La lamotrigine par rapport à la carbamazépine en monothérapie (traitement avec un seul médicament) pour l’épilepsie

Ceci est une mise à jour de la revue Cochrane précédemment publiée dans le numéro 11, 2016 de la base des revues systématiques Cochrane.

Contexte

L’épilepsie est un trouble neurologique fréquent dans lequel des décharges électriques anormales dans le cerveau provoquent des crises récurrentes. Dans cette revue, nous avons étudié deux types de crises d’épilepsie : les crises d’épilepsie généralisées, dans lesquelles les décharges électriques commencent dans une partie du cerveau et se propagent dans l’ensemble du cerveau, et les crises d’épilepsie focales, dans lesquelles la crise se produit et affecte une partie du cerveau (un hémisphère entier du cerveau ou une partie d’un lobe du cerveau). Les crises d’épilepsie focales peuvent se transformer en crises généralisées (généralisation secondaire) et se propager d’une partie du cerveau à l’ensemble du cerveau. Pour environ 70 % des personnes atteintes d’épilepsie, un seul médicament antiépileptique peut contrôler les crises d’épilepsie focales ou généralisées.

Cette revue s’applique aux personnes atteintes de crises focales (avec ou sans généralisation secondaire) et aux personnes atteintes de crises généralisées tonico-cloniques, un type spécifique de crises généralisées. Cette revue ne s’applique pas aux personnes atteintes d’autres types de crises généralisées comme les crises d’absence épileptique ou les crises myocloniques, parce que les traitements recommandés pour ces types de crises sont différents.

Objectif

La carbamazépine et la lamotrigine sont des traitements de premier choix pour les personnes dont l’épilepsie a été récemment diagnostiquée. L’objectif de cette revue était de comparer l’efficacité de ces médicaments pour contrôler les crises, de déterminer s’ils sont associés à des effets secondaires pouvant amener les personnes à arrêter le traitement, et d’informer le choix entre ces médicaments.

Méthodes

Les dernières recherches d’essais ont été effectuées en février 2018. Nous avons évalué les preuves de 14 essais contrôlés randomisés comparant la lamotrigine à la carbamazépine. Nous avons été en mesure de combiner les informations de 2572 personnes provenant de 9 des 14 essais ; pour les 1215 personnes des 5 essais restants, des informations n’étaient pas disponibles pour être utilisées dans cette revue.

Résultats

Les résultats de la revue suggèrent que les personnes sont plus susceptibles d’abandonner prématurément le traitement par la carbamazépine que le traitement par la lamotrigine. La raison la plus fréquente d’abandon liée au médicament était les effets secondaires : 52 % du total des interruptions chez les participants sous carbamazépine et 36 % du total des interruptions chez les participants sous lamotrigine. La deuxième cause la plus fréquente d’abandon liée au médicament était la récurrence des crises : 58 abandons sur un total de 719 (8 %) sous carbamazépine et 105 abandons sur un total de 697 (15 %) sous lamotrigine.

Les résultats suggèrent que la récurrence des crises après le début du traitement par lamotrigine pourrait survenir plus tôt qu’avec le traitement par carbamazépine. Ils suggèrent également que la disparition des crises pour une période de six mois pourrait se produire plus tôt sous carbamazépine que sous lamotrigine. La plupart des personnes incluses dans les 14 essais (88 %) présentaient des crises focales, les résultats de cette revue s’appliquent donc principalement aux personnes atteintes de ce type de crises.

Les effets indésirables les plus fréquemment signalés par les participants durant les essais étaient des vertiges, la fatigue, des problèmes gastro-intestinaux, des maux de tête et des problèmes cutanés. Ces effets secondaires ont été signalés un nombre comparable de fois chez les personnes prenant de la lamotrigine ou de la carbamazépine.

Qualité des preuves

Pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie focales, nous avons estimé que la qualité des preuves était élevée pour les critères d’évaluation de récurrence et de rémission des crises, et nous avons estimé que la qualité des preuves était modérée pour le critère d’évaluation d’échec du traitement. La conception des essais (en particulier, le fait que les participants et les médecins traitants sachent quel médicament était pris) pourrait avoir influencé les taux d’abandon du traitement. Jusqu’à 50 % des participants aux essais utilisés dans nos résultats pourraient avoir été incorrectement catégorisés comme ayant des crises généralisées ; pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie généralisées, nous avons estimé que la qualité des preuves était modérée pour les critères d’évaluation de récurrence et de rémission des crises et faible pour le critère d’évaluation d’échec du traitement.

