L'ajout d'une dose unique de primaquine au traitement du paludisme pour empêcher la transmission de la maladie

Cette traduction n'est pas à jour. Veuillez cliquer ici pour voir la dernière version de cette revue en anglais.

Nous avons examiné les effets de l'ajout d'une dose unique (ou d'un traitement de courte durée) de primaquine au traitement du paludisme dans le but de réduire la transmission de l'infection. Nous avons effectué des recherches dans la littérature jusqu'au 5 janvier 2015 et inclus 17 essais contrôlés randomisés (ECR) et un quasi-ECR.

Qu'est-ce que la primaquine et comment pourrait-elle réduire la transmission du paludisme

La primaquine est un médicament antipaludique qui ne guérit pas la maladie du paludisme mais agit en tuant le parasite du paludisme au stade gamétocyte, qui passe aux moustiques lorsqu'ils piquent les humains infectés. La primaquine a toutefois aussi des effets secondaires potentiellement graves chez les personnes souffrant de déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD), une déficience enzymatique commune dans de nombreux contextes d'endémie palustre. Chez ces personnes, de fortes doses de primaquine administrées sur plusieurs jours endommagent les globules rouges et provoquent l'anémie, des événements qui peuvent s'avérer mortels.

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande d'ajouter une dose unique de primaquine au traitement du paludisme à falciparum dans l'optique de réduire la transmission du paludisme et de contribuer à son élimination. En 2013, l'OMS a modifié cette orientation, réduisant la dose recommandée de primaquine de 0,75 mg/kg à 0,25 mg/kg afin de réduire le risque d'hémolyse, des preuves indirectes ayant suggéré une efficacité similaire de ces doses.

Qu'en disent les recherches

Nous n'avons trouvé aucune étude admissible ayant évalué si l'ajout de la primaquine au traitement du paludisme réduisait la transmission communautaire du paludisme.

Nous n'avons trouvé aucune étude évaluant les effets de la primaquine sur le nombre de moustiques infectés lorsque celle-ci est ajoutée aux traitements actuellement recommandés pour le paludisme (traitement combiné à base d'artémisinine). Cependant, la primaquine réduit effectivement la durée de l'infectiosité de l'hôte humain pour les moustiques (définie comme la période pendant laquelle des gamétocytes sont détectés dans le sang) lorsqu'elle est administrée à des doses supérieures à 0,6 mg/kg (preuves de qualité élevée) et à des doses comprises entre 0,4 et 0,6 mg/kg (preuves de qualité modérée). Nous avons trouvé une seule étude utilisant une dose de 0,1 mg/kg, dont l'estimation était cohérente avec une réduction de plus petite taille dans le nombre de gamétocytes, mais l'analyse était de faible puissance et n'a pas atteint la signification statistique (preuves de faible qualité).

Parmi les études plus anciennes dans lesquelles la primaquine était associée à des traitements qui ne sont pas recommandés aujourd'hui, deux études montrent que la primaquine à des doses de 0,75 mg/kg réduisait le nombre de moustiques infectés après avoir piqué l'homme (preuves de faible qualité). Les doses supérieures à 0,4 mg/kg réduisaient la durée pendant laquelle des gamétocytes étaient détectables (preuves de qualité élevée). Aucune étude n'a examiné l'utilisation de la primaquine à la faible dose recommandée actuellement.

Dans certaines études, les patients présentant un déficit en G6PD étaient exclus, dans d'autres ils étaient inclus et d'autres encore n'ont pas renseigné cette question. Dans l'ensemble, la sécurité de la primaquine administrée en une seule dose était mal évaluée dans ces études, de sorte que ces données ne démontrent pas si ce médicament est sûr ou potentiellement dangereux aux niveaux de dosage actuellement recommandés.

