participants ont été incluses dans les méta-analyses. Nous avons produit des estimations groupées de la sensibilité et de la spécificité pour tous les tests index pour chaque condition cible. Les résultats des analyses de sensibilité étaient cohérents avec ceux de l'analyse principale.

La sensibilité de la défécographie pour le diagnostic de la rectocèle était de 98 % (intervalle de crédibilité (ICr) 94 % - 99 %), pour l'entérocèle de 91 % (ICr 83 % - 97 %), pour l'intussusception de 89 % (ICr 79 % - 96 %) et pour la descente du plancher pelvien de 98 % (ICr 93 % - 100 %) ; la spécificité pour l'entérocèle était de 96 % (ICr 93 % - 99 %),pour l'intussusception de 92 % (ICr 86 % - 97 %) et pour l'anisme de 97 % (ICr 94 % - 99 %), tous avec des données probantes de qualité élevée. Des données probantes de qualité faible à modérée ont montré une sensibilité pour l'anisme de 80 % (ICr 63 % - 94 %), et une spécificité pour la rectocèle de 78 % (ICr 63 % - 90 %) et pour la descente du plancher pelvien de 83 % (ICr 59 % - 96 %).

La spécificité de l'IRM pour le diagnostic de la rectocèle était de 90 % (ICr 79 % - 97 %), de l'entérocèle de 99 % (ICr 96 % - 100 %) et de l'intussusception de 97 % (ICr 88 % - 100 %), répondant aux critères d'un test de triage avec des données probantes de qualité élevée. L'IRM ne répondait pas aux critères pour remplacer le défécographie. L'analyse d'hétérogénéité a montré que la sensibilité de l'IRM réalisée avec phase d'évacuation était plus élevée qu’en l’absence d’évacuation pour la rectocèle (94 %, ICr 87 % - 98 %) contre 65 %, ICr 52 % à 89 %, et l'entérocèle (87 %, ICr 74 % - 95 % contre 62 %, ICr 51 % - 88 %), et que la sensibilité de l'IRM sans phase d'évacuation était significativement inférieure à celle de la défécographie.

La spécificité de l'échographie transpérinéale pour le diagnostic de la rectocèle était de 89 % (ICr 81 % - 96 %), pour l'entérocèle de 98 % (ICr 95 % - 100 %) et pour l'intussusception de 96 % (ICr 91 % - 99 %) ; la sensibilité pour l'anisme était de 92 % (ICr 72 % - 98 %), répondant aux critères d'un test de triage avec des données probantes de qualité élevée. L’échographie transpérinéale ne remplissait pas les critères pour remplacer la défécographie. L'analyse d'hétérogénéité a montré que la sensibilité de l’échographie transpérinéale réalisée avec un contraste rectal n'était pas significativement plus élevée que celle de l’échographie transpérinéale sans contraste pour la rectocèle (92 %, ICr 69 % - 99 % contre 81 %, ICr 58 % - 95 %), pour l'entérocèle (90 %, ICr 71 % - 99 % contre 67 %, ICr 51 % - 90 %) et pour l'intussusception (90 %, ICr 69 % - 98 % contre 61 %, ICr 51 % - 86 %), et était inférieure à celle de la défécographie.

La spécificité de l'échographie endovaginale pour le diagnostic de la rectocèle était de 76 % (ICr 54 % - 93 %), pour l'entérocèle de 97 % (ICr 80 % - 99 %) et pour l'intussusception de 93 % (ICr 72 % - 99 %) ; la sensibilité pour l'anisme était de 84 % (ICr 59 % - 96 %), répondant aux critères d'un test de triage avec des données probantes de qualité très faible à modérée. L'échographie endovaginale ne répondait pas aux critères pour remplacer la défécographie.

La spécificité de l'endosonographie anale dynamique pour le diagnostic de la rectocèle était de 88 % (ICr 62 % - 99 %), pour l'entérocèle de 97 % (ICr 75 % - 100 %) et pour l'intussusception de 93 % (ICr 65 % - 99 %), répondant aux critères d'un test de triage avec des données probantes de qualité très faible à modérée. L'endosonographie anale dynamique ne remplissait pas les critères pour remplacer la défécographie.

L'échodéfécographie avait une sensibilité de 89 % (ICr 65 % - 98 %) et une spécificité de 92 % (ICr 72 % - 99 %) pour l'intussusception, répondant aux critères pour remplacer la défécographie mais avec des données probantes de très faible qualité. La spécificité de l'échodéfécographie pour le diagnostic de la rectocèle était de 89 % (ICr 60 % - 99 %) et pour l'entérocèle de 97 % (ICr 87 % - 100 %) ; la sensibilité pour l'anisme était de 87 % (ICr 72 % - 96 %), répondant aux critères d'un test de triage avec des données probantes de très faible à faible qualité.

Notes de traduction: 

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