Les effets sur la mortalité et l'invalidité lorsque des saturations en oxygène artériel plus faibles ou plus élevées sont ciblées chez les nouveau-nés prématurés

Question de la revue : Est-il préférable de cibler un plus faible niveau d'oxygène ou un niveau plus élevé chez les bébés nés très tôt ?

Contexte : Offrir de l'oxygène en plus (« supplémentaire ») aux bébés nés très tôt (aussi appelés « nouveau-nés extrêmement prématurés ») ayant des difficultés respiratoires a été pratique courante depuis les années 1940. Malgré cela, il existe peu de consensus quant à définir quels niveaux d'oxygène maximisent la survie et le développement à court ou à long terme. La technologie (« l'oxymétrie de pouls ») permet de facilement mesurer le niveau d'oxygène dans le sang du bébé (la saturation en oxygène) et est utilisée de manière répandue depuis les années 1990. Malgré cela, et jusqu'à récemment, il n'y avait pas d'essais randomisés ayant testé s'il est préférable de cibler des niveaux inférieurs ou supérieurs de saturation en oxygène chez les nouveau-nés extrêmement prématurés, à partir de la naissance ou peu après. En conséquence, il existe une grande diversité dans les niveaux ciblés dans différentes unités de soins aux enfants prématurés partout dans le monde.

Caractéristiques des études : Les études que nous avons incluses étaient des essais randomisés portant sur des bébés enrôlés après être nés à moins de 28 semaines de gestation, dès la naissance ou peu de temps après, pour lesquels les saturations en oxygène (SpO₂) ciblées allaient de 85 % à 89 % ou de 91 % à 95 %, pendant au minimum les deux premières semaines de vie.

Principaux résultats : Nous avons inclus cinq essais, portant sur 4965 nouveau-nés, dans cette revue. Il y avait des effets bénéfiques et délétères associés à tous les niveaux cibles testés. Ni les niveaux plus faibles, ni les niveaux plus élevés n'ont eu un effet significatif sur les taux de décès ou d'incapacités majeures (le résultat principal), sur les incapacités majeures seulement ou encore sur les cas de cécité (la perte de la vue). Cependant, les nourrissons pour lesquels des niveaux plus faibles d'oxygène avaient été ciblés avaient, en moyenne, une réduction de 2,8 % du risque de décès, par rapport aux nourrissons pour lesquels le niveau d'oxygène ciblé était plus élevé. Ceux-ci présentaient également une augmentation de 2,2 % du taux d'une grave maladie intestinale appelée « entérocolite nécrosante ». À l'inverse, les nourrissons pour lesquels les niveaux d'oxygène ciblés étaient inférieurs avaient une diminution de 4,2 % du taux d'un problème grave aux yeux, la « rétinopathie du prématuré », nécessitant une intervention chirurgicale ou d'autres traitements. Le rapport entre ces avantages et inconvénients peut mériter d'être évalué dans les contextes locaux lors des prises de décisions quant aux saturations en oxygène ciblées dans leurs recommandations.

Qualité des preuves : Nous avons évalué la qualité des preuves comme étant élevée pour les principaux résultats sur la mortalité, les invalidités majeures, le résultat combiné des décès ou des incapacités majeures, et les entérocolites nécrosantes. Nous avons évalué la qualité des preuves comme étant modérée pour les deux résultats liés aux yeux (la cécité et la rétinopathie du prématuré nécessitant un traitement), ce qui nous permet d'avoir confiance dans la fiabilité des résultats globaux.

Conclusions des auteurs: 

Chez les nouveau-nés extrêmement prématurés, cibler des saturations en oxygène plus faibles (85 % à 89 %) par rapport à des SpO₂ plus élevées (91 % à 95 %) n'a eu aucun effet significatif sur le résultat composite des décès ou incapacités majeures, ou sur les incapacités majeures seulement, dont la cécité, mais cela augmentait le risque moyen de la mortalité de 28 pour 1000 nourrissons traités. Le rapport entre les bénéfices et les risques de différentes plages de saturation en oxygène cibles peut mériter d'être évalué dans les contextes locaux (par ex. en adaptant les réglages des alarmes et le personnel tout en tenant compte des risques de base), lors de la prise de décision quant aux saturations en oxygène ciblées dans les recommandations.

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Contexte: 

Le recours à l'oxygénothérapie dans la prise en charge des nouveau-nés extrêmement prématurés a été pratique courante depuis les années 1940. Malgré cela, il existe peu de consensus concernant les plages de saturation en oxygène (SpO₂) à cibler pour maximiser la croissance et le développement à court ou à long terme, tout en minimisant les effets délétères. Il existe deux préoccupations en opposition. De plus faibles taux d'oxygène (SpO₂ de 90 % ou moins) peuvent altérer le développement neurologique ou entraîner un décès. Des niveaux d'oxygène plus élevés (SpO₂ supérieure à 90 %) peuvent augmenter le risque de rétinopathie sévère du prématuré ou mener à des maladies pulmonaires chroniques.

Le recours à l'oxymétrie de pouls afin d'évaluer de façon non invasive les niveaux de SpO₂ durant la période néonatale s'est généralisé depuis les années 1990. Jusqu'à récemment, il n'y avait pas d'essais contrôlés randomisés (ECR) ayant évalué s'il est plus efficace de cibler des niveaux des saturation en oxygène plus élevés ou plus faibles chez les nouveau-nés extrêmement prématurés, dès la naissance ou peu après. En conséquence, il existe des différences significatives dans les pratiques au travers du monde et une incertitude demeure quant à la plage de saturation en oxygène la plus appropriée à cibler chez les nourrissons prématurés et les nourrissons de faible poids de naissance.

