Comparaison entre les shunts et l'intervention endoscopique pour la prévention de nouveaux épisodes de saignement variqueux chez les personnes atteintes de cirrhose hépatique

Contexte

Les personnes présentant une fibrose hépatique (cirrhose) sont susceptibles de développer une pression élevée dans la veine porte (la veine transportant le sang de l'intestin au foie). Cette pression élevée entraîne une dilatation anormale des veines (varices) dans le gosier (œsophage), dans l'estomac ou dans l'intestin, ce qui pourrait provoquer des saignements pouvant être mortels. Les personnes ayant déjà saigné une fois courent un risque élevé de récidive de saignement à l'avenir, il est donc important de prévenir d'autres épisodes de saignement chez ces personnes. Différentes options de traitement sont disponibles pour éviter de nouvelles hémorragies. Une option est le traitement endoscopique, qui utilise une caméra flexible pour examiner la zone affectée et pour sceller les varices avec des élastiques, ou pour injecter aux varices une substance pour fermer les veines. Une deuxième option est le « shunt », qui détourne le flux sanguin de la veine problématique, réduisant ainsi la pression et donc le risque de saignement. Il existe trois principaux types de shunts : le shunt total, le shunt splénorénal distal et le shunt portosystémique intrahépatique pas voie transjugulaire (transjugular intrahepatic portosystemic shunt, TIPS). Le shunt total et le shunt splénorénal distal étaient plus couramment utilisés dans le passé et nécessitaient des procédures chirurgicales invasives. Les TIPS sont maintenant beaucoup plus utilisés, car ils ne nécessitent pas de chirurgie invasive.

Problématique de la revue

L'objectif de cette revue Cochrane était de comparer les shunts aux traitements endoscopiques avec ou sans médicaments supplémentaires chez des personnes atteintes de cirrhose hépatique ayant déjà saigné à cause de varices, en rassemblant et en analysant toutes les études pertinentes dans ce domaine et en passant en revue les données probantes.

Caractéristiques des études

En juin 2020, nous avons examiné les données probantes. Nous avons identifié 27 essais cliniques randomisés (essais dans lesquels les participants sont répartis en groupes au hasard) impliquant 1828 participants. Trois essais ont évalué le shunt total (164 participants) ; cinq essais ont évalué le shunt splénorénal distal (352 participants) ; et 19 essais ont évalué le shunt portosystémique intrahépatique par voie transjugulaire (1312 participants). La source de financement n'était pas claire dans 16 essais. Onze essais ont été financés par le gouvernement ou ont reçu des subventions des hôpitaux ou des universités locales.

Résultats

Les données probantes suggérant que les traitements par shunt, comparés aux traitements endoscopiques avec ou sans médicaments supplémentaires, modifient le risque global de décès, quelle qu'en soit la cause (mortalité toutes causes confondues), réduisent le risque de saignement des varices, ou réduisent le risque de décès par hémorragie des varices (décès par hémorragie des varices) étaient très incertaines.

Les données probantes indiquant que les personnes traitées par shunt, par rapport aux traitements endoscopiques avec ou sans médicaments supplémentaires, courent un risque accru d'encéphalopathie hépatique aiguë (dysfonctionnement cérébral associé à la maladie hépatique) ou d'encéphalopathie hépatique chronique (dysfonctionnement cérébral qui se produit de manière répétée ou qui ne se résout pas complètement) étaient également très incertaines.

Nous n’avons pas pu conclure avec certitude si les personnes traitées par shunt restaient à l'hôpital plus longtemps que les personnes traitées par endoscopie avec ou sans médicaments supplémentaires, ou quel traitement était plus coûteux, car nous n'étions pas sûrs que la combinaison des résultats de différentes études produirait un résultat significatif. Aucun essai n'a rapporté l'impact des traitements sur la qualité de vie des patients.

Risque de biais

Les résultats de nos analyses doivent être interprétés avec prudence en raison des préoccupations concernant la qualité des essais inclus. Des faiblesses dans la conception de ces études sont susceptibles d’avoir influencé les résultats, les rendant potentiellement trompeurs.

