Azathioprine et 6-Mercaptopurine pour le maintien de la rémission chirurgicale dans la maladie de Crohn

Objectif de la revue

L'objectif de cette étude était de comprendre les bénéfices et les risques des analogues de la purine (azathioprine (AZA) et 6-Mercaptopurine (6-MP)) utilisés pour maintenir la rémission après chirurgie chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn (MC).

Qu'est-ce que la maladie de Crohn ?

La maladie de Crohn est une maladie chronique de l'intestin. La maladie de Crohn alterne sans cesse entre des périodes symptomatiques (rechutes) et de courtes périodes de disparitions des symptômes (rémissions). Les symptômes comprennent douleurs abdominales, diarrhée et perte de poids. Les personnes atteintes de la maladie de Crohn peuvent subir une intervention chirurgicale pour enlever les parties malades de leur intestin. Cependant, leurs symptômes peuvent réapparaître peu de temps après. Différents médicaments peuvent être administrés pour que les personnes atteintes de la maladie de Crohn soient exemptes de symptômes le plus longtemps possible. Cependant, il existe des préoccupations au sujet des effets secondaires qui pourraient survenir. Les analogues de la purine (AZA et 6-MP) sont un groupe de médicaments immunosuppresseurs utilisés depuis plus de cinq décennies pour traiter la maladie de Crohn. Nous avons cherché à savoir si les antimétabolites puriniques peuvent maintenir la rémission chez les personnes atteintes de la maladie de Crohn après que la partie malade de l'intestin a été enlevée.

Quels sont les principaux résultats de la revue ?

Les auteurs de la revue ont trouvé 10 études pertinentes avec un total de 928 participants, menées dans plusieurs pays européens, en Israël et aux États-Unis. Les études portaient sur des personnes de plus de 16 ans atteintes de la maladie de Crohn qui avaient subi une intervention chirurgicale et ne présentaient plus aucun symptôme. Ces études ont comparé des analogues de la purine à un placebo (p. ex. une pilule de sucre), à une forme orale d'acide 5-aminosalicylique (5-ASA) ou à un médicament anti-facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNF-α). Les médicaments 5-ASA et anti-TNF-ɑ sont utilisés pour réduire l'inflammation (douleur et œdème) dans l'intestin.

Une étude était de niveau de preuve élevé, six de niveau de preuve intermédiaire et trois n'avaient pas fourni suffisamment d'informations pour porter un jugement sur leur qualité. Les analogues de la purine sont probablement meilleurs que le placebo pour le maintien de la rémission de la maladie de Crohn induite par la chirurgie (niveau de preuve intermédiaire). L'analyse des études comparant les antimétabolites puriniques au 5-ASA n'a révélé aucune différence dans le nombre de personnes qui sont demeurées en rémission. Cependant, les effets indésirables graves ou menant à l’interruption du traitement étaient plus fréquents chez les patients recevant des analogues de la purine que chez les personnes ayant reçu du 5-ASA (niveau de preuve très faible). L'analyse des études comparant les analogues de la purine aux anti-TNF-α a montré que les analogues de la purine étaient moins efficaces pour maintenir la rémission de la maladie de Crohn après une chirurgie. Toutefois, le niveau de preuve était très faible. Des études bien conçues sont nécessaires pour mieux comprendre les bénéfices et les risques des analogues de la purine par rapport aux agents anti-TNF-ɑ et aux autres médicaments utilisés pour la maladie de Crohn. En raison de la rareté des données et de la discordance des résultats dans les différentes études, les effets secondaires des analogues puriniques par rapport au placebo, au 5-ASA ou aux produits biologiques était incertain. Parmi les effets secondaires couramment signalés dans l'ensemble des études, mentionnons la leucopénie (réduction du nombre de globules blancs dans le sang), la pancréatite (inflammation du pancréas), les arthralgies (douleurs articulaires), les douleurs abdominales, l’intolérance épigastrique sévère, l’élévation des enzymes hépatiques, les nausées et vomissements, l'anémie (faible taux de globules rouges), la rhinopharyngite (rhume) et les flatulences (gaz intestinaux).

Dans quelle mesure cette revue est-elle à jour ?

