Inhaler des antibiotiques pour traiter l'infection pulmonaire chez les personnes atteintes de mucoviscidose

Problématique de la revue

Les antibiotiques inhalés sont-ils utiles pour lutter contre l'infection persistante à Pseudomonas aeruginosa chez les personnes atteintes de mucoviscidose (également appelée fibrose kystique) ?

Principaux messages

En vieillissant, les personnes atteintes de mucoviscidose sont plus susceptibles d'être infectées à long terme par Pseudomonas aeruginosa. Il s'agit de la cause la plus fréquente d'infection pulmonaire chronique chez les personnes atteintes de mucoviscidose.

Nous avons voulu savoir si les antibiotiques ciblant Pseudomonas aeruginosa réduiraient les effets de l'infection lorsqu'ils sont respirés dans les poumons. Nous voulions savoir si ce traitement pouvait améliorer la fonction pulmonaire, la qualité de vie et la survie. Nous avons également recherché d'éventuels effets néfastes.

Qu'est-ce que la mucoviscidose ?

La mucoviscidose est une maladie héréditaire qui se traduit par la présence de mucus anormal dans plusieurs parties du corps. Elle affecte principalement les poumons, qui sont sensibles aux infections par certaines bactéries. L'infection provoque une inflammation qui entraîne une détérioration progressive des poumons.

Qu’avons-nous trouvé ?

La revue porte sur 18 essais menés auprès de 3042 personnes atteintes de mucoviscidose âgées de 5 à 45 ans. Les essais ont duré de trois à 33 mois. Dans 11 essais, les chercheurs ont comparé des antibiotiques inhalés à un placebo (une substance inhalée sans médicament) et les personnes ont été sélectionnées au hasard pour l'un ou l'autre traitement. Huit essais ont comparé un antibiotique inhalé avec soit un antibiotique inhalé différent, soit un schéma différent du même antibiotique inhalé. L'un des essais comparait un antibiotique à la fois à un placebo et à un antibiotique différent et tombait donc dans les deux groupes.

Principaux résultats

Les résultats de quatre essais ont montré que, par rapport au placebo, les antibiotiques inhalés pourraient améliorer la fonction pulmonaire et réduire le nombre de fois où les personnes atteintes de mucoviscidose ont connu une aggravation de leurs symptômes (exacerbation). Les antibiotiques inhalés pourraient également permettre de réduire le nombre de jours d'absence de l'école ou du travail (une mesure de la qualité de vie). Ils ne semblaient pas avoir d'effet sur la survie. Nous ne sommes pas sûrs des effets secondaires des antibiotiques inhalés, mais des acouphènes et des modifications de la voix ont été signalés plus souvent chez les personnes inhalant des antibiotiques plutôt que le placebo. Nous n'avons pas trouvé suffisamment de données probantes pour pouvoir nous prononcer sur la façon dont les antibiotiques inhalés affectent la taille et le poids.

Lorsque les essais comparaient différents antibiotiques inhalés ou différents schémas, il n'y avait qu'un seul essai dans chacune des huit comparaisons différentes. Les seules différences que nous avons trouvées dans toutes ces comparaisons concernaient deux critères de jugement. Dans un essai, nous avons constaté que l'aztréonam lysine améliorait probablement davantage la fonction pulmonaire que la tobramycine, mais aucune différence importante n'a été constatée dans les autres essais en ce qui concerne la fonction pulmonaire. L'aztréonam lysine a probablement aussi permis à moins de personnes d'avoir besoin de traitements antibiotiques supplémentaires que la tobramycine et il y a eu moins d'hospitalisations après la lévofloxacine par rapport au placebo. Nous avons noté que les effets secondaires importants liés au traitement n'étaient pas très fréquents dans les essais, mais qu'ils étaient moins fréquents avec la tobramycine qu'avec les autres antibiotiques.

Quelles sont les limites des données probantes ?

Les essais que nous avons inclus dans cette revue ont mesuré la fonction pulmonaire de différentes manières et également la fréquence à laquelle les personnes ont connu une aggravation soudaine de leurs symptômes. Il nous était donc difficile de combiner les résultats de différents essais pour renforcer nos données probantes. Nous avons estimé que le niveau de confiance global des données probantes était faible pour la plupart des critères de jugement, principalement en raison des risques de biais au sein des essais et des faibles taux d'événements, ce qui signifie que les résultats n'étaient pas précis.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Les données probantes sont à jour jusqu’au 28 juin 2022.

Conclusions des auteurs: 

Le traitement à long terme par des antibiotiques antipseudomonaux inhalés améliore probablement la fonction pulmonaire et réduit les taux d'exacerbation, mais les estimations groupées du niveau de bénéfice étaient très limitées. Les meilleures données probantes disponibles concernent la tobramycine inhalée. Il est nécessaire de disposer de plus de données probantes issues d'essais mesurant des critères de jugement similaires de la même manière pour déterminer une meilleure mesure du bénéfice. Des essais à plus long terme sont nécessaires pour examiner l'effet des antibiotiques inhalés sur la qualité de vie, la survie et les critères de jugement nutritionnels.

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Contexte: 

Les antibiotiques inhalés sont couramment utilisés pour traiter l'infection persistante des voies respiratoires par Pseudomonas aeruginosa qui contribue aux lésions pulmonaires chez les personnes atteintes de mucoviscidose (également appelée fibrose kystique). Les recommandations actuelles préconisent la tobramycine en inhalation chez les personnes âgées de six ans ou plus atteintes de mucoviscidose et d'une infection persistante à Pseudomonas aeruginosa . L'objectif est de réduire la charge bactérienne dans les poumons afin de diminuer l'inflammation et la détérioration de la fonction pulmonaire. Il s’agit ici d’une mise à jour d'une revue déjà publiée.

Objectifs: 

Évaluer les effets d'une antibiothérapie inhalée à long terme chez les personnes atteintes de mucoviscidose sur les critères de jugement cliniques (fonction pulmonaire, fréquence des exacerbations et nutrition), la qualité de vie et les événements indésirables (y compris les réactions de sensibilité aux médicaments et la survie).

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons fait des recherches dans le registre des essais cliniques du groupe Cochrane sur la mucoviscidose, compilé à partir de recherches dans des bases de données électroniques et de recherches manuelles dans des revues et des actes de colloques. Nous avons également recherché les registres d'essais en cours.

Date de la dernière recherche : 28 juin 2022.

Critères de sélection: 

Nous avons sélectionné les essais dans lesquels les personnes atteintes de mucoviscidose ont reçu un traitement antibiotique antipseudomonal par inhalation pendant au moins trois mois, l'allocation du traitement était randomisée ou quasi randomisée, et il y avait un groupe témoin (soit un placebo, soit l’absence de placebo, soit un autre antibiotique par inhalation).

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs ont indépendamment sélectionné les essais, jugé le risque de biais, extrait les données de ces essais et jugé le niveau de confiance des données probantes en utilisant le système GRADE.

Résultats principaux: 

Les recherches ont permis d'identifier 410 citations de 125 essais ; 18 essais (3042 participants âgés de 5 à 45 ans) répondaient aux critères d'inclusion. Des données limitées étaient disponibles pour les méta-analyses en raison de la variabilité de la conception des essais et de la communication des résultats. Au total, 11 essais (1130 participants) ont comparé un antibiotique inhalé à un placebo ou au traitement habituel pendant une durée comprise entre trois et 33 mois. Cinq essais (1255 participants) ont comparé différents antibiotiques, deux essais (585 participants) ont comparé différents régimes de tobramycine et un essai (90 participants) a comparé la tobramycine en mode intermittent à la tobramycine en mode continu en alternance avec l'aztréonam. Un essai (18 participants) a comparé un antibiotique à un placebo ainsi qu'à un autre antibiotique et est donc tombé dans les deux groupes. L'antibiotique le plus fréquemment étudié était la tobramycine, qui a été étudiée dans 12 essais.

Antibiotiques inhalés comparés à un placebo

Nous avons constaté que les antibiotiques inhalés pourraient améliorer la fonction pulmonaire mesurée de diverses manières (4 essais, 814 participants). Par rapport au placebo, les antibiotiques inhalés pourraient également réduire la fréquence des exacerbations (risque relatif (RR) 0,66, intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,47 à 0,93 ; 3 essais, 946 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les antibiotiques inhalés pourraient entraîner une diminution du nombre de jours d'absence de l'école ou du travail (mesure de la qualité de vie) (différence de moyennes (DM) -5,30 jours, IC à 95 % -8,59 à -2,01 ; 1 essai, 245 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Les données étaient insuffisantes pour nous permettre de signaler un effet sur les critères de jugement nutritionnels et il n'y a pas eu d'effet sur la survie. Aucun effet sur la résistance aux antibiotiques n'a été observé dans les deux essais qui ont été inclus dans les méta-analyses. Nous sommes incertains de l'effet de l'intervention sur les événements indésirables (données probantes d’un niveau de confiance très faible), mais les acouphènes et l'altération de la voix sont les seuls événements survenus plus souvent dans le groupe des antibiotiques inhalés. Le niveau de confiance global des données probantes a été jugé faible pour la plupart des critères de jugement en raison du risque de biais au sein des essais et de l'imprécision due aux faibles taux d'événements.

Comparaison de différents antibiotiques ou régimes

Sur les huit essais comparant différents antibiotiques inhalés ou différents régimes d'antibiotiques, il n'y a qu'un seul essai pour chaque comparaison unique. Nous n'avons pas trouvé de différence entre les groupes pour les critères de jugement, à l'exception des suivants. L'aztréonam lysine pour inhalation a probablement amélioré le volume expiratoire maximum par seconde (VEMS) % prédit par rapport à la tobramycine (DM -3,40%, IC à 95 % -6,63 à -0,17 ; 1 essai, 273 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré). Cependant, la méthode de définition du critère d'évaluation était différente de celle des autres essais et les participants ont été exposés à la tobramycine pendant une longue période, ce qui rend l'interprétation des résultats problématique. Nous n'avons pas trouvé de différence dans aucune mesure de la fonction pulmonaire dans les autres comparaisons. Les essais ont mesuré les exacerbations pulmonaires de différentes manières et n'ont pas montré de différence entre les groupes, à l'exception de l'aztréonam lysine qui a probablement conduit à moins de personnes nécessitant un traitement avec des antibiotiques supplémentaires qu'avec la tobramycine (RR 0,66, IC à 95 % 0,51 à 0.86 ; 1 essai, 273 participants ; données probantes d’un niveau de confiance modéré) ; et il y a eu moins d'hospitalisations dues à des exacerbations respiratoires avec la lévofloxacine qu'avec la tobramycine (RR 0,62, IC à 95 % 0,40 à 0,98 ; 1 essai, 282 participants ; données probantes d’un niveau de confiance élevé). Les événements indésirables importants liés au traitement n'étaient pas très fréquents dans toutes les comparaisons, mais ont été signalés moins souvent dans le groupe tobramycine que dans les groupes aztréonam lysine et colistiméthate. Nous avons constaté que le niveau de confiance des données probantes pour ces comparaisons était directement lié au risque de biais dans les essais individuels et variait de faible à élevé.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Hussein Ayoub et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.