Épinglage par la peau pour le traitement des fractures du poignet chez l'adulte

Contexte

Les poignets cassés sont des fractures de l'extrémité inférieure du radius, l'un des deux os de l'avant-bras. On les trouve généralement chez les personnes âgées, lorsqu’elles tendent la main pour amortir une chute. Les os cassés se retrouvent souvent écartés, ce qui entraîne une fracture "déplacée".

Pour la plupart des poignets cassés, les os peuvent être recollés (réduits) et maintenus en place sans opération par un plâtre pendant quelques semaines. Lorsque les fractures sont instables, les parties ne restent pas ensemble. Une autre façon de traiter les poignets cassés consiste à maintenir les os en place par une procédure chirurgicale, comme l'épinglage percutané. Cela implique l'insertion de broches ou de fils à travers la peau (percutanée) pour maintenir les os dans une position correcte pendant qu'ils guérissent. Dans la plupart des méthodes d'épinglage, des broches ou des fils sont utilisés pour fixer les fragments. Dans le cas de l'embrochage de Kapandji, les fils sont placés pour soutenir le fragment distal (extrémité inférieure).

Méthodes

Ceci est une mise à jour d’une revue Cochrane publiée pour la première fois en 2007. Nous avons examiné les données provenant d'essais contrôlés randomisés testant l'utilisation de l'épinglage percutané ou comparant les aspects de ce dernier. Au préalable, nous exposons les principaux critères de jugement : fonction déclarée par le patient, nombre de participants présentant des complications et nécessitant un traitement supplémentaire, force de préhension et qualité de vie liée à la santé. Nous avons consulté des bases de données médicales jusqu'en juin 2019.

Résultats de la recherche

26 études randomisées ont été incluses. Elles regroupaient 1946 adultes, généralement âgés et de sexe féminin, présentant des fractures du poignet potentiellement instables. Les études ont testé l'une des dix comparaisons et dans l’ensemble, ne rapportaient pas suffisamment des données sur les critères de jugement. Nous présentons ci-dessous uniquement les principaux critères de jugement dont les données étaient disponibles.

Principaux résultats

Onze essais ont comparé l'épinglage percutané à l'immobilisation par plâtre. Nous ne savons pas si l'épinglage engendre une différence concernant la fonction déclarée par le patient à six semaines ou à six mois (selon une étude). Il n'y avait pas de données sur le nombre de participants ayant eu des complications. Un nouveau déplacement de la fracture entraînant un traitement supplémentaire s'est produit en moyenne chez une personne sur huit ayant reçu seulement un plâtre (selon six études). Les complications liées à la chirurgie, telles que des infections nécessitant des antibiotiques et parfois des ablations précoces des fils, se produisent en moyenne chez une personne sur treize pour le groupe épinglage (selon sept études). Nous ne savons pas s'il existe une différence entre les deux traitements en ce qui concerne le risque d'autres complications. Nous sommes incertains des effets de l'épinglage sur la force de préhension à 12 mois (quatre essais) ou sur la qualité de vie à quatre mois (une étude).

Sur les six études comparant différentes techniques d'épinglage, une a comparé l'embrochage de Kapandji avec une méthode destinée aux fractures transversales. Nous ne savons pas si l'embrochage de Kapandji augmente le risque de complications et s’il existe une faible différence de force de préhension entre les groupes.

Deux études ont comparé des broches biodégradables (dissolvables) à des fils métalliques, en utilisant deux techniques d'épinglage très différentes. Toutes deux ont constaté un excès de complications liées à l'utilisation de matériaux biodégradables.

Trois études ont comparé l’enfouissement des extrémités des fils sous la peau avec le fait de les laisser exposées. Nous ne savons pas si l'enfouissement des fils réduit le risque d'infection superficielle. Cependant, l'enfouissement des fils peut nécessiter un traitement plus invasif pour le retrait.

Habituellement, le poignet est placé dans un plâtre après avoir été épinglé. Nous ne savons pas si la position du poignet dans le plâtre a une incidence sur le risque de complications ou sur la force de préhension (selon une étude). Trois études ont comparé la mobilisation précoce après une semaine à l’immobilisation par plâtre pendant quatre ou six semaines. Une étude utilisant l'embrochage de Kapandji a rapporté plus de complications pour la mobilisation précoce mais l'effet de la mobilisation précoce sur les complications globales ou la force de préhension est incertain.

