Inhibiteurs des canaux calciques pour le traitement des patients souffrant du phénomène de Raynaud

Le phénomène de Raynaud résulte d'une diminution du flux sanguin vers les doigts et les orteils causée par un vasospasme. Les symptômes incluent une décoloration (extrémité des doigts devenant blanche, puis bleue et/ou rouge), une douleur et, dans certains cas graves, des ulcérations des doigts. Le froid, le stress et l’anxiété sont les facteurs déclenchants les plus fréquents d’une crise du phénomène de Raynaud. Le phénomène de Raynaud primitif n’est associé à aucune maladie sous-jacente, à la différence de la forme secondaire qui peut être liée, par exemple, à une sclérodermie systémique.

Cette revue a évalué les bénéfices et les risques des inhibiteurs des canaux calciques (ICC, inhibiteurs calciques) comparativement à un placebo (une substance ayant le même aspect que le médicament actif mais ne contenant aucun principe actif) pour le traitement des patients atteints du phénomène de Raynaud, sur la base des études publiées jusqu’au 19 mai 2017. Les inhibiteurs calciques sont des médicaments qui augmentent le débit sanguin vers les doigts et qui sont généralement utilisés comme traitement de première ligne chez les patients souffrant du phénomène de Raynaud. L’objectif de cette revue était d'évaluer les bénéfices et les effets délétères des inhibiteurs calciques de façon globale, ainsi qu’en fonction de la dose, du type de médicament et du type de phénomène de Raynaud (primitif vs secondaire).

Caractéristiques de l’étude

Nous avons identifié et inclus 38 études portant sur 982 personnes âgées de 18 ans et plus, et souffrant de ce trouble depuis plus ou moins longtemps et avec une intensité variable. Neuf études incluaient des patients atteints de phénomène de Raynaud primitif, cinq études incluaient des patients atteints de phénomène de Raynaud secondaire et les études restantes évaluaient des patients présentant les deux types. La durée des essais variait entre 2 et 20 semaines.

Qu’apporte cette revue concernant l’utilisation des ICC par rapport au placebo dans le phénomène de Raynaud ?

Les auteurs de la revue ont trouvé que :

• les ICC réduisent probablement légèrement la fréquence, la gravité et la perception globale des patients des crises du phénomène de Raynaud (preuves de qualité moyenne, abaissée en raison d’imprécisions et d’incohérences) ;

• les ICC pourraient améliorer légèrement la douleur et la durée des crises du phénomène de Raynaud (preuves de faible qualité, abaissée en raison d’imprécisions et d’incohérences) ;

• compte tenu du manque de données et des taux d'abandon élevés, les effets des ICC concernant le risque d’abandon en raison d’effets secondaires du traitement restent incertains ;

• les effets secondaires les plus courants étaient des céphalées, des étourdissements, des nausées, des palpitations, et des œdèmes des chevilles ;

• aucun événement indésirable grave (décès ou hospitalisation) n’a été rapporté.

Meilleure estimation de l'effet des ICC pris pendant 2 à 20 semaines par des personnes atteintes de phénomène de Raynaud

Lorsque les investigateurs ont évalué le phénomène de Raynaud à la fois primitif et secondaire, ils ont rapporté que les 528 personnes ayant pris des ICC avaient présenté 6 crises de moins par semaine que celles ayant pris un placebo. Les personnes ayant pris un ICC avaient en moyenne 8 crises par semaine, contre 14 chez celles prenant un placebo.

La durée des crises (en minutes) était pratiquement la même chez les sujets ayant pris un ICC ou un placebo. Cependant, ce résultat est basé sur un petit nombre de personnes.

La sévérité des crises, mesurée sur une échelle visuelle analogique de 10 cm (faibles scores = faible sévérité des crises) était inférieure de 0,62 cm avec les ICC, ce qui équivaut à une réduction de 6 %. Les personnes ayant pris un ICC évaluaient la gravité d'une crise à 6,1 cm contre 6,7 cm pour les personnes sous placebo.

La douleur a été réduite de 1,5 points sur une échelle de 0 à 10 (réduction absolue de 15 %, un score plus bas équivalant à une douleur moindre) avec les ICC comparés au placebo. Les personnes ayant pris un ICC ont rapporté un score de douleur de 1,6 points contre 3,1 points pour les patients sous placebo.

L’incapacité globale a été réduite de 0,4 points sur une échelle de 0 à 10 (réduction absolue de 4 %, un score plus bas équivalant à une incapacité moindre) chez les personnes ayant pris des ICC par rapport au placebo. Les personnes ayant pris un ICC ont rapporté un score d’incapacité de 3,5 points contre 3,9 points pour les patients sous placebo.

