Quels sont les bénéfices et les risques des différents traitements des fractures du coude chez l'enfant ?

Principaux messages

- Un enfant présentant une fracture supracondylienne du coude (os cassé dans la partie supérieure du coude, à environ 5 cm au-dessus de l'articulation du coude) pourrait présenter un faible risque de lésion nerveuse si deux broches ou plus sont insérées depuis l'extérieur du coude plutôt que d’insérer une broche à l'intérieur du coude et l’autre depuis l'extérieur (broches croisées). La méthode utilisée par le médecin pour manuellement remettre les os en place n’augmenterait pas ni réduirait le risque de lésion nerveuse, mais l'utilisation d'une méthode fermée pourrait réduire le risque d'infection.

- Comme nous n'avons pas trouvé suffisamment d'études sur les autres traitements de ces fractures du coude, leurs bénéfices et risques associés ne sont pas clairs.

- D'autres études bien conçues sont nécessaires pour permettre une meilleure estimation des bénéfices et des risques des autres traitements. Ces études devraient se concentrer sur les critères de jugement liés au mouvement du coude, ainsi que sur la qualité de vie et le degré de gêne de l'enfant.

Que sont les fractures supracondyliennes du coude ?

Ce type de fracture se situe dans l'os du bras supérieur, à environ 5 cm au-dessus de l'articulation du coude. Il s'agit de la fracture du coude la plus fréquente pendant l'enfance, et elle peut avoir un impact sur les fonctions quotidiennes de l'enfant ainsi que sur sa capacité à jouer et à faire du sport.

Comment traite-t-on ces os cassés ?

Le traitement varie selon que l'os soit déplacé ou non. Si l’os s'est déplacé, le médecin pourrait manuellement le remettre dans sa position normale (la réduction). Les médecins réalisent une « réduction à foyer fermé » (sans ouvrir la peau) ou une « réduction à foyer ouvert » (après avoir ouvert la peau).

Pendant l'opération, des broches métalliques sont utilisées pour maintenir l'os en place pendant sa guérison. Les médecins peuvent utiliser différents types et nombres de broches, insérées sous différents angles.

Si l'os ne s'est pas déplacé, la chirurgie pourrait ne pas s’avérer nécessaire. Dans ce cas, les traitements visant à maintenir l'os en place pendant sa guérison comprennent l'utilisation d'un plâtre, d'une écharpe ou d'une traction (avec des poids, des cordes et des poulies).

Que voulions-nous découvrir ?

Nous voulions savoir :

- quels types de traitements sont les plus efficaces pour guérir l'os de manière efficace ; et

- si ces traitements sont associés à des effets indésirables.

Comment avons-nous procédé ?

Nous avons recherché des études qui comparaient un éventail de traitements. Les traitements les plus courants étaient :

- des traitements chirurgicaux utilisant différents types de broches métalliques après la remise en place de l'os ;

- une réduction à foyer ouvert ou une réduction à foyer fermé ;

- les traitements chirurgicaux ou non chirurgicaux ; et

- différents traitements non chirurgicaux.

Nous avons comparé et résumé leurs résultats, et évalué le niveau de confiance des données probantes, sur la base de facteurs tels que les méthodes et la taille des études.

Qu’avons-nous trouvé ?

Nous avons trouvé 52 études portant sur 3594 enfants. Les enfants étaient âgés de 5 à 8 ans et la plupart étaient des garçons. Les études ont été menées dans des pays du monde entier ; 33 études ont été menées dans des pays d'Asie du Sud-Est. Très peu d'études ont indiqué comment elles ont été financées.

Principaux résultats

- Les broches insérées uniquement depuis l'extérieur du coude pourraient réduire le risque de lésion nerveuse par rapport aux broches croisées (insérées depuis l'extérieur et également depuis l'intérieur du coude). Cependant, il n'y a probablement que peu ou pas de différence entre ces traitements concernant le nombre d'enfants qui développent une infection à l'endroit où les broches métalliques ont été insérées (infections du site des broches). Nous ne savons pas si l'un ou l'autre de ces traitements affecte la fonction du coude, le risque de devoir subir une autre intervention chirurgicale ou toute déformation du coude à long terme (lorsque le coude n'a plus la forme normale).

- La méthode initiale utilisée pour remettre l'os en place aurait peu ou pas d’effet sur le risque de lésion nerveuse. Cependant, les enfants auraient moins d'infections du site de la broche lorsqu’une réduction à foyer fermé est réalisée.

