Techniques de perfusion dans la thrombolyse artérielle périphérique

Contexte

La réduction brutale de la circulation sanguine dans un membre (ischémie aiguë des membres) est généralement due à un caillot de sang (thrombus) qui obstrue une artère ou un pontage. L'ischémie aiguë sévère entraîne des dommages irréversibles aux muscles et aux nerfs si la circulation sanguine n'est pas rétablie en quelques heures. Une fois que des dommages irréversibles se sont produits, une amputation sera nécessaire. Le pronostic vital est engagé. La perfusion de médicaments pour briser les caillots (thrombolyse) peut rétablir la circulation sanguine en dispersant le caillot ; cette approche est moins invasive que la chirurgie ouverte.

Une technique de perfusion pour administrer la thrombolyse est-elle meilleure qu'une autre ?

Nous voulions savoir si une méthode d'administration des médicaments anti-coagulants présentait plus de bénéfices qu'une autre pour des critères de jugement importants tels que la prévention de l'amputation et du décès, le rétablissement de la circulation sanguine et la réduction du temps nécessaire à l'administration des médicaments, et si une technique présentait plus de risques qu'une autre (comme un accident vasculaire cérébral ou une hémorragie)

Comment avons-nous identifié et évalué les données probantes ?

Tout d'abord, nous avons recherché dans la littérature médicale les essais contrôlés randomisés, c'est-à-dire les études cliniques dans lesquelles des personnes sont réparties de manière aléatoire dans l'un des deux groupes de traitement ou plus. Ce type d'étude fournit les données probantes les plus solides des effets du traitement. Nous avons ensuite comparé les résultats des essais et résumé les données probantes issues de toutes les études. Enfin, nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes. Pour ce faire, nous avons pris en compte des facteurs tels que la manière dont les études ont été menées, la taille de l'étude et la consistance des résultats entre les études. Sur la base de nos évaluations, nous avons classé les données probantes dans les catégories suivantes : niveau de confiance très faible, faible, modéré ou élevé.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé neuf essais contrôlés randomisés avec un total de 671 participants avec une gravité variable de l'ischémie qui ont été randomisés pour recevoir une thrombolyse par différentes techniques de perfusion. Ces études ont utilisé des plans d'essai très différents, ce qui a empêché la mise en commun des données. Deux études ont comparé l'administration intra-artérielle et intraveineuse de médicaments utilisant différents agents thrombolytiques. Six études ont comparé des régimes à forte et à faible dose, ou des régimes à perfusion continue et à perfusion forcée (perfusion pulsée). Les études ne définissaient pas ce qu'était une dose forte ou faible, utilisaient différents agents avec ou sans laçage initial du caillot avec une forte dose de l'agent (bolus), et délivraient les agents dans l'artère ou le thrombus. Une étude a comparé l'utilisation d'agents antiplaquettaires supplémentaires avec la thrombolyse.

Des données probantes limitées d’un niveau de confiance très faible et faible provenant d'études individuelles pourraient indiquer qu'un plus grand bénéfice est observé lorsque l'agent thrombolytique est délivré dans le thrombus : la thrombolyse intraveineuse systémique est moins efficace que la thrombolyse intra-artérielle. Les techniques de « forte dose » et de « perfusion forcée », ou l'utilisation d'agents d'appoint tels que les inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa plaquettaire, pourraient accélérer la thrombolyse, mais ces techniques demandent généralement plus de travail et semblent être associées à une augmentation des complications hémorragiques par rapport aux régimes à faible dose, et il n’y a pas de données probantes suggérant qu'elles conduisent à de meilleurs critères de jugement (par exemple, des taux d'amputation plus faibles). La « perfusion continue à faible dose », après un laçage initial du thrombus avec une forte dose d'agent thrombolytique, est la technique qui demande le moins de travail. La thrombolyse semble être un traitement acceptable chez les patients dont les membres sont légèrement menacés (grade IIa de Rutherford), mais, en raison des risques d'hémorragie, d'accident vasculaire cérébral et de décès, la thrombolyse doit être utilisée avec prudence chez les patients qui ne présentent pas d'ischémie menaçant les membres (grade I de Rutherford). Les régimes qui diminuent le temps nécessaire pour rétablir le flux sanguin pourraient permettre de traiter les patients dont les membres sont immédiatement menacés (grade IIb de Rutherford).