Six personnes de plus parmi 100 personnes abandonnaient l'étude en raison d'effets indésirables (6 % d'arrêts prématurés en plus chez les personnes ayant pris des ICC). Sur 100 personnes prenant un ICC, 25 abandonnaient l’étude, contre 19 sur 100 sous placebo.

Cette revue suggère que les ICC (en particulier les médicaments appartenant à la classe des dihydropyridines comme la nifédipine) à haute dose pourraient être bénéfiques pour le traitement du phénomène de Raynaud, en particulier primitif. Bien qu’un nombre légèrement plus grand de participants sous ICC aient arrêté le traitement en raison d’effets secondaires, aucun effet secondaire grave n’a été rapporté.

Conclusions des auteurs: 

Des essais contrôlés randomisés, avec des preuves de qualité faible à modérée, ont montré que les ICC (en particulier la classe des dihydropyridines) pourraient être utiles pour réduire la fréquence, la durée, la sévérité des crises, ainsi que la douleur et l’incapacité associées au phénomène de Raynaud. Des doses élevées pourraient être plus efficaces que des doses plus faibles et ces ICC pourrait être plus efficaces sur le phénomène de Raynaud primitif. Bien qu'il y ait eu davantage d’arrêts prématurés en raison d’événements indésirables dans les groupes avec traitement, aucun événement indésirable grave n’a été rapporté.

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Contexte: 

Le phénomène de Raynaud est une maladie vasospastique caractérisée par une pâleur, une cyanose des doigts et une douleur des extrémités. Le phénomène de Raynaud primitif n’est pas associé à une maladie sous-jacente, tandis que le phénomène de Raynaud secondaire est associé à des maladies du tissu conjonctif telles que la sclérodermie systémique, le lupus érythémateux disséminé, et les connectivites mixtes. Les inhibiteurs des canaux calciques favorisent la vasodilatation et sont couramment utilisés lorsqu’un traitement médicamenteux est nécessaire dans le phénomène de Raynaud.

Objectifs: 

Évaluer les bénéfices et les risques des inhibiteurs des canaux calciques (ICC) par rapport à un placebo pour le traitement des personnes atteintes de phénomène de Raynaud, en fonction du type de celui-ci (primitif ou secondaire) ainsi que du type et de la dose d’ICC.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans le registre Cochrane des essais contrôlés (19 mai 2017), MEDLINE (de 1946 au 19 mai 2017), Embase (de 1947 au 19 mai 2017), clinicaltrials.gov et le Système d'enregistrement international des essais cliniques (ICTRP) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Nous n'avons appliqué aucune restriction concernant la langue. Nous avons également consulté les références bibliographiques des articles identifiés et contacté des experts pour obtenir des données supplémentaires non publiées.

Critères de sélection: 

Tous les essais contrôlés randomisés (ECR) comparant des inhibiteurs calciques à un placebo.

Recueil et analyse des données: 

Deux auteurs de la revue ont évalué de façon indépendante les résultats de la recherche et le risque de biais des essais et extrait les données. Nous avons utilisé l’approche GRADE pour évaluer la qualité des preuves.

Résultats principaux: 

Cette revue contient 38 ECR (33 ECR en cross-over) d’une durée moyenne de 7,4 semaines et portant sur 982 participants ; cependant, tous les essais n’ont pas rapporté tous les critères de jugement d'intérêt. Neuf des essais identifiés portaient sur des patients présentant un phénomène de Raynaud primitif (N = 365), cinq sur des patients porteurs d’un phénomène de Raynaud secondaire (N = 63), et les essais restants évaluaient un ensemble de patients atteints de phénomène de Raynaud primitif ou secondaire (N = 554). Les types de risque de biais les plus fréquents étaient des données incomplètes concernant les critères de jugement, la faible notification de la randomisation et des méthodes d’assignation.

Lorsque les chercheurs ont évalué à la fois le phénomène de Raynaud primitif et secondaire, des preuves de qualité modérée (abaissée du fait de leur incohérence) issues de 23 essais et portant sur 528 participants ont indiqué que les inhibiteurs des canaux calciques (ICC) étaient plus efficaces que le placebo pour réduire la fréquence des crises. Les ICC permettaient d'obtenir une réduction du nombre moyen de crises, avec six crises de moins par semaine (différence moyenne pondérée (DMP) de -6,13, intervalle de confiance (IC) à 95 % de -6,60 à 5,67 ; I² = 98 %) par rapport à 13,7 crises par semaine sous placebo. Lorsque les auteurs de la revue ont exclu l’étude Kahan 1985C, un essai montrant une importante diminution de la fréquence des crises, les données ont montré que les ICC permettaient d'obtenir une réduction de la fréquence des crises avec 2,93 crises de moins par semaine (IC à 95 % de -3,44 à -2,43 ; I² = 77 %).

