Le dépistage du cancer chez les personnes présentant des caillots sanguins non provoqués dans les jambes et les poumons réduit-il les décès et les maladies liés au cancer et aux caillots sanguins ?

Principaux messages

Cette revue a révélé qu'il existe trop peu d'essais pour déterminer si le dépistage d'un cancer non diagnostiqué chez les personnes ayant subi un premier épisode de maladie thromboembolique veineuse (MTEV) non provoqué est efficace pour réduire les décès et les maladies liés au cancer et à la MTEV. Des études subséquentes de bonne qualité et à grande échelle sont nécessaires.

Pourquoi cette question est-elle importante ?

La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) désigne les caillots sanguins dans les veines des jambes (thrombose veineuse profonde (TVP)), qui peuvent se déplacer jusqu’aux poumons (entraînant une embolie pulmonaire (EP)). L'EP peut souvent être fatale. Les signes de TVP comprennent la douleur et l'enflure de la jambe, tandis que les signes d'EP comprennent l'essoufflement et la douleur thoracique. Les facteurs de risque de MTEV comprennent la chirurgie, l'alitement prolongé, les traumatismes, les antécédents familiaux, la grossesse et les déficiences sanguines en protéines naturellement anticoagulantes. Parfois, une MTEV se produit sans raison apparente (elle n'est pas provoquée). Chez ces personnes, un cancer non détecté pourrait être à l'origine de la MTEV. Ceci a soulevé la question de savoir si on devait rechercher un cancer sous-jacent chez les personnes atteintes d'une MTEV non provoquée. Ceci est important, car la prise en charge de la MTEV chez les personnes atteintes ou non de cancer diffère. Un diagnostic de cancer permettrait de s'assurer que les gens reçoivent le traitement optimal pour réduire le risque d'une autre MTEV. Un diagnostic pourrait également permettre de traiter le cancer plus tôt, à un stade plus guérissable.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études contrôlées randomisées qui évaluaient l'efficacité du dépistage d'un cancer non diagnostiqué chez les personnes ayant subi une première MTEV non provoquée (TVP ou EP) pour réduire les maladies et les décès liés au cancer et à la TEV. Dans les études contrôlées randomisées, les traitements ou les tests que les gens reçoivent sont décidés de manière aléatoire et ces études fournissent généralement les données probantes les plus fiables sur les effets des traitements.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé quatre études avec 1644 participants. Deux études ont comparé des tests de dépistage du cancer approfondis à des tests effectués à la discrétion du médecin et deux études ont comparé des tests de dépistage du cancer associés à la tomodensitométrie à des tests de dépistage du cancer seulement. La combinaison des résultats des deux études a démontré que des tests approfondis n'avaient aucun effet sur le nombre de décès liés au cancer. De plus, les tests approfondis n'ont pas permis d'identifier un plus grand nombre de personnes atteintes de cancer. Cependant, des tests approfondis ont permis de déceler des cancers à un stade plus précoce (environ 10 mois plus tôt) et les cancers étaient moins avancés chez les personnes du groupe des tests approfondis que chez les personnes du groupe dont les tests étaient effectués à la discrétion du médecin. Aucune des deux études n'a examiné le nombre de décès dus à toute cause confondue, les décès et les maladies associés à la MTEV, les effets secondaires des tests de dépistage du cancer, les effets secondaires du traitement de la MTEV ou la satisfaction des participants. Les deux études comparant les tests associés à la tomodensitométrie aux tests seuls ont montré que l'ajout de la tomodensitométrie n’avait peu ou pas d'effet sur le nombre de décès, les décès liés au cancer, les maladies associées à la MTEV ; et n’a pas permis d’accroître le taux de détection de cancer, ou montré de différence nette concernant le délai avant le diagnostic ou les stades du cancer diagnostiqué. Aucune des deux études ne portait sur les décès associés à la MTEV, les effets secondaires des tests de dépistage du cancer, les effets secondaires du traitement de la MTEV, la satisfaction des participants ou la qualité de vie.

A quel point sommes-nous certains des données probantes ?