Conclusions des auteurs: 

Chez des patients individuels, la primaquine ajoutée aux traitements du paludisme réduit la prévalence de gamétocytes, mais ce résultat est basé sur des essais ayant utilisé des doses de plus de 0,4 mg/kg. Il a rarement été vérifié dans le cadre d'essais contrôlés si cela se traduit par la prévention de la transmission du paludisme de l'humain aux moustiques, mais il semblait y avoir une forte réduction de l'infectiosité dans les deux petites études ayant évalué ce paramètre. Aucun essai inclus n'a évalué si cette politique avait un impact sur la transmission communautaire du paludisme.

Pour ce qui est du traitement à faible dose recommandé aujourd'hui, les preuves directes existantes sont insuffisantes pour pouvoir affirmer avec certitude que l'effet de réduction dans la prévalence de gamétocytes est préservé, ou que ce traitement est sans danger chez les personnes présentant un déficit en G6PD.

Lire le résumé complet...
Contexte: 

Les moustiques sont infectés par le Plasmodium lorsqu'ils ingèrent le parasite au stade gamétocytaire dans le sang d'une personne infectée. Les gamétocytes duPlasmodium falciparum sont sensibles aux 8-aminoquinoléines (8AQ), et ces médicaments pourraient donc prévenir la transmission du parasite des personnes infectées aux moustiques et réduire ainsi l'incidence du paludisme. Toutefois, utilisés de cette façon, ces médicaments ne bénéficieront pas directement à l'individu.

En 2010, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a recommandé d'associer une dose unique de primaquine (PQ) à 0,75 mg/kg au traitement du paludisme à P. falciparum afin de réduire la transmission dans les zones approchant l'élimination du paludisme. En 2013, l'OMS a révisé cette recommandation à 0,25 mg/kg pour réduire le risque d'inconvénients chez les personnes présentant un déficit en G6PD.

Objectifs: 

Évaluer les effets de la primaquine (ou d'un autre 8AQ) administrée conjointement au traitement pour le paludisme à P. falciparum sur la transmission du paludisme et la survenue d'événements indésirables.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans les bases de données suivantes jusqu'au 5 janvier 2015 : registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies infectieuses ; registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL), publié dans la Bibliothèque Cochrane (numéro 1, 2015) ; MEDLINE (de 1966 au 5 janvier 2015) ; EMBASE (de 1980 au 5 janvier 2015) ; LILACS (de 1982 au 5 janvier 2015) ; le méta-registre des essais contrôlés (mREC) ; ainsi que le portail de recherche d'essais de l'OMS en utilisant comme termes de recherche « malaria* », « falciparum », « primaquine », « 8-aminoquinoline » et huit noms de médicaments 8AQ particuliers.En outre, nous avons consulté des actes de conférences et des bibliographies des études incluses, et contacté des chercheurs et des organisations.

Critères de sélection: 

Essais contrôlés randomisés (ECR) ou quasi-ECR chez l'enfant ou l'adulte comparant la primaquine (ou un autre 8AQ) en dose unique ou en traitement de courte durée associée au traitement du paludisme à P. falciparum avec le même traitement du paludisme sans primaquine/8AQ.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont, de manière indépendante, examiné tous les résumés, appliqué les critères d'inclusion et extrait les données. Nous avons cherché des éléments de preuve d'un impact sur la transmission (incidence communautaire), l'infectiosité (moustiques infectés par l'humain) et l'infectiosité potentielle (mesures de gamétocytes). Nous avons calculé l'aire sous la courbe (ASC) de la densité de gamétocytes au cours du temps pour les comparaisons pour lesquelles des données étaient disponibles. Nous avons également recherché des données sur les effets indésirables, hématologiques et autres, sur le temps de clairance parasitaire du cycle asexué et sur la recrudescence. Nous avons stratifié l'analyse en traitements à base d'artémisinine et sans artémisinine ainsi que par dose de primaquine (faible < 0,4 mg/kg ; moyenne ≥ 0,4 à < 0,6 mg/kg ; élevée ≥ 0,6 mg/kg). L'approche GRADE a été adoptée pour évaluer la qualité des preuves.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 17 ECR et un quasi-ECR. Le statut en G6PD était évalué dans huit essais : six d'entre eux ont exclu les participants présentant un déficit en G6PD, un n'a inclus que les participants présentant un déficit en G6PD et le dernier les a tous inclus indépendamment de leur statut. Parmi les 10 essais restants, huit n'indiquaient pas si le statut en G6PD avait été évalué et deux indiquaient qu'il ne l'avait pas été.