Les auteurs de la revue ont recherché les études qui avaient été publiées jusqu'au 31 juillet 2019.

Conclusions

Il existe des preuves de niveau intermédiaire que l'AZA et la 6-MP peuvent être supérieurs au placebo pour le maintien de la rémission induite par la chirurgie chez les participants atteints de la maladie de Crohn. Il n'y avait pas de différence claire dans le nombre de rechutes cliniques lorsque les analogues de la purine ont été comparés aux agents 5-ASA, mais cette différence était fondée sur des données de faible niveau de preuve. Le niveau de preuve est faible concernant la possibilité de survenue plus importante d’effets indésirables graves et d’arrêts thérapeutiques chez les patients traités par l'AZA ou la 6-MP par rapport à ceux traités par 5-ASA. Des données de très faible niveau de preuve suggèrent que les analogues de la purine pourraient être inférieurs aux agents anti-TNF-α dans la prévention des rechutes, mais aucune conclusion ne peut être tirée. D'autres études sur les bénéfices et les risques de l'AZA et de la 6-MP par rapport aux autres médicaments actifs dans la rémission de la maladie de Crohn induite par la chirurgie sont justifiées.

Conclusions des auteurs: 

Des données de niveau de preuve intermédiaire suggèrent que l'AZA et la 6-MP pourraient être supérieures au placebo pour le maintien de la rémission induite par la chirurgie chez les participants atteints de la MC. Il n'y avait pas de différence claire dans le nombre de rechutes cliniques lorsque les analogues de la purine ont été comparés aux agents 5-ASA, mais cette différence est fondée sur des données de faible niveau de preuve. Il y avait très peu de certitude que l'AZA et la 6-MP soient plus susceptibles d'entraîner des événements indésirables graves (EIG) et des sorties d’étude en raison d'un EI (certitude faible) que les agents du 5-ASA. Des données de très faible niveau de preuve suggèrent que les analogues de la purine pourraient être inférieurs aux agents anti-TNF-α, cependant, aucune conclusion ferme ne peut être tirée. D'autres recherches sur l'efficacité et l'innocuité de l'AZA et de la 6-MP par rapport à d'autres médicaments actifs dans la rémission chirurgicale de la MC sont nécessaires.

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Contexte: 

La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique et le maintien de la rémission est un problème majeur. De nombreux patients ne parviennent pas à obtenir une rémission avec la prise en charge médicale et nécessitent des interventions chirurgicales. Des analogues de la purine comme l'azathioprine (AZA) et la 6-Mercaptopurine (6-MP) ont été utilisés pour maintenir la rémission chirurgicale de la MC, mais l'efficacité, la tolérance et l’innocuité de ces agents demeurent controversées.

Objectifs: 

Évaluer l'efficacité et l'innocuité des analogues de la purine (AZA et 6-MP) dans le maintien de la rémission induite par la chirurgie dans la MC.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons fait des recherches dans PubMed, MEDLINE, Embase, CENTRAL et au sein du registre spécialisé du groupe Cochrane IBD de sa création au 26 juillet 2018 (et de sa création au 31 juillet 2019). De plus, nous avons fait des recherches dans les bibliographies des études incluses et des revues pertinentes, les communications en congrès et les registres d’enregistrement des études.

Critères de sélection: 

Les essais contrôlés randomisés (ECR) d'une durée d'au moins trois mois portant sur des adultes et des enfants atteints de MC en rémission induite chirurgicalement et comparant l'AZA ou la 6-MP à aucun traitement, à un placebo ou à toute autre intervention active ont été examinés avant inclusion.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont évalué de façon indépendante l'éligibilité de l'essai, ont extrait les données, ont évalué le risque de biais et ont évalué le niveau de preuve à l'aide de l’échelle GRADE. Le critère de jugement principal était la rechute clinique. Les critères de jugement secondaires comprenaient les rechutes endoscopiques, les rechutes radiologiques et chirurgicales, les événements indésirables (EI), les événements indésirables graves (EIG), les sorties de l’étude dû aux EI et la qualité de vie en rapport avec la santé.