Conclusions

Nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que les shunts portosystémiques, comparés à un traitement endoscopique associé parfois à un traitement médical, modifient le risque de décès global (mortalité toutes causes confondues), réduisent le risque d'épisodes répétés de saignement ou augmentent le risque de développer une encéphalopathie hépatique. Nous avons besoin d'essais correctement menés pour évaluer des critères de jugement importants pour les personnes atteintes de cirrhose et les prestataires de soins de santé.

Conclusions des auteurs: 

Les données probantes sont très incertaines quant à savoir si les shunts portosystémiques, comparés aux interventions endoscopiques médicalement traitées ou non traitées chez les personnes atteintes de cirrhose et de saignements antérieurs d'hypertension portale, ont peu ou pas d'effet sur la mortalité toutes causes confondues. Les données probantes sont également très incertaines quant à savoir si les shunts portosystémiques sont susceptibles de réduire les saignements et la mortalité due aux hémorragies tout en majorant l'encéphalopathie hépatique. Nous avons besoin d'essais correctement menés pour évaluer les effets de ces interventions non seulement sur les critères de jugement évalués, mais aussi sur la qualité de vie, les coûts et la durée du séjour à l'hôpital.

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Contexte: 

Les personnes atteintes de cirrhose hépatique ayant eu un épisode de saignement variqueux sont à risque de récidive d’épisodes de saignement. L'intervention endoscopique et les shunts portosystémiques sont utilisés pour prévenir les saignements ultérieurs, mais il n'existe pas de consensus quant à l'approche préférable.

Objectifs: 

Comparer les avantages et les inconvénients des shunts (shunts chirurgicaux (shunt total [total shunt], shunt splénorénal distal ou shunt portosystémique intrahépatique par voie transjugulaire [transjugular intrahepatic portosystemic shunt, TIPS]) par rapport à une intervention endoscopique (sclérothérapie endoscopique ou bandage, ou les deux) avec ou sans traitement médical (bêtabloquants non sélectifs ou nitrates, ou les deux) pour la prévention des hémorragies variqueuses chez les personnes atteintes de cirrhose hépatique.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre des essais contrôlés du groupe Cochrane sur les affections hépato-biliaires ; CENTRAL, dans la bibliothèque Cochrane ; MEDLINE Ovid ; Embase Ovid ; LILACS (Bireme) ; Science Citation Index - Expanded (Web of Science) ; et Conference Proceedings Citation Index - Science (Web of Science) ; ainsi que dans les actes de conférences et les références bibliographiques des essais identifiés jusqu'au 22 juin 2020. Nous avons contacté les chercheurs des études et des chercheurs de l'industrie.

Critères de sélection: 

Essais cliniques randomisés comparant les shunts aux interventions endoscopiques avec ou sans traitement médical chez des personnes atteintes de cirrhose s’étant rétablies après une hémorragie variqueuse.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi les procédures méthodologiques standard définies par Cochrane. Dans la mesure du possible, nous avons recueilli des données pour permettre l'analyse en intention de traiter. Pour chaque critère de jugement, nous avons estimé une estimation méta-analytique de l'effet du traitement dans les différents essais (risque relatif pour les critères de jugement binaires). Nous avons utilisé une méta-analyse avec modèle à effets aléatoires en tant qu’analyse principale et que moyen de présenter les résultats. Nous avons rapporté des différences dans les moyennes pour les critères de jugement continus sans estimation méta-analytique en raison de la grande variabilité de leur évaluation parmi tous les essais. Nous avons évalué le niveau de confiance des données probantes à l'aide du système GRADE.

Résultats principaux: 