Neuf essais comportaient des bras d'étude avec des traitements à base d'artémisinine et onze des bras avec des traitements sans artémisinine.

Un seul essai évaluait la primaquine administrée en dose unique de moins de 0,4 mg/kg.

Primaquine associée aux traitements à base d'artémisinine : Aucun essai n'a évalué directement les effets sur la transmission du paludisme (incidence, prévalence ou taux d'inoculation entomologique) et aucun n'a évalué l'infectiosité pour les moustiques. En termes de l'infectiosité potentielle, la proportion de personnes avec une gamétocytémie détectable au huitième jour a été réduite de près de deux tiers dans la catégorie de primaquine à dose élevée (RR 0,29 ; intervalle de confiance (IC) à 95 % de 0,22 à 0,37 ; sept essais, 1 380 participants, preuves de qualité élevée) et dans la catégorie de primaquine à dose moyenne (RR 0,30 ; IC à 95 % de 0,16 à 0,56 ; un essai, 219 participants, preuves de qualité modérée). Dans la catégorie à faible dose, l'ampleur de l'effet était plus petite et les IC à 95 % comprennent la possibilité d'une absence d'effet (dose : 0,1 mg/kg : RR 0,67 ; IC à 95 % de 0,44 à 1,02 ; un essai, 223 participants, preuves de faible qualité). Les réductions dans les estimations de l'ASC log(10) pour la gamétocytémie sur jours 1-43 allaient de 24,3 % à 87,5 % avec des doses moyennes et élevées. Pour ce qui est de l'hémolyse, un essai rendait compte du changement en pourcentage de l'hémoglobine moyenne par rapport à l'inclusion et n'a pas détecté de différence entre les deux bras (preuves de qualité très faible ).

Primaquine associée aux traitements sans artémisinine : Aucun essai n'a évalué directement les effets sur la transmission du paludisme. Deux petits essais d'un même laboratoire chinois ayant évalué l'infectiosité pour les moustiques indiquaient que l'infectiosité avait été éliminée au jour 8 chez 15/15 patients ayant reçu la primaquine à dose élevée par rapport à 1/15 dans le groupe témoin (preuves de faible qualité ). Pour ce qui est de l'infectiosité potentielle, la proportion de personnes avec une gamétocytémie détectable au 8ème jour a été réduite de trois cinquièmes dans la catégorie de primaquine à dose élevée (RR 0,39 ; IC à 95 % de 0,25 à 0,62 ; quatre essais, 186 participants, preuves de qualité élevée) et d'environ deux cinquièmes dans la catégorie de dose moyenne (RR 0,60 ; IC à 95 % de 0,49 à 0,75 ; un essai, 216 participants, preuves de qualité élevée), aucun essai dans la catégorie de primaquine à faible dose ne rendant compte de ce critère. Les réductions dans les estimations de l'ASC log(10) pour la gamétocytémie sur jours 1-43 étaient de 24,3 % et 27,1 % dans deux bras d'un essai ayant administré la primaquine à dose moyenne. Aucun essai n'a systématiquement recherché des preuves sur l'hémolyse.

Deux essais ont évalué la bulaquine, un 8AQ, et suggèrent que les effets pourraient être plus importants qu'avec la primaquine, mais le petit nombre de participants (N = 112) empêche toute conclusion définitive.

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Cochrane France

Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.