Héparine de bas poids moléculaire dans la prévention l'obstruction des vaisseaux sanguins dans la réimplantation des doigts ou des orteils replantés après une amputation

Contexte

La chirurgie microvasculaire désigne toute intervention chirurgicale portant sur des vaisseaux sanguins de petite taille et réalisée à l’aide d’un microscope opératoire, permettant, par exemple, de réparer les artères et les veines de parties amputées du corps. Ces vaisseaux ont généralement un diamètre de 1 à 2 mm. La réimplantation est le ré-attachement d'une partie du corps complètement détachée, les doigts et les pouces étant les parties du corps les plus couramment réimplantées. Cette procédure est souvent désignée par réimplantation de doigts. En principe, la réimplantation des doigts consiste non seulement à rétablir le flux sanguin dans les artères et les veines, mais aussi à restaurer le squelette osseux des orteils, des doigts ou des pouces, ainsi qu'à réparer les tendons et les nerfs, si nécessaire. L'occlusion (blocage) d'un ou plusieurs des vaisseaux réparés en raison de la formation d'un caillot dans le vaisseau sanguin peut entraîner l'échec de la réimplantation. Des médicaments anticoagulants sont utilisés pour réduire la coagulation, et ils pourraient potentiellement prévenir une telle complication. Les anticoagulants tels que l'héparine non fractionnée (HNF) ont par conséquent été utilisés pour prévenir la formation d'un caillot après la réimplantation de doigt. Il n'a pas été clairement établi que l'héparine de bas poids moléculaire (HBPM) induise des bénéfices similaires.

Principaux résultats

Un essai contrôlé randomisé (ECR) est une étude clinique dans laquelle les personnes ont une chance égale de recevoir le traitement ou un comparateur. Cette revue systématique a identifié quatre ECR comparant les HBPM avec les HNF ou avec l’absence d’HBPM. Les essais ont inclus un total de 258 personnes avec au moins 273 doigts ou orteils (doigts) réimplantés. Les données probantes sont à jour au 17 mars 2020. Les essais différaient quant aux résultats qu'ils rapportaient et à la manière dont ils les rapportaient, de sorte que nous ne pouvions pas combiner toutes les informations.

Trois essais n'ont pas montré de données probantes indiquant un bénéfice de l'HBPM par rapport à l'HNF en ce qui concerne le taux de réussite de la réimplantation, l'insuffisance microvasculaire due à l'occlusion des vaisseaux (mauvaise circulation sanguine due à l'obstruction des petits vaisseaux) et les effets secondaires tels que les saignements. Dans une étude, il n'y avait pas de données probantes indiquant de différences claires entre l'utilisation d’HBPM ou l'absence d’HBPM dans le taux de réussite de la réimplantation. De même, il n'y avait pas de données probantes indiquant de différences claires dans l'incidence de la réduction du flux sanguin (microcirculation compromise) nécessitant une nouvelle chirurgie microvasculaire (réexploration ou incision), ou de causes d'insuffisance microvasculaire due à un blocage des vaisseaux, dans l'étude qui a été analysée par doigts ou par personnes.

Les données probantes limitées, que nous avons jugées de faible à très faible niveau de confiance, suggèrent qu'il n'y a pas de bénéfice clair de l'HBPM pour augmenter le taux de succès de la réimplantation ou pour prévenir l'occlusion microvasculaire dans la réimplantation des doigts, par rapport à l'HNF ou à l'absence d'HBPM

Niveau de confiance des données probantes

Le niveau de confiance globale des données probantes est très faible en raison des limites de la conception de l’étude et du rapport des données. Par exemple, les études n'ont pas mis en place de mesures pour cacher à une personne quel traitement elle avait suivi, et elles ont rapporté de résultats qui n'étaient pas mentionnés dans le plan initial. La taille de l'échantillon des études incluses n'était pas assez importante pour fournir des estimations précises de l'effet. Il est nécessaire de mener des études de grande envergure qui visent à réduire ces limites.

