Monitorage, par entropie ou l’analyse de l’EEG cortical, de la profondeur de l'anesthésie pour les adultes et les enfants sous anesthésie générale

Problématique de la revue

Nous voulions évaluer si l'administration de médicaments anesthésiques selon les valeurs indiquées dans le moniteur d'entropie permettrait d'éviter le surdosage ou le sous-dosage de ces médicaments chez les patients.

Contexte

L'anesthésie générale est un état d'inconscience réversible produit par l'administration de médicaments anesthésiques qui permettent aux patients de subir une chirurgie, sans douleur ni souvenir d'événements peropératoires. L'électroencéphalographie (EEG) est une méthode par laquelle des capteurs fixés sur le cuir chevelu sont utilisés pour détecter et enregistrer l'activité électrique du cerveau. Le moniteur d'entropie mesure l'irrégularité des signaux EEG traités et l'affiche sous la forme d’une valeur numérique, indiquant le niveau d'anesthésie.

Une anesthésie sous-dosée peut entraîner le réveil du patient pendant l'intervention chirurgicale, lui faire ressentir de la douleur, l'amener à entendre des conversations et à se rendre compte qu'il est paralysé. Le souvenir de ces expériences à leur réveil peut entraîner une détresse mentale grave, de l'anxiété et une incapacité à vivre normalement. Une anesthésie excessive peut retarder le réveil et augmenter les coûts de l'anesthésie, en plus de contribuer à une augmentation de l'incidence des décès dans les 24 heures ou jusqu'à un an après l'opération.

Un moniteur d'entropie, en affichant des valeurs qui indiquent un niveau approprié d'anesthésie, peut guider l'administration des anesthésiques, sans accroître les risques de se réveiller pendant la chirurgie. De plus, ce monitorage peut accélérer le réveil à la fin de la chirurgie, réduire les coûts et diminuer les risques de décès.

Caractéristiques de la revue

Nous avons inclus les études qui comparaient le monitorage par l'entropie à la pratique standard consistant à administrer des anesthésiques en fonction de la réponse du patient à la chirurgie : changements de la fréquence cardiaque ou de la tension artérielle, larmoiement, transpiration ou mouvements. Les données probantes sont à jour en septembre 2014. Nous avons inclus les adultes et les enfants âgés de 2 à 16 ans. Les participants pouvaient subir tous les types de chirurgie, sauf la chirurgie du cerveau, sous anesthésie générale. Nous avons effectué de nouvelles recherches en janvier 2016. Nous avons identifié une nouvelle étude potentiellement intéressante ; nous l'intégrerons dans les résultats officiels de la revue lors de sa mise à jour.

Résultats principaux

Nous avons trouvé 11 études, avec un total de 962 participants.

Six études (383 participants) ont trouvé que le temps de réveil était légèrement plus court pour le groupe de monitorage par entropie. Aucune étude ne rapportait les décès survenus dans les 24 heures suivant l'intervention ou dans les 30 jours à un an suivant l'intervention.

Huit études (797 participants) ont évalué le souvenir des événements peropératoires (perception). Les effets indésirables sont rares et les bénéfices ne sont pas manifestes.

Les 11 études ont toutes comparé l'utilisation des anesthésiques : six ont comparé le propofol (administré par intraveineuse) et cinq ont évalué les gaz anesthésiques (sévoflurane ou isoflurane). Un nombre limité d’études a été analysé en raison des différences de méthodologie et d'unités de mesure. L'analyse de trois études (166 participants) a révélé une réduction de l'utilisation du propofol, et deux études (156 participants) ont révélé une baisse de l'utilisation du sévoflurane dans le groupe de monitorage par entropie.

Aucune étude n'a rapporté le coût de l'anesthésie générale. Trois études ont révélé une durée de séjour plus courte dans l'unité de soins post-anesthésiques (UPS) pour le groupe de monitorage par entropie.

Qualité des données probantes

Les données probantes sont de qualité moyenne concernant l’évaluation de la réduction du temps avant le réveil, la mémorisation peropératoire et la quantité d'agents anesthésiques administrés par inhalation. La qualité des données probantes est faible en ce qui concerne l'anesthésique intraveineux utilisé et la durée du séjour dans la salle de surveillance post-interventionnelle.

Conclusions des auteurs: 

Les données relatives au délai avant le réveil, à la mémorisation peropératoire et à la réduction de l'utilisation des anesthésiques par inhalation étaient d'une qualité moyenne. La qualité des données probantes s’est avérée faible en ce qui concerne la réduction de l'utilisation du propofol par voie intraveineuse, ainsi que le temps nécessaire pour quitter l'unité de soins post-anesthésiques. Comme les données sont limitées, il faudra mener d'autres études auprès d'un plus grand nombre de participants pour déterminer les avantages du monitorage par entropie.

D'autres études sont nécessaires pour évaluer l'effet du monitorage par entropie sur des questions centrales comme la mortalité à court et à long terme, ainsi que le coût de l'anesthésie générale.

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Contexte: 

Les anesthésiques administrés pendant l'anesthésie générale sont titrés en fonction des réponses sympathiques ou somatiques aux stimuli chirurgicaux. Il est maintenant possible de mesurer la profondeur de l'anesthésie par électroencéphalographie (EEG). Entropy, un moniteur basé sur l'EEG, peut être utilisé pour évaluer la profondeur de l'anesthésie à l'aide d'une bande d'électrodes appliquées sur le front. Ce dispositif peut guider l'administration du médicament anesthésique peropératoire.

Objectifs: 

L'objectif principal de cette revue était d'évaluer l'efficacité du monitorage par entropie dans l’accélération d’une guérison après une anesthésie générale. Nous voulions également évaluer la mortalité à 24 heures, 30 jours et un an après une anesthésie générale avec monitorage par entropie.