Résultats principaux: 

Dix ECR soit un total de 928 participants ont été inclus. Les participants à l'étude étaient des adultes recrutés dans des hôpitaux universitaires et des hôpitaux de gastroentérologie, ils ont reçu des traitements postopératoires d'une durée de 12 à 36 mois. La plupart des participants avaient été recrutés moins de trois mois après l'intervention chirurgicale, sauf dans une étude où les participants avaient été recrutés entre 6 et 24 mois après l'intervention. Une étude a été évaluée comme présentant un faible risque de biais, six études ont été évaluées comme présentant un risque élevé de biais et trois ont été évaluées comme présentant un risque peu clair de biais.

On a constaté avec un niveau de preuve intermédiaire que les analogues puriniques sont plus efficaces que le placebo pour prévenir les rechutes cliniques. Après 12 à 36 mois, 51 % (109/215) des patients recevant de l’AZA/6-MP ont fait une rechute comparativement à 64 % (124/193) des patients recevant du placebo (RR 0,79 ; IC, 95 % : 0,67 à 0,92 ; 408 participants ; 3 études ; I² = 0 % ; niveau de preuve intermédiaire). Le niveau de preuve concernant l'efficacité sur le maintien de la rémission clinique post opératoire de l'AZA ou de la 6-MP comparativement aux composés du 5-ASA était faible. Après 12 à 24 mois, 64 % (113/177) des patients ayant reçu un analogue de la purine ont fait une rechute comparativement à 59 % (101/170) des patients ayant reçu du 5-ASA (RR 1,05 ; IC à 95 % : 0,89 à 1,24 ; 347 participants ; 4 études ; I² = 8 % ; niveau de preuve faible). La niveau de preuve que les analogues de la purine sont inférieurs pour prévenir les rechutes cliniques post-chirurgicales comparativement aux anti-TNF-α était très faible. Après 12 à 24 mois, 43 % (29/67) des participants à l'étude AZA ont fait une rechute comparativement à 14 % (10/72) des participants à l'étude anti-TNF-α (RR 2,89 ; IC à 95 % 1,50-5,57 ; 139 participants ; 3 études ; I² = 0 % ; niveau de preuve très faible).

L'effet des analogues de la purine sur les EI comparativement au placebo ou à tout traitement actif était incertain, car la qualité des données variait de très faible à faible. Après 12 à 24 mois, 14 % (12/87) des participants ayant reçu un analogue de la purine ont présenté un EI comparativement à 10 % (8/81) des participants ayant reçu un placebo (RR 1,36 ; IC à 95 % : 0,57 à 3,27 ; 168 participants ; 2 études ; I² = 0 % ; données peu fiables). L'effet des analogues de la purine sur les EI par rapport aux agents du 5-ASA était incertain. Après 12 à 24 mois, 41 % (73/176) des participants ayant reçu un analogue de la purine présentaient un EI comparativement à 47 % (81/171) des participants ayant reçu du 5-ASA (RR 0,89 ; IC, 95 % : 0,74 à 1,07 ; 346 participants ; 4 études ; I² = 15 % ; données peu fiables). L'effet des analogues de la purine sur les EI par rapport aux agents anti-TNF-α était incertain. Après 12 à 24 mois, 57 % (32/56) des patients recevant du AZA présentaient un EI comparativement à 51 % (31/61) des patients recevant de l’anti-TNF-α (RR 1,13 ; IC, 95 % : 0,83 à 1,53 ; 117 participants ; 2 études ; I² = 0 % ; niveau de preuve faible). Les patients recevant des analogues de la purine étaient plus susceptibles que les patients recevant du 5-ASA d'avoir une EIG (RR 3,39, IC à 95 % : 1,26 à 9,13, 311 participants ; 3 études ; I² = 9 % ; niveau de preuve très faible), ou de se retirer de l’étude en raison d'un EI (RR 2,21, IC à 95 % : 1,28 à 3,81 ; 425 participants ; 5 études ; I² = 0 % ; niveau de preuve faible). Les EI couramment signalés dans toutes les études comprenaient la leucopénie, les arthralgies, les douleurs abdominales ou l’intolérance épigastrique grave, l’élévation des enzymes hépatiques, les nausées et vomissements, la pancréatite, l’anémie, la rhinopharyngite et les flatulences.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Nathalie Zappella et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.