Nous avons identifié 27 essais randomisés avec 1828 participants. Trois essais ont évalué les shunts totaux, cinq les shunt splénorénal distal et 19 les TIPS. L'intervention endoscopique était une sclérothérapie dans 16 essais, une ligature par bande dans huit essais, et une combinaison de ligature par bande et, soit une sclérothérapie, soit une injection de colle, dans trois essais. Dans huit essais, l'endoscopie a été associée à des bêta-bloquants (dans un essai, avec le mononitrate d'isosorbide en plus). Nous avons jugé que tous les essais présentaient un risque élevé de biais. Nous avons estimé que le niveau de confiance des données probantes pour tous les critères de jugement de la revue était très faible (c'est-à-dire que les effets réels des résultats sont susceptibles d'être sensiblement différents des résultats des effets estimés). La très faible gradation des données probantes est due au risque global élevé de biais pour tous les essais, et à l'imprécision et au biais de publication pour certains critères de jugement. Par conséquent, nous ne savons pas très bien si les shunts portosystémiques par rapport aux interventions endoscopiques avec ou sans traitement médical ont des effets sur la mortalité toutes causes confondues (RR 0,99, IC à 95% 0,86 à 1,13 ; 1828 participants ; 27 essais), sur les récidives de saignement (RR 0,40, IC à 95% 0,33 à 0.50 ; 1769 participants ; 26 essais), sur la mortalité due aux récidives de saignement (RR 0,51, IC à 95 % 0,34 à 0,76 ; 1779 participants ; 26 essais), et sur la survenue d'encéphalopathies hépatiques, tant aiguës (RR 1,60, IC à 95 % 1,33 à 1,92 ; 1649 participants ; 24 essais) que chroniques (RR 2,51, IC à 95 % 1,38 à 4,55 ; 956 participants ; 13 essais). Aucune donnée n'était disponible concernant la qualité de vie liée à la santé.

En analysant chaque modalité de shunts portosystémiques individuellement (c'est-à-dire shunt total, shunt splénorénal et TIPS) par rapport aux interventions endoscopiques avec ou sans traitement médical, nous sommes très incertains quant à l’effet de chaque type de shunt sur la mortalité toutes causes confondues : shunt total, RR 0,46, IC à 95 % 0,19 à 1,13 ; 164 participants ; 3 essais ; shunt splénorénal, RR 0,93, IC à 95 % 0,65 à 1,33 ; 352 participants ; 4 essais ; et TIPS, RR 1,10, IC à 95 % 0,92 à 1,31 ; 1312 participants ; 19 essais ; sur les récidives de saignement : shunt total, RR 0,28, IC à 95 % 0,14 à 0,56 ; 127 participants ; 2 essais ; shunt splénorénal, RR 0,26, IC à 95 % 0,11 à 0,65 ; 330 participants ; 5 essais ; et TIPS, RR 0,44, IC à 95 % 0,36 à 0,55 ; 1312 participants ; 19 essais ; sur la mortalité due aux récidives de saignement : shunt total, RR 0,25, IC à 95% 0,06 à 0,96 ; 164 participants ; 3 essais ; shunt splénorénal, RR 0,31, IC à 95% 0,13 à 0,74 ; 352 participants ; 5 essais ; et TIPS, RR 0,65, IC à 95% 0,40 à 1,04 ; 1263 participants ; 18 essais ; sur l'encéphalopathie hépatique aiguë : shunt total, RR 1,66, IC à 95% 0,70 à 3,92 ; 115 participants ; 2 essais ; shunt splénorénal, RR 1,70, IC à 95% 0,94 à 3,08 ; 287 participants ; 4 essais, TIPS, RR 1,61, IC à 95% 1,29 à 1,99 ; 1247 participants ; 18 essais ; et l’encéphalopathie hépatique chronique : shunt total, test exact de Fisher P = 0,11 ; 69 participants ; 1 essai ; shunt splénorénal, RR 4,87, IC à 95 % 1,46 à 16,23 ; 170 participants ; 2 essais ; et TIPS, RR 1,88, IC à 95 % 0,93 à 3,80 ; 717 participants ; 10 essais.

La proportion de participants présentant une occlusion ou un dysfonctionnement du shunt était globalement de 37% (IC à 95% 33% à 40%). Elle était de 3 % (IC à 95 % 0,8 à 10 %) après le shunt total, de 7 % (IC à 95 % 3 à 13 %) après le shunt splénorénal, et de 47,1 % (IC à 95 % 43 à 51 %) après le TIPS. Le dysfonctionnement du shunt dans les essais utilisant des stents recouverts de polytétrafluoroéthylène était de 17 % (IC à 95 % : 11 à 24 %).

La durée et le coût du séjour hospitalier n'étaient pas comparables d'un essai à l'autre.

Le financement n'était pas clair dans 16 essais ; 11 essais ont été financés par le gouvernement, des hôpitaux locaux ou des universités.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Carole Lescure et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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