Des recherches supplémentaires doivent être effectuées pour confirmer ces résultats.

Cette revue est-elle à jour ?

Les données probantes de cette revue Cochrane sont actuelles jusqu'au 20 octobre 2020.

Conclusions des auteurs: 

Il n'y a pas suffisamment de données probantes pour montrer qu'un régime thrombolytique apporte un bénéfice par rapport à un autre en termes de survie sans amputation, d'amputation ou de mortalité à 30 jours. Le taux d'accident vasculaire cérébral ou d'hémorragie majeure nécessitant une intervention chirurgicale ou une transfusion sanguine ne différait pas clairement d'un régime à l'autre, mais il pourrait être plus fréquent dans les régimes à forte dose et les régimes IV. Ces données probantes étaient limitées et d'un niveau de confiance très faible. Les saignements mineurs pourraient être plus fréquents avec les régimes à forte dose et les régimes IV.

Dans ce contexte, la thrombolyse pourrait être une thérapie acceptable pour les patients dont les membres sont marginalement menacés (grade IIa de Rutherford) par rapport à la chirurgie. La prudence est de mise chez les patients qui ne présentent pas d'ischémie menaçant un membre (grade I de Rutherford) en raison des risques d'hémorragie majeure, d'accident vasculaire cérébral et de décès liés à la thrombolyse.

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Contexte: 

L'ischémie aiguë des membres est généralement causée par un caillot sanguin bloquant une artère ou un pontage. L'ischémie aiguë sévère entraîne des dommages irréversibles aux muscles et aux nerfs si la circulation sanguine n'est pas rétablie en quelques heures. Une fois que des dommages irréversibles se sont produits, une amputation sera nécessaire. Le pronostic vital est engagé. La perfusion de médicaments pour briser les caillots (thrombolyse) est un outil utile dans la gestion de l'ischémie aiguë des membres. Les médicaments fibrinolytiques sont utilisés pour disperser les caillots sanguins (thrombi) afin de nettoyer l'occlusion artérielle et de rétablir la circulation sanguine. La thrombolyse est moins invasive que la chirurgie. Diverses techniques sont utilisées pour administrer des agents fibrinolytiques. Ceci est la mise à jour d'une revue initialement publiée en 2004.

Objectifs: 

Comparer les effets des techniques de perfusion pendant la thrombolyse artérielle périphérique dans le traitement des patients souffrant d'ischémie aiguë des membres.

Stratégie de recherche documentaire: 

Le spécialiste de l'information du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires a effectué des recherches dans le registre spécialisé du groupe Cochrane sur les maladies vasculaires, CENTRAL, MEDLINE, Embase et CINAHL, ainsi que dans le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l'OMS et dans les registres d'essais ClinicalTrials.gov jusqu'au 20 octobre 2020. Nous avons procédé à une vérification des références afin de trouver d'autres études.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus tous les essais contrôlés randomisée comparant les techniques de perfusion d'agents fibrinolytiques dans le traitement de l'ischémie aiguë des membres.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard recommandées par Cochrane. Nous avons évalué le risque de biais des essais inclus à l'aide de l'outil Cochrane « Risque de biais ». Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes en utilisant GRADE. Pour les critères de jugement dichotomiques, nous avons calculé le rapport des cotes (RC) avec l'intervalle de confiance (IC) à 95 % correspondant. Nous n'avons pas été en mesure d'effectuer des méta-analyses en raison de l'hétérogénéité clinique, nous avons donc rapporté les résultats et effectué les comparaisons de manière narrative. Les principaux critères de jugement d'intérêt étaient la survie sans amputation ou le sauvetage du membre, l'amputation, la mortalité, la perméabilité des vaisseaux, la durée de la thrombolyse et les complications telles que l'accident vasculaire cérébral et les saignements majeurs et mineurs.