Conclusions des auteurs: 

Il existe actuellement des données probantes d’un niveau de confiance faible à très faible, basées sur quatre ECR, suggérant qu’il n’existe pas de données probantes indiquant un bénéfice de l'héparine de bas poids moléculaire (HBPM) par rapport à l'héparine non fractionnée (HNF) sur les taux de réussite de la réimplantation ou d’apparition d’insuffisance micro-vasculaire due à l'occlusion des vaisseaux (analysée par doigt ou par participant). Les HBPM ont eu des taux de réussite similaires en matière de réimplantation ; et le taux d'incidence de l'insuffisance micro-vasculaire veineuse et artérielle n'a pas montré de données probantes indiquant une différence entre les groupes HBPM et l’absence d’HBPM (analyse par doigts). Des taux similaires de complications et d'effets indésirables ont été observés entre les HNF et les HBPM. Il n'y avait pas suffisamment de données probantes pour tirer des conclusions sur un quelconque effet sur la coagulation lorsque l'on comparait les HBPM à l'HNF ou à l'absence d'HBPM. Le niveau de confiance des données probantes a été revu à la baisse en raison d’un biais de performance et de déclaration, ainsi que de l'imprécision des résultats. D'autres études suffisamment poussées sont nécessaires pour fournir des données probantes d’un niveau de confiance élevé.

Lire le résumé complet...
Contexte: 

La réussite de la réimplantation de doigt dépend considérablement de la perméabilité des vaisseaux réparés après l'anastomose micro-vasculaire. Des agents antithrombotiques sont fréquemment utilisés pour prévenir l'occlusion vasculaire. L'héparine de bas poids moléculaire (HBPM) s'est avérée aussi efficace que l'héparine non fractionnée (HNF) en chirurgie vasculaire périphérique, mais avec moins d'effets indésirables. Son intérêt en chirurgie micro-vasculaire comme la réimplantation de doigt reste indéterminé. Il s'agit d'une mise à jour de la revue publiée pour la première fois en 2013.

Objectifs: 

Évaluer si le traitement sous-cutané par HBPM améliore le taux de sauvetage des doigts chez les patients faisant l'objet d'une réimplantation de doigts après une amputation traumatique.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le spécialiste de l'information du groupe Cochrane sur les maladies vasculaire a effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires, dans les bases de données CENTRAL, MEDLINE, Embase, AMED et CINAHL, ainsi que dans les registres des essais cliniques du système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS et de ClinicalTrials.gov, jusqu'au 17 mars 2020. Les auteurs ont effectué des recherches dans PubMed, China National Knowledge Infrastructure (CNKI) et Chinese Electronic Periodical Services (CEPS) à la date du 17 mars 2020 et ont cherché des essais supplémentaires dans les références bibliographiques de publications pertinentes.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés ou quasi randomisés comparant le traitement par HBPM à tout autre traitement chez des participants ayant reçu une réimplantation des doigts suite à une amputation traumatique des doigts.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de l'étude (PL, CC) ont indépendamment extrait les données et évalué le risque de biais des essais inclus en utilisant l'outil « Risque de biais » de Cochrane. Les désaccords ont été résolus par la discussion. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes à l'aide de la méthode GRADE.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus deux nouveaux essais randomisés à cette mise à jour, ce qui porte à quatre le nombre total d'essais inclus. Un total de 258 participants, avec au moins 273 doigts, provenant d'hôpitaux en Chine ont été inclus. Trois études ont comparé l’HBPM avec l’HNF, et une a comparé l’HBPM avec l’absence d’HBPM. L'âge moyen des participants varie de 24,5 à 37,6 ans. Les études relevant le sexe des participants ont porté sur 145 hommes et 59 femmes au total. Le niveau de confiance des données probantes a été abaissé à faible ou très faible parce car toutes les études présentaient un risque élevé de biais de performance ou de déclaration (ou les deux) et que les résultats étaient imprécis en raison du petit nombre de participants.