Lors de la comparaison entre les tests approfondis et les tests à la discrétion du médecin, le niveau de confiance des données probantes était faible en raison du biais causé par l'arrêt précoce de deux des études. Lorsque l'on compare les tests associés à la TEP/TDM aux tests seuls, le niveau de confiance des données probantes varie de faible à modéré en raison de problèmes liés à la conception des études, de l'imprécision due au faible nombre d'événements et du biais dû à l'absence de mise en aveugle des personnes évaluant les effets.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Cette revue Cochrane met à jour nos données probantes précédentes. Les données probantes sont à jour en mai 2021.

Conclusions des auteurs: 

Des tests spécifiques de dépistage du cancer chez les personnes présentant une maladie thromboembolique veineuse (MTEV) non provoquée pourraient mener à un diagnostic précoce de cancer à un stade plus précoce de la maladie. Toutefois, les données probantes sont actuellement insuffisantes pour tirer des conclusions définitives sur l'efficacité des tests de dépistage du cancer non diagnostiqué chez les personnes ayant un premier épisode de MTEV non provoquée (thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire) à réduire la morbidité et la mortalité liées au cancer ou à la MTEV. Les résultats pourraient indiquer un bénéfice ou pas de bénéfices. D'autres essais contrôlés randomisés à grande échelle de bonne qualité sont nécessaires avant de pouvoir tirer des conclusions définitives.

Lire le résumé complet...
Contexte: 

La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) est un terme collectif désignant deux affections : la thrombose veineuse profonde (TVP) et l'embolie pulmonaire (EP). Une partie des personnes atteintes de MTEV n'ont aucun facteur de risque sous-jacent ou immédiatement prédisposant et la MTEV est alors qualifiée de non provoquée. La MTEV non provoquée peut souvent être la première manifestation clinique d'une tumeur maligne sous-jacente. Ceci a soulevé la question de savoir si on devait rechercher un cancer sous-jacent aux personnes atteintes d'une MTEV non provoquée. Le traitement de la MTEV est différent chez les patients cancéreux et non cancéreux et un diagnostic adéquat permettrait que les gens reçoivent le traitement optimal de la MTEV pour prévenir sa récidive et une morbidité accrue. En outre, un diagnostic approprié de cancer à un stade précoce pourrait éviter le risque de progression du cancer et entraîner une amélioration de la mortalité et de la morbidité liées au cancer. Il s'agit de la troisième mise à jour de la revue publiée pour la première fois en 2015.

Objectifs: 

Déterminer si le dépistage d'un cancer non diagnostiqué chez les personnes présentant un premier épisode de MTEV non provoqué (TVP du membre inférieur ou EP) est efficace pour réduire la mortalité et la morbidité liées au cancer ou à la MTEV et déterminer quels tests de dépistage du cancer sont les meilleurs pour identifier précocement les cancers traitables.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le spécialiste de l'information du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires a effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires, dans les bases de données CENTRAL, MEDLINE, Embase et CINAHL, ainsi que dans le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS et ClinicalTrials.gov jusqu'au 5 mai 2021. Nous avons également procédé à une vérification des références afin d'identifier d'autres études.

Critères de sélection: 

Seuls les essais randomisés et quasi randomisés dans le cadre desquels des personnes présentant une MTEV non provoquée avaient été affectées à des tests spécifiques pour l'identification du cancer ou des tests cliniques seuls étaient admissibles à l'inclusion.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont sélectionné les études, évalué leurs risques de biais et extrait les données de façon indépendante. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes à l'aide des critères GRADE. Les désaccords ont été résolus par la discussion. Les principaux critères de jugement d'intérêt étaient la mortalité toutes causes confondues, la mortalité liée au cancer et la mortalité liée à la MTEV.