Conclusions

Pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie focales, la lamotrigine et la carbamazépine sont des traitements efficaces et le choix entre ces deux traitements doit être fait avec soin. Davantage d’informations sont nécessaires pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie généralisées. Nous recommandons que tous les futurs essais comparant ces médicaments, ou tout autre médicament antiépileptique soient conçus en utilisant des méthodes de qualité élevée. Le type de crises épileptiques des personnes incluses dans les essais devrait également être catégorisé avec beaucoup de soin afin de garantir que les résultats soient également de qualité élevée.

Conclusions des auteurs: 

Des preuves de qualité modérée indiquent qu’un échec du traitement pour une raison liée au traitement ou en raison d’événements indésirables se produit significativement plus tôt sous carbamazépine que sous lamotrigine, mais les résultats pour le délai avant la première crise suggéraient que la carbamazépine pourrait être supérieure du point de vue du contrôle des crises. Le choix entre ces traitements de première intention doit être fait avec une attention particulière. Nous recommandons que de futurs essais soient conçus pour permettre la meilleure qualité possible en ce qui concerne la mise en aveugle, le choix de la population, la catégorisation du type de crises, la durée du suivi, le choix des critères d’évaluation, et l’analyse et la présentation des résultats.

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Contexte: 

Ceci est une version mise à jour de la revue Cochrane originale publiée dans le numéro 11, 2006 de la base des revues systématiques Cochrane.

L’épilepsie est un trouble neurologique fréquent dans lequel des décharges électriques anormales dans le cerveau causent des crises non provoquées récurrentes. Il est communément admis qu’avec un traitement médicamenteux efficace, jusqu’à 70 % des personnes atteintes d’épilepsie active pourraient devenir exemptes de crises et entrer en rémission à long terme peu de temps après le début du traitement avec un médicament antiépileptique en monothérapie.

Pour les personnes épileptiques nouvellement diagnostiquées, le choix correct du médicament antiépileptique de première intention a une grande importance. Il est important que le choix des médicaments antiépileptiques pour une personne soit fait à l’aide des preuves de la plus haute qualité concernant les effets bénéfiques et néfastes potentiels des différents traitements.

La carbamazépine ou la lamotrigine sont recommandées comme traitement de première intention pour les nouvelles crises d’épilepsie focales et comme traitement de première ou deuxième intention pour les crises généralisées tonico-cloniques. La réalisation d’une synthèse des preuves provenant d’essais existants permettra d’accroître la précision des résultats pour les critères d’évaluation relatifs à l’efficacité et à la tolérance et est susceptible d’aider à informer le choix entre les deux médicaments.

Objectifs: 

Passer en revue le délai avant l’échec du traitement, la rémission et la première crise avec la lamotrigine par rapport à la carbamazépine lorsqu’elles sont utilisées en monothérapie chez des personnes atteintes de crises d’épilepsie focales (crises focales simples ou complexes et avec généralisation secondaire) ou de crises généralisées tonico-cloniques (avec ou sans autres types de crises généralisées).

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué les premières recherches pour cette revue en 1997. Pour la mise à jour la plus récente, le 26 février 2018, nous avons effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur l’épilepsie, le registre Cochrane des essais contrôlés (CENTRAL) via le registre Cochrane des études en ligne (CRSO), MEDLINE, Clinical Trials.gov et le système d’enregistrement international des essais cliniques de l’OMS, sans restriction de langue.

Critères de sélection: 

Des essais contrôlés randomisés comparant une monothérapie avec la carbamazépine ou la lamotrigine chez les enfants ou les adultes atteints de crises d’épilepsie focales ou généralisées tonico-cloniques.