Les trois études comparant les HBPM et les HNF ont rapporté le taux de réussite de la réimplantation en utilisant différentes unités d'analyse (participant ou chiffre), nous n'avons donc pas pu combiner les données des trois études (une étude a rapporté des résultats à la fois pour les participants et les doigts). Nous n’avons pas observé de données probantes indiquant un bénéfice concernant la réussite de la réimplantation dans le groupe des HBPM par rapport à celui des HNF, même si les résultats aient été rapportés par nombre de participants (risque relatif (RR) 0,98, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,87 à 1,10 ; 130 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ; ou par nombre de doigts (RR 0,97, IC à 95 % 0,90 à 1,04 ; 200 doigts, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Aucune étude n'a fait état de l'incidence d'une microcirculation compromise nécessitant une thérapie chirurgicale ou non chirurgicale, ou de toute cause systémique ou autre d'insuffisance micro-vasculaire. Il n'y avait pas de données probantes indiquant une différence claire entre les groupes d'HBPM et d'HNF en ce qui concerne l'occlusion artérielle (RR 1,08, IC à 95% 0,16 à 7,10 ; 54 participants, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) ou l'occlusion veineuse (RR 0,81, IC à 95 % 0,20 à 3,27 ; 54 participants, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Deux études ont fait état d'effets indésirables. Les groupes HBPM et HNF n'ont pas montré de données probantes indiquant de différence dans les saignements de plaies (RR 0,53, IC à 95 % 0,23 à 1,23 ; 130 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance faible), l'hématurie (RR 0,43, IC à 95 % 0,09 à 2,11 ; 130 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), les ecchymoses (RR 0,82, IC à 95 % 0,21 à 3,19 ; 130 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), l'épistaxis (RR 0.27, IC à 95 % 0,03 à 2,32 ; 130 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), les saignements gingivales (RR 0,18, IC à 95 % 0,02 à 1,43 ; 130 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible) et le sang occulte fécal (RR 0,27, IC à 95 % 0,03 à 2,31 ; 130 participants, 2 études ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Nous n'avons pas pu mettre en commun les données sur les anomalies de la coagulation car les trois études ont utilisé des définitions et des tests différents.

Une étude a comparé les HBPM à l’absence d’HBPM. Le taux de réussite de la réimplantation, lorsqu'il est analysé par doigts, est de 91,2 % dans le groupe des HBPM et de 82,1 % dans le groupe témoin (RR 1,11, IC à 95 % 0,93 à 1,33 ; 73 doigts, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Une microcirculation compromise nécessitant une ré-exploration chirurgicale, analysée par doigts, était de 11,8 % dans le groupe des HBPM et de 17,9 % dans le groupe témoin (RR 0,86, IC à 95% 0,21 à 3,58 ; 73 doigts, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). Une microcirculation compromise nécessitant une incision s'est produite dans cinq des 34 doigts (14,7 %) du groupe des HBPM et dans huit des 39 doigts (20,5 %) du groupe témoin (RR 0,72, IC à 95% 0,26 à 1,98 ; 73 chiffres ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). L'insuffisance micro-vasculaire due à une occlusion artérielle, analysée par doigts, était de 11,8 % dans le groupe des HBPM et de 17,9 % dans le groupe témoin (RR 0,66, IC à 95% 0,21 à 2,05 ; 73 doigts, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance très faible), et l'occlusion veineuse était de 14,7 % dans le groupe des HBPM et de 20,5 % dans le groupe témoin (RR 0,72, IC à 95 % 0,26 à 1,98 ; 73 doigts, 1 étude ; données probantes d’un niveau de confiance très faible). L'étude n'a pas fait état de complications ou d'effets indésirables.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Valentin Arrous et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

Tools
Information

Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.