Résultats principaux: 

Aucune nouvelle étude n'a été identifiée pour cette mise à jour de 2021. Au total, quatre études comptant 1644 participants sont incluses. Deux études ont évalué l'effet de tests approfondis incluant la tomodensitométrie (TDM) par rapport aux tests laissés à la discrétion du médecin, tandis que les deux autres ont évalué l'effet des tests standards associés à la tomographie par émission de positons (TEP)/TDM par rapport aux tests standards seuls. Pour les examens approfondis, y compris le TDM, par rapport aux examens à la discrétion du médecin, le niveau de confiance des données probantes, telle qu'évaluée selon GRADE, était faible en raison du risque de biais (arrêt précoce des études). Lorsque l'on compare le test standard plus la TEP/TDM au test standard seul, le niveau de confiance des données probantes est modéré en raison d'un risque de biais de détection. Le niveau de confiance des données probantes a encore été abaissé en raison de la présence d'un biais de détection dans une étude comportant un faible nombre d'événements.

En comparant les tests approfondis, y compris la tomodensitométrie, aux tests effectués à la discrétion du médecin, l'analyse groupée de deux études a montré que le dépistage du cancer était cohérent avec un bénéfice ou un manque de bénéfice sur la mortalité liée au cancer (rapport des cotes (RC) 0,49, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,15 à 1,67 ; 396 participants ; 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Une étude (201 participants) a montré que, dans l'ensemble, les tumeurs malignes étaient moins avancées au moment du diagnostic chez les participants ayant subi des tests approfondis que chez les participants du groupe témoin. Au total, 9/13 participants chez qui un cancer a été diagnostiqué dans le groupe testé intensivement avaient une tumeur maligne de stade T1 ou T2, contre 2/10 participants chez qui un cancer a été diagnostiqué dans le groupe témoin (RC 5,00, IC à 95 % 1,05 à 23,76 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Il n'y avait pas de différence nette dans la détection des stades avancés entre les tests extensifs et les tests à la discrétion du médecin : un participant du groupe ayant subi des tests extensifs était au stade T3 contre quatre participants du groupe témoin (RC 0,25,IC à 95 % 0,03 à 2,28 ; données probantes d’un niveau de confiance faible). De plus, les participants ayant subi des tests approfondis ont été diagnostiqués plus tôt que les membres du groupe témoin (moyenne : 1 mois avec des tests approfondis contre 11,6 mois avec des tests à la discrétion du médecin pour le diagnostic du cancer à partir du moment du diagnostic de MTEV). Les tests extensifs n'ont pas augmenté la fréquence du diagnostic d'un cancer sous-jacent (RC 1,32, IC à 95 % 0,59 à 2,93 ; 396 participants ; 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Aucune de ces études ne mesurait la mortalité toutes causes confondues, la morbidité et la mortalité liées à la MTEV, les complications de l'anticoagulation, les effets indésirables reliés aux tests de détection du cancer, la satisfaction des participants ou la qualité de vie.

En comparant le test standard et le dépistage par TEP/TDM au test standard seul, le test standard et le dépistage par TEP/TDM se sont révélés bénéfiques ou non pour la mortalité toutes causes confondues (RC 1,22, IC à 95 % 0,49 à 3.04 ; 1 248 participants ; 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré), la mortalité liée au cancer (RC 0,55, IC à 95 % 0,20 à 1,52 ; 1 248 participants ; 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) ou la morbidité liée à la TEV (RC 1,02, IC à 95 % 0,48 à 2,17 ; 854 participants ; 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). En ce qui concerne le stade du cancer, il n'y avait pas de différence nette pour la détection des stades précoces (RC 1,78, IC à 95 % 0,51 à 6,17 ; 394 participants ; 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ou avancés (RC 1,00, IC à 95 % 0,14 à 7,17 ; 394 participants ; 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance faible) du cancer. Il n'y avait pas non plus de différence nette dans la fréquence d'un diagnostic de cancer sous-jacent (RC 1,71, IC à 95 % 0,91 à 3,20 ; 1 248 participants ; 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Le délai avant le diagnostic de cancer était de 4,2 mois dans le groupe du test standard et de 4,0 mois dans le groupe du test standard associé au TEP/TDM (P = 0,88). Aucune des deux études n'a mesuré la mortalité liée à la MTEV, les complications de l'anticoagulation, les effets indésirables des tests de dépistage du cancer, la satisfaction des participants ou la qualité de vie.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Judith Catella et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

Tools
Information

Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.