Recueil et analyse des données: 

Il s’agissait d’une revue portant sur des données individuelles des participants. Notre critère d’évaluation principal était le délai avant l’échec du traitement et nos critères d’évaluation secondaires étaient le délai avant la première crise suivant la randomisation, le délai avant une rémission de 6, 12 et 24 mois et l’incidence des effets indésirables. Nous avons utilisé des modèles de régression à risques proportionnels de Cox pour obtenir des estimations des hazard ratios (HR) spécifiques aux essais avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %, en utilisant la méthode générique de l’inverse de la variance pour l’estimation regroupée globale des HR et des IC à 95 %.

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 14 essais dans cette revue. Les données individuelles des participants étaient disponibles pour 2572 participants sur 3787 personnes éligibles de 9 des 14 essais : 68 % des données potentielles. Pour les critères d’évaluation de rémission, un HR inférieur à un indiquait un avantage pour la carbamazépine ; et pour les critères d’évaluation de première crise et d’échec du traitement, un HR inférieur à un indiquait un avantage pour la lamotrigine.

Les principaux résultats globaux étaient : le délai avant l’échec du traitement pour toute raison liée au traitement (HR regroupé ajusté pour le type de crise : 0,71 ; IC à 95 % 0,62 à 0,82 ; preuves de qualité modérée), le délai avant l’échec du traitement en raison d’événements indésirables (HR groupé ajusté pour le type de crises : 0,55 ; IC à 95 % 0,45 à 0,66 ; preuves de qualité modérée), le délai avant l’échec du traitement en raison d’un manque d’efficacité (HR groupé pour l’ensemble des participants : 1,03 ; IC à 95 % 0,75 à 1,41 ; preuves de qualité modérée) montrant un avantage significatif en faveur de la lamotrigine par rapport à la carbamazépine du point de vue de l’échec du traitement pour toute raison liée au traitement et de l’échec du traitement en raison d’événements indésirables, mais aucune différence entre les médicaments pour l’échec du traitement en raison d’un manque d’efficacité.

Le délai avant la première crise (HR groupé ajusté pour le type de crises : 1,26 ; IC à 95 % 1,12 à 1,41 ; preuves de qualité élevée) et le délai avant une rémission de six mois (HR groupé ajusté pour le type de crises : 0,86 ; IC à 95 % 0,76 à 0,97 ; preuves de qualité élevée) ont montré un avantage significatif en faveur de la carbamazépine par rapport à la lamotrigine pour la première crise et la rémission de six mois. Nous n’avons pas trouvé de différence entre les médicaments pour le délai avant une rémission de 12 mois (HR groupé pour l’ensemble des participants : 0,91 ; IC à 95 % 0,77 à 1,07 ; preuves de qualité élevée) ou le délai avant une rémission de 24 mois (HR pour l’ensemble des participants : 1,00 ; IC à 95 % 0,80 à 1,25, preuves de qualité élevée), toutefois, seuls deux essais réalisaient un suivi des participants sur une période supérieure à un an, les preuves sont donc limitées.

Les résultats de cette revue peuvent principalement s’appliquer aux personnes atteintes de crises d’épilepsie focales ; 88 % des personnes incluses ont subi des crises de ce type au départ. Jusqu’à 50 % du nombre limité de personnes catégorisées comme présentant des crises d’épilepsie généralisées au départ pourraient avoir vu leur type de crises mal catégorisé, c’est pourquoi nous recommandons une certaine prudence lors de l’interprétation des résultats de cette revue pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie généralisées.

Sur l’ensemble des essais inclus, les événements indésirables les plus fréquemment signalés pour ces deux médicaments étaient des vertiges, la fatigue, des troubles gastro-intestinaux, des maux de tête et des problèmes cutanés. Le taux d’événements indésirables était semblable pour les deux médicaments.

La qualité méthodologique des essais inclus était généralement bonne, toutefois, il y a des preuves que le choix d’une conception avec un traitement masqué ou en ouvert pourrait avoir influencé les taux d’échec et d’abandon des traitements de ces essais. En conséquence, nous avons estimé que la qualité des preuves pour le critère d’évaluation principal d’échec du traitement était modérée pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie focales et faible pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie généralisées. Pour les critères d’évaluation d’efficacité (première crise, rémission), nous avons estimé que la qualité des preuves était élevée pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie focales et modérée pour les personnes atteintes de crises d’épilepsie généralisées.

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Sophie Fleurdépine et révisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.