Des preuves de mauvaise qualité (abaissée en raison de leur imprécision et de leur incohérence) issues de 6 essais et portant sur 69 participants suggèrent que la durée moyenne des crises ne différait pas de façon statistiquement significative ou cliniquement significative entre les ICC et un placebo (DMP de -1,67 minutes, IC à 95 % de -3,29 à 0) ; ce qui équivaut à une différence de -9 % (IC à 95 % de -18 % à 0 %).

Des preuves de qualité modérée (abaissée en raison de leur incohérence) issues de 16 essais et portant sur 415 participants ont montré que les ICC réduisaient la gravité des crises de 0,62 cm (IC à 95 % de -0,72 à 0,51) sur une échelle visuelle analogique de 10 cm (les scores les plus bas indiquant une sévérité moindre), ce qui correspond à une réduction absolue en pourcentage de 6 % (IC à 95 % de -11 % à -8 %) et relative de 9 % (IC à 95 % de -11 % à -8 %), ce qui n’est probablement pas cliniquement significatif.

L'amélioration de la douleur (preuves de mauvaise qualité, abaissée en raison de leur imprécision et de leur incohérence) et de l’incapacité mesurée par une évaluation globale du patient (preuves de qualité modérée, abaissée à cause de leur imprécision) était en faveur des ICC (douleur : DMP de -1,47 cm, IC à 95 % de -2,21 à -0,74 ; évaluation globale du patient : DMP de -0,37 cm, IC à 95 % de -0,73 à 0, pour l’évaluation sur une échelle visuelle analogique de 0 à 10 cm, les scores les plus bas indiquant une douleur et une incapacité moindres). Cependant, ces estimations n’avaient probablement pas une puissance statistique suffisante car elles étaient basées sur un nombre limité de participants (respectivement 62 et 92). Pour l’évaluation de la douleur, l'amélioration absolue en pourcentage était de 15 % (IC à 95 % de -22 % à -7 %) et l’amélioration relative de 47 % (IC à 95 % de -71 % à -24 %). Pour l'évaluation globale du patient, l'amélioration absolue en pourcentage était de 4 % (IC à 95 % de -7 % à 0 %) et l’amélioration relative de 9 % (IC à 95 % de -19 % à 0 %).

Les analyses en sous-groupes par type de phénomène de Raynaud, classe d’ICC et dose d’ICC suggèrent que les ICC de la famille des dihydropyridines, à forte dose, pourraient être plus efficaces sur le syndrome de Raynaud primitif que sur la forme secondaire, et que les ICC ont probablement un effet plus important sur la forme primitive que sur la forme secondaire. Toutefois, les différences étaient faibles et n’ont pas été observées pour tous les critères de jugement. Les dihydropyridines ont été étudiées car il s’agit d’un sous-groupe d’ICC non cardiosélectifs, traditionnellement utilisés dans le traitement du phénomène de Raynaud, tandis que d’autres ICC tels que le vérapamil ne sont pas couramment utilisés et que le diltiazem n'est pas utilisé en première ligne. La plupart des données des essais portaient sur la nifédipine.

Les arrêts prématurés des études en raison d’effets indésirables étaient peu concluants en raison d’un large intervalle de confiance (risque relatif [RR] 1,30, IC à 95 % de 0,51 à 3,33) obtenu à partir de deux études en parallèle portant sur 63 participants (preuves de faible qualité, rabaissée en raison de l’imprécision et d’un taux d’attrition élevé) ; les différences absolues et relatives en pourcentage pour les arrêts prématurés étaient de 6 % (IC à 95 % de -14 % à 26 %) et 30 % (IC à 95 % de -49 % à 233 %), respectivement. Bien qu’il n'y ait pas eu de méta-analyse, les arrêts prématurés étaient plus fréquents avec les ICC qu’avec le placebo dans les essais en cross-over. Les effets secondaires les plus fréquents étaient des céphalées, des étourdissements, des nausées, des palpitations et des œdèmes des chevilles. Cependant, aucune étude n'a rapporté d'événement indésirable grave (décès ou hospitalisation).

Notes de traduction: 

Traduction réalisée par Suzanne Assénat et révisée par Cochrane France

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.