- Il pourrait y avoir peu ou pas de différence entre l'utilisation de broches métalliques pour fixer l'os et le maintien de l'os en place avec un plâtre, concernant la nécessité d'une intervention chirurgicale supplémentaire, les lésions nerveuses, les infections du site des broches ou la déformation du coude. Mais nous ne sommes pas sûrs de ces résultats.

- Nous ne savons pas si un plâtre a un effet sur le risque de lésion nerveuse ou d'infection du site de la broche, par rapport à une écharpe.

Quelles sont les limites des données probantes ?

La plupart des études n'étaient pas bien conçues ou n'indiquaient pas clairement comment elles étaient menées. Cela signifie que nous n'avions que peu ou pas de confiance dans leurs conclusions. Notre confiance a également été réduite car les études ne comportaient pas suffisamment d'enfants pour que nous puissions être certains de leurs résultats. Il est également possible que les études que nous avons trouvées exagèrent les résultats et que certaines études présentant d'autres résultats demeurent manquantes.

Ces données probantes sont-elles à jour ?

Les données probantes sont à jour jusqu'en mars 2021.

Conclusions des auteurs: 

Nous avons trouvé des données probantes insuffisantes concernant de nombreux traitements des fractures supracondyliennes. La comparaison entre les broches latérales rétrogrades et les broches croisées comme traitement des fractures supracondyliennes déplacées représentent le corpus majeur des données probantes de cette revue. Nos résultats indiquent que le risque de lésion nerveuse serait plus faible avec les broches latérales rétrogrades. Pour les essais dans le futur, nous encourageons l'adoption d'un ensemble de critères de jugement fondamentaux comprenant les mesures rapportées par les patients. L'évaluation de l'efficacité de la traction par rapport à la fixation chirurgicale apporterait un complément précieux à ce domaine clinique.

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Contexte: 

Les fractures supracondyliennes du coude sont fréquentes et les stratégies thérapeutiques reposent sur le déplacement de la fracture. Cependant, il existe toujours une controverse concernant les meilleurs traitements pour ce type de blessure.

Objectifs: 

Évaluer les effets (bénéfices et risques) des interventions pour traiter les fractures supracondyliennes du coude chez les enfants.

Stratégie de recherche documentaire: 

Nous avons effectué des recherches dans CENTRAL, MEDLINE et Embase en mars 2021. Nous avons également recherché les registres d'essais et les références bibliographiques. Aucune restriction de langue ou de publication n'a été appliquée.

Critères de sélection: 

Nous avons inclus des essais contrôlés randomisés et quasi randomisés comparant différentes interventions pour le traitement des fractures supracondyliennes du coude chez l’enfant. Nous avons inclus les études portant sur les interventions chirurgicales (différentes techniques de fixation et de réduction), le traitement chirurgical et non chirurgical, les types de traction, les méthodes d'intervention non chirurgicales, ainsi que le moment et le lieu du traitement.

Recueil et analyse des données: 

Nous avons suivi la méthodologie standard définie par Cochrane. Les données ont été recueillies évaluées selon la méthodologie GRADE pour cinq critères de jugement : les critères de jugement fonctionnels, l’échec du traitement (nécessitant une ré-intervention), les lésions nerveuses, les complications majeures (infections du site des broches dans la plupart des études) et les déformations esthétiques (cubitus varus).

Résultats principaux: 

Nous avons inclus 52 essais portant sur 3594 enfants ayant des fractures supracondyliennes du coude ; la plupart étaient des fractures Gartland 2 et 3. L'âge moyen des enfants variait de 4,9 à 8,4 ans et la majorité étaient des garçons. La plupart des études (33) étaient menées dans des pays d'Asie du Sud-Est.

Nous avons identifié 12 comparaisons d'interventions différentes : l’embrochage latéral rétrograde par rapport à l’embrochage retrograde en croix ; l’embrochage en croix selon Dorgan par rapport à l’embrochage retrograde en croix ; l’embrochage latéral rétrograde par rapport à l’embrochage en croix selon Dorgan ; l’embrochage retrograde en croix par rapports à l’embrochage intra focal postérieur ; l’embrochage latéral rétrograde en direction parallèle par rapport à une direction divergente ; l’embrochage retrograde en croix utilisant une technique mini-ouverte par rapport à une insertion par voie percutanée ; les broches enfouies par rapport aux broches exposées ; la fixation externe par rapport à la fixation interne ; la réduction à foyer fermé par rapport à la réduction à foyer ouvert ; la fixation chirurgicale par rapport à l’immobilisation non chirurgicale ; la traction squelettique par rapport à la traction cutanée ; l’écharpe de bras par rapport à l’attelle postérieure.