Aucune étude n'a testé différentes méthodes ou moments de retrait des broches.

Qualité des données

Les 26 études présentaient toutes des faiblesses susceptibles d'affecter la fiabilité de leurs résultats. Nous avons considéré que les données de tous les résultats rapportés ainsi que toutes les comparaisons étaient de faible ou, globalement, de très faible qualité. Cela signifie que les résultats sont incertains.

Conclusions

Cette revue a conclu que les données sont insuffisantes pour informer sur le rôle de l'épinglage percutané et les décisions de traitement associées. Bien que des recherches plus approfondies soient nécessaires, nous conseillons d'attendre les résultats d'une grande étude en cours comparant le traitement par épinglage avec celui par plâtre.

Conclusions des auteurs: 

Dans l'ensemble, il n'y a pas suffisamment de données probantes d'ECR pour informer sur le rôle de l'épinglage percutané par rapport à l'immobilisation par plâtre seule ou sur les décisions de traitement associées telles que la méthode d'épinglage, l'enfouissement ou non des extrémités des fils, la position du poignet et la durée d’immobilisation après épinglage. Bien que les preuves soient de très faible qualité, les graves complications associées aux matériaux biodégradables sont à noter. Nous conseillons d'attendre les résultats d'une grande étude en cours comparant l'épinglage au traitement par plâtre, car cela pourrait contribuer à éclairer les futures recherches.

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Contexte: 

La fracture du radius distal est une situation clinique courante. Une méthode clé de fixation chirurgicale est l'épinglage percutané qui consiste à insérer des fils à travers la peau pour stabiliser la fracture. Il s'agit d'une mise à jour d'une revue Cochrane publiée en 2007.

Objectifs: 

Évaluer les effets (bénéfiques et néfastes) de l'épinglage percutané par rapport à l'immobilisation par plâtre seule, mais également les effets des différentes méthodes et techniques d'épinglage percutané, les modalités ou la durée de l'immobilisation après l'épinglage, et les méthodes ainsi que le moment du retrait de la broche ou du fil pour le traitement des fractures du radius distal chez les adultes. Nous nous sommes surtout concentrés sur les fractures avec déplacement dorsal.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé «Cochrane Bone, Joint and Muscle Trauma Group», le registre central Cochrane des essais contrôlés, MEDLINE, Embase, les registres des essais, les actes de conférences et les listes de référence des articles jusqu'en juin 2019.

Critères de sélection: 

Des essais cliniques contrôlés randomisés ou quasi-randomisés impliquant des adultes souffrant d'une fracture du radius distal, qui ont soit comparé l'épinglage percutané avec un traitement non chirurgical ou soit ses différents aspects. Nos principaux critères de jugement sont les suivants : fonction déclarée par le patient à court terme (jusqu'à trois mois), à moyen terme (de trois à douze mois) et à long terme (plus de douze mois) ; nombre global de participants présentant des complications nécessitant un traitement secondaire et toute autre complication ; force de préhension et qualité de vie liée à la santé à douze mois.

Recueil et analyse des données: 

Au moins deux auteurs de la revue ont effectué de façon indépendante le recensement, la sélection des études, l'évaluation des risques de biais et l'extraction des données. Nous avons regroupé les données lorsque cela était approprié et utilisé la méthode GRADE pour évaluer le niveau de données probantes pour chaque critère de jugement.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 21 essais contrôlés randomisés (ECR) et cinq quasi-ECR, impliquant 1946 des adultes globalement âgés, de sexe féminin et présentant des fractures radiales distales potentiellement ou manifestement instables. Les populations des essais variaient mais la majorité des études regroupaient en moyenne des âges de 60 ans ou plus. Tous les essais étaient exposés à un risque élevé de biais, invariablement un biais de performance, qui pour la plupart des essais, représentait l'impossibilité pratique de dissimuler l'attribution des traitements pour les prestataires de soins ou les participants. Des biais de détection et de notification furent également souvent retrouvés. La dissimulation des répartition a été assurée dans un seul procès. Tous les essais ont donné des résultats incomplets. Les études ont testé l'une des 10 comparaisons. Dans ce qui suit, nous rendons compte des principaux résultats pour lesquels des données probantes étaient disponibles. Aucune analyse de sous-groupe, comme les méthodes d’épinglage, n'était pertinente.