Objectifs: 

1. Quels sont les effets du ciblage des saturations en oxygène plus faibles ou plus élevées sur la mortalité ou les morbidités néonatales majeures, ou sur ces deux critères combinés, chez les nouveau-nés extrêmement prématurés ?

2. Est-ce que ces effets diffèrent chez différents types de nourrissons, dont ceux nés à un très jeune âge gestationnel, ou ceux étant nés dans d'autres hôpitaux, sans couverture prénatale de corticostéroïdes, ceux de sexe masculin, de petite taille pour l'âge gestationnel ou de naissances multiples, ou selon le mode d'accouchement ?

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons utilisé la stratégie de recherche standard du groupe Cochrane sur la néonatologie pour consulter le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL 2016, numéro 4), MEDLINE via PubMed (de 1966 jusqu'au 11 avril 2016), Embase (de 1980 au 11 avril 2016) et CINAHL (de 1982 au 11 avril 2016). Nous avons également effectué des recherches dans les bases de données d'essais cliniques, les actes de conférence et les références bibliographiques des articles trouvés pour identifier les essais contrôlés randomisés.

Critères de sélection: 

Les essais contrôlés randomisés ayant enrôlé des bébés nés à moins de 28 semaines de gestation, à leur naissance ou peu de temps après, et ciblé des SpO₂ de 90 % ou moins ou de plus de 90 % au moyen de l'oxymétrie de pouls, avec l'intention de maintenir ces saturations cibles pendant au moins les deux premières semaines de vie.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons eu recours aux méthodes standard du groupe Cochrane sur la néonatologie pour extraire les données des rapports publiés des études incluses. Nous avons recherché des données agrégées supplémentaires auprès des chercheurs d'origine afin de corriger les définitions de deux principaux critères de jugement. Nous avons effectué les méta-analyses avec le logiciel Review Manager 5, à l'aide de la méthode de Mantel-Haenszel pour les estimations du risque relatif (RR) typique et de la différence de risques (DR) au moyen d'un modèle à effets fixes. Nous avons évalué les études incluses en utilisant l'évaluation Cochrane du « Risque de biais » et les critères GRADE afin d'établir la qualité des preuves. Nous avons étudié l'hétérogénéité des effets via des analyses en sous-groupes et de sensibilité préalablement préparées.

Résultats principaux: 

Cinq essais, portant sur 4965 nouveau-nés au total, étaient éligibles pour l'inclusion. Les chercheurs dans cinq essais avaient prévu de combiner leurs données dans le cadre de la collaboration NeOProM (Neonatal RLO prospectives Meta-analysis). Nous avons évalué la qualité des preuves comme étant élevée pour les principaux critères de jugement de la mortalité, des invalidités majeures, pour le composite des décès ou des incapacités majeures, et pour l'entérocolite nécrosante ; et comme modérée pour la cécité et la rétinopathie du prématuré nécessitant un traitement.

Lorsqu'une définition commune de l'incapacité majeure a été utilisée, il n'y avait pas de différence significative dans le principal critère de jugement composite des décès ou des incapacités majeures chez les nouveau-nés extrêmement prématurés lorsque des saturations en oxygène plus faibles (SpO₂ de 85 % à 89 %) ou plus élevées (SpO₂ de 91 % à 95 %) étaient ciblées (RR typique de 1,04, intervalle de confiance à 95 % (IC) 0,98 à 1,10 ; DR typique de 0,02, IC à 95 % -0,01 à 0,05 ; 5 essais, 4754 nourrissons) (preuves de qualité élevée). Par rapport à une plage cible plus élevée, une baisse de la plage cible a augmenté significativement l'incidence des décès au bout de 18 à 24 mois d'âge corrigé (RR typique de 1,16, IC à 95 % 1,03 à 1,31 ; DR typique de 0,03, IC à 95 % 0,01 à 0,05 ; 5 essais, 4873 nourrissons) (preuves de qualité élevée) et de l'entérocolite nécrosante (RR typique de 1,24, IC à 95 % 1,05 à 1,47 ; DR typique de 0,02, IC à 95 % 0,01 à 0,04 ; 5 essais, 4929 nourrissons ; I ² = 0 %) (preuves de qualité élevée). Cibler des niveaux plus faibles a significativement réduit l'incidence de la rétinopathie du prématuré nécessitant un traitement (RR typique de 0,72, IC à 95 % 0,61 à 0,85 ; DR typique de -0,04, IC à 95 % -0,06 à -0,02 ; 5 essais, 4089 nourrissons ; I ² = 69 %) (preuves de qualité modérée). Il n'y avait aucune différence significative entre les deux groupes de traitement quant aux incapacités majeures, dont la cécité, la perte auditive grave, la paralysie cérébrale, ou d'autres morbidités néonatales importantes.

Une analyse en sous-groupe des principaux critères de jugement par type de logiciel de calibrage de l'oxymètre (logiciel original par rapport à un logiciel révisé) a trouvé une différence significative dans l'effet du traitement entre les deux types de logiciels pour les décès (valeur p de l'interaction = 0,03), avec un effet du traitement significativement plus grand observé chez les nourrissons à l'aide d'un algorithme révisé (RR typique de 1,38, IC à 95 % 1,13 à 1,68 ; DR typique de 0,06, IC à 95 % 0,01 à 0,10 ; 3 essais, 1716 nourrissons). Il n'y avait aucune autre différence importante dans l'effet du traitement démontré par les analyses en sous-groupes en utilisant les données actuellement disponibles.

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Martin Vuillème et révisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.