Nous rapportons ici les résultats de quatre comparaisons qui représentent l'ensemble des données probantes des comparaisons les plus pertinentes sur le plan clinique.

Toutes les études sur ces quatre comparaisons présentaient des risques de biais pas clairs dans au moins un domaine. Nous avons abaissé le niveau de confiance de tous les critères de jugement en raison d’importants risques de biais et d'imprécision lorsque les données probantes provenaient de petits échantillons ou présentaient un intervalle de confiance (IC) large qui comportaient les bénéfices et les risques pour les deux traitements, et lorsque nous avons détecté la possibilité d'un biais de publication.

L’embrochage latéral rétrograde ou l’embrochage retrograde en croix (29 études, 2068 enfants)

Il y avait moins lésions nerveuses avec l’embrochage latéral rétrograde (données probantes d’un niveau de confiance faible, RR 0,65, IC à 95 % entre 0,46 et 0,90 ; 28 études, 1653 enfants). Dans une analyse de sous-groupe post hoc, la différence du nombre d'enfants présentant des lésions nerveuses était plus importante dans la comparaison entre l’embrochage latéral rétrograde et les broches en croix insérées par une technique de brochage percutané par voie médiale (RR 0,41, IC à 95 % entre 0,20 et 0,81, en faveur l’embrochage latéral ; 10 études, 552 enfants), mais peu de différence lorsqu'une technique ouverte était utilisée (RR 0,91, IC à 95 % entre 0,59 et 1,40, en faveur l’embrochage latéral rétrograde ; 11 études, 656 enfants). Bien que nous ayons constaté une différence statistiquement significative entre ces sous-groupes à partir du test d'interaction (valeur P = 0,05), nous n'avons pas pu exclure la possibilité que d'autres facteurs puissent expliquer cette différence.

Il y avait peu ou pas de différence entre les interventions concernant les complications majeures décrites comme des infections du site des broches dans toutes les études (RR 1,08, IC à 95 % entre 0,65 et 1,79 ; 19 études, 1126 enfants ; données probantes d’un niveau de confiance faible). Pour l'état fonctionnel (1 étude, 35 enfants), l'échec du traitement nécessitant une ré-intervention (1 étude, 60 enfants) et la déformation esthétique (2 études, 95 enfants), il y avait des données probantes d’un niveau de confiance très faible montrant l'absence d'une différence entre les interventions.

Réduction à foyer ouvert par rapport à la réduction à foyer fermé (4 études, 295 enfants)

Le type de réduction aurait peu ou pas d’impact sur les lésions nerveuses (RR 0,30, IC à 95 % entre 0,09 et 1,01, en faveur de la réduction à foyer ouvert ; 3 études, 163 enfants). Cependant, il aurait moins de complications majeures (infections du site des broches) avec une réduction à foyer fermé (RR 4,15, IC à 95 % entre 1,07 et 16,20 ; 4 études, 253 enfants). Le niveau de confiance des données probantes pour ces critères de jugement est faible. Les études n’ont pas rapporté les critères de jugement fonctionnels, d'échec du traitement nécessitant une réintervention ou de déformation esthétique. Les quatre études de cette comparaison ont utilisé la visualisation directe pendant la chirurgie. Une étude supplémentaire a réalisé une réduction selon la technique du « joystick », et nous n'avons pas combiné les données de cette étude dans les analyses.

Fixation chirurgicale à l'aide de broches par rapport à l’immobilisation non chirurgicale par plâtre (3 études, 140 enfants)

Des données probantes d’un niveau de confiance très faible ont montré peu ou pas de différence entre les interventions pour l'échec du traitement nécessitant une réintervention (1 étude, 60 enfants), les lésions nerveuses (3 études, 140 enfants), les complications majeures (3 études, 126 enfants) et les déformations esthétiques (2 études, 80 enfants). Aucune étude ne rapportait de mesures des critères de jugement fonctionnels.

L’attelle postérieure contre l’écharpe (1 étude, 50 enfants)

Aucune lésion nerveuse ou complication majeure n'a été constatée chez les enfants des deux groupes ; ces données probantes sont d’un niveau de confiance très faible. Les critères de jugement fonctionnels, l'échec du traitement et les déformations esthétiques n'ont pas été rapportés.

Notes de traduction: 

Post-édition effectuée par Astrid Zessler et Cochrane France. Une erreur de traduction ou dans le texte d'origine ? Merci d'adresser vos commentaires à : traduction@cochrane.fr

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Les traductions sur ce site ont été rendues possibles grâce à la contribution financière du Ministère français des affaires sociales et de la santé et des instituts publics de recherche canadiens.