Onze essais hétérogènes impliquant 917 participants ont comparé l'épinglage percutané à l'immobilisation par plâtre après réduction de la fracture. La qualité des données probantes était très faible pour tous les résultats rapportés. Ainsi, nous ne savons pas si l'épinglage percutané, en comparaison au plâtre seul, cause une différence dans la fonction déclarée par le patient, mesurée à l'aide du questionnaire DASH, à six semaines ou six mois (données incomplètes d'un essai). Le nombre total de participants présentant des complications n'a pas été rapporté. Le redéplacement entraînant un traitement secondaire s'est produit en moyenne chez 12 % (de 3,3 % à 75 %) des participants traités par plâtre seul (six essais), tandis qu’une infection du tractus de la broche nécessitant des antibiotiques et, souvent, un retrait précoce du fil, s'est retrouvée en moyenne chez 7,7 % (de 0 % à 15 %) des participants du groupe épinglage (sept essais). Nous ne savons pas si l'épinglage fait une différence dans l'incidence du syndrome douloureux régional complexe, signalé dans quatre études. Bien que deux études aient montré que la rigidité des doigts après l'enlèvement du plâtre était moins fréquente après l'épinglage (20 % contre 36 %), le rôle du traitement concernant cet aspect n’a pas été signalé. Les autres complications signalées étaient principalement liées à l’opération chirurgicale. De par les données incomplètes ou les déclarations qualitatives provenant de quatre études seulement, nous sommes incertains des effets de l’épinglage sur la force de préhension à 12 mois. Nous ne savons pas si l'épinglage percutané en comparaison au plâtre seul fait une différence dans la qualité de vie déclarée par le patient à quatre mois (une étude).

Cinq comparaisons des différentes méthodes d'épinglage ont été réalisées par six essais en tout. L'un de ces essais, qui a rapporté les résultats de 96 participants, a comparé l’embrochage intrafocal de Kapandji (2 ou 3 fils) avec mobilisation précoce à la fixation trans-styloïde (2 fils) avec six semaines d'immobilisation par plâtre. Nous ne savons pas si l'embrochage de Kapandji augmente légèrement le risque de symptômes de nerfs radiaux superficiels, de syndrome douloureux régional complexe, ou s'il fait une différence dans la force de préhension à 12 mois (données probantes de très faible qualité).

Deux petits essais utilisant deux techniques d'épinglage distinctes ont comparé des broches biodégradables à des broches en métal chez 70 participants. Bien que les données probantes soient de très faible qualité, les exigences supplémentaires à la chirurgie d’insertion de broches biodégradables et l'excès de complications graves (comme des réactions ostéolytiques sévères) associées au matériel biodégradable représentent des conclusions non négligeables.

Trois essais mal documentés, impliquant 168 participants, ont comparé l'enfouissement des extrémités des fils à leur exposition. Nous ne savons pas si l'enfouissement des fils réduit l'incidence d’infections superficielles (données probantes de très faible qualité). Il existe des données probantes de faible qualité rapportant que l'enfouissement des fils pourrait être associé à un risque plus élevé de nécessiter un traitement plus invasif pour leur retrait.

Quatre petits essais ont comparé différents types ou durées d'immobilisation postopératoire. La très faible qualité de données probantes des légères différences entre les groupes concernant les complications individuelles et la force de préhension à 17 semaines, signifie que les effets du positionnement du poignet en dorsiflexion par rapport à la flexion palmaire pendant l'immobilisation par plâtre suite à l'épinglage de fractures redéplacées (un essai ; 60 participants) sont incertains. Trois petits essais hétérogènes ont comparé l'immobilisation par plâtre pendant une semaine (mobilisation précoce) à quatre ou six semaines après l'épinglage percutané chez 170 personnes. Bien que nous ayons noté qu'un essai utilisant l'embrochage de Kapandji a rapporté plus de complications dans le groupe mobilisation précoce, la très faible qualité des données probantes signifie la présence d’incertitude quant aux effets de la mobilisation précoce sur les complications globales et individuelles, ou sur la force de préhension à 12 mois.

Aucun essai n'a comparé les différentes méthodes ou le moment de l'enlèvement des broches ou des fils.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Antoine Rohel et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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