Les objectifs secondaires étaient d'évaluer l'efficacité du moniteur d'entropie dans la prévention de la mémorisation peropératoire suivant une anesthésie générale ; la réduction de la quantité de médicaments anesthésiques utilisés ; la réduction du coût de l'anesthésique ainsi que la réduction du temps nécessaire pour quitter l'unité de soins post-anesthésiques.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons fait des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL ; 2014, numéro 10), MEDLINE via Ovid SP (1990 à septembre 2014) et EMBASE via Ovid SP (1990 à septembre 2014). Nous avons relancé la recherche dans CENTRAL, MEDLINE via Ovid SP et EMBASE via Ovid SP en janvier 2016. Nous avons ajouté une nouvelle étude potentiellement intéressante à la liste des "études en attente de classification" et nous l’intégrerons aux résultats officiels de la revue lors de sa mise à jour.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus les essais contrôlés randomisés (ECR) menés chez des adultes et des enfants (âgés de plus de deux ans) dans lesquels l’anesthésie était titrée grâce à un monitorage par entropie dans un groupe tandis que dans l’autre l’administration de l’anesthésique était titrée par la technique standard (augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle moyenne, larmoiement, mouvement en réponse à des stimulus chirurgicaux nocifs). Nous avons également inclus les essais avec un troisième bras supplémentaire, où un autre moniteur d'EEG, le moniteur d'indice bispectral (BIS), a été utilisé pour évaluer la profondeur de l'anesthésie.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons utilisé les procédures méthodologiques standard de Cochrane. Deux auteurs de la revue ont extrait de façon indépendante les détails sur la méthodologie et les résultats des essais jugés admissibles à l'inclusion. Toutes les analyses ont été effectuées en intention de traiter. Nous avons utilisé un modèle à effets aléatoires en cas d’hétérogénéité. Pour évaluer la qualité globale des données probantes de chaque critère de jugement appuyé par des données regroupées provenant d'ECR, nous avons abaissé d'un niveau les données probantes de "haute qualité" dans le cas de limites graves (ou de deux niveaux pour les limites très graves) des études (risque de biais, caractère indirect des preuves, incohérence grave, imprécision des effets ou biais de publication potentiel).

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 11 ECR (962 participants). Huit ECR (762 participants) ont été réalisés sur des adultes (18 à 80 ans), deux ECR (128 participants) sur des enfants (2 à 16 ans) et un ECR (72 participants) sur des patients âgés de 60 à 75 ans. Sur les 11 études incluses, nous en avons jugé trois à faible risque de biais et les huit autres à risque élevé ou incertain de biais.

Six ECR (383 participants) donnaient une estimation du critère principal, soit le délai avant le réveil après l'arrêt de l'anesthésie générale. Celui-ci a été réduit dans le groupe de monitorage par entropie par rapport au groupe concerné par la pratique standard (différence moyenne (DM) -5,42 minutes, intervalle de confiance (IC) à 95 % -8,77 à -2,08 ; preuves de qualité moyenne). Nous avons noté une hétérogénéité pour ce critère. Lors de l'analyse en sous-groupes, nous avons constaté que cette hétérogénéité était due à des études qui comprenaient des participants ayant subi des chirurgies majeures de longue durée (pontage aortocoronarien hors pompe, chirurgie urologique majeure). La DM pour le délai avant l'éveil était de -3,20 minutes (IC à 95 % : -3,94 à -2,45 minutes) dans quatre études sur les interventions ambulatoires. Aucun essai n'a donné d’indications sur le deuxième critère principal qui concernait la mortalité à 24 heures, 30 jours et un an avec l'utilisation du monitorage par entropie.

Huit essais (797 participants) ont comparé le critère secondaire de la mémorisation des événements peropératoires dans les groupes concernés par un monitorage par entropie et ceux concernés par la pratique courante. Un seul patient du groupe de pratique standard a déclaré s’être rappelé des événements et expériences s'étant déroulés au cours de l'opération, ce qui rend difficile une estimation pertinente des avantages du monitorage par entropie ; la qualité des données probantes est modérée.

Les 11 ECR ont comparé la quantité d'anesthésique utilisée entre le groupe de monitorage par l’entropie et le groupe de pratique standard. Six ECR ont comparé la quantité de propofol, quatre ont comparé la quantité de sévoflurane et un la quantité d'isoflurane utilisée entre les groupes. L'analyse de trois études (166 participants) a révélé que la DM de la consommation de propofol entre le groupe d’entropie et le groupe témoin était de -11,56 mcg/kg/min (IC à 95 % -24,05 à 0,92) ; la qualité des preuves était faible. L'analyse de deux autres études (156 participants) a montré que la DM dans la consommation de sévoflurane dans le groupe concerné par l’entropie par rapport au groupe témoin était de -3,42 mL (IC à 95 % : -6,49 à -0,35) ; qualité modérée des données.

Aucun essai n'a rapporté le critère secondaire du coût de l'anesthésie générale.

Trois essais (170 participants) ont estimé la différence moyenne de temps pour quitter l'unité de soins post-anesthésiques entre le groupe concerné par l’entropie par rapport au groupe témoin (DM -5,94 minutes, IC à 95 % -16,08 à 4,20 ; faible qualité des preuves). Une hétérogénéité a été constatée, résultant de la différence de technique anesthésique (anesthésie générale à base de propofol) dans une étude. Les deux autres études avaient utilisé des anesthésiques volatils. Avec ces deux études, la différence temporelle moyenne pour quitter l'unité de soins post-anesthésiques était de -4,17 minutes (IC à 95 % : -6,84 à -1,51).

Notes de traduction: 

Post-édition : Maud Bénard - Révision : Tiphaine André (M2 ILTS, Université Paris Diderot)

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.