Résultats principaux: 

Neuf études comprenant un total de 671 participants sont incluses dans cette mise à jour. Les essais ont porté sur une variété de techniques de perfusion, de schémas posologiques et d'agents d'appoint. Nous avons regroupé les essais en fonction des types de techniques évaluées (par exemple, l'administration intraveineuse et intra-artérielle de l'agent, les régimes à « forte » et à « faible dose » de l'agent, la perfusion continue et la « perfusion forcée » de l'agent, l'utilisation d'agents antiplaquettaires supplémentaires). Nous avons évalué le niveau de confiance de données probantes comme étant très faible à faible en raison de la puissance limitée des études individuelles à fournir des résultats cliniquement pertinents, des populations étudiées petites et hétérogènes, de l'utilisation de critères d'inclusion différents par chaque étude en termes de gravité et de durée de l'ischémie, des mesures de critère de jugement considérablement différentes entre les essais et de l'utilisation de différents agents fibrinolytiques. Cette hétérogénéité a empêché la mise en commun des données dans les méta-analyses.

Aucun régime ne s'est avéré bénéfique en termes de survie sans amputation (à 30 jours), d'amputation ou de décès. En ce qui concerne la perméabilité des vaisseaux, le succès complet était plus probable avec la perfusion intra-artérielle qu'avec la perfusion intraveineuse (IV) (rapport des cotes (RC) 13,22, intervalle de confiance (IC) à 95 % 2,79 à 62,67 ; 1 étude, 40 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible) ; l'échec radiologique pourrait être plus probable avec la perfusion IV (RC 0,02, IC à 95 % 0,00 à 0,38 ; 1 étude, 40 participants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). En raison des petits nombres impliqués dans chaque bras et des différences de conception entre les bras, il n'est pas possible de conclure si une technique offrait un bénéfice quelconque par rapport à une autre. Aucune des stratégies de traitement n'a clairement affecté les complications telles que l'accident vasculaire cérébral ou les hémorragies majeures nécessitant une intervention chirurgicale ou une transfusion sanguine. Les complications hémorragiques mineures étaient plus fréquentes dans le cas d'un traitement systémique (intraveineux) que dans celui d'une perfusion intra-artérielle (RC 0,03, IC à 95 % 0,00 à 0,56 ; 1 étude, 40 participants), et dans le cas d'un traitement à forte dose que dans celui d'un traitement à faible dose (RC 0,11, IC à 95 % 0,01 à 0,96 ; 1 étude, 63 participants).

Des données probantes limitées issues d'essais individuels semblent indiquer que les schémas à forte dose et à perfusion forcée réduisent la durée de la thrombolyse. Dans un essai, la durée médiane de la perfusion était de 4 heures (0,25 à 46) pour le groupe à forte dose et de 20 heures (2 à 46) pour le groupe à faible dose. Dans un deuxième essai, le traitement par perfusion pulsée a été poursuivi pendant une durée médiane de 120 minutes (40 à 310) par rapport à la perfusion à faible dose pendant une durée médiane de 25 heures (2 à 60). Dans un troisième essai, la durée médiane du traitement a été réduite avec la perfusion pulsée à 195 minutes (90 à 1260 minutes) par rapport à la perfusion continue à 1390 minutes (300 à 2400 minutes). Cependant, aucune de ces études n'a montré individuellement une amélioration du sauvetage des membres à 30 jours, ni un bénéfice pour le taux d'amputation lié à la technique d'administration du médicament. De même, aucune étude n'a signalé de différence nette dans la survenue d'accidents vasculaires cérébraux ou d'hémorragies majeures. Bien que les techniques de « forte dose » et de « perfusion forcée » aient permis d'obtenir la perméabilité des vaisseaux en moins de temps que la perfusion « à faible dose », un plus grand nombre de complications hémorragiques mineures pourraient être associées (RC 0,11, IC à 95 % 0,01 à 0,96 ; 1 étude, 72 participants ; et RC 0,48, IC à 95 % 0,17 à 1,32 ; 1 étude, 121 participants, respectivement). L'utilisation d'antagonistes de la glycoprotéine IIb/IIIa plaquettaire en complément n'a pas amélioré les critères de jugement, et les résultats ont été limités par l'inclusion de participants présentant une ischémie non menaçante pour le membre.